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Récit

 

 

Mer.7/12 & Jeu.8/12 | J1 :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Ven.9/12 | J2 : « Cher permis » - Seconde journée – pluvieuse et c'est suffisamment rare pour le signaler - ici à Mendoza dédiée à retirer les permis. Cela peut prendre la journée entière. Par chance, cela se goupillera bien pour nous. Nous achetons également 16 bouteilles de gaz pour tout le mois. Le soir, Yannou nous mijote un bon festin avec notamment 200g de dinde chacun. La chaussure neuve de Steven qui merdait est ingénieusement réparée par Colin. On prend les dernières news sur trajet du lendemain direction parc Aconcagua par Vacas.

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Sam.10/12 | J3 : « La mule dans le peau ». Le minibus vient nous récupéré à 6h20 pétantes chez Ilan. 3h de route jusqu'à l'entrée du parc. A gauche de la route, un monument en forme de téton retient notre attention. Autour se trouve un lieu de réflexion et de bien-être. « Tétonnant ».
Nous laissons 60kg à la mule. Nous n'avons plus que 25-30 kg sur le dos. Ça pique mais une météo de rêve vient compenser cette surcharge au niveau du dos et du bassin. Il faut tâtonner avant de trouver les bons réglages avec les différentes sangles et attaches du sac. Il fait chaud mais c'est supportable. Nous effectuons un départ en douceur à la vitesse de 3km/h env. A midi, nous prenons un coup d'Ovomaltine (« c'est de la dynamite ! ») sensé nous redynamiser pour l'après-midi. Au moment de la digestion, nous nous faisons rattraper par les mules. Un beau spectacle s'offre alors à nous (lien vers vidéo Aconcagua). Il y a un petit côté farwest dans l'air. Ne manque que l'odeur de la poudre. C'est celle d'escampette que nous prenons ensuite pour rejoindre le camp de Pampa de Legna à 16h20. Montage de la tente en entrée puis petite belote en trou normand avant de dîner vraiment (soupe, semoule et sauce tomate = repas « gastro-entérique » de la 1ère semaine). Couchette vers 20h30.

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Dim.11/12 | J4 : « La maison de pierre » - rebelote (pas aux cartes!) jusqu'au camp Casa di Piedra avec une pause déj sous le cagnard sud-américain (en cet fin de printemps ou les températures restent supportables). On voit des mirages. De nouveau ce petit côté farwest, surtout quand on est les 4 à marcher comme des cowboys ou plutôt des gauchos. Première vue sur le 'patron', le 'colosse des Amériques', la 'citadelle de pierre'. Ça nous donne un avant goût (salé) de l'entreprise qui nous attend pour les prochains jours. Premiers maux de tête. A partir de maintenant, il ne faut pas se lever trop tôt, pas faire de gestes trop brusques.. sans quoi on est vite rappeler à l'ordre. Le soir au camp, montage des tentes, douche à l'eau de source, lessive, cena, vaisselle, photos et couchette.

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Lun.12/12 | J5: « Objectif campo base » - Réveil matinal, traversée de la rivière à dos de mule puis 1000m de D+ de montée dans un canyon pour rejoindre le camp de base à 4200m d'alt env. Les effets de l'altitude se font ressentir. Le rythme est très lent, surtout dans les portions raides. Nous improvisons une sieste au milieu d'un petit pierrier à la terre ocre. La fin de l'étape est difficile, le montage de la tente pas commode. On est cuit. Bien content de pouvoir de regagner nos pénates et de se poser. Steven teste avec succès le tel sat' en appelant sa copine sous la pluie et la pollution parisiennes. Les 3 prochains jours seront consacrés à l'acclim' et à la préparation des sacs : nourriture, matos d'alpi... Nous devons faire la meilleure répartition possible, entre les différents membres de la troupe, et c'est un peu le cirque ! Colin, après avoir porté un peu plus lourd que nous en début de trek, montre des signes de fatigues quelque peu inquiétants. A surveiller. Allez, une petite tisane et « nonette » !

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Mar.13/12 | J6: « The shower must go on » - Nuit pas terrible pour toute la team, sauf Yann qui n'a pas eu froid. On commence à s'organiser pour le premier portage, en essayant d'envisager les différents scénarios possibles. Les estomacs se creusant de + en + rapidement, on décide de passer à 4 repas / jour afin d'emmagasiner le max d'énergie avant d'entamer l'ascension depuis le camp de base. Après-midi repos : mini sieste, jeux de cartes, Trivial Poursuite.. Le soir nous ne remettons à nu - THE SHOWer MUST GO ON - devant un groupe de badauds ricains, par souci d'hygiène, nous disant que c'est sûrement la dernière douche avant un bon moment. Dans ce contexte, on coûte pas trop cher en eau. Notre empreinte sur la planète est faible et c'est plaisant de se dire ça. Le soir, Yann et Colin profitent de la pleine lune et bravent froid et sommeil pour faire du light painting dans un décor de rêve.

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Mer.14/12 | J7 : « Le réveil de la farce » - Réveil relativement matinal pour Steven et moi, un peu moins pour les 2 autres artistes. La nuit fut tout cas bien meilleure pour chacun d'entre nous, moins froide avec toujours aussi peu de vent. Pour le moment, nous sommes vernis par la météo. Nous continuons à préparer petit à petit notre premier portage, à faire un point météo afin d'établir derrière notre plan d'ascension a + ou - 1 jour. Pour le moment, malgré un petit épisode de précipitations pluie/neige prévu pour demain et vendredi, les jours suivants sont annoncés ensoleillés mais venteux. À suivre.. Déjà 2,5 jours que nous sommes dans ce 'camping d'altitude' perchés a 4200m. C'est pas camping paradis, ni le camping des Flots Bleus. Toutefois, nous disposons de toutes les commodités à Plaza Argentina. Le confort, dans notre sous-marin jaune - une tente mess gratuitement mis à notre disposition par Aconcagua Mountain Guides / Allibert - y est plus que confortable ! Les conditions sont optimales pour faire le vide et le plein à la fois, se reposer, se concentrer et transposer déjà nos esprits et nos corps plus hauts, vers les sentes menant à la citadelle de pierre. Dans une chambre froide la nuit, dans notre sous-marin le jour, nous sommes comme contraints de rester en quarantaine, tel des cosmonautes, ou des militaires pacifistes, armés de crampons et piolets, dans l'attente de l'ordre de l'assaut magnifique, car il sera magnifique quoi qu'il arrive ! Nous sommes un peu coincés ici, tels des oiseaux en cage épris de liberté mais aussi d'amour pour l'Aconcagua. On attendra le temps qu'il faudra, qu'elle nous ouvre ses bras de roche et de glace, qu'elle nous invite à lui rendre visite, si elle nous estime prêts, aptes. Nous attendons tous les 4 de connaître le verdict, le sort qui nous est réservé. Notre ´tour leader' – Steven Giordano - ainsi que nous autres jeunes Padawans - pensons avoir mis tous les ingrédients pour que le gâteau soit réussi mais on sait que ça ne suffira pas, que ce sera pas de la tarte, qu'on risque de s'en prendre régulièrement dans la face (des tartes).. En déambulant dans le camp de base, on se pose des questions fondamentales sur le sens de cette histoire. En voyant des gens "épaves" minés par le mal des montagnes, la fatigue, le désarroi parfois. On se dit forcément à un moment mais : "bon sang d'bonsoir, qu'est ce que je fous là!". Je pourrais/devrais être en train de travailler dans ma branche (quelle est-elle d'ailleurs ??), d'essayer de fonder une foyer chaleureux, de tenir un potager, de créer et d'entretenir un parterre de fleurs sur la terrasse d'une petite maison pour laquelle j'aurais contracté un crédit sur 25 ans.. Il s'agit pour moi et je pense pour pas mal de mes comparses de l'équipée 'Aconcagua 2016´ d'une belle retraite, une formidable occasion de faire le point, prendre du recul/de la hauteur sur ce qui nous arrive et ce que l'on aspire pour le futur. Avec Bike Andes Peaks, c'est pour moi clairement la dernière étape d'un (long) processus visant à passer définitivement à l'âge adulte (c'est ma mère qui sera contente et rassurée!). Car ce genre de vécu, si l'on met de côté les moments décontract', est terriblement formateur tant nous ne pouvons laisser trop de place au hasard, faire preuve de rigueur, d'altruisme, être attentif sur l'état de santé des copains.. Après cette tentative d'ascension et ces 5 mois et demi de pèlerinage à pied et à vélo à travers les Andes, à force de rencontres, de partage, de réflexions et de méditations, on devrait avoir une meilleure compréhension de ce qui nous entoure, une vision plus fine des choses. Apaisés, ainsi nous devrions être en mesure de trouver notre Dieu, une divinité intérieure unificatrice, ainsi que notre vraie place au côté de dame Nature, de la Pachamama comme ils l'appellent ici. Partis pour rester encore 2 jours au CB Argentina pour peaufiner notre acclim' (nonobstant le coup de moins bien de Colin d'aujourd'hui), nous sommes sur le point de connaître une expérience totalement nouvelle. Hormis Steven qui a une petite idée de ce qui se passe là-haut, une fois passée la barre des 5000m d'alt, nous sommes tous des bizuts apeurés et tout à la fois excités comme des lentes dans les cheveux des frères Bogdanov à l'idée de franchir cette ligne. Après-demain, nous partons à la découverte d'un nouveau monde, puis dimanche encore une nouvelle galaxie.. Une galaxie pas tellement hospitalière tant le vent et le froid vont nous rappeler que nous ne sommes que des terriens habitués à un quotidien confortable, sécurisé, sclérosé. Toutefois, nous sommes persuadés qu'en restant soudés et tous les 4 en bonne forme, nous avons la force suffisante pour aller gratter les cheveux de ce cerro. Tant que l'on continue à se faire des bonnes farces... Carpe andiem.

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Jeu. 15/12 | J8 : « Le coup de bambou » - Ce matin, c'est pas la fête du caleçon X-Bionic. On comprend vite que Colin n'a pas la frite. Son état s'est même détérioré durant la nuit. Il sera diagnostiqué un peu plus tard (par le service médical du parc) qu'il a un MAM de niveau avancé. Et la sentence est irrévocable: il doit redescendre dans la vallée, afin d'éviter tout risque d’œdème. Le voir se faire évacuer en hélico est une image pénible qui va rester longtemps gravée. Pour Colin c'est évidemment une grosse claque. Mais la santé prime et on ne plaisante pas avec elle dans de tels milieux. Sur qu'il s'en remettra vite, qu'il en tirera beaucoup d'enseignements. C'est un crève-cœur sur le coup, une immense déception mais on a prévu de fêter Noël ensemble en s'offrant l'ascension d'un autre 6000, du moins d'un autre sommet proche de Mendoza. Pour Yann, Steven et moi (purée, on n'a vraiment pas des prénoms de français en fait^^), c'est une grosse tuile mais les fondations restent solides. Y a plus qu'à refaire un peu la 'toiture', en l'occurrence les sacs pour le départ demain vers le camp 1 à 5000m, et on est bon. Bon, en même temps cela semble tellement fragile, aléatoire. C'est un peu la roulette russe cette affaire. Ça tombe bien on est joueur ! Maintenant, y a plus qu'à bien se reposer et espérer qu'aucun de nous 3 ne fasse à son tour un MAM dans les prochaines heures. Buvons, buvons les amis et sans modération ! C'est bien le seul endroit où on peu dire ça. Ah oui, car on ne vous a pas dit encore mais en période d'acclimatation comme cela, il est conseillé de boire plus de 3l d'eau / jour sans compter les liquides absorbés durant les repas ! Donc autant vous dire qu'on passe pas mal de temps a "trôner".. ou plutôt à essayer de viser dans le trou. Bref, on vous passera ces détails triviaux. En résumé, le trajet de la tente mess aux toilettes, on commence à bien le connaître !! Ah et si ! Encore une chose : nous n'avons toujours pas tombé une seule bouteille de gaz ! Alors que nous en avions prévu 12.. Le réchaud Reaktor est vraiment surpuissant. Il concurrencerait presque le thermomix ! Ok, faut pas déconner non plus. Une journée riche en émotions. A l'heure de tomber dans les bras de Morpheus, nous avons une grosse pensée pour Colin.

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Ven. 16/12 | J9 : « Des maux doux » - Pendant que Steven fait le 'bain' à bébé Yann, j'en profite pour résumer la journée. Nous partons à 8h59 pour faire notre premier deposito au campo 1 à 5000m. Pour Yann et moi c'est la 1ère fois que nous passons au dessus de 4810m. Et ça fait un petit quelque chose faut dire. On monte un poil vite selon les dires de Bruno, le chef cuisto d'AMG. Une fois arrivés au campo 1 superiore, un peu shootés par l'altitude, pas hyper incisifs donc, nous installons notre tente puis y mettons à l'intérieur les autres affaires que nous avons montées. Après s'être sustentés rapido et avoir bu un peu d'eau chaude, nous entamons la redescente vers le CB délestés de tout le poids charriés à la montée. Pouvoir admirer de telles paysages en marchant, zigzaguer entre des penitentes mesurant parfois plus de 2m, imaginer en les admirant différentes formes plus ou moins fantasmagoriques.. C'est aussi ça l'Aconcagua. Et à partir de là, quel plaisir d'avoir des petits maux de tête. Quelle chance nous avons ! A priori, quels autres plaisirs à venir ! A quelques encablures du CB, je fais maladroitement tomber dans la pente notre dernière pomme, alors que nous sommes quasi en hypo'. Heureusement, celle-ci finit sa course quelques mètres plus bas au pied d'un penitente à la forme assez évocatrice. Du coup, il vient à Yann l'idée lumineuse de rajouter un 's' après le 'i' ... Ok, idée scabreuse. Les effets de la haute montagne se font déjà ressentir. Blague à part, 20 min plus tard, nous sommes de retour dans notre insubmersible jaune (= tente mess) pour se restaurer (prot' en poudre + soupe de pâtes) et se refaire une beauté. Enfin, tout est relatif. Nous passons une bonne partie de la soirée à nous picher la gueule.. d'eau, à lire (la Bible entre autres, à chercher la météo - encore et toujours - et à jouer aux dés. Attention, on n'a pas dit qu'on tirait les dés dans l'espoir d'y voir un quelconque signe en rapport avec notre future tentative d'ascension de l'Aconcagua ! C'est, une fois de plus, pour faire passer le temps, se changer les idées et parce que ça tabasse ici, donc faut pas faire des trucs trop violents vous comprenez. Le Trivial Poursuite deviendrait presque trop exigeant. Ça va qu'on connaît les réponses par cœur à présent ! Ce soir c'est le tour du fameux 'on va pas se faire vieux'. Perso, ch'ui 'blet'. Les fortes chaleurs du jour (isotherme O°C à 4300m d'alt.) ont eu raison de notre gargantuesque plâtrée d'avoine du matin. Dimanche, faudra avoiner pourtant. En attendant, c'est dîner copieux, pisse-mémé et 'couché-paniette'. Ce soir, pour plusieurs raisons, Steven a un coup de moins bien tant moral que physique. Cela dit, pour le/se rassurer, chacun à notre tour, nous nous livrons, philosophons avec passion sur la finalité de ce truc, l'histoire de nos vies.. Les langues se délient. Ces instants sont toujours aussi délicieux. 5,5 mois, c'est sur que c'est une (belle) tranche de vie, surtout quand on est amoureux. Pas simple à appréhender tous les jours. De fait, dur de combattre cet état de manque. Loin des yeux mais pas loin du cœur. Ces dames se reconnaîtront. Finalement, nous nous retrouvons dans nos duvets, sous le toit du yellow submarine, au milieu des flows andins, la tête à l'endroit, rassérénés, qui plus est le regard plongé dans les étoiles éclairées par la presque pleine lune. Bientôt, on remettra le couvert avec toujours autant d'entrain/de cœur à l'ouvrage. Pour elles, pour les enfants qui nous suivent, nos sponsors et pour nous. Carpe andiem.

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Sam. 17/12 | J10 : « Dans les starts » - Journée pépouze au CB, consacré à refaire le stock d'oxygène, de nutriments et d'énergie en général. On boit toujours autant comme des trous. On doit faire du 6l au sang à présent. Nous refaisons aussi un petit check météo. Steven appelle une dernière fois sa coupine avant Noël. Avec Yannou, nous nous contentons de manger une pomme. Et bien, sachez les amis que la même pomme n'aura pas le même goût à 4200m d'alt. que 3000m plus bas ? Car il ne faut pas se mentir : la nourriture déshydratée, au bout d'un moment elle nous court sur le haricot ! D'autant plus si on regarde les emballages que nous jetons. Mais, une fois n'est pas couture, en aucun cas nous n'oserions nous plaindre de notre situation. On peut manger en quantité, un minimum varié. Jusque-là, nous sommes en bonne santé. Nous avons passé avec succès notre visite médical en fin de matinée. Les signaux sont donc au vert au moins à ce niveau-la. Maintenant, y a plus qu'à .. y croire dur comme fer, prendre les bonnes décisions, rester lucide, solidaire et se raccrocher à notre bonne étoile !  Pouff, être oisif comme cela, c'est pas notre tasse de thé à tous les 3. Et pis, nous sommes issus d'une génération d'impatients. Mais ça nous fait les pieds. Ça nous oblige à prendre davantage en considération d'autres choses, ce qui nous apparaît comme étant d'habitude des menus détails, pas si futiles. Du coup, on se met de la crème sur les piotes, on écoute à fond ce que nous disent les potes.. On voit le temps s'écouler, le jour se lever en même temps que le vent qui fait claquer les alvéoles de notre sous-marin et les parois en tôle des WC, puis le soleil à son zénith et enfin le crépuscule prendre le relais. Et cela c'est juste jouissif ! A partir de demain ce sera la baston. On entre pour de bon dans le bastion avancé de l'Aconcagua. Les éléments risquent d'être nettement moins cléments. Nous sommes prêts. Advienne que pourra (/Noura). L'aventure c'est sur. A l'heure où nous écrivons, notre futur proche est tellement flou. Vogue la galère. Des galères c'est sur, des moments d'une rare intensité aussi, entre potes, entre frères de larme. Nous sommes comme une équipe de foot ou de rugby - certes un peu décimée mais galvanisée par le discours du coach ! - à la sortie des vestiaires, dans le tunnel menant au stade, à quelques minutes du chant des hymnes et dans l'attente du coup de sifflet donnant le coup d'envoi. Carpe andiem.

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Dim. 18/12 | J11 : « Mon cher voisin » - RAS today hormis un petit incident diplomatique dû à l'effet combiné de l'altitude et des plats plats lyoph' qui nous restent sur l'estomac ou plutôt, de manière tout à fait honnête, engendrent de nauséabondes flatulences. Pas conseillé lorsque vous vous trouvez dans un espace si confiné, de 4m2 environ, occupés par 3 mecs pas les plus propres de l'univers. Enfin, ça ce sont les joies de la colloc' « en outdoor ». Mais une fois la hâche de guerre enterrée (et la paix signée), tout est rentré dans l'ordre et nous nous sommes remis à nous bidonner entre copains comme cochons. Aussi, afin de pallier à toute faute de jeu de mots, nous avons décidé d'instaurer un système de cartons jaunes et rouges. Cela ne nous a pas empêché d'avoir d'en très mauvais mais limite au moins la récurrence de ces derniers. Encore une fois, l'altitude jouant beaucoup sur la qualité de nos boutades ! A contrario, avec elle, nous devenons meilleur public et c'est primordial que nous restons de bonne humeur, soudés encore plus dans une tempête .. de (mauvaises) blagues géantes ! Déjà que nus avons une tempête de ciel bleu prévu pour toute la semaine. Ne reste qu'à espérer que le vent ne soit pas trop fort et, si possible, dans notre dos.

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Mer. 19/12 | J12 : « Yatsé cocus ! » - Portage à 5500m (camp 2/3) sans encombre. On monte un poil vite (de mon fait) mais au final effectuons une bonne rando et peaufinons ainsi notre acclim'. En effet, nous redescendons dormir au camp 1 situé 500m plus bas. C'est là que nous faisons connaissance du groupe Odyssée Montagne encadré par un guide de Cham' et composé de 5 clients français, plutôt sympas et avenants au demeurant, malgré leur profil un peu bourrin. Nous en profitons pour échanger avec eux sur le « plan de bataille » à adopter pour dompter la bête. La promiscuité de ces camps entraine instantanément une entente et une certaine complicité entre gens de la montagne, pas franchement frileux, souvent dans le don (de soi, infos, PQ...). L'aventure, la vie ne valent la peine d'être vécues que si elles sont partagées (A. McCandless dans Into The Wild). Ces instants passés à ne se préoccuper que du devenir de la cordée, au confort de l'autre avant le sien... Tout cela est merveilleux et ne peut être lassant. Le copain a beau remporté parties sur parties au yam, en améliorant à chaque fois son score, on l'aime bien, on est content pour lui. En aucun cas, on est dans l'animosité et la mesquinerie gratuites. Sur ces belles paroles, nous éteignons la lampe (gonflable / solaire) Luci et laissons venir à nous les bras de Morphée. Dans quelques jours, c'est plutôt « Morflée » qui va nous accueillir. Dur dur de s'endormir quand l'excitation est aussi prégnante. De surcroît, les 85km/h de vent qui font tanguer la tente extérieure – heureusement, nous avons bien larguer les amarres ! - au milieu de cet océan de pierres et de glace, ne nous permettent pas de nous reposer aisément et sereinement. La nuit s'annonce courte. Elle le sera.

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Mar. 20/12 | J13 : « Feed me I'm fam..élique » - Nuit quelque peu agitée car muy venteuse et en partie à cause d'un morceau de cascade coincée dans une cheminée juste au dessus de nous et qui s'est effondré dans un fracas impressionnant. Montée au camp 2/3 où nous avons déposer victuailles + quelques vêtements le veille. Nous faisons en sorte, comme à l'accoutumée, de répartir équitablement les poids. Notre chef cuisto , Yannou, se charge de préparer la potion miracle, en l'occurrence une boisson d'effort. A la fin de notre balade du jour, celui-ci nous mijote également des prot' liquides goût chocolat afin de compenser les manques côté carné notamment. Notre coach national nous incite également à nous étirer régulièrement, un vrai plus par rapport à la grande majorité des marcheurs ici. Notre expé suit son cours. Nous faisons notre traditionnelle pause à mi-parcours au niveau d'un replat d'où l'on peut apercevoir l'antécime de l'Aconcagua. C'est toujours bon de garder son objectif en ligne de mire. Bon, là il est dans les nuages et ne paraît pas hyper accueillant. On a quand même 2 ennuis au cours de cette ascension, non 3 : le vent, le manque d'eau et... je ne me souviens plus.Ah si ! … L'humidité. Oui, l'humidité qui s'empare de nos affaires, dans notre tente et de la bouffe. Ah ba oui, même avec un morfale en moins, le sujet revient toujours autant sur la table, si ce n'est plus maintenant que nous sommes dans la tente et l'attente du meilleur créneau. C'est pas : « qu'est ce qu'on fait, où est ce qu'on va ? » C'est : « qu'est ce qu'on mange ? Bon, il est 17h50 les gars. Dans ¾ d'heure, on commence à réfléchir au menu ! » A part ça, on admire le paysage et tentons de chasser au mieux ce qui se passe à l'aide de notre GoPro. Arrivée sur les coups de 14h au camp « Guanacos » à 5400m. On installe la maison, montons un mur pour nous abriter du vent et ingurgitons (avant de régurgiter!) un lyoph' chacun. Extinction des feux vers 21h15 après encore quelques parties de Yatsé endiablées, toujours dominées par le maître croate en la matière. Contrairement aux plats déshydrates, nous n'avons pas encore fait d'overdose mais ça ne serait tarder. Le vent forcit au alors que nous sommes sur le point de fermer l’œil. Nous entendons aussi nettement plus le souffle d’Éole maintenant que nous sommes posés. S'endormir ne va pas être de tout repos... Les victimes d'insomnie et de rêves sans queue ni tête sont nombreuses en haute altitude.

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Mer. 21/12 | J14 : « La peste ou le Colera » - Cette nuit, malgré les très nombreuses bourrasques – il était annoncé dans les 90km/h de vent – nous nous réveillons plutôt reposés, prêts à en découdre avec le défi du jour, à savoir accéder à ce qui représente pour nous les camp 3 au doux de nom de « Colera ». C'est pas la peste mais ça s'annonce coton. Ce sera encore une 1ère pour Yann et moi qui n'étions jamais monté à près de 6000m d'alt. Au delà de ces considérations « algébriques » et qui importe peu finalement, nous passons tous les 3 une agréable journée marquée par une belle traversée dans un pierrier enneigé. Seul Steven connaît une petite fringale tout à fait logique étant donné le timing et le froid qui nous aura fait puiser dans notre stock (limité) d'énergie. Une heure plus tard, nous sommes de retour au camp 2/3 de Guanacos. Avec ce portage en vue du sommet – que nous espérons le 23 – nous poursuivons le processus d'acclimatation. Nous apprenons alors de la voix de 2 alpinistes – 1 américain et 1 espagnol – que la météo pour le 23/12 n'est pas bonne (70 – 80 km/h de vent & - 40°C en ressenti avec le windchill) et, sauf retournement de situation improbable, nous ne pourrons tenter l'ascension finale avant le 26, voie le 27... Après un nouveau conciliabule « tent'aculaire », nous prenons la sage décision de repousser à après Noël la fin de cette expé. Patience et concession donc avant de pouvoir espérer tutoyer le sommet. Nous attendons tout de même le lendemain afin d'obtenir un nouveau point de la part de Noura notre miss météo, et grâce à nos très chers voisins mexicains. La soirée puis la nuit seront à coup sûr dominées par des pensées éparses, éparpillées. Dur d'être et de rester ainsi dans l'expectative, de ne pas être fixés sur le dénouement de cette épreuve où à la fois il ne s'agit que de sport, d'un loisir, d'un passe-temps (presque) comme un autre et où, dans le même temps, nous pouvons être amenés à mettre nos vies en danger. Tout ça pour dire à notre entourage et à notre ego « je l'ai fait », non « on l'a fait !». Bien sûr y a un peu de ça. On a beau s'imaginer modeste, humble et avant tout des personnes altruistes, on ne peut renier la face « Dark Vador » de notre être. Pourtant, elle ne doit pas pendre le dessus au cours des 5/6 prochains jours. Tout à la fois apprivoiser et dominer sa force. Malgré la fatigue, la lassitude latente, nous nous devons de rester mesurer dans nos propos. Ne pas trop critiquer les collègues. Pas toujours aptes à rester dans le discernement requis, pour les raisons évoquées précédemment, il faut pourtant sans arrêt faire montre d'attention et de volonté d'être attentionné afin d’entraîner l'équipe vers le haut, vers la réalisation de la « mission » qu'elle s'est fixée quelques mois auparavant, un peu comme ça mais surtout pour laver certains vieux (et affreux) affronts. Nous sommes tous les produits d'une histoire, de nos histoires personnelles, entre phénomènes génétiques, casseroles familiales et éventuelles cicatrices sociales. C'est pas tellement pas hasard si nous en sommes là aujourd'hui. Ces éléments nous ont durablement (dé)construits. C'est aussi pour se prouver que nous pouvons faire quelque chose d'autre, être quelqu'un. C'est aussi pour se prouver que nous pouvons le faire, ensemble, uniquement ensemble.

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Jeu. 22/12 | J15 : « Réveillons endormis » - 3 jours à rester cloîtrés, coincés comms des rats, alors que l'on pourrait faire tant d'autres choses à la place, bien plus utiles pour la société comme... préparer une bonne ratatouille ! Passer 3 nuits supplémentaires à écouler le temps, à écouter le vent nous chanter sa berceuse incessante et ses airs lancinants. Autant dire que ça va ressasser. A l'instar des ressacs dont les clapots viennent inlassablement s'écraser sur les barres rocheuses de la côte argentino-chilienne, le claquement voire le hurlement du vent poursuivra éternellement son travail de sape, et représente l'éternelle hantise du montagnard... avec le ronflement ! Il faut se ressaisir. On risque de se faire des nœuds au cerveau, d'avoir encore quelques mots de tête durant les 72 prochaines heures. Ca va faire. Ces 3 jours de repos forcé ne seront pas de trop, surtout pour l'acclimatation. Ici, l'Aconcagua – campo 2/3 de ''. C'était Hans pour BAP. A vous la Francia.

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Ven.23 & sam.24/12 | J16 & J17: « Le voyage c'est le train, pas la gare - Veille de Noël. Pendant que beaucoup de familles commencent à s'activer en vue du repas du Réveillon et/ou du 25, nous vivons une grosse déception. On savait qu'en tentant la cumbre ce jour, nous prenions un risque. Le vent annoncé (entre 70 et 85km/h) n'avait rien de rassurant, surtout qu'il venait du nord. Lorsqu'on se réveille un peu avant 5h, on s'aperçoit que les allemands qui campent juste à côté et qui devaient partir tôt pour le sommet, sont restés dans leur tente. « Too windy ». De plus, au réveil, je ne me sens vraiment pas dans mon assiette. Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit et suis nauséeux. Les plats lyoph' ont tendance à nous rendre malades. Ils ne passent plus. Est-ce dû à l'altitude ? Quoi qu'il en soit, je me sens un peu (faible et) coupable. C'est la dure loi de la haute montagne. Un jour tu es au fond de la gamelle. 2 jours après, tu peux péter le feu ! Après 3h de sempiternel débat sur la finalité de cette expé, sur le côté parfois nombriliste et profiteur qui a jalonné toute la prépa, nous revoilà confronté à un dilemme de taille. Doit-on s'entêter dans cette entreprise sachant qu'avec Steven en particulier, nous perdons prodigieusement patience ? Sachant aussi que nous sommes plus que juste en nourriture et devons à présent compter sur la gentillesse – encore une fois – des mexicains rencontrés quelques jours plus tôt au camp 2/3 à Guanaco.

Bon ba voilà, on a mal géré la bouffe. Par souci d'économie et de praticité, on a planifié de ne manger que des lyoph' une fois qu'on serait au dessus du CB mais c'est juste pas humain, surtout par rapport à la marque choisie ! 3 jours matin, midi et soir ça va mais pas plus ! Et puis cette interminable attente. On se croirait chez le toubib ou dans une quelconque administration publique française. Ça rend fou Steven. Il faut dire qu'il avait déjà vécu pareille mésaventure 3 ans plus tôt – avec le dévouement que l'on connaît - et c'était juré de ne plus la revivre. Franchement, qu'est ce qu'on se fait chier durant, dans l'attente d'une très très hypothétique fenêtre météo. En plus, cela signifie qu'on pose un beau lapin à Colin qui a priori nous attend dans un camping à Potrerillos pour les fêtes de Noël et pour tenter un nouveau sommet (El Plata / 5968m). Dans le livre de Paulo Coelho qu'est en train de finir Steven, l'auteur écrit « le voyage c'est le train, pas la gare ». Et il est vrai que ça semble faire trop longtemps que l'on est à quai. On pourrait découvrir tant d'autres coins dans le même temps, moins courus, faire de nouvelle rencontres... C'est un brin frustrant et au final bien plus éreintant que de courir par monts et par vaux, même à plus de 5400m d'alt. On se dit juste au final qu'il faut faire passer la pilule. Mais sur le moment, à l'heure où on vous relate ça, c'est pas simple à gérer. En fait, ça fait un bien fou de parler de cette angoisse et de tous ces questionnements. Carpe andiem.

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Dim 25/12 | J18 : « Vive le vent... » / « Vivement lundi (prochain) ! » - C'est pas souvent qu'on a droit à ça, surtout chez les gaulois. « Un dimanche à Guanaco, c'est le jour de la tempête ! » Et ce n'est pas n'importe quel dimanche qui plus est. Pendant que certains se resservent de la bûche pour la... on ne compte même plus, nous faisons le dos rond, le ventre et le cœur vides, tous les 3 adossés contre la paroi la plus sollicitée par les rafales incessantes aux murmures entêtant. Du fait d'elles qu'on entend arriver de plus en plus loin avec des pointes à 120km, le père Noël n'a pu « attraineaurrir » et nous n'avons trouvé dans nos chaussures d'alpi ni clémentines, ni papillotes Réveillon. Nous pensons aussi que sa tournée au hameau du Père Noël au Mont Sion est devenu bien trop chronophage ! A part ça, on se dit qu'on est 3, entre bons amis, que Colin est seul, que ça doit pas être drôle pour lui. Une grosse pensée pour lui à ce moment-là. A part ça, on n'en peut plus de délirer, d'inventer de nouveaux jeux, plus ou moins élaborés, plus pu moins débiles. Nous sommes tout et tous proches de réaliser un beau truc et en même temps si loin du but, au vu des conditions météo, du manque de nourriture en particulier pour le jour du sommet, de gaz, de PQ... Bref, on n'est pas rendu. Y a pas le feu au lac. C'est pas « au feu les pompiers ! » mais on n'en est pas si loin. Ici Guanacos. A vous Paris.

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Lun. 26/12 | J19 : « Être ou ne pas être.. optimiste ». Météo toujours aussi imprévisible, capricieuse, tempé-tueuse. Après avoir sondé à maintes et maintes reprises nos compatriotes américains comme nous, à l'arrêt au camp 2/3 de Guanacos, nous n'en savons toujours pas plus sur la suite des réjouissances ou plutôt sur comment rendre la fin de cette histoire réjouissante. Nous avions tout misé sur cette date en mettant tout œuvre pour partir dans de bonnes conditions : tente et affaires sèches, plein de nourriture... Grâce au couple de trekkeurs venus du Nebraska et au groupe encadré par Grajales, nous avons pu obtenir la maîtrise de ce dernier paramètre. Mais, une heure plus tôt les 2 groupes revenaient bredouilles de leur tentative de montée à Colera. Ça sent le pâté, pas le foie gras. Ma foi, il faut plus se voiler la face. Steven en a par dessus le Buff. On ne sait plus à quel saint se vouer. Je suis aussi pas loin de vouloir capituler. En fait, seul Yann garde le cap. L'optimisme des gens du Balkans. Est-ce vraiment sain tout ce tintamarre ? 'Tain ! Et dire que cela fait désormais naître des tensions entre nous. Cela fait aussi des mois et des mois que l'on espère et aspire (à) cet instant, avec tant d'envie, de fouler la cumbre de ce tas de caillasses . C'est là que tu te rends compte que la haute montagne, ça ne tient vraiment qu'à un fil, un fil de neige un jour, un fil de vent le lendemain, divin le surlendemain qui t'aurait permis de faire le sommet mais tu es déjà reparti. C'est la Pachamama qui a décidé. A nous de nous référer à la justice andine, à ces décisions sans appel, et d'agir au mieux avec ça. Un point c'est tout. Carpe andiem.

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Mar 27/12 | J20 : « Les conquérants de l'inutile » - Jour de sommet. Du moins de sa tentative. Nous nous apprêtons également à vivre 2 jours parmi les plus longs de notre vie... 2 jours de folie ! Quand le réveil sonne – à 4h – nous découvrons avec étonnement que l'intérieur de la tente est recouverte de givre et que nos duvets sont trempés aux extrémités. Cela signifie qu'il a encore neigé une bonne partie de la nuit et que cette dernière fut relativement fraîche et humide. Un peu engourdis, n'ayant pas super bien dormi, nous prenons tout de même cette matinée du bon pied, en ayant pertinemment à l'esprit qu'il s'agit-là de notre ultime chance et, d'un autre côté, que c'est un passage assez unique dans une vie, d'une intensité rare, qu'elle qu'en soit le résultat. C'est toujours aussi magique de partir en montagne juste avant le lever du jour, les lampes vissées sur le front, en attendant que les néons naturelles prennent le relais. A partir de là, il en faut pas bien plus pour être heureux. C'est déjà gagné. Atteindre 6962m d'altitude représente la cerise sur l'empenada, pas la seule issue possible, pas une fin en soit. En nous, au plus profond de nous, il y a ce sentiment du « devoir » accompli. Nous nous sommes bien entendus, avons été plutôt complémentaires et complices. Au delà de ça, ce qu'on en retire à jamais, ce sont toutes ces rencontres. Elles sont le meilleur ciment pour notre amitié. A chaque fois, qu'il s'agisse de locaux (guardaparche, membres d'Aconcagua Mountain Guides, porteurs...), de guides ou de clients étrangers (la plupart du temps originaires du continent américain), nous avons tant appris et partagé à leurs côtés. En plus de nous avoir permis de retenter une 2ème fois le sommet grâce aux vivres et au PQ qu'ils nous ont offerts, sans nous connaître, tu sais immédiatement à quel genre de personnes tu as à faire, des gens pour la grande majorité inspirés et inspirants dont tu te souviendras toute ta vie. Des personnes dont tu conteras encore la bravoure et la gentillesse à tes petits enfants dans 50 ans (si on est toujours de ce monde). John et Koleen par exemple, from Nebraska, que l'on reverra au CB le lendemain, pour nous ce furent le Père et la Mère Noël. Grâce à eux, nous pûmes finir le « dîner » du 25 sur un Snickers amande puis, le jour du sommet, avoir chacun une dizaine de barres énergétiques dans les poches. Idem concernant les mexicains que l'on revoit au camp de Colera, alors qu'ils nous avaient dit quelques jours plus tôt qu'ils rentreraient. Quelle bonne surprise de les voir arriver un peu à l'agonie mais toujours aussi vaillants et souriants.

Après que Yann et moi – surtout Yann - ayons fait du "bouche à pied" pour réchauffer les panards de Steven qui commençaient à geler. Au moment même où nous sortons de la cabane de secours 'Elena' située juste sous le camp 3, qui n'a t-on pas l'immense plaisir de recroiser sur notre route ?? Les mexicains bien sûr ! L'étreinte est de nouveau très très serrée, et sincère. La 1ère fois, lors de notre première tentative, on avait déjà ressenti d'énormes frissons en les voyant, a un degré tel qu'on en avait eu les larmes aux yeux. Bis repetita donc avec cette petite pointe d'émotions, ces papillons dans le ventre que tu chopes uniquement en haute montagne avec le manque d'oxygène, puis l'épuisement sûrement. La moindre petite joie traversée se transforme en un grand bonheur, pas si éphémère qui plus est. Quand ca se corse, quand l'air vient à manquer, que les guibolles commencent à flancher, c'est ce qui te permets d'accrocher. Comme le souvenir de cette journée passée avec les enfants de l'école de Villiers sur Morin.

Au final, 9h d'ascension pour échouer à exactement 182m du sommet (selon la Suunto de S). 180m de D+, c'est 10min au Salève. Ici, à près de 7000m d'alt., c'est plus 1h. Et pis les nuages annoncés commençaient à s'amonceler, faisant disparaître petit à petit le sommet, en même temps que nos espoirs 'to summit'. Et pis S et Y n'étaient pas au mieux à ce moment-là. Nous primes alors la meilleure décision, par rapport aux éléments dans la balance. Nous étions les seuls à réaliser l'ascension ce jour-là, la 1ère tentative depuis 4 jours, qui plus est par une voie non pas de garage mais un peu plus compliquée que le ruta normale: le couloir Guanaco. Car, en effet, au delà du début de MAM, au delà du fait que nous sommes partis 1h trop tard, nous avons tâtonné pour trouver la Canaletta et c'est sûrement ce qui a causé notre "perte". Mais nous nous sommes pas perdus pour autant et il s'agit d'un échec tout relatif en fait. Sans comparaison aucune avec les 8000 himalayens, le taux de réussite reste faible et il est vrai que nous n'avons pas pu bénéficier d'une fenêtre météo idéale (= 2 jours avec 50km/h max. de vent au sommet). Sans guide, sans le confort d'un gros support logistique, nous sommes néanmoins fiers d'avoir su tirer le max de nos possibilités du jour, prendre le dessus sur la fatigue pour ne pas tomber dans l'inconscience et l'irrévérence (par rapport à la haute montagne) et faire l'effort de trop, potentiellement néfaste, voire fatal. Car oui, une fois rentrés à Guanaco (camp 2), il se murmurait que 3 français étaient en perdition pas loin du sommet et qu'ils allaient sûrement rentrer - au mieux - sur les coups de minuit.. Nous venions de faire 1300m de D- en prenant (comme le Dr) dre dans le pentu. Pintu' aurait été fier de nous.. ou pas! Sur le dos, sur le ventre, sur le côté, nous nous sommes laissés glissés comme des m..omies sur les parois (enneigées) d'une pyramide égyptienne, quasi endormis, avec une grosse barre au front et assurément un début d'hypoxie. 17h30. Le camp II de Guanaco est à présent blindé. Notre tente est désormais encerclée par une 20aine d'autres. Il n'y règne plus la même atmosphère. Il se met à neigeoter. La température extérieure - autant que celle de nos corps - commence à baisser. Yann dort dans la tente. Steven est dehors assis sur un caillou, la tête en train les mains. Je suis quasi dans la même posture dans la tente, dans l'attente, d'agir, comme souvent. Car il nous faut bouger au plus vite, décamper c'est le cas de le dire. Malgré le manque de fraîcheur, plutôt la torpeur en fait, on a l'objectif de regagner le camp de base au plus tôt. A l'instar de notre état d'esprit durant plus de 2 semaines, tout entier focalisés sur ce qui se passe en faut, notre esprit a switché et nous ressentons à présent l'envie irrépressible de descendre. Heureusement, quelques belles rencontres notamment au camp 1 - dont celle d'Ilan, guide et mari de Lily > nos hôtes magnifiques à Mendoza - viendront ponctuer cette descente "de la mort" dévalée avec ce qu'il  nous reste d'énergie et d'envie dans le moteur. Ah! Enfin, ce retour à la vraie vie des vallées. Mais d'abord, il nous faut nous requinquer au camp de base et, malgré l'heure avancée, Bruno et toute son équipe nous réservent un accueil de choix: une tente mess bien isolée à notre disposition et un repas chaudement appréciés vous vous en doutez. Quel sens du service et surtout qu'elle gentillesse. Nous apprendrons le lendemain que ce repas nous est offert. Nous leur léguons un Opinel 'Bike Andes Peaks', celui qu'on a utilisé au cours des 10 jours passés au dessus du camp de base. Celui-là, il a une histoire. Il nous a sauvé la peau plus d'une fois. Il nous permettait même à la fin d'allumer le feu (c'est pour ça que Johnny est devenu son sobriquet). C'est dire! Il ne reste plus qu'à envoyer un mail à la marque savoyarde pour leur dire d'ajouter une pierre à feu à un futur modèle 'alpinisme' et c'est gagné! Au moment d'écrire sur mon IPhone nos aventures, nous sommes dans le bus direction notre prochain étape : El Potrerillos / sommet El Plata ou nous y attend Colin depuis 5 jours maintenant. Il doit faire une 30aine de degré à l'ombre. Étrange sensation que de se dire que ce n'est que le début de l'été en Argentine, alors que nous avons quitté cette saison il y a plus de 3 mois chez nous en France. Pour finir, s'il y avait un truc à retenir de cette journée hors du temps : cuando la montana no quiede, no quiede.

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Mer. 28/12 | J21 : "Le ciel nous serait-il tombé sur la tête !?" - 42 km à pied, ça use, ça use ! - Deuxième journée consécutive de folie pour notre trio de choc ! Un peu comme une envie de pisser, vers midi, nous décidons de quitter le CB afin de sortir du parc et de rejoindre Colin en fin de soirée à Potrerillos. Les seuls hics dans l'équation: nous avons moins de 7h pour faire ce que nous croyions être 36km - alors qu'il s'agissait en réalité de l'équivalent d'un marathon (dixit Salvador, notre ami guide mexicain) et nous ne sommes dans une forme olympique. Du coup, suite à une rando de près de 10h sans interruption - sauf 18min de pause déj' et 2min pour prendre en photo une horde de guanacos - nous arrivons plus que défaits à la cabane à l'entrée du parc, l'obscurité de la nuit seulement contrariée par la lueur des étoiles, et la tête "dans le brouillard". Au bout du tube. Steven est brassé et à les pieds criblés d'ampoules, Yann est dans un état de fatigue avancé et je ne peux pas dire que ce soit bien mieux de mon côté. D'un côté, on est arrivé. On l'a fait. C'est un petit exploit d'avoir réussi à enchaîner 2 journées aussi bien remplies. On a pris des risques mais au moins on n'aura pas perdu de temps. On aura tout tenté pour rejoindre Col' au plus vite. Ça n'aura pas fait (à 2h45 près) malheureusement. Mais ça aurait clairement pu être pire! Car oui, nous avons failli être sommés de rester dormir à l'avant dernier camp. La raison invoquée par les guardaparche : il est interdit de marcher dans cette partie du parc après 18h. Mouaih... Par je ne sais quel miracle et surtout grâce à une négociation rondement menée par Steven - en espagnol bien-sûr - nous sommes repartis vers 19h30 pour les 12 derniers kilomètres qui nous séparaient de Puquios. Une fois le prestataire pour le transport de nos bagages à dos de mule prévenu, ne nous restait plus qu'à trouver un endroit où dormir et éventuellement manger un bout avant. Finalement, notre chauffeur nous dégotera Le bon plan ! A la fois pratique, économique et.. émotionnellement parfait! Un "refuge" situé à Pénitentes, au pied d'une mini station de ski et qui s'apparente plus à un routier au milieu du désert sud-américain. C'est apparemment là que ce retrouvent les "summiters", ou alors ceux qui s'apprêtent à partir pour les hautes sphères/lumières de "Mme". Nous ne faisons partis d'aucune de ces deux catégories. Les 4 mexicains non plus. Pourtant, nous nous retrouvons encore une fois dans ce lieu tout autant miteux que magique. Nos amis d'Amérique centrale nous accueillent avec un verre de rouge. On comprend vite qu'ils ont attaqué l'apéro depuis un certain temps déjà. A peine le temps de poser nos sacs par terre que nous nous retrouvons à leur table à échanger sur nos pérégrinations respectives. On apprend que Salvador est guide et  a gravi la plupart des 6000 d'Amérique, que nous avons cochés sur notre liste avec Steven. On obtient donc de nouveaux contacts et des infos pépites pour l'ascension de certains cumbres, notamment au nord de l'Argentine et en Bolivie.

Finalement, la soirée se finira en beauté pour Yann et moi qui pouvons apprécier pleinement le repas à base de viande qui nous est gracieusement proposé à cette heure tardive. Pour Steven, c'est plus la soupe à la grimace dans le sens où il n'arrivera à n'avaler que le dessert, et encore. Il faudra que je me « sacrifie » pour l'aider à terminer. La preuve s'il en est que la haute montagne laisse de sacrées traces, même sur les plus robustes. Il est 1h du mat'. Yann s'apprête à sortir poursuivre la soirée avec les 2 clients mexicains, tandis que Steven et moi continuons à converser avec le guide Salvador. En fait, cela s'apparente davantage à un cours d'espagnol pour moi et si j'arrive à comprendre à 85% ce qui se dit, c'est grâce à la très bonne prononciation de l'américain qui a dû perdre un peu de son accent, au fil des années, à force de voyages à travers le continent. Il m'est en revanche quasi impossible d'intervenir dans la langue du Che. Dans un mois ou deux, j'espère. En attendant, c'est Steven qui assurent les communications en espagnol, et les traductions quand c'est nécessaire. On a vraiment bien fait de le sélectionner dans l'équipe ce « petit » (autant sur le plan technique que tactique) ! Clap de fin sur ce long chapitre de notre histoire en Amérique du Sud. On refait le match une dernière fois avec Steven. Il est 2h30. Yann vient de nous rejoindre. Il y a 32h, nous étions 4500m plus proches des cieux. Déçus et, en même temps, plutôt fiers de la tournure des événements. Aujourd'hui, après seulement 3 semaines d'aventure, malgré le mal de bide, malgré le fait que nous n'ayons pu aller jusqu'en haut , nous disons merci à la vie. Carpe andiem.

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Jeu.29/12 | J22 : « Accli'Maté » - Par où commencer ? Par où finir ? Ça, c'est une grande question existentielle ! On va essayer de faire plus court cette fois. Tout au long de notre vie, on court après quelque chose, sans vraiment savoir ou se soucier pourquoi, sans savoir si on l'atteint réellement cette chimère ou au contraire cet idéal de simplicité, d'entente et d'équilibre entre les communautés, entre ces/ses différents piliers de vie. C'est un coup à en perdre son latin. En même temps, du latin, j'en ai fait un an seulement, à l'époque du collège. Du coup, avec Steven, ça va on a pas grand chose à perdre de ce côté-là. Il est de coutume de dire dans pareil périple que la première chose à perdre ce sont ses certitudes. Plus tu pars avec des certitudes plein la besace, plus tu vas mettre de temps à combattre ces « nuisibles » une fois sur place. Un truc à ne pas perdre en revanche (en dehors de son passeport), ce sont ses illusions ou, du moins, ses rêves, ses espoirs et ses desseins. Dessiner, peindre le monde, le parcourir, le photographier, l'admirer, l'aimer, le chérir... S'identifier à lui, se comparer à elle. Se demander : « Mais qu'est ce que je fous là ? » Ou ça, au contraire : « Mais qu'est ce que je foutais avant ? ». Ou encore ; « franchement, qu'est ce que j'ai fait jusque-là qui puisse me permettre d'obtenir les applaudissements de Dieu, de mes proches, de mes pairs ? » Respectant la tradition argentine entourant l'asado (BBQ), nous applaudissons Colin pour avoir préparé avec brio les viandes au feu de bois de camp. Nous nous trouvons désormais dans la forêt au bord du lac de Potrerillos en compagnie de Tomas, un petit gars de Buenos Aires âgé de 24 ans que Colin a rencontré ici durant notre absence. Hommes des montagnes, nous devenons des Robins des Bois pour les 3 jours à venir. Nous partageons, à l'occasion de la cena, notre premier maté (et sûrement pas le dernier!) maté tous ensemble, le premier de notre vie pour Yann et moi, Colin ayant passé quasiment 1 semaine déjà dans cette petite ville touristique située à 1h de Mendoza et prisée de ses habitants. L'endroit est parfait pour se reposer quelques jours, retrouver un peu d'appétit, du poids et du poil de la bête (en l'occurrence du veau et du poulet). Pas encore au bout de nos surprises, quel immense honneur nous avons de faire la connaissance de l'un des deux fondateurs du projet « Cyclopédie ». La probabilité de se retrouver ici au milieu de l'Argentine, alors qu'il fait juste un break d'une semaine avec sa petite amie, avant de repartir en selle à la rencontre des libraires sud-américains, après ceux d'Afrique de l'Ouest et avant d'aller interviewer les personnes garantes de la préservation et de la divulgation de la littérature française en Asie, en enfin en Europe (https://cyclopedie.net/ + Page Fb). Beau programme en perspective. En tout cas, le plaisir semble partagé. Nous préservons de nous revoir l'été prochain. Au minimum, nous nous donnons par écrit. Comme nous, ils projettent de réaliser un film à l'issue de leur voyage. Déjà hâte de voir le résultat. Le concept est prometteur. France Inter ne s'y est pas trompé en leur confiant une chronique. La soirée prend fin au coin du feu, la bière « Andes » et le pot de glace d'1L passant de main en main. C'était notre repas de Noël à tous. Merci les gars. Steven est encore un peu malade, brassé. Mais, petit à petit, à force de maté (et non mater!), sa fleur intestinale se refera une santé ! « Maté-moi, maté-moi, maté-moi … ! »

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Ven. 30/12 | J23 : « Chiens de la casse » - Seconde journée de repos/ récup à Potrerillos toujours en compagnie de Tomas et des chiens errant de plus en plus en plus nombreux à nous suivre et/ou à rester à notre campement dans l'espoir d'obtenir une (substantifique) moelle à ronger.

Dim.1/1/17 | J25 : "Gimme a hug chico!" - Le 31 s'est finie à la station service - le seul endroit où on peut avoir du wifi "gratuit" - pour y checker la météo pour les 4/5 prochains jours, en vue de notre prochain objectif en andinisme : El Plata. On aurait aimé poursuivre la soirée au côté des argentins, dans une fête publique, mais que nenni. En même temps, on était pas hyper présentables, sales.. et las! Yann n'a même pas tenu le coup jusqu'à minuit, c'est dire! Même le Fernet - coca n'aura pas suffit. A force de bouffer de la viande, on aurait pu finir par se réincarner en bœuf ou en poulet ! Cela ne nous a pas permis de reprendre des muscles dans le haut du corps. On est gringalet (moi le 1er!) avec un début de bidoche. C'est moche! Nuit assez courte forcément. Petit déj a base des restes de viande de la veille. Autant le blanc de pollo ca passe. Autant on n'arrive pas à manger les 'ribes' et les autres morceaux de viande rouge. Tomas peut jubiler, il a fini par venir à bout de nos estomacs sur patte. Vers 12h, nous nous dirigeons vers la supérette pour y faire des courses puis faire du stop jusqu'à l'entrée du parc d'El Plata. Yann et Tomas nous accompagnent. Le 1er va finalement rester du fait de sa cheville et parce qu'il est encore un peu fragilisé par son infection alimentaire de la veille. Après Colin, c'est à son tour de rester sur le carreau. Les Andes seraient donc impitoyables. On fait un gros hug a Tomas que l'on reverra certainement jamais. Perso, je n'avais jamais étreint quelqu'un avant de rencontrer les mexicains! C'est marrant la vie, on vient de passer 3 jours formidables ensemble, comme si c'était un très bon pote qu'on connaissait depuis belle lurette. Après environ 2h d'attente au bord de la route, nous arrivons vers 15h au refuge San Bernardo pour débuter la marche d'approche. C'est une famille qui venait de terminer son pique-nique au bord du rio, qui a eu la gentillesse de nous monter en pick up, moyennant un petit bifton. On verrait pas ça par chez nous. Cette vallée est vraiment magnifique. La montée sur cette montagne à vache, au milieu des alpages nous rappellent un peu les décors de notre région. Un peu plus tard, avec l'apparition de nombreux et imposants pierriers, c'est aux Alpes  du Sud que nous faisons allusion en les admirant. En nous retournant  à l'occasion d'une petite pause, nous voyons qu'un gros nuage de pollution s'est formé en bas dans la vallée. Le résultat de l'ensemble des barbecues réalisés ces 2 derniers jours ?? Vous imaginez une alerte pollution à cause de ça ? Quand on vous dit que l'asado c'est une passion qui se transmet de génération en génération ici. On se fait attaquer de toute part par des taons. "Je vous parle d'un taon.." Taon pis. On est bientôt arrivé au camp à 3500, notre lieu de villégiature du jour/soir. On est au calme, y a pas grand monde. Parfait pour se reposer. Y en a bien besoin. C'est pas pour rien que personne ou presque ne parlait durant la randonnée. On est claqué de la veille (et de l'avant-veille). Ce soir, a priori, ça va pas être la fiesta loca. Quelques parties de tarot et à 22h30 y a plus personne. Le point positif c'est qu'il n'y avait pas de grillades au menu, c'est pourquoi la digestion devrait être "normale" et la nuit réparatrice. Cette fois, on a privilégié le poids des sacs pour le bien de notre dos à la quantité de bouffe. Va falloir se raisonner, ca nous fera pas de mal. Nous nous nourrirons encore plus des paysages et de l'énergie qui circulent autour de nous dans ces paysages à couper le souffle (et la faim donc) ! Carpe andiem.

 

Mar.3/01 | J27 : : "A chaque jour suffit sa peine". Bien reposés, nous voilà pares pour une nouvelle journée de marche direction le camp de base. Quel bonheur de pouvoir rester en caleçon dehors au réveil, de sentir le souffle de l'air chaud a 3500m d'alt. Avec en plus ma vue d'un condor en arrière plan en train de planer. Le décor est planté et il est.. planant! Nous prévoyons de rejoindre le camp de base situé 800m plus haut (en D+) et à 3 km de notre actuel emplacement. Petite journée en perspective donc.Au début de la montée, on passe à côté d'un poulain avec sa maman. Après les vaches, c'est marrant de les voir si haut eux-aussi. A 4000, on fait une petite pause. Le panorama est grandiose. Ça ferait presque penser au Spitzberg aussi tous ces t'as de cailloux aux différents tons, du marron au rouge en passant par l'ocre et le gris. Un peu plus haut, on aperçoit une cascade. Ça veut dire qu'on aura de l'eau à foison au CB, c'est pas du luxe. Du coup, après 2h20 de rando sacs se presser, nous voilà arrivés. Encore 30min et la tente est installée. Colin est allé récupéré les affaires du portage qu'il avait effectué il y a maintenant une semaine. Malgré que l'on soit tous pas mal crevés (encore), tous les feux sont au vert pour l'ascension. Ne reste qu'à espérer que le vent ne soit pas trop de la partie. En fonction, celle-ci se fera demain ou mercredi. En attendant, c'est lecture, écriture, "abreuvage" et sieste. Carpe andiem.

 

Mer 4/1 | J28 (suite): j'ai un peu le spleen et les autres en subissent un peu les conséquences. Je m'en veux. Est ce dû à l'altitude? Je ne crois pas. À nos 2 échecs (relatifs) successifs? Forcément un lien. De retour au camp à Potrerillos, quel surprise d'y rencontrer un nouvel habitant français. Valentin est grenoblois, il a 22 ans et fait des études de physique. Il est parti pour 9 mois à remonter, comme nous, la cordillère à la seule différence que lui c'est en stop/bus. L'une de ces amies a fait la même chose sans  téléphone portable. Solide, crazy ! Nous revoyons Yann quelques minutes plus tard. Encore plus barbu. Un sachet de "vegs" à la main pour accompagner les burgers prévus pour ce soir. Quel plaisir de retrouver ce lieu de paix synonymes de camaraderie et de débrouillardise. Avec ce lac d'huile, baigné d'étoiles le soir, avec le reflet de la lune. Cette dernière que l'on aperçoit entre les feuilles des arbres. Notre lieu de vie, nos silhouettes et les mets sur la table - - issus de l'asado - seulement éclairés et dessinés par le feu de Colin. De l'eau à coulé sous les pont depuis notre 1ère venue ici. Ou plutôt l'eau du lac a monté, et se retrouve maintenant à quelques mètres des tentes. Un peu plus est demain matin on se réveille en train de flotter. Nous avons subi un nouveau revers avec Colin et Steven. Pendant ce temps, Yann, Tomas et Valentin se sont reposés, ont chile, ont passé une soirée d'anthologie avec d'autres voyageurs-baroudeurs argentins. Yann a repris l'entraînement. La reprise est dure. En fait, il ne s'était jamais senti aussi mal. Dans 2 semaines, quand il aura surcompensé, il va voler! Mais il a perdu de la vitesse c'est sur. Nous aussi, on se sent en perte de vitesse. Heureusement, dans ces cas-la, on voit le sourire d'un pote, on se replonge dans son bouquin (et quel pied de pouvoir ainsi alterner entre 2 mondes!) ou on se remémore un souvenir joyeux et on se dit : "putain, quelle chance j'ai!" Dans 4 jours, on est sur notre vélo au devant d'un nouveau défi, au devant de petites désillusions, de grandes découvertes et d'immenses aventures c'est sur! Merci la vie. Carpe andiem.             

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Jeu.5/1 | J29 : "Meurs un autre jour" - Jour de récup consacré à .. récupérer donc, à manger (beaucoup), à mettre ses ampoules à l'air et à observer d'encore plus le comportement de la meute canine de Porterillos. Le mini blues commence à passer, à force de sons rock et de variété française. Aussi, quand on a le moral qui se rapproche des chaussettes et/ou on sent une envie pressante de se défouler, rien de telle qu'une petite baignade. Au même titre que pour le camping sauvage, on brave un peu les interdits ici. On se sent un peu comme des parias avec nos gueules défraîchies et crasseuses. Alors que nous sommes comme des papes, vivant au gré du vent, au rythme du soleil et suivant le niveau du lac. Respirer, exister, se sentir libre, vivre, vivant, se voir vivre. Une ou 2 journées ainsi, ce sont autant de temps de bonheur glanés pour maintenant et pour la suite. Ici, on a repris les bases. Faire du feu. Aller chercher de l'eau "à la source". Se laver à l'arrache dans le lac. Faire ses besoins de manière primaire... Bon ok, nous ne sommes pas contre prendre une 2nde douche en 1 mois. Bilan des courses après un mois d'andinisme en Argentine: 2 sommets ratés mais quelques km de D+ avalés. 13 jours passés à plus de 4200m d'alt, 7 jours à plus de 5500m. Une gourde perdue, deux arceaux pliés, une tente à rafistoler. 1,5kg de viande /pers en 4 repas. Déjà des centaines d'images de décors et de visages en tête. Ce soir, nous décidons de faire 'soft' au niveau du repas: spaghettis + sauce tomate/poivron maison. Pas de viande. C'est estomac qui va être content ! On troque également là traditionnel glace du 'kiosco' contre un sachet de yaourt vanille d'1l. Promis, à partir de demain, on se remet à bien manger. Après un dernier passage à la station service pour y capter du wifi (en échange d'une glace), l'achat de quelques babioles, nous finissons la journée comme il se doit autour d'un beau brasier. On voit passer une dernière fois un gaucho et ses chevaux. On ne sait pas trop comment on a atterri dur cette plage. Ceci est dû à un improbable concours de circonstances. Ce qui est certain c'est qu'on y a laissé des souvenirs et de vraies belles traces de vie, d'amitié et de rêve. Il est temps à présent, aussi bien pour Valentin que pour nous autres (haut-) savoyards de reprendre la route. Yann prend demain l'avion pour la France, Colin dans 3 jours. Plus que 4 mois et demi. Déjà. Dans un peu plus de 5h, on se lève pour prendre le bus 'amarillo' direction Mendoza. Buenas tardes tembien (et non tandem).   

 

Ven.6/1 | J30 : "Sweet home à Mendoza" - Actuellement assis dans l'escalier du bus, celui-ci vient de taper un objet non identifié sur la chaussée. On ne sais pas si c'est la transmission ou l'essieu qui est touchée mais le choc a été violent. On a pu repartir mais en douceur.. et en warning ! Faut pas y craindre, ça va faire. Depuis ma 'place', je ne vois même pas le paysage. J'attends juste que les copains me le décrivent ou me conseillent de me lever pour l'admirer. On voit bien El Plata, puis le Tupungato (un volcan enneigé), puis une gigantesque prison. Cela nous rappelle les longues heures d'atteinte dans la tente. C'était un peu comme Prison Break, sauf que la on avait pas besoin d'avoir le plan tatoué sur le dos pour en sortir. On avait juste a tirer sur le zip de la porte. Mais, conditionnés par la météo, le vent en l'occurrence, nous étions et nous serons encore pieds de points liés à ce facteur sensible. La prochaine fois, va quand même falloir qu'on coche un sommet! Sinon, on va vraiment finir par s'impatienter. A nous de mieux le préparer, d'y croire encore plus et de le mériter tout simplement. Après un nouvel arrêt, nous sommes repartis dans un bus orange. Espérons qu'ils ne vont pas abandonner l'autre comme ca, au bord de la route. Une fois re-rentrés dans Mendoza, certaines enseignes nous interloquent: Royal Canin, Milka.. Elles sont le plus souvent bariolées de multiples couleurs. Face aux écriteaux promotionnels à la pelle, il ne faut pas faiblir sous peine de prendre du gras rapidement et/ou de passer son temps à sortir le chéquier pour du superflu voire du super inutile. Il n'y a que sur le viande que les écarts sont cautionnés! Et le plus triste dans tout ça c'est que ce sont nous occidentaux qui leur avons inculqué cette culture du toujours plus de shopping et du consumérisme ardent. Enfin ça c'est mon avis, et puis comment en pourrait-il être autrement ? Avec l'achat de notre tandem et de tout la barda qui va avec, toutes ces marques que nous portons sur nous, nous ne sommes pas bien placés pour faire la leçon. Nous avons (du) flambé parfois. L'important dans ces cas-la c'est de ne jamais s'enflammer. Ce serait tout de même con de brûler les ailes de la Bapmobile ! Comment ferait-on pour grimper les sommets ensuite !?
 

6-11/01 | J30-J35 : "Mia casa es tu casa" - Arrivés à Mendoza en milieu de matinée, nous nommés accueillis comme des papes par Ilan, Lili et Nelwen, leur fils de 11 ans qui vient de décider qu'il serait végétarien comme son père à partir de maintenant. Cela prouve déjà son intelligence. Nous passerons au final quasi 5 jours à remonter le vélo, chercher les pièces de celui-ci, se faire à l'idée que nous avons perdu un sac avec des pièces dedans... Du coup, il aura fallu aller chiner dans Mendoza pour des rayons de rechange, une petite vis, 4m2 de moustiquaire. Entre temps, on a "perdu" Yann le 6, puis Colin le 9. C'est toujours la même musique (blues) dans ces cas-la. On est triste et en même temps ravi pour eux. Ils ont mille projets à concrétiser en France. Pour profiter également de leurs proches et de la neige sur le point de tomber en masse. Un peu jaloux aussi pour le coup! Après tout, on va pas les revoir de si tôt mais on restera connecté. Après que Colin nous ait filer un gros coup de main pour le remontage et les réglages du tandem, ne nous reste plus qu'à faire un peu de comm' avec Steven. Et c'est là que les ennuis commencent vraiment ! En effet, la connexion chez Ilan y Lili et très moyenne et nous permet guère de poster des vidéos. Nous tentons donc le McDo, sans succès. Finalement, c'est dans un cybercafé que nous pourrons le plus avancer. Nous aurions aimé mettre complètement à jour notre site web mais pas le temps. Notre famille d'accueil nous attendaient pour notre dernier dîner avec eux à Mendoza avec le grand départ pour notre trip en tandem. Lili nous a préparé des tripes de chèvres. Spécial mais pas degueu. Comme on dit, ça change! Autrement, y a toujours autant de légumes sur la table et ca c'est très très plaisant ! Avec Colin et Steven, nous leur avons fait goûter la French gastronomy: crêpes salées et gratins dauphinois. Un soir, en rigolant, je fais à mes 2 acolytes : "Comme pour les hauts fourneaux en Lorraine, ça me fait quand même mal au cœur de voir cet immense barbecue (en parlant de celui dans le jardin d'Ilan et Lili) à l'arrêt depuis plus de 2 semaine!" Il est déjà 23h. Il nous reste encore pas mal de trucs à fignoler. On a prévu de prendre le bus de 8h demain. On ira en tandem de la maison jusqu'a la gare. Ilan nous accompagnera en voiture avec toutes nos affaires. Quel sens du service ! Quelle générosité. C'est pas l'idée première qu'on se fait habituellement des américains. Avec ses origines juives, des grands parents français, il est différent. Tellement drôle aussi. Son humour est terrible! Il va nous manquer. Bolt, leur berger allemand, me chien qui murmurait à l'oreille des humains, nous manquera aussi. Quel beau foyer. Ça donne envie. Lili nous dit avant de partir qu'elle a lancer la procédure d'adoption. Je suis trop vieux pour que ça marche j'imagine! Plus tard, alors que nous sommes confortablement installés dans le bus pour Uspallata, elle nous écrit qu'il y aura toujours de la place pour nous dans leur maison. Très émus par de telles attentions, nous poursuivons notre chemin. Eux aussi. Et si Steven revenait rapidement travailler ici ...
 

Mer.11/01 | J35 : "I love to ride my bicycle" - Après un départ fictif donné depuis chez Ilan, après s'être bien restaurer sur place, à la sortie du bus, nous donnons le vrai départ de notre trip à vélo depuis Uspallata un peu avant 15h. Je suis un peu malade (gros ganglions, début d'otite...) mais je sers les dents pour faire en sorte de limiter les dégâts et mon coéquipier est la pour m'aider à me motiver. S'installe alors entre nous un dialogue de sourds. Entre le bruit du vent, le fait que je n'entende pas très bien et que je ne À puisse pas parler très fort explique cela. Pour Steven, c'est toujours les pieds qui posent un peu souci , notamment du fait de la chaleur. Et puis bien sûr on a mal au c** ! À part ça, on nage, non on pédale dans le bonheur ! Au bout de 20km env, c'est dans la semoule ou, pour être plus précis, dans la terre gravillonné (= piste) que nous tentons d'avancer. Faire du 8km/h là-dedans...c'est bien ! Au final, 40km parcouru en a peu près 4h. Une bonne première impression quant à la tenue et à la résistance du vélo avec tout ce qu'on lui fait subir. Pas évident mais pas impossible de garder les rennes quand ca s'emballe. Piloter une telle embarcation demande beaucoup de force dans les avant-bras du pilote. Il faut qu'on se rode mais on est déjà bien en place. Le soir, nous posons notre "caravane" au bord de la piste sur un pseudo-chemin, en pleine pampa, pour notre première nuit à la belle étoile. Ça tombe bien, malgré la pleine lune, on arrive a bien distinguer dans le ciel les plus brillantes constellations.
 

Jeu.12/01 | J36 : "Vanilla sky" - 2eme jour de tandem dans les Andes. 70km avalés le matin. On monte tout doucettement en puissance. Vers 12h15, on se pose au camping municipal de Barreal. On décide d'y rester tout l'après-midi et ainsi de ne remettre le couvert à vélo que demain matin de bonne "hour" (et non de "ben hur") et de bon humour (car au frais pour rouler). Notre asado n'est pas très réussi, le poulet n'était pas de fameux. On va vraiment finir par finir... végétariens ! Même notre 2nde tournée de pâtes est ratée. On dirait de la bouillie pour chien ce truc ! Le parmesan rattrape un peu ce diner médiocre. Quelques petits ajustements encore au niveau des rangements et notamment dans la répartition au quotidien des différents éléments du matériel. Premier nettoyage et graissage des chaînes. On profite de la piscine pour se rafraîchir les idées. Après l'asado, on met la toile de tente intérieure pour se protéger des nuisibles - une bébête a piqué Steven qui a fait doubler son poignet de volume - et gagner un  peu en chaleur. La pluie nous est épargnée pour cette fois. Steven remercie et salue une dernière fois le couple argentins de San Juan, leur deux caniches et leur pickup installés en face de nous, spécialement descendu au centre ville pour nous permettre de faire quelques courses rapidement. Ils nous offrent même une bouteille de pinard du coin alors que Steven leur précise bien qu'il ne boit pas ce type d'alcool et qu'on n'a pas la place ! On essayera de la refourguer demain. Pour être tout à fait sérieux et honnête, nous retenons encore une fois le geste. Depuis les chansons de geste jusqu'aux airs actuels, la gentillesse et le sens de la bienveillance devaient être et sont encore souvent exhalées. Nous en faisons en tout cas l'agréable expérience. Est ce du à notre profil de voyageur, notre nationalité, ce que l'on dégage...? Anyway, demain on dégage à la rencontre d'autres paysages et de gens du cru, il faut aller finir les bagages et essayer de se reposer un peu.
 

Vendredi 13/1 | J37 : "Andean crossing" (https://www.facebook.com/Andean-Crossings-343804862380157/?fref=ts) - Ilan a nommé son entreprise de voyages à vélo "Andean crossing". Un bien joli nom n'est ce pas ? Bien choisi. Et bein nous pensons qu'il serait fier de nous. Car après quelques kilomètres en descente sur le chemin entamé la veille puis asphaltés, engloutis comme sur des roulettes. Après une pause déjeuner - sieste sous le toit du garage d'un mini kiosque au bout de la route de Villa Nueva et un peu au bout du monde en toute honnêteté. Après avoir écoulé son stock - très limité - de jus de pêche (de 125cl) et sucé un bâtonnet glacé histoire de bien refroidir "la machine". Après s'être rendu compte que nous avions réussi, par nous ne savons quel miracle, à oublier de manger le yaourt d'1l à la vanille que nous avions planqué au camping pour la nuit. Je peux vous dire que c'est pas notre genre de zapper un tel met, si apprécié de nous deux. La fatigue, déjà ? Trop focus sur notre objectif du jour ? Bah, on va pas s'embarrasser trop longtemps avec ca mais je peux vous dire qu'on donnerait beaucoup pour qu'il tombe du ciel à l'heure où l'on vous écrit. Car oui, nous manquons cruellement d'eau ce soir et on est dans les endroits les plus sauvages - et secs (comme nous) en ce moment - d'Argentine, a 3h en vélo de la 1ère âme humaine qui vive. On arrive à peine à lever le bras pour manger notre plâtrée de riz. Ça manque un peu de saveur mais pas d'odeurs. En effet, nous avons bien transpirés à force de pédaler et de pousser à côté du vélo pour, à chaque fois, quelques mètres de plus. Dans le fournaise de la pampa l'été. Avec des pilotes plus qu'entames, pas du tout habitués à ce type de "revêtement". C'est pas comme rouler sur une plage le long de la côte landaise mais pas loin. Ah oui et donc nous disions qu'Ilan would be proud of us! Mais on lui dira quand même que c'est une shitty road, impropre à la consommation de "jus de mollet" ! On se couche trop fatigués pour bien dormir, avec la soif. J'ai encore plus de mal à m'endormir à cause des coups de soleil un peu plus marqués sur ma peau de rouquin. J'ai même pas la force de lire un verset de la Bible. PS: Steven me rappelle qu'on a aussi roulé et bien discuté avec un mineur - cycliste (et non un cycliste mineur) sur 5km à la sortie de Calingasta. Et nous avons découvert une bête incroyable : un mélange indéterminé/able entre oiseau, papillon et insecte volant. Le genre de bestioles aux couleurs flashy qui d'habitude sortent des studios de Walt Disney ou du génie de Spielberg!
 

Sam. 14/1 | J38 : Fucking hell andean crossing" - "Les brûlés font du vélo" - "Saturday DAY Fever" - "Un samedi en enfer" - "La cour des miracles" - "Allah bonne étoile" (ca ferait un bon nom de groupe de folk rock ça!) Nous imaginons que déjà les titres donnent une petite idée de la galère dans laquelle on s'est retrouvée.. mise ! Euh.. Par où commencer ? Déjà, dès le matin, nous sentons que "la partie" s'annonce compliquée. Je prends les commandes pour les 18 premiers km. Steven m'assiste comme un chef à un grands coups de mollets. C'est alors que nous voyons apparaître au loin le couple de hollandais aperçu au camping de Barreal 2 jours plus tôt, dans leur camionnette de loc' toute tagee. Premier miracle tant nous sommes déjà à l'agonie et en manque d'eau. Steven est en début d'hypoglycémie, moi de déshydratation. Et pis toujours un fond de mal de gorge. Et ce soleil qui tape, qui tape. Sur le système, sur la mécanique de notre voyage, tout semble parfait, sauf lorsqu'on roule sur des pistes dans un aussi sale état (je ne vous ferai pas le coup du "comme nous" une seconde fois). Charrier env. 65kg en montée sur un terrain rendu instable - à cause de la sous couche de sable - devient vite hard pour le cœur, le corps et la cabezza. Déjà que les véhicules du Dakar - qui se déroule actuellement à quelques pas de chevaux d'ici (nous verrons même 2 motos égarées faire demi-tour devant la gendarmerie) - peuvent vite se retrouver embourbés là-dedans ! Donc, embourbés et "poncés" (car trop souvent embourbés), nous voyons arriver l'auto. Non ce n'est pas un mirage. "Faites pour que ce ne soit pas un mirage, svp!" Ces charmants "hollandais volants" nous offre de l'eau (fraîche) et surtout nous propose de nous prendre la remorque et la tente jusqu'au poste de Police situé à encore 18km de montée désespérante. Avec Mapsme (gratuit), ils peuvent placer un point sur la carte et ainsi nous pourrons retrouver exactement l'emplacement de nos affaires. Si c'est pas beau ça ! Deuxième miracle une demi-heure plus tard. Certes nous avons pu récupérer de l'eau. Nous croisons une nouvelle voiture, un nouveau porteur de "messages d'espoir" et d'eau, et de chips au chocolat! On est vraiment verni, dans tous les sens du terme. Mais le "verni" rouge sur notre peau, il va être dur à faire partir... Je suis au bout du rouleau (de peinture). Steven est également exténué mais pas totalement carbo. Du coup c'est lui qui tient tant bien que mal le gouvernail et le cap aujourd'hui, face au déchaînement des éléments de la pampa argentina. En fait, ça contraste pas mal avec les gens ici qui sont nettement plus "lisses". Attention, 3eme miracle et celui il est costaud ! Alors que nous sommes repartis depuis peu et que nous avançons cahin-caha, clopin-clopant, ce ne sont pas 3 français que nous croisons dans un pick up loué à Salta (au nord du pays) cette fois. Ils nous permettent de recharger (encore) notre stock d'eau. Surtout, malgré que l'on ne soit plus qu'à 2km de la gendarmeria, ils sont d'accords de faire demi-tour et de nous y emmener avec le vélo et la remorque que l'on récupère au bord de la route juste avant le poste. 4eme miracle : on se retourne, "admirant" une dernière fois notre chemin de croix, et voici que la 2eme voiture croisée (celle qui nous offert eau et chips). Ses occupants nous ramène la sacoche à selle perdue quelques.. 20km plus tôt ! Ça commence à faire beaucoup. 5ème miracle : 5 min après que les français de l'ouest aient posés les épaves (=nous/ ah oui, car je vous ai pas dit : Steven s'est fait aussi une grosse balafre juste en dessous du genou lors de l'une de nos nombreuses (8) chutes) devant le portail de la gendarmeria, ceux-ci repassent pour nous remettre.. notre drapeau de la France égaré là où la remorque avait été déposée par les hollandais (vous arrivez encore à suivre??). Ok, là pas de miracle pendant un moment. Il faut bien que Dieu se repose un peu. Il a déjà pas mal œuvre pour nous! Du coup, on se retrouve à être étalés sur nos tapis de dol dans la cour des flics. Jusque-là tout va bien, tout est normal c'est ce pas. Vers 17h, nous voyant un peu mourants (c'est moi qui joue le "grand" malade) et affamés, on nous apporte quasi sur un plateau la fin de leur asado et l'une de ces boissons gazeuses dont il raffole. Qué lindo ! Ca c'est le 6eme miracle. Enfin, alors qu'on apprend dans un premier temps qu'ils sont ok de nous prêter un lit pour la nuit, ils se ravisent et nous proposent de nous emmener (dans le pickup de la Gendarmeria donc) jusqu'à L'as Flores. Et hop 7 miracles en une journée. Demain matin - ce sera dimanche en plus - il serait pas déconnant d'aller brûler un cierge à l'église du village. Je voulais vraiment essayer de faire court cette fois. Encore raté ! L'épilogue de cette journée d'anthologie: une fois que nos valeureux policiers ont fini de décuver (à 19h alors que nous devions initialement décoller à 17h30 pétaradantes) et le pickup chargé, nous voilà à l'arrière des flics roulant parfois à 110km/h sur le même type de piste que nous avions eu jusque-là. Le policier passager nous livre alors un fin monologue philosophique (vous savez, le traditionnel du gars bourré). On apprend notamment qu'il y a plein de momies incas dans la cordillère qui surplombe leur site de travail, mais aussi des peintures rupestres, des ustensiles.. datant tous de 1400 env. Il y aurait aussi tous les sommets alentours à ouvrir ! Et tout ça, il ne resterait alors plus qu'à le commercialiser (sans tomber dans certaines affres du tourisme). Nous ne pouvions rêver meilleur guide en tout cas. On sent que le gars est encore un peu ivre lorsqu'il se met à taper sur l'Etat et les multinationales exploitantes de minerais et.. pollueuses. Et ce transfert est vraiment pas cher! Il nous avouera enfin qu'un bon argentin pense comme un français et agit comme un italien (de ce fait, ça doit s'appliquer pour le foot). Beau compliment pour notre mère patrie. Et l'autre chose très drôle qu'il nous a raconté : les français sont appréciés des argentins car nous leur avons fournis des missiles au moment de la guerre des Malouines. Le seul hic a l'époque c'est qu'on a oublié de leur expliquer comment les envoyer ! Pas très malin le gaulois sur le coup. Ou alors on les a laissé se demerder tout seul pour tester leur intelligence. Ça avait fini par fonctionner apparemment ! On est explosé. Sur le gong, Steven nous dégote une cabana (=cabine) pour la nuit - avec ventilo ! - pour 200 pesos chacun. Carpe andiem.

Dim.15/1 | J39 : "El templo del ventilo" - "Tour San Jose" - Ce matin, en se levant, on a le sentiment d'avoir tous les 2 bien récupéré. On n'est plus sur les nerfs. L'altercation de la veille pour une divergence de point de vue sur l'aspect sécuritaire entourant notre matos est oublié, du moins pardonné. Nous repartons de Las Flores direction San Jose de Jachal (25000 habitants) pour une courte étape de 75 bornes. Avant cela, nous nous arrêtons petit déjeuner et profiter du wifi à la station service ACA du village. Steven salue un couple de retraités français dans leur camping car 'Voyages - voyages' qui file vers la Patagonie. Quelques minutes plus tard, juste avant de se remettre en selle, c'est un ado argentin qui fonce sur nous pour nous féliciter, nous encourager et nous faire l'éloge du cyclisme pour lequel il se passionne. Nous apprendrons un peu plus tard de la part d'un autre fou de vélo et du Tour de France que les habitants de San Juan (capitale de la région éponyme et abritant notamment une importante communauté italienne) et des patelins autour sont tous fans de ce sport ! Pourtant, il n'y a pas un seul grand coureur cycliste argentin qui nous vienne en tête. Des footeux, en revanche, pas de problème. Justement, une autre rencontre assez improbable, cette fois à la station service de San Jose. Steven commence à discuter avec un jeune assis, comme nous, devant l'entrée du magasin. A la fin de l'échange, ce dernier lui confie que son oncle n'est autre qu'Ariel(le) Ortega, un ancien joueur de génie tombé dans la picole à en croire son frère. Avant ça, il nous faut quand même signaler également 2 choses : 1/ une autre rencontre plus prévisible, celle du vent ! Vers le lac de Rodeo nous ont scotchés au bitume voire nous ont déportés sur hors de la route! 2/ Que nous avons assister à l'envol d'un condor, entre Las Flores et Rodeo. Ca s'est passé à une vingtaine de mètres de nous. Il semblerait que l'on ait dérangé le charognard (d'au moins 3m d'envergure) alors qu'elle nettoyait tranquillement une carcasse. Le clou du spectacle de cette journée à présent. Alors que nous pensions avoir déjà bien fait le show hier avec les gendarmes, vers 17h, au moment d'arriver sur la place principale de San Jose de Jachal, nous tombons "guidon à guidon" avec une centaine de coureurs de la région venus disputer une classique cycliste historique de la région : le "Tour San Jose". Nous décidons alors de nous installer dans le parc - avec un yaourt d'1,3l à gober - avec le reste des supporters pour assister au départ de la course. Ça sent la barbe à papa et pour les protéger de la chaleur ici ils les mettent dans des sachets plastiques. En parlant de barbes, celle de l'organisateur est solide. Blanche, légèrement grisée par endroit et bien fournie, elle fait penser a celle du mythique organisateur de la Barclays(?). Direction ensuite un camping situé au Nord est de la ville et surtout sur notre route. C'est là que ça devient vraiment marrant ! En effet, toute la population locale semble s'être déplacée. Ça grouille, ça chante, ça chambre sur les bas-côtés ! C'est pas la ferveur des grandes étapes du Tour mais ça pourrait presque y ressembler. Et nous, qui profitons de l'ambiance pour se faire applaudir chaleureusement. Et dire que 24h plus tôt, on était seuls dans la pampa, sous un soleil de plomb, sans eau, sans énergie, à bout de souffle. Là, c'est vraiment facile de pédaler, d'avancer. L'effort devient très relatif. Joyeux, le sourire jusqu'aux oreilles, nous arrivons alors devant le portail du camping. Sur un carton, il est écrit que celui-ci est fermé pour cause de deuil. Forcément gênés, Steven demande quand même à l'une des deux gérantes du camping - qui a perdu son papa - une alternative pour se retourner. Alors qu'on s'apprête à repartir, l'un des fils nous propose - exceptionnellement - de rester dormir une nuit. Car "c'est ce que (son) grand père aurait souhaité". Encore un moment très touchant, vibrant de ce voyage. Bilan "des courses" : 74km, 892m de D+, 1595m de D- et... une dernière place au classement (mais 1ers catégorie tandem-remorque!). Carpe andiem.

 

Lun.16/1 | J40 : "On the mythical road 40" - 40ème jour de voyage. Ce n'est pas l'A40 mais bien la 'ruta quaranta' que nous avons rejoint aujourd'hui après une première partie d'étape jalonnée de raidillons et de courtes descentes tout aussi raides au milieu de montagnes "douillettes" aux mille nuances de rouge. A l'opposé de la verticalité des Andes Centrales jusque-là, ce sont des "Andouillettes" qui nous entourent pour ce 6eme jour à bicyclette. Après 2 jours hyper intenses (émotionnellement surtout), nous décidons de faire 140 bornes pour rejoindre directement Villa (prononcez 'Vija') Union, notre ville de départ / base pour tenter l'ascension du cerro Bonete, 3eme sommets sur la liste. Ce soir, nous sommes "carpettes". Nos popotins sont douloureux. Mais nous sommes un poil en avance sur notre programme et allons donc bien pouvoir préparer la suite. En premier lieu, on aura ainsi un ou 2 jours de battement en plus par rapport à la météo. C'est au charmant camping LizGrey que nous rencontrons nos premiers collègues cyclo-touristes, non moins charmants. Un autre couple de hollandais - qui passe actuellement la soirée avec deux jeunes touristes nantais - qu'on pourrait bien être amenés à revoir étant donné leur itinéraire similaire. En attendant, on va faire du gras pendant 2 jours en suivant un régime argentino à base de lomitos et d'empenadas afin de remplir de nouveau notre short X-Bionic et surtout parce ce que faire marcher une telle locomotive par des températures pareilles, ça creuse ! Va falloir retaper la bécane, lui refaire une petite beauté. Les chemins empruntés samedi l'ont sévèrement secouée. Demain y fera jour" comme on dit chez nous. Il y a autant de grains de sable dans la chaîne du vélo que dans nos paupières. Bonne nuit les petits ! Buenas noches los altros. Carpe andiem.

 

Mar.17/1 | J41 : « Radio gaga » - Pas grand chose d'épique à raconter ou de croustillants à se mettre sous la dent - hormis les bons mets de la comeria d'à côté - en ce premier jour de repos à Villa Union. Ah si, on doit se battre pour capter de la Wifi nous permettant d'envoyer photos et vidéos, voire de mettre à jour notre site web. Et dire qu'en Bolivie, ça sera mille fois pire... Ici, ce qui prend normalement 10 minutes peut vite vous prendre 1h. Il fait toujours aussi chaud entre midi et 17h. A l'ombre des bambous, ça passe. Chacun à notre tour, on se baque 5 min dans la piscine du camping. Une glace au goûter et beaucoup beaucoup d'eau bue pour survivre à cette température et récupérer des 2 derniers jours à vélo où l'on aura puisé mine de rien. Steven glane un max d'infos pour le Bonete. La décision va être dure à prendre, le coût est important. Il peut être largement compensé par des bénéfices (visuels, émotionnels, physiques...). Mais le risque est là, que ce soit en termes de météo, de santé, de sécurité... Qu'en est-il de notre niveau d'acclimatation au dessus de 5000m ? Cela fait 2 semaines que nous ne sommes pas montés à pareille altitude. C'est au bout de 15 jours que les effets d'accoutumance commence à retomber. Ça fera pile 2 semaines demain. Nous prévoyons de partir jeudi. Le beau-frère du gérant du camping, Jesus, « guide », est ok de nous y emmener. Trouver 2 autres personnes intéressées au moins pour aller visiter la Laguna Brava – sur le chemin du Bonete – nous permettrait de faire des économies. Il y a de la vie dans ce camping. La radio locale qui y est diffusée en continue, avec ses 45 min de pub et d'annonces toutes les heures, participe de ce sentiment. Et puis, à chaque fois que l'on sort pour aller faire une course ou tenter de choper/chiper une connexion, on prend plaisir à observer ce qui s'y passe. Cette ville avec son casino rutilant, ses échoppes à chaque coin de rue, ce square animé notamment du fait des enfants gambadant, ce rythme de vie si différent du nôtre. Alors que je reviens d'une nouvelle tentative de téléchargement de vidéos, Steven est en train de discuter avec un habitué du camping, le « Patrick » de LizGrey, un prof de sport de Buenos Aires avec la panoplie complète : banane, casquette à l'ancienne, baskets et chaussettes blanches jusqu'aux genoux. Mais celui-ci est tellement affable  ! Ensemble, ils comparent l'Argentine à la France, notamment au niveau des moyens de transports, discutent politique... On attend à présent d'entendre de nouveau la voix de Jésus pour savoir si on prend la voie du Bonete ou si on fait une croix dessus. Les empanadas sont prêts. Buon proveccio ! Nous nous endormons en entendant les voisins argentins et hollandais bavarder de plus en plus fort. Ils n'ont pas dû boire que du maté. C'est assez éloquent de voir que malgré les différences de langue, tu peux t'entendre et même plus que ça ! En tendant l'oreille, on réussit à capter quelques échanges assez magiques. Quasi mystique, c'est aussi ça la beauté du voyage. Carpe andiem.

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Mer.18/1 | J42 : « Radio gama » -

Ce matin, après un nouveau déjeuner copieux, Steven passe sur Radio Gama, la radio régionale de la Rioja. Après France Bleu Pays de Savoie, le mec est rôdé. Le journaliste le félicite pour son espagnol. Ce n'est pas le premier. Comme quoi, l'école française n'est pas si pourrie. Bon, c'est pas son premier voyage en Amérique du Sud non plus. Tout de même, c'est la classe. C'est surtout divertissant et toujours gratifiant. Allez, on avoue, c'était l'un de nos objectifs cachés. Il en reste un. Fanny et Vincent du « Tand'Aimer Le Monde » l'avaient fait aussi. Où ça déjà ? Au bout de combien de temps ?? C'est juste étonnant que ce schéma se répète, telle une prophétie. La prophétie des voyageurs à vélo. Décidément, la journée débute bien pour nous ! En effet, Steven apprend ensuite que nos plus proches voisins argentins – un couple de l'âge de nos parents – vont passer la journée de demain à proximité du Bonete, pour y faire du quad, et qu'ils auraient de la place pour nous. Cela veut dire se lever tôt (2h) et surtout tenter un 6000 en « one shot », sans topo, juste au (french) flair. Franchement plus engagé que ce que nous avions envisagé mais beaucoup plus économique et très alléchant car complètement en mode aventure, avec la possibilité de pouvoir carrément ouvrir un sommet. Al minimo, on ira faire une belle sortie trail, se ré-acclimater et on en profitera pour faire du repérage en vue d'un transfert avec Jesus le lendemain ou samedi prochain, pour une ascension dans la foulée du Bonete ou d'un autre sommet voisin.

Du coup, cet aprem, on prépare les affaires, les sandwichs et on profite une ultime fois pleinement de la piscine, de la radio locale (euh.. en réalité, même NRJ ça passerait mieux!) et des autres commodités ici.
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Jeu.19/1 | J43 : « A few word » - Départ au saut du « lit » avant l'aube (à 3h) pour rejoindre la Laguna Brava et les sommets de + de 6000m d'alt. qui la dominent. Tous les 2 confortablement installés dans le pickup de Ruben, son quad (normalement) bien harnaché sur la remorque, on rejoint ses 3 amis un peu plus loin sur la route. 3h sont prévues pour rejoindre notre destination de rêve. Quelle opportunité Steven a su saisir, et quelle chance que ces gens soient si ouverts aux rencontres et au partage. Nous posons notre regard sur le cerro Bonete et ses 6759m, supputons que c'est lui... Mais, pour cause de timing serré, nous décidons de crapahuter en direction d'un autre sommet de + de 6000 dont nous apercevons les 3 antécimes. Il a un joli p'tit nom que j'ai oublié. Surtout, il est très accessible et ne présente pas de difficulté particulière. Après une approche d'environ 2h, il nous faut juste opter pour le meilleur itinéraire de montée afin de rejoindre la première crête. Malgré que l'on se soit concerté, a posteriori, nous choisissons la voie la plus merdique. Il est 12h50. Nous sommes seulement quelques mètres en dessous de la ligne de crête. L'heure tourne. Nous avions rdv à 13h en bas avec le groupe d'argentins. On devient nerveux. Ça nous évoque forcément une scène similaire vécue 3 semaines plus tôt, 800m plus haut, dans les Andes Centrales...

On décide bien malgré nous de faire demi-tour, par respect minimum pour nos amis transporteurs. On est un peu désabusé sur le coup. C'est la poisse. Le vent n'y était pour rien cette fois. Le fameux « jamais 2 sans 3 » français semble marcher aussi ici. « Un, dos, tres, ça commence vraiment à nous prendre la tête Maria ! ». Mais qui est cette Maria au fait dont Don E. Iglesias parle dans son tube ? Callas, la cantatrice ? Sa voix apaiserait bien des soucis ontologiques. La prophétie autoréalisatrice, autodestructrice. C'est pas grave mais ça commence à bien faire, à faire beaucoup... de déceptions. C'est comme si, à chaque fois, on recommençait à monter un mur et qu'on laissait un trou de 2 ou 3 briques. Au delà du score, c'est surtout la vue sommitale qui nous manque, et c'est ce manque qui nous frustre à chaque fois ! Jean-Luc (Moreau), as-tu stp une une astuce pour que l'on finisse par vaincre le signe indien sud-américain ?? Partir plus tôt ? Assurément. Être encore plus en forme ? Certainement. Se construit dans la patience, dans l'indifférence des us, dans l'essence du reste, de tout ce qu'on peut admirer sur le chemin et qui ne finira de nous surprendre. C'est ça qui compte avant tout. Rentrer, rester vivant et.. en bonne santé. Vivre, vivre de sa passion mais pas forcément de manière passionnelle. On est encore sur les bancs de l'école de la vie pour une thèse basée sur des études très très « empiriques » – et ça s'empire, ça s'empire ! - et pour ça, « l'Université » des Andes est vraiment pas pire dans le domaine !

Au moment de repartir pour Villa Union, « Toto », l'un des collègues de Ruben est victime – apparemment comme à l'accoutumée – de vomissements dus à l'altura. C'est pas du jolie. Avec Steven, on est raide. A l'arrière du quad, on est comme des caballeros très affaiblis, ne tenant que grâce aux étriers, suite à une longue bataille dont on serait sorti miraculeusement indemne. Toutefois, nous n'avons pas totalement perdu notre acclim' et ça c'est très positif, notamment en vue d'Ojos del Salado dans une dizaine de jours si tout va bien. Ruben a des maux de tête également. L'équipe de tronches cassées !

Une nouvelle fois, pas de mot pour décrire cette sublime diversité des paysages, ou alors un mot : « incredible ». La laguna Brava - et ses flamencos (= flamands roses) - change constamment de couleurs en fonction de la lumière. Tu peux rester toute une journée à mitrailler du même endroit, tu n'auras jamais la même photo ! Alors que la piste s'engouffre dans la quebrada (=canyon), Ruben nous montre la face d'une pyramide d'une parfaite symétrie. Celle du Louvre peut se rhabiller. Sûr que les égyptiens sont venus s'en inspirer avant de bâtir les leurs. C'est incroyable. En descendant encore, ce sont des formes cubiques que l'on peut reconnaître dans les parois des gorges.

La journée s'achève paisiblement d'abord autour d'une bière partagée avec les voisins, puis d'une douzaine d'empanadas, et enfin dans l'espoir d'un peu plus de fraîcheur pour aller s'effondrer dans la tente. Quel con, je viens de boire du Coca après m'être lavé les dents. Ça y est, la température paraît baisser. Carpe andiem.

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Vend.20/1 | J44 : « Hostel » - Journée relax après une nuit tumultueuse ou on aurait aimé zigouiller tous les moustiques qui nous ont piqués durant la nuit. Steven a l'air d'un boxeur après un combat. Son arcade sourcilière a doublé de volume. C'est Rocky Balboa (et non pas « Balmoustique ») dans le premier opus. Malgré qu'elles combattent même pas dans la catégorie mi-mouches, ces bestioles-là sont intraitables, elles te mettent au tapis un gaillard d'1m92 et de 80kg comme ça, sans forcer. Tant pis. Ce sont les joies du camping. Trop chaud donc du tu laisses la tente ouverte, donc tu laisses rentrer les moustiques... Des ronflements par dessus tout ça et vous obtenez le combo parfait pour rien dormir. Nous disons adios à Ruben et à sa femme qui rentrent chez eux dans la province de Buenos Aires. Parents de substitution au cours des 3 derniers jours, on prévoit de leur donner des nouvelles rapidement.

Du coup, avant de reprendre la route à bicyclette demain, nous décidons de nous rendre dans un hôtel. 600 pesos pour les 2 (soit moins de 20 € /pers.), c'est une bonne affaire pour un vendredi soir. La connexion Internet est « mi-wifigue mi-wiraisin », mais on s'en contente. En 16h, on va peut-être parvenir à publier une vidéo sur Youtube. Bon, là il est 20h39 et on n'est qu'à 34%. C'est pas gagné. Ça fait du bien de se poser un peu sur un matelas de plus de 5cm d'épaisseur, nos fesses en sont reconnaissantes. Ah et c'est drôle de re-regarder la TV – on assiste à l'intronisation de Trump à la Casa Bianca - après 1 mois et demi environ sans petit écran. Avoir 2 lits bien séparés, ça aussi, de temps en temps, c'est pas du luxe. Nous sommes intimement liés dans cette aventure mais il est impératif que nous gardions de l'intimité pour durer.

Ce soir c'est plateau de pâtes - télé devant un match de NBA. Le petit déj a déjà été livré. Les tenues de vélo bien disposées sur le lit. Nous sommes en place pour notre 2ème semaine en tandem, direction Fiambala au nord. Les idées (de sommets à gravir) pour la suite ont bien marinées aujourd'hui. Y a plus qu'à marner maintenant. Chaud devant, demain on va faire fondre de l'asphalte ! Vers 22h, c'est le déluge. Lorsqu'on tire le rideau pour regarder dehors, ça ressemble à un décor de film d'horreur... Ça ne dure pas longtemps mais ça a le temps de tomber. Plus de télé Pas de NBA. Pas grave. On se couche plus tôt. Et pis on se dit qu'on est chanceux de ne pas être au camping ce soir. Carpe andiem.

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Sam.21/1 | J45 : « Dans la vie, il y a des cactus » - Première journée du reste de notre vie à vélo, en Argentine. On borne sur environ 110km. Surtout, nous rencontrons in vivo, en action, nos trois premiers cyclo-touristes, échangeons comme il se doit entre gens de la même communauté, de la même famille (« tu es de ma famille... » / J.J. Goldman), avec les mêmes valeurs... et ce, malgré les 40 ans qui peuvent nous séparer ! Un petit selfie et hop on repart en direction de Chilecito. A l'heure du déjeuner, nous nous arrêtons dans une quebrada conseillée par les « dutch » et en effet, le site est magnifique avec ces 3 gouilles superposées que l'on gagne par un chemin longeant l'une des parois abruptes du canyon. L'eau dans les 2 premières est un peu souillée. Celle de la troisième est parfaite pour se rafraîchir et se raffermir mollets et cuissots avant de retourner sous la canicule. La route l'aprem est superbe, raide au début jusqu'au col à plus de 2000m d'altitude, puis en descente avec plein de virages en balcon et toujours autant de cactus dans la pampa, des champs de cactus à perte de vue ! Certains font vraiment penser à des churros géants. Faut pas être en fringale à ce moment-là. Encore un petit effort le long d'une voie rapide sur une douzaine de kilomètres de piste cyclable – la première que nous empruntons – et nous voilà dans notre ville étape. On trouve une auberge bon marché, avec clim' dans la chambre, lieu de vie pour cuisiner et une très bonne connexion Internet. Très bonne connexion avec les locaux également. Alors qu'on regardait tranquillement la fin d'un match de basket avec Steven, 3 argentins se rappliquent et nous somment de changer de chaîne. Y a Boca Juniors qui joue. Faudrait surtout pas rater le coup d'envoi ! Carpe andiem


Dim.22/1 | J46 : "Dans la vie, il y a des cactus(2)" - Actuellement sous un préau devant une "coopérative de travail" à regarder la pluie tomber, l'orage gronder et les éclairs nous.. éclairer. Nous sommes en cie d'un cyclo-touriste canadien parti de Vancouver il y a maintenant 1 an et demi. Amazing! Il ne semble pas plus marqué que cela. Il a une bonne tignasse en revanche. On sent immédiatement qu'il s'agit d'un aventurier solitaire. Pour preuve, il a passé Noël dans une grotte, tout seul. Bon, âgé de 27 ans (comme moi), il est un minimum connecté et utilise Mapsme comme nous et il est plein de bons conseils! Wahhh! La foudre vient de s'abattre pas très loin del pueblo.
Petite étape pour nous. J'avais pas des jambes de feu. On a surtout tous les 2 soufferts de la chaleur humide comme jamais. Ce temps orageux n'est pas hyper propice aux longues balades à vélo et au camping sauvage. Ces températures me rendent moroses et aigris. Steven les supportent mieux que moi. Di coup, il doit supporter en plus mes silences et mon côté ronchon. Faut que je me reprenne.
Vers midi, alors que nous traversons un bled (Famatina), le conducteur d'une voiture que nous croisons reste scotchée sur nous,le tandem, notre chargement sûrement... Quelques secondes plus tard, on entend un bruit sourd. La voiture n'a pas ralenti à l'approche du dos d'âne et s'est empalée dans celle qui la précédait. Nous venons de générer un accident. Espérons que cela ne se reproduira plus, c'est un brin gênant. Le bilan 'klaxon' est bon en revanche: 187 au total ce soir. Notre bilan carbone n'est quant à lui pas excellent. On a consommé (et jeté) beaucoup trop de sachets de course. On tente d'acheter le moins possible de bouteilles d'eau en plastique, surtout quand on voit les quantités qui "se promènent" dans la nature, au bord des routes. Je dirais qu'on en voit dans les 200 / jour. Très surprenant également de voir des bouteilles de sodas (vides) érigées devant des sortes d'autels en mémoire à un proche disparu ou à la gloire d'un saint. Nous ne sommes pas des saints. Mais ce genre de voyage, dans de tels pays, t'amène forcément sur le chemin de la sagesse. Malgré les cactus, on prend du plaisir, on avance. Carpe andiem.

 

Lun.23/1 | J47 : "Dans la vie, il n'y a pas que des cactus" - Un original ce Justin! En papotant un peu avec lui avant d'aller se coucher, on se rend compte que ce canadien est un être à part, peut être un peu autiste, sauvage en tout cas, et ce qui nous impressionne le plus c'est qu'il ne transporte que 2l d'eau sur son vélo la journée. Pire encore, il se contente de simples morceaux de pain ou de crackers pour ses repas. Mais comment fait-il !? Ca creuse tellement la bicyclette, surtout sous ses températures démentes ! Bref, respect et good luck l'ami. Nous on part tôt déterminés à rejoindre Fiambala ce soir. En fin de matinée, nous avons même l'honneur de faire un tour de "bull". Allez hop tout le monde dans le godet pour passer la rivière qui traverse la piste ! En effet, la route a pris l'eau par endroit suite aux grosses intempéries. Sans la présence de l'engin a cet endroit, on aurait dû sortir les aquashoes (=les tongs) et cela nous aurait rappeler le Svalbard, en moins froid.
Les pastèques à Tinogasta (et non Tinorossi) font saliver. Le problème avec notre moyen de locomotion c'est pour les transporter. Du coup, pour le p'tit break de 11h, on opte ce coup-ci pour des chips et des barres. Le tonnerre et les nuages de l'orage sont en chasse-patates derrière nous. "Y va faire tout noir!" On a beau pédaler comme des salauds (/autant qu'on est con), on va se faire arroser. On finit par se prendre une bonne rincée peu après midi. Nous nous réfugions alors dans un arrêt de bus, décrochons une nouvelle fois la remorque pour la mettre à l'abri. La pluie a cessé. On peut remonter sur notre bécane. Un jeune âgé d'une dizaine d'années s'arrête alors devant notre monture qu'il semble apprécier. Nous apprécions au moins autant de faire sa rencontre et de recevoir des encouragements nourris de sa part! On immortalise le moment avec lui. On aurait aimé pouvoir lui envoyer la photo mais voilà, compliqué. On se souviendra. Lui aussi je crois. Après 3 nouvelles heures passées sur la selle, nous atterrissons à Fiambala et son parc central avec ses 3 marchands de glace au m2, son wifi gratuit poussif... Mais sinon c'est extra comme ville étape / de base pour nos futures expéditions "andinistiques". Il y a toutes les commodités, una legumeria pas chère et une auberge de jeunesse (San Pedro) typique, constellée d'ames voyageuses, d'aventuriers à vélo ou non. Celle qui nous accueille, "Li", voyage depuis 3 ans et quand on lui demande d'où elle vient, elle nous répond : "du monde". En réalité, elle est originaire d'Israel. Chouette façon de se présenter, évitant d'emblée de se voir imposer certains clichés abjects et une éventuelle méfiance de la part de gens pas très malins. Ici, et jusqu'à présent, c'est tout l'inverse. On ne rencontre que des personnes qui aiment donner, admiratives de ce que l'on fait et désireuses de contribuer modestement au projet. Ca nous ravit, nous sommes touchés des lors que l'on engendre quelques sourires sur des visages déjà si rayonnants. Dans une station service, alors que nous étions assis à une table à l'intérieur, un homme est entré exprès dans la cafétéria pour nous témoigner son admiration au travers d'une franche poignée de main. Poignant. En fin d'aprem, j'apprends que ma sœur va être maman. Encore plus poignant. Les larmes au yeux, je me dis que j'aurais aimé être en ce moment à Genève pour la prendre dans mes bras. C'est à une sacrée montagne qu'elle s'attaque, la meilleure ascension et le plus beau sommet de tous. À côté, ce qu'on fait avec Steven c'est du bidon. Raison de plus pour rentrer en France l'été prochain. Si je ne trouve pas de job rapidement, au pire j'irai pouponner! Malgré encore quelques tensions entre nous, pas mal liées à la fatigue, on passe globalement une bonne soirée avec Stevie en cie d'un voyageur français - Alexis -d'une cinquantaine d'années, autiste cette fois c'est sur mais surtout doté d'une connaissance des Andes (sans parler du reste !) qui dépasse l'entendement. Il est par exemple capable de te donner le nombre de billets de 1000 CHF en circulation... Et les étoiles, il semble les connaître sur le bout des doigts. Nous tombons pour de bon sur le cul quand il commence à nous énumérer toutes les dates et lieux des futurs éclipses totales. Une mémoire de fou et un mental d'acier vu le nombre de sommets et les kms parcourus à vélo qu'il a réalisés un peu partout sur le globe. Ca fait rêver et en même temps un peu flipper car après niveau vie perso tu es tout de suite limité. On va se contenter de ces 5,5 mois dans un 1er temps et on verra pour repartir par la suite, pourquoi pas sur une plus courte période. Quoi qu'il en soit, avec tous ces "martiens", on a vraiment la sensation de vivre dans un monde parallèle. Carpe andiem.

 

Mar.24/1 | J48 : "Plus que haut que les condors ?" Aujourd'hui c'était préparation et paquetage des affaires en vue des 10/15 jours à venir consacrés à se promener entre le Paso San Francisco, le nevado (=mont) du même nom, l'Incahuasi et Ojos del Salado (2eme plus haut sommet des Andes). On espère pouvoir faire au moins un de ces sommets. Avec beaucoup de chance, si on trouve quelqu'un pour nous emmener jusqu'au camp de base d'Ojos, et si les conditions météo sont favorables, pourquoi pas inscrire un second voire un 3eme 6000 à notre tableau de chasse. En se rendant au musée del hombre y de los seismiles en fin de matinée, on apprend que les 2 premiers alpinistes à avoir gravi le Pissis s'appelaient Stephen et Jan, et c'était en le 7 février 2017... Nous nous disons que ce serait "drôle" de fêter les 80 ans de cette expé victorieuse en allant nous aussi au sommet. Mais d'abord il nous faut terminer les préparatifs, faire les courses pour 2 semaines et remplir un formulaire pour pouvoir faire de l'andinisme au Chili. Le genre de truc qui prend 5 minutes en France contre 50 minutes ici. Meme dans le bureau de Johnson Renoso - Mr sécurité en montagne dans la région de Catacamarca et (entre autres) coordinateur pour le Dakar lorsque la course y fait étape - ca rame ! En fait, lui aussi utilise le wifi gratuit de la place. On galère également pour retirer de l'argent, la banque nationale d'Argentine fixant un plafond (à 2000 pesos) très bas aux personnes non clientes. Déjà que j'ai bloqué la Mastercard de Steven en me trompant 3x de suite de code a Chilecito. On se serait bien passé de ca. Disons que c'est quelques minutes de sommeil précieuses en moins. Steven fait de l'optimisation pour le rangement des sacs. Je fais la cuisine. On discute encore un peu avec les autres jeunes de l'auberge, une dernière grappe de raisins et hop au dodo ! À partir de demain on repart au combat sur la route 60 en direction du Paso San Francisco, qui marque la frontière avec le Chili. Carpe andiem.

 

Mer.25/1 | J49 : "Que le vaya bien" - Il nous fallait un drone aujourd'hui pour bien retranscrire la grandeur, non l'immensité de la vallée de Chaschuil. Steven pense qu'on pourrait aisément y faire rentrer une ville de la taille de Grenoble et il doit pas être loin de la vérité. Quelques fois, nous choisissons un thème (ex: cyclisme) puis devons trouver une réponse pour chaque lettre de l'alphabet. Cela permet de faire fonctionner un peu notre mémoire, malgré le soleil qui tape sur la caboche et d'oublier un peu les douleurs liées à l'assise. Retrouver tous les départements français nous aura occuper un bon moment aussi. Lorsque nous étions mômes, nous avions l'habitude de jouer dans les bouchons, enfermés dans une voiture, au moment de partir en vacances. Là, dans ce décor,à plus de 3000m d'altitude, l'effet n'est pas le même. On prend plaisir à refaire ces petits jeux, d'équipe qui plus est tant on peut se cultiver mutuellement. Bon ok, en musique classique ou en littérature française, on serait vite "charrette"! Vers 15h, nous improvisons une petite sieste dans le 1er refuge (sur 3) d'urgence situé le long de la route. Vraiment pratiques ces endroits. Il arrivait à point nommé. Entre l'altitude, le soleil et la fatigue, ça commençait à tanguer sur le "bateau". Encore une vingtaine de kms, et toujours autant d'encouragements - le bilan 'Klaxon' s'élève maintenant a 242, on tient la moyenne ! - de la part des argentins que nous croisons ou qui nous doublent. Nous nous retrouvons au 3eme refuge, à 110km du col. Il s'agit certainement d'une ancienne ferme laissée à l'abandon et récupérée par l'Etat. Le confort y est sommaire, la propreté laisse à désireux. Il n'y a pas de porte et la plupart des fenêtres n'a ni carreau ni volet. C'est un nid à microbes mais au moins on a une table pour manger et un toit pour dormir, surtout qu'un nouvel orage est annoncé. Pas au bout de nos peines, après avoir filtré l'eau de la rivière, mangé et juste après s'être installé sur nos lits - Steven perçoit un rat d'une certaine taille. Même si les petites bêtes ne mangent normalement pas les grosses, on fait pas les "kékets". Alors que nous sommes gentiment en train de nous endormir, je sens que quelque chose effleure mon sac de couchage au niveau de ma coupe mulet ! Pas très cosy comme refuge. Si on pouvait éviter d'y passer 2 nuits. Du coup, on décide de mettre la tente juste devant l'entrée pour condamner cette dernière et ainsi éviter que des vigognes ou des ânes ne nous rendent une visite impromptue dans la nuit. C'est pire que le parc du Serengeti ici ! On a l'impression d'être entouré d'animaux sauvages... dont des rats donc. En même temps, vu l'amas de détritus qui s'amoncelle devant la baraque (sans parler du verre brisé), c'est pas étonnant qu'ils pullulent. Notre plus grosse hantise serait que ce soit.. hanté.. Allons, on ne va tout de même pas se laisser abattre par ces petites péripéties. Au moins, elles nous occupent. Et pis, on n'est pas aux pièces. Maintenant qu'on est dans la tente, emmitouflés dans nos gros sacs de couchage, on peut dormir sur nos 2 oreilles (de Mickey). Il n'y a bien que des rêves de rats géants qui pourraient encore nous réveiller en sursaut. Carpe andiem.


Jeu.26/01 | J50 : "La voie des condors" - journée historique pour Steven et moi, dans notre courte carrière de cyclo-touristes. En effet, nous dépassons les 1000m de D+ et surtout atteignons 4200m d'altitude en tandem! C'est plutôt marrant de se dire que l'on arrive à vélo plus haut que le refuge du Goûter pour y passer la nuit, sans souci d'acclim'. C'est un peu comme si on allait bivouaquer au col des Aravis chez nous. Avant cela, en début d'après-midi, alors que nous roulons sur une longue ligne droite, un condor nous survol, porté par les airs. Parviendra-t-on à se faire agripper dans les serres de l'un des ces immenses rapaces d'ici la fin du voyage (comme sur notre logo) ? Ils pourraient nous emmener rapidement haut en altitude. "Envole-moi, envole-moi... !" La vue serait démente... D'ailleurs, un peu plus au nord se trouve le muy hermoso cerro Condor. Après cette rêverie passagère, malgré les nuages bien accrochés aux sommets alentours, nous pouvons reconnaître 2 gigantesques volcans sur notre gauche: d'abord Ojos del Salado puis l'Incahuasi. A côté de ce dernier, le Nevado San Francisco paraît minus, alors qu'il culmine déjà à plus de 6000m ! Steven fait le parallèle avec le basket : c'est comme si toi tu te mettais à côté de Shaquil O'Neal (2m26). Et de voir certaines de ces grandes plaines emplies de vigognes, d'ânes, de chevaux et de vaches en semi-liberté, broutant harmonieusement au pied de ces monstres de feu endormis, c'est... Ouah!! Juste avant d'arriver à La Gruta, là où se trouve un poste frontière argentin, nous reprenons (enfin) Alexis et son tandem "couché". Lui, contrairement à nous, s'en fout pas mal de se mettre en position aérodynamique quand ca descend. Même (mem!) sans faire d'effort, nous montons vite à 70km/h avec notre bécane. Le plus dur en fait, c'est de tirer la remorque - sans compter les sacoches - dès lors que ca monte, le vent (de face) pouvant éventuellement en rajouter une petite couche pour faire encore plus fumer mollets et cuissots. Presque 22h22. Je pense à mon ex-belle mère qui a eu 60 ans aujourd'hui. En outre, je pense beaucoup à mon village d'origine, ma famille, Annecy... en ce moment  quand on reste aussi longtemps sur la bicyclette. Ce qu'on voit est sublimissime et je sais que lorsque je serai de nouveau en train de fouler la pelouse du Paquier, je verrai en face de moi des images de sierras et de nevados andins. Carpe andiem.

 

Ven.27/1 | J51 : "Un jour un col" - En France, cette opération touristico-sportive se déroule tous les dimanches matins en été. Elle donne la possibilité aux cyclos d'aller se frotter aux belles pentes des mythiques cols alpins français. Nous sommes vendredi mais ça pourrait marcher aussi ici, clairement. Bon là, ok on a peut être fait les feignasses en laissant le tandem et la remorque au campamento de La Gruta. En même temps, un client du regufe - de Córdoba - nous a proposé tellement gentiment de nous monter au Paso San Francisco à bord de son pickup que l'on ne pouvait décliner. On avait pour idée au départ de faire du stop mais c'eut été pas gagné. En outre, on se dit que si la météo n'est pas bonne au dessus de 5000 à partir de lundi, on pourra se refaire (la cerise sur) le col à vélo avant de redescendre à Fiambala. C'est sur que c'est pas tous les jours qu'on peut franchir un col routier situé 4730m au dessus du niveau de la mer. À voir... À voir absolument un jour dans sa vie si vous le pouvez les amis! Avec la Laguna Verde un peu plus loin, en territoire chilien, dans laquelle se reflètent une ribambelle de Seismiles capitonnés de neige... Avec ça, on se prend pas le chou. On voit et vit un peu au jour le jour, en fonction des opportunités qui se présentent (ou pas) à nous. En ce moment, on se relaxe dans notre tente au camp à 5100, en vue de l'ascension demain aux aurores du nevado San Francisco. Si la Pachamama accepte notre requête cette fois, ce sera notre premier "6000" accompli et nos premiers clichés en haut d'un sommet. Derrière, d'autres devraient suivre. Steven retouche actuellement certaines photos prises dans l'après-midi. Quel pied de pouvoir prendre son temps pour ce genre de hobby. Pas sûr qu'on réussisse in fine à faire des expos en rentrant l'été prochain. Mais au moins, on aura des tonnes de supports pas trop degueux pour se remémorer des tonnes et des tonnes de très bons souvenirs ! Il n'y a plus qu'à trouver le mode vidéo sur l'appareil est on devient des pros, ou presque. Ce soir, une fois est coutume, on n'a pas prévu de sortir boire un verre ou d'aller au cinoch'. Ce sera - comme Benabar - pizza devant la télé, enfin pas tout à fait. En réalité, la tv est remplacée par un panorama de malade sur la Laguna et les nuages blancs qui surgissent - "en fusion" - de derrière les montagnes. Et aux pizzas, pour des raisons pratiques, se substitueront du riz (collant) et des sardines (premiers prix). Le fait est que nous ressentons pas mal de fatigue ce soir mais pour autant, nous aussi, nous sommes en fusion! Déterminés à admirer le vol royalement serein des condors depuis le haut des cimes. Carpe andiem.

 

Sam.28/1 | J52 : "Bike Andes... Peaks!" - "The wind of change" - "Nos larmes de condor" - Encore un jour historique pour notre projet. Après 3 échecs pour démarrer, nous réussissons notre premier sommet de plus de 6000m. Le Nevado San Francisco et ses 6018m nous a souris, malgré un vent d'est glacial estimé à 80km/h. Bien acclimatés, on s'attendait plutôt à une formalité, ce sommet étant considéré comme l'un des plus faciles de la catégorie. Mais les Andes c'est pas ça, le temps y est tellement changeant et ce, très rapidement. Et il semble être de plus en plus imprévisible avec le changement climatique. Bon, on a failli faire demi-tour dans le cratère, 200m en dessous du sommet. Le froid nous glaçait les os et les articulations (ceux et celles des extrémités en particulier). Je dis à Steven : "on y va quand même?". Pas de réponse. Deux minutes plus tard, alors que je pensais qu'il était dans l'optique de redescendre, il me fait: "on s'la tente ?" Je venais de me faire une raison. Finalement, on joue notre va-tout, en priant pour que la dernière pente raide juste avant le plateau sommital ne soit pas trop en glace. Le lever du jour a fait pencher la bascule, en insufflant un élan salvateur. De plus, nous sommes tellement vernis d'être ici, en bénéficiant de nouveau d'un transfert gratuit. Nous ne pouvons jeter l'éponge. Ça tombe bien, on en a pas (d'éponge). C'est pas de la boxe l'andinisme mais ça y ressemblerait presque. On a pris des gauches du vent tout le matin et pourtant on a gagné aux points. On n'a pas battu la Pachamama pour autant! Ce serait un abominable affront que de penser cela. On a seulement su affronté ses éléments véhéments pour profiter (enfin) d'un lever de soleil en haute altitude made in Argentina, dans ce massif de la cordillera nommé la Puna. Deux fois, nous nous étreignons avec beaucoup d'émotion. Dans de telles situations, le sentiment du devoir accompli prime et la fatigue laisse place à l'euphorie. Le retour jusqu'au camp es muy rapido. Une tournée de spaghettis (sans aucun accompagnement = pas loin d'être la pire de tous les temps) pour fêter ça et nous voici dans le pickup de Ricardo, bien au chaud, discutant voyages voyages "d'aventure", le temps que les autres rentrent à leur tour de leur tentative. Toujours aussi sympa d'être dans le partage improvisé d'expériences. A 8 dans le 4x4, nous prenons le chemin -sinueux et caillouteux - du retour en direction du col. Puis nous avons la chance d'admirer une autre lagune, "bronzée" cette fois. Il faudrait 7 vies pour tout explorer dans le coin et.. autre chose qu'un tandem et une remorque! Nous avons mis 3h45 pour monter et environ 2h pour faire les 900m de D-. A 9h, notre journée était "terminée". C'est drôle car des paroles bien connues émanent du poste radio de Ricardo : "je ne veux pas travailler...". Le jeune guide argentin nous traite de locos tembien. C'est vrai qu'on y est pas allé par 4 chemins pour faire l'ascension. On a pris todo dereccio, c'est à dire dré dans l'pentu ! A notre décharge, on y voyait que "tchi" dans la nuit et n'avions point de trace gps. La prochaine fois, promis, on empreinte les sentiers et on évite ainsi le hors-piste souvent coûteux en matériel (j'ai notamment fait 2 trous dans les moufles qu'un ami m'a prêtées pour le voyage). Autre fait marquant de cette journée, à la fois marrant et.. pas marrant, c'est le fait que l'une des 2 frises (avec l'ensemble des petites bouilles trop mignonnes) que les élèves de CM1/CM2 de l'école de Villiers-sur-Morin avaient confectionnées pour nous s'est envolée au sommet alors que nous nous apprêtions à immortaliser ce moment tant attendu ! Elle ira loin, vous pouvez en être sûrs. Au Chili en l'occurrence. Et, qui sas, peut être même au-delà du Pacifique ! A l'inverse, nos espoirs ne se sont pas tous envolés aujourd'hui, bien au contraire. Nous sommes regonflés à bloc (comme les roues de notre "semi-remorque"), remontés comme des coucous suisses, avec l'intention de rééditer l'expérience dans les prochains jours, plus hauts ! Voilà, faudrait juste que Greg - le prof de l'une des 2 classes de Villiers - ne lise pas ce résumé, sinon il va nous tuer ! Comme le dit si bien Steven: il ne faut ni se voir trop beau, ni banaliser la perf'. Ce dont on peut être le plus fier je crois, c'est d'avoir réussi pour la première fois à faire du "tandinisme" c'est à dire l'approche en tandem puis l'ascension à pied. Carpe andiem.

 

Dim.29/1 | J53 : "Les hautes lumières" - Apres 3 jours passés hors du monde et une 2nde nuit dans le dortoir de La Gruta, vers 9h, nous nous dirigeons vers la douane pour obtenir notre visa d'entrée en Argentine. On prévoit du coup de revenir dans 3 jours pour tenter l'Ojos del Salado (6893m) du côté chilien. Après un peu moins de 3h de descente ou l'on tourne quasiment pas les jambes, on décide de s'arrêter au refuge n•3 pour déjeuner. En voyant les 2 voitures garées devant, nous sommets d'abord un peu hésitants, n'étant pas sûrs qu'il y ait suffisamment de place pour manger tous ensemble à l'intérieur. Mais nous sommes accueillis comme des papes, mieux que cela même. C'était comme s'ils nous attendaient. 4 retraites argentins dont "Maggui", la directrice du musée des Seismiles de Fiambala et immense andinisme, et une prof de français, fan du tour de France! On en finit plus d'avoir le c** bordé de nouilles. Ou alors ce sont les argentins qui sont tous comme ça. A peine entre-t-on dans le refuge que nous nous faisons servir du maté "sur un plateau". C'est une attention particulièrement touchante, marquant sa volonté de se lier d'amitié avec nous. Les 183eme personnes qui nous encouragent depuis notre départ garderont à jamais une place spéciale dans notre mémoire et ailleurs. Cela d'autant plus que trente minute après notre en arrivée et notre rencontre avec les 4 amis argentins, nous voyons débouler Theresa, une jeune brunette allemande. C'est un peu comme si Cameron Diaz - a l'époque de Mary à tout prix - faisait irruption dans votre salon. Ou plutôt Claudia Schiffer. Ok, c'est peut être exagéré. En vérité, ça nous fait du bien de voir une fille d'a peu près notre âge, qui parle français qui plus est, après ces 4/5 jours en montagne. Pas qu'on s'ennuie avec avec les plus de 50 ans, bien au contraire ! C'est juste qu'on peut échanger et déconner sur d'autres sujets. Bref, c'est juste dingue de se dire que tu as vraiment l'impression d'être en famille alors que tu connais les personnes depuis à peine une heure. D'où l'art argentin (et allemand!) de te mettre à l'aise. On nous offre même ensuite un peu de verduras (légumes), un bon morceau de fromage ressemblant à du gruyère suisse mais avec moins de goût, accompagné d'une galette faire maison et de la banane.. et un p'tit coup de rouge par dessus ces mets exquis. C'est vrai qu'après 10 repas d'affilée composés à chaque fois de riz, de pâtes ou de polenta et de thon ou de sardine.. tu commences à saturer. Cette invitation tombait à pic. Un cadeau de la vie inespérée. Après ça, tu ne souhaite qu'une chose : rendre la pareille, à ces gens-là ou à d'autres, de/dans la même veine. Leur ressembler pour devenir un jour aussi charmants et avoir naturellement ce sens de l'accueil qui nous fait souvent défaut en France. Cette route 60 et notre "road 66", avec tous ces animaux en liberté - nous avons pu apercevoir une race de flamands roses un peu plus tard dans la journée - ces paysages insensés où tu as dans le même champ de vision une plaine désertique, une sorte d'oasis avec un rio qui coule au milieu et des monts de tous les couleurs en arrière plan, avec des monticules de sable fin... C'est quasi indescriptible par écrit. Seule une photo peut témoigner de cette infinie beauté. Il paraîtrait qu'au dessus de Cafayete c'est encore plus jolie car plus saisissant de contrastes. Hâte de pouvoir comparer et s'enivrer à jamais de ces décors de rêve que la Pachamama a sculptés assurément pour rendre les Hommes heureux. Curieux aussi de constater que vers 18h, quelques minutes avant de s'arrêter au refuge n•2 pour y passer la nuit, une voiture qui roulait à très faible allure lorsqu'on l'a croisée nous dépasse dans l'autre sens 5 minutes après, una chica nous filmant longuement en train de pédaler. Auraient-il fait demi-tour juste pour prendre quelques photos et vidéos ? On en vient même à se demander s'ils n'ont pas fait le déplacement spécialement pour nous voir ? On n'en a pas la prétention. Une chose est sûre: avec un tel attirail et de la façon dont nous sommes élégamment accoutrés, nous ne laissons pas indifférents, même celles et ceux qui au départ n'en ont rien à carrer du voyage à vélo et des 2 roues en général. On n'a pas dit au revoir à Maggui tout s l'heure mais on devrait la revoir chez elle à Fiambala des notre retour d'Ojos. En revanche, Theresa repart finir ses études au Brésil le 7 février. Ça ressemble donc plus à un adieu la concernant. Encore que, elle habite près de Stuttgart, ce ne serait pas la mère à boire pour voir Theresa. Et pour ce qui est de Nora, la prof à la retraite depuis l'an dernier, elle prévoit de venir en France en mai/juin prochain. Qui sas si on ne se verra pas à cette occasion. C'est beau les rencontres, l'amitié, l'amour ! C'est mieux que la politique (et la guerre), que Fillon qui se fait rattraper par la patrouille alors qu'il se disait plus que blanc que blanc. Parfois, les hautes lumières proviennent "d'en bas", des profondeurs de l'être. On s'est régalé cet après-midi, ahuris devant tant de sollicitude et de chaleur spontanés. Carpe andiem.

 

Lun.30/1 | J54 : "Entre les murs" - Encore une nuit mouvementée avant s'attaquer à la fin de la redescente vers Fiambala! Un peu avant minuit, Steven entend un bruit de rongement de sachet plastique... Je l'avais perçu également mais je pensais que c'était dehors au niveau de la poubelle. En éclairant près de la porte, nous voyons alors l'incarnation de l'enfer : une souris toute "mimi" de 10cm de long. L'avantage c'est que c'est pas le rat énorme de Pasos Largos. Theresa nous avait prévenus. On y croyait qu'à moitié. Du coup, ni une ni deux, nous tentons de la faire sortir par la porte à l'aide d'une brindille trouvée devant le mini foyer de notre "chapelle". Manque de pot, après nous avoir fait tourner en bourrique et fait la preuve de son incroyable dextérité, elle finit par se réfugier dans le conduit de la cheminée. Impeccable. Du coup, de peur qu'elle nous caresse le visage si nous restons à même le sol, nous nous couchons sur le banc de 40cm de large pour la suite de la nuit. Une couchette étroite donc mais au vu de notre fatigue, ça va on n'aura pas trop de mal à retrouver le sommeil. Quand ce ne sont pas les ronflements, les gens qui parlent, le bruit du générateur à essence ou encore la lumière, ce sont désormais nos amies les souris qui nous font veiller.
Après cette "courte" intro sur notre nuit à rebondissements, nous avons essayer de faire un timelaps du lever de soleil. Sans grand succès. Y a encore quelques subtilités techniques qui nous manquent. "Allo, Colin ?" Nous quittons la fabuleuse vallée de Chaschuil pour se retrouver dans une nouvelle grande plaine avant de fondre sur Fiambala par cette fameuse quebrada au rouge vif, presque sang. Nous aussi avons le sang vif et nous prenons au jeu avec deux cyclistes argentins, un père et son fils, en les rattrapant puis en collant à leur roue. Digne d'un final d'une grande classique, c'est un peu le chat et la souris lors des 15 derniers kms. Ils semblent assez surpris que l'on puisse tenir une telle cadence. En même temps, dès que c'est de la descente, difficile de rivaliser avec la "Bapmobile". Après avoir félicité et remercié les vaincus pour avoir pimenté la fin de l'étape du jour, nous retournons "chez nous" à Fiambala, c'est à dire à l'hosteria San Pedro. Pas 'De Atacamà', ça ce sera dans un mois environ. Mais déjà, avec ce nom qui apparaît sur de nombreux autocollants aperçus un peu partout entre Fiambala et le Paso San Francisco, on se voit déjà là-bas à contempler la voute céleste, à la "timelapser", a aller voir les geysers qu'on découvrait émerveillés dans l'émission 'Faut pas rêver' ... D'abord, on va faire un peu de tri photos et de montage vidéo... et se mettre à l'ombre / au frais car jusqu'à 16h c'est la fournaise. C'est d'ailleurs pour cela que la connexion sur la place centrale est plutôt bonne, tout le monde étant calfeutré chez lui. Du coup, Steven peut appeler plus ou moins aisément sa copine, sa mère et moi la mienne. Dans moins de 2h, ca va de nouveau fourmiller de toute part dans la petite bourgade. On est "refait" car, a priori, on a dégoté un très bon endroit pour manger des empenadas très bons et bon marché. Encore quelques jours ici et nous autres muchachos on sera devenus des locaux, inconditionnels. Fiambala n'aura alors plus de secrets pour nous! Si, il faut encore que l'on aille aux thermes et faire du sandboard sur une dune à quelques pas d'ici. Et il faut qu'on rende visite à la légendaire Maggui, chez elle. Après ça, on pourra dire qu'on aura fait le tour. Mais tout cela, ça se mérite! On a juste une "petite bricole" à faire avant : Ojos del Salado et ses presque 6900m. A l'Aconcagua, nous nous étions arrêter à 6780m. Ce serait une belle histoire si nous pouvions améliorer cette marque. Néanmoins, nous ne sommes pas des sauteurs en hauteur et ce qui comptera de nouveau ce sera de trouver les clés pour, une nouvelle fois, faire monter le "tandem" au sommet, plus haut que les condors, là où se trouvent les hautes lumières. Fiambala est entre "les murs". NOUS sommes entre "les murs", dans l'attente de pouvoir en escalader un autre, dans 5 jours exactement si tout se goupille bien. Ce soir, on a privatisé l'hôtel - pour 400 pesos au total -pour mieux se reposer. En vérité, nous sommes les seuls clients. Ça fait pas de mal de temps en temps. Ce lieu, oh ce lieu ! Avec sa déco colorée avec goût et composée d'objets du monde entier, son jardin qui s'étend jusqu'aux vignes dans lesquelles il est permis de piocher à toute heure une grappe de raisin, ses hamacs, ses chambres climatisées, ses petits déjeuner copieux avec du pain frais toaste... C'est un véritable cocon, cosy, ultra paisible, où transpirent sérénité et bien-être. Parfait pour se refaire une santé. Pendant que le plus puissant dirigeant de ce continent est en train de dresser des murs pour empêcher des étrangers d'entrer sur son territoire, on ne voit ici que des murailles façonnées par la nature. Pour le reste, les murs n'ont pas lieu d'être. Les argentins te saluent et te tendent la main quelle que soient te patrie d'origine. Y a peut être juste avec les anglais que ça passe moins bien, mais ça peut se comprendre aussi en partie. Quelle tristesse quand tu lis les titres des actus, que ce soit en France en vue de la prochaine élection Présidentielle, ou à l'international. Le monde ne cessera-t-il donc pas un jour de tourner sur la tête!? Le hip hop c'est bien mais le tango c'est.. mieux. A tout à chacun d'entrer dans la danse afin de contribuer au renouveau de cette planète qui souffre le martyre à force d'être souillée. Carpe andiem.

 

Mar.31/1 | J55 : "Fiambala forever" - Cette fois, le résumé sera vraiment bref. Car, à moins qu'une soucoupe volante ne débarque dans la soirée sur la place centrale avec à son bord une foule de voyageurs martiens, venutiens ou vénitiens, c'est une nouvelle journée repos/ prépa pour Steven et moi. Au programme, 3/4 impératifs : retirer de l'argent (ça, ça va), se renseigner pour un éventuel transfert pas cher au Chili pour demain matin auprès de l'hosteria municipal (ça, ça va), finir les différents montages, publications et mises à jour (ça, ça va), et faire des courses pour une semaine en montagne (ça, ça va.. nous faire "suer"). Bon, l'avantage pour cette dernière tâche, c'est qu'il n'y a pas de supermarchés ici, seulement des épiceries. Alors autant, on trouve pas grand chose, autant on perd pas un temps fou et on se laisse pas tenter par l'article superflu - juste là pour remplir le caddie - qui n'était pas inscrit sur la liste. De toute façon, nous, tout ce qu'il y a dans le caddie, enduite on y met tout dans les sacs à dos. Donc, vous aurez compris qu'on fait attention à pas prendre la boîte de lentilles (en alu) ou le paquet de riz de trop. Bref, voilà, aujourd'hui, on n'est pas énervé. On profite encore une fois de ce cadre enchanteur, presque idyllique, en tout cas idéal de l'hôtel. Dès demain, ce ne sera pas la même musique. C'est particulier et à la fois tellement appréciable de pouvoir comme ça, du jour au lendemain, passer du confort à la "roumanerie" c'est à dire à la vie en extérieure, bivouaquant en altitude, sans certitudes, sans assurances... Avec pour seule possibilité de se raccrocher à la bienveillance de la Pachamama, de prier pour que ta nuit soit à peu près réparatrice (= que tu puisses dormir au moins 3h), et pour que le temps le lendemain soit en ta faveur (et de celles des autres andinistes) pour la poursuite de ton ascension. Il est des prières qu'il ne faut pas négliger. Les incas le savaient mieux que nous. Carpe andiem.

Mer.1/2: "Face to face" - Il est des journées a priori morose, de m****, où il se passe rien, où l'on a rien à raconter. On a fait du "dedo" (=pouce) pour aller au Chili en vue de l'ascension d'Ojos de 11h30 à 13h30, et ça n'a marche pas. Retour au bercail la queue entre les jambes. Voilà. Super. Mais pourquoi être parti si tard? Parce qu'avant cela, nous avons eu une discussion à bâtons rompus avec Steven. Nos langues se sont déliées, nous nous sommes dits ce que nous avions de pesant sur le cœur, l'un envers l'autre. Toutes ces petites discordes la plupart du temps refoulées et qui font bien plus de dégâts qu'elles n'y paraissent. Un peu paresseux (et fiers), on avait évité d'aborder le sujet jusque-là, mais là il fallait crever l'abcès, s'enlever cette épine que l'on a dans le pied et qui nous empêchera d'avancer plus loin et d'aller plus haut. Pour éviter dans s'enliser dans des non-dits qui ne veulent rien dire ou peuvent signifier un contraire vexant. C'était drôle de constater qu'on reprochait à l'autre exactement ou presque les mêmes choses. Comme quoi, une personne pour qui on a une vraie belle estime peut être le reflet de ses propres défauts. Au lieu d'interpréter de manière positive un silence ou le fait d'être repris, on se braque direct! Et ensuite c'est la surenchère de "politesses", aucun de nous deux ne lâchant le morceau. Car il ne faudrait surtout pas avoir tort. Avoir le dernier mot, absolument, coûte que coute. Franchement! On est vraiment des bourriques. Au fond, l'un des principaux soucis que l'on a c'est que, tous les deux, on aime bien tout gérer et avons du mal parfois à faire des concessions. Je suis el signor "tête en l'air" de l'équipe. Steven le Mr "pense à tout". Il est hyper prévoyant. Le roi de l'anticipation, et moi de la "desanticipation". Je suis plus dans une approche compétitrice de la haute montagne... Avec une telle équation, pas évident de trouver la solution, un juste milieu qui convienne à tous les deux. Parmi les clés pour sortir de ces écueils, il y a nécessairement la communication, la confiance (communiquée!) et l'humour ! Défiants, nous défions les lois de l'amitié et de la "pesanteur". Confidents, nous défierons ensemble les lois de l'apesanteur, ici dans la cordillère. Il est des journées bien plus riches qu'elles n'en ont l'air de prime abord. A bord du navire Bike Andes Peaks, on continue à grandir à force de se frotter (de près) à ces flots de minéraux. Nous continuons à gravir les marches de la vie vers les cimes du bonheur, dégagées, ensoleillées et débarrassés des souffles dévastateurs. C'est fou aussi de voir tous ces voyageurs prendre des notes, écrire sur leur carnet avec rabat leurs doutes, leurs émotions et leurs impressions sans rabats cette fois. Mis bout à bout, à imprimer, ça prendrait quelques années ! Les toilettes sont un formidable spot pour cela (pour écrire, pas pour imprimer!). La plume s'affole quand le sphincter est à l'air et que la crotte est molle. Il faut juste faire attention à ne pas les condamner trop longtemps au risque d'engendrer de gênant dommages collatéraux, notamment sur les personnes d'un certain âge. Au risque également d'être pris pour une personne bizarroïde. Ce que je suis déjà par certains côtés. En même temps, avec au dehors le bruit d'un enfant gazouillant dans le jardin qui se mêle à celui d'une douce chanson d'amor ("oh mi corazon"...) interprétée par un ténor argentin, dur de tirer la chasse. Bon allez, j'y vais car je crois qu'on frappe à ma porte.. Je vais me faire frapper par l'aîné de la maison - âgé de 10ans - si je suis pris sur le fait accompli d'un nouveau délit ! Et puis il faut dire que ça fait plus de 18 mois qu'on se réveille, qu'on mange, qu'on travaille sur, qu'on "caque" et qu'on dort Bike Andes Peaks. Et que Steven me voit plus que sa copine ! Il est donc normal qu'il y ait des petites tensions nées d'incompréhensions ou de mal interprétations, et qu'il nous arrive de chercher des poux - alors tu peux tomber sur Greg et là c'est cool! - C'est juste con que, depuis le début du périple, elles annihilent une bonne partie des qualités de l'autre. Il n'y a que les cons qui ne changent pas. Avec élégance, on va redonner de l'élan et de l'allant à notre duo. Comme tous les "couples", on a un petit passage à vide. Maintenant qu'on a vidé notre sac de 100l (ça en fait des casseroles!) et qu'on le te-rempli comme il faut, finis les caprices, on est reparti comme "en 60" (=sur la RN60), complices et déterminés à emmener ce projet au delà de ce que l'on espérait. Carpe andiem.
 

Jeu.2/2: "Les fourmis (II)" - 2eme journée à intentar el dedo. Notre petit doigt nous dit que ça va pas être de la tarte au duce de leche. Bientôt 9h30. 6/7 voitures qui aurait pu nous prendre ne se sont pas arrêtées. Est ce la taille des sacs ou nos tronches de voyageurs - montagnards au teint légèrement burinés et clairsemés de poils ? Hier, nous nous sommes bêtement écharpés (entre autres) pour une histoire de religion. Aujourd'hui, nous lions nos croyances pour implorer le "Dieu del dedo". Du coup, pour patienter comme on peut, on observe la danse des fourmis, les filmons... C'est un spectacle fascinant et passionnant qui nous rappelle forcément l'œuvre de Bernard Werber. 2h30 qu'on attend maintenant. Dans ces cas-là, tu annonces toujours au copain : quand je rentre en France, je prends tout le monde en stop!" Ouais. C'est ce qu'on dit. Le plus frustrant c'est d'avoir rater le jeune couple de Buenos Aires qui était à San Pedro (l'hôtel) avec nous. On a dû les manquer d'un rien. Ils devaient se rendre à la Laguna Verde avec des amis. Ils ont dû se lever et partir très tôt. Pas trop de regrets non plus dans le sens où il était fort probable qu'ils soient déjà 4 dans la voiture, un petit modèle qui plus est. On l'a donc dans le baba et il n'y a pas moult solutions de repli si jamais ça ne marche pas. Steven se met à siffler et à chantonner ("ça.. fait.. ch***!), chose qui ne lui arrive pas souvent. Ça n'augure rien de bon. C'est comme quand tu vois un canard blanc - ou un éléphant - sur un lac. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Jusque-là, on a eu énormément de chance. Il fallait bien que ça tourne un peu, sinon c'eût été vraiment louche. Les loras (perroquet) sauvages font un de ces boucans. Ça occupe l'esprit. Comme de constater qu'ici, en gros, soit tu as un pickup rutilant, soit tu as une voiture des années 30 qui aurait du mal à passer un contrôle technique. 10h37. Bon, on s'en sort pas si mal, même très bien en fait. Un gars de Fiambala (en pickup rutilant) vient de nous proposer de nous emmener à La Gruta dans une heure environ, le temps qu'il aille voir sa maman. L'espoir demeure de pouvoir faire Ojos dimanche. Le rêve continue de pouvoir aller au sommet de ce monstre sacré... Espoir et rêves de courte durée. A 13h45, ne voyant toujours pas le pickup arriver, nous nous sommes faits une raison. Entre temps, nous avons revu Ugo qui revenait des thermes, puis Estella et Nora qui s'apprêtaient à s'y rendre, et enfin le couple d'argentins rencontrés à San Pedro. Nous avons également eu le temps de comprendre qu'il n'y a pas de code de la route. Aux intersections, c'est pickups en premier et tacots ensuite. Le glas a sonné. On prend un petit coup sur la tête mais c'est peut être pas encore tout à fait fini. Il nous reste une toute petite chance de profiter de ce créneau météo favorable. La persévérance (des fourmis) finira-t-elle par payer ? Ou doit-on finalement payer - pour l'organisation d'un transfert - pour mettre à profit notre persévérance ? Et si notre sauveuse s'appelait Magguy...? C'est vague comme questions. Autrement, serait-il possible de louer une voiture ? Pas gagné avec le passage en territoire chilien. C'est un peu flou dans nos têtes. C'est simple, si demain à 10h nous sommes toujours au point mort à Fiambala, derrière, on redéfait les sacs, on recharge la remorque et on remonte sur la selle! 15h12. A la recherche d'un signe, on vient de se prendre une mini-tornade dans la gueule. Au final, 2eme journée à ruminer. Le problème c'est qu'il commence à plus y avoir beaucoup d'herbe sous nos tpyieds. Avec ces conditions météo instables et un problème de durée de permis au Chili - et il ne faut pas rigoler avec ça, sinon on finit au poste et on vous ouvre un casier judiciaire dans votre pays / accueillant les chiliens n'est ce pas ! - on nous la couper. Du coup, demain on va aller voir ailleurs si elle plus verte. Pas le souris hein! Devoir rester sur le carreau ainsi est dur à encaisser. Steven avait cocher 5 sommets sur la liste. On aurait aimé au moins en faire 2 dont le plus grand volcan du monde (Ojos). Que nenni. Le vent en a décidé autrement. Serait-ce la Pachamama qui, déçue par les agissements humains - qui se traduisent par le réchauffement climatique - se vengerait de la sorte ? Passer la soirée dans la maison de Magguy en compagnie de ses ami(e)s nous aura permis d'amasser un max d'infos pour la suite du voyage à vélo. On s'immerge dans ses photos du cerro Pissis. On s'imagine à sa place. Ça fait mal de se dire qu'on n'y mettra pas les pieds. Cette fois, c'est la dernière fois - avant demain! - qu'on les voit. Ils sont tellement attachants qu'on arrive plus à s'en détacher. Fin de soirée dans la cuisine de l'hôtel San Pedro avec Christian, sa petite amie et la famille en charge de la gestion de l'établissement. Ça nous remonte un peu le moral de les voir et de partager le repas avec eux. On sait désormais où aller dormir si l'on se rend un jour dans la capitale argentine. Et vis versa pour eux s'ils viennent en Europe ! Demain, c'est sur on arrête de deconner et on (re)décolle vers de nouveaux horizons. Moins hauts mais tout aussi valables car encore plus sauvages . Carpe andiem.
 

Ven.3/2 : "Marche à l'ombre" - "Next" - Encore une journée à poireauter. Ce ne sont pas les douze travaux d'Hercule (Poirot) en ce moment mais plutôt "la beuze". En se couchant vers 00h30, compliqué de partir tôt, avec le vélo et les sacs à préparer. La chaleur est telle qu'il devient dangereux de rouler après 11h-11h30, à cette altitude. On décide donc de reporter notre "nouveau" départ à demain matin (vers 6h30). En plus, Alexis nous a refourguée sa maladie avant de partir. On se retrouve donc avec le nez qui gratte et qui coule, et des maux de gorge en sus pour Steven. Rien de bien méchant mais on s'en serait passé volontiers. Pas cool. C'est une bien grosse couleuvre qu'on a avalée là. On a encore un goût amer dans la bouche ce matin. Un sale goût d'inachevé. Ne pas avoir pu aller plus loin dans nos intentions ici... On a déposer les armes sans avoir livré bataille. Heureusement, Magguy nous invite à déjeuner. Sans ça, c'était la déprime totale. Non, encore une fois, on peut remercier la vie, le destin de nous gâter avec de telles offrandes. Un festin de bonne humeur et un bol de rires et de sourires... La tortue de Magguy - Filipe, "Filou" pour les intimes - est en train de manger un raisin. Cette dernière est aux fourneaux et en train de remplir les assiettes (Magguy, pas le tortue). Magguy, elle est plus forte qu'une tortue Ninja. Du haut de son mètre cinquante, elle en impose grave! Hier, elle nous a parlé pendant 1h30 de la situation minière en Argentine et de son combat contre l'installation d'une megaminiera près de Fiambala. On apprend aujourd'hui qu'une piste est en train d'être ouverte en vue d'une future exploitation. Comme pour la gestion (sommaire) des déchets, ça fout les boules! Par ailleurs, elle était une grande traileuse. Ses nombreux trophées en attestent. La propreté de sa maison contraste nettement avec le foutoir général del pueblo. Un personnage important en somme, et terriblement attachant. Ça sent la courgette, le citron et les épices à pleines narines. Un ultime repas élaboré et équilibré avant de reprendre notre régime alimentaire (mon cher Watson). 16h01. Dernières heures à "chiller" autant. En un quart de siècle, ça nous était jamais arrivé avec Steven (hormis peut être du 24 au 26 décembre dernier). On a l'impression d'être des sportifs pro mis "au vert". Au même titre que les températures diurnes, c'est pesant. On n'en peut plus de ne plus pouvoir... faire de sport, tourner les jambes, aller en montagne, filmer, photographier, explorer ! J'ai fait qu'une bouchée de la grappe que Steven est allé cueillir dans le jardin de l'hôtel. C'est bon, j'ai largement mon quota de fruits et légumes quotidiens. On devrait aller faire un peu d'exercice à présent. Raisin de plus pour bouger à la place chopper du wifi. Ça, pour être dans la place, on est "dans la place"! Bien en place sur notre banc fétiche, sous un arbre près d'un kiosque bleu azul. Je viens de traverser la cour pour aller de notre chambre à mon refuge doré (los bagnos). 20m à tout casser. Je suis cuit. Cuisant échec. Dur de repartir de l'avant, de se projeter sur l'écriture d'un nouveau chapitre. Je retourne m'allonger...
 

Ven.3/2: "Pissis and love" - Bientôt 19h. Alors que je rentre à l'hôtel avec de quoi se faire un casse-dalle pour le soir, Steven est en train de causer avec un type dans le corridor de la grande cour. Il m'apprend que ce voyageur argentin (de Buenos Aires) est un montagnard chevronné en vacances, et qui cherche des gens pour aller faire le Pissis. On checke la météo. Ça va, pas mal. On demande à Julio qui vient de rentrer de congés s'il peut assurer le transfert demain, et venir nous chercher dans 4 jours. Il est ok et, en plus, nous fait un super tarif. La machine est de nouveau en marche. Nous allons voir Magguy - notre mère spirituel - qui n'en revient pas elle aussi. On fait le plein d'énergie (positive) à ses côtés. Hier soir, elle nous montrait des photos de son ascension au Pissis. Pourquoi avait-elle choisi de nous montrer le Pissis ? Simple coïncidence? Elle savait peut être... Ce qui ne fait aucun doute c'est que l'on va s'arracher pour elle, car depuis que nous la connaissons, elle nous cajole, nous chouchoute comme ces enfants. Grâce à elle, on devrait embarquer avec nous une banniera "Pissis sin megamineria". Une motivation supplémentaire c'est clair. Le message serait fort. A nous de l'être. Le jour de l'ascension est prévu pour le 7 février, exactement 80 ans après la première des 2 polonais Stephen et Jan. On a pas le droit d'échouer sur celle-là. Ça va jouer, c'est Magguy qui l'a prédit. Carpe andiem.
 

Sam.4/2: "Fais Pissis fais pas ça" - Pas de drapeau. On est parti plus tôt que prévu initialement (9h) et on n'a pas pu prévenir Magguy à temps. Tant pis. On va quand même dédier cette ascension à cette cause. On aura les paroles engagées ("una loqueria!") de notre mama de substitution dans un coin de la tête, spécialement quand on entrera dans le dur. Mine de rien, va falloir tout donner, s'employer, qui plus est avec un montanista que l'on connaît pas. Mais Juan Pablo, a priori, c'est un solide. Il a réussi le Mercedario il y a 1 semaine. Il est donc en confiance et super bien acclimaté, en confluence avec notre niveau de forme et notre projet actuels. Ça ne pouvait mieux tomber du ciel. Les balcons du Pissis sont sensationnels. On ne peut rêver plus belle approche en 4x4 pour se rendre à un camp de base. On voit tout d'abord des guanacos et leur petits. "Pollo" (= poulet), un ami de Julio venu l'accompagner, assure les commentaires "touristiques". Puis ce sont les Seismiles (Tres Cruces, Nascimento, Walter Penck, Ojos..) qui s'affichent en toile de fond. A droite de la route, une 1ère lagune hallucinante : la Laguna Verde. La piste se redresse ensuite pour déboucher sur une "terrasse" surplombant deux autres lagunes, beaucoup plus grandes, dont la Laguna Negra (on vous laisse imaginer les couleurs avec la palette allant du beige au rouge des montagnes et le vert de la végétation humide). C'est incroyable de se dire que la Pachamama a été capable de créer une nature aussi parfaite esthétiquement. Ajoutez le vol rasant des flamands roses au dessus de la baie et vous avez devant vous un avant-goût du paradis. Et dire qu'on a bien failli passer à côté de cette merveille.. Sans cette rencontre. Si la vie n'avait pas décidé de nous mettre sur le chemin de "JP" (et inversement). Si nous ne nous étions pas couché tard mercredi soir, si nous n'avions pas prolongé le séjour d'une après-midi, si nous n'avions pas été malades... Avec des "si", y aurait plus que des bûcherons (en "Sirie"). Parmi les compétences développées au cours de ce voyage, à mettre en gras sur notre CV : (l'humour,) l'observation et la capacité d'adaptation.
Nous voilà de nouveau perchés à plus de 4500m d'altitude. Nous sommes allongés dans la tente. On va sûrement faire une petite marche en fin d'aprèm afin de monter de l'eau. Demain, c'est montée au camp 1 à 5200. A part ça, on est tout de même mieux ici que sur la place de Fiambala. On a juste un peu mal à la tronche. Pour refaire un peu d'exercice après 4,5 jours de glandouille, on "se chauffe" pour un mini-portage à 4800 en toute fin de journée. Quasi tout du long de la marche, on peut observer l'énorme glacier nord (celui au sud est encore plus impressionnant) du Monte Pissis, et ce qui nous attend pour les 3 jours suivants. On n'a pas de corde. Il faudra rester sur le bord du glacier, être hyper vigilant, ne pas faire n'importe quoi. Le vent est terrible sur les 4 sommets du mont aujourd'hui. Si c'est comme ça mardi prochain, nous n'aurons aucune chance. À notre retour, on se goinfre du raisin que la femme de Julio nous a gentiment préparé ce matin, enfin qu'on a "gentiment" piqué à Julio, car clairement il nous était pas destiné. Il est succulent. Et surtout il a pas de gros pépins. Comme pour nous, croisons les doigts pour qu'on est pas trop de pépins, ou alors que des "brefs". Que ce virus nous laisse tranquille. On aura besoin de "peps" pour porter les sacs. Carpa andiem.

 

Dim.5/2: "Jean-Paul III" - Montée au camp 1 à 5300. Pas grand chose à se mettre sous la dent, hormis beaucoup, beaucoup trop de raisin! Du coup, pas besoin de faire une semaine de diète à base de raisin vert en rentrant. Cest fait. En réalité, nous avons prévu largement en nourriture et cela se fait sentir sur nos épaules et nos côtes. On avance pas un caramel. En même temps, il faut bon et surtout nous sommes loins d'être guéris. On risque d'avoir la "gnouffe" jusqu'au sommet. Avec les bronches prises, c'est pas l'idéal pour respirer à 5000m d'altitude mais on s'en accommode. Garder le sourire, la banane, y aller gaiement... On est comme sous l'emprise de gaz hilarant ici. Steven a envie de rire sans raison. J'ai du mal à me concentrer (c'est assez habituel chez moi vous me direz). La haute cordillère a des effets assez importants au niveau physiologique. Tant qu'on se met pas à faire le lama (= cracher sur son collègue) à tout va, ou à parler tout seul en Quichua (langue qu'on ne connaît pas, pour le moment) ! Heureusement qu'on a la coca et l'arnica en homéopathie à portée de main. Et le dessin - avec les p'tits messages de soutien au dos - des gosses de Villiers sur Morin! On ne se lasse pas des "choix" d'orthographe. Tu sens que certains élèves on été épaulés par les géniteurs. D'autres ont pris des risques... Dommage que l'autre frise se soit envolée un jour de sommet. Un peu assommés, il est temps de fermer les yeux quelques instants pour sommer et pourquoi pas faire un rapide saut dans le passé et se projeter dans le court et le moyen termes. Y aura 60km/h de vent au sommet mardi. Ça va meuler. Va falloir réussir à surfer sur la onda de la Pachamama si on veut avoir les honneurs de "Ma-gguy Dalton" (elles se ressemblent comme 2 gouttes d'eau!). Avant de nous séparer, nous nous mettons d'accord avec Juan-Pablo pour le programme de demain. Ce mec est une crème. Il a l'aura ("oh Laura..!) et le sens du partage d'un pape. On est vraiment bien tombé. Il faut tomber pour se relever et ainsi pouvoir s'élever n'est ce pas ? Carpa andiem.
 

Lun.6/2: "La-haut (sur la montagne)" - Encore un jour de plus à s'accrocher à cet objectif culotté qu'est le Pissis en 3 jours. Certes on est bien acclimaté mais on a quand même une sacrée crève, Steven a la gorge encore bien prise. Il cherche son souffle. Les bonbons menthe - miel de la pharmacie de Fiambala passent bien. On y va "mollo" avec Juan Pablo. On se concerte toutes les heures environ au moment des pauses. La vue est imprenable (cf. photos & vidéos), notamment sur la Laguna Negra qui tiendrait son nom du fait que ses eaux se trouvent à l'ombre une bonne partie de la journée. Ça ferait une belle photo pour le salon. Ah oui non, c'est vrai, on n'a pas de salon. Notre saloon c'est la, ailleurs dans les Andes, en Bolivie, en Equateur... Y a juste qu'ici y a pas de porte, tout le monde peut rentrer, s'asseoir où bon lui semble - les places ne manquent pas! - et boire un verre (ok, le choix se limite à de la glace fondue) en "terrasse". Quel bar - restaurant peut s'enorgueillir d'une telle qualité de prestation? Y a juste un souci: c'est pas hyper accessible et là-haut y a pas besoin de consommer de l'alcool pour avoir mal à ma tronche. On adore le gênep' mais à près de 6000m cest plus possible, où alors il faut être russe.. ou polonais. Nous sommes une expé franco-argentine - "Pissis & Love" - montée sur le champ, un peu sur un coup de tête. On ne connaît pas encore le dénouement mais le dévouement et le dépaysement totaux oui, y eso es la aventura ! Allez, je m'arrête d'écrire (des conneries) pendant 5 minutes. It's tea time! Il faut qu'on se désaltère, l'urine est jaunâtre chez le père Giordano, c'est pas bon. Et pis c'est le meilleur moyen de soigner le mal de crâne. De mon côté, sans rentrer dans les détails, j'ai des gaz malodorants "à ne plus savoir quoi en faire". L'enfer! Enfermés quasi tout l'après-midi, les odeurs ont tendance à rester. Tu peux aérer mais, à partir de 17h, si tu le fais, tu te pèles les miches derrière. C'est toi qui vois, c'est au choix. Pour le coup, c'est plus Steven qui fait la gueule. Nos corps ne respirent pas la santé. Ce soir va être une pure soirée. Enfin pure dans le sens classique, sans "trucs de ouf" de prévu: yatsé, riz-sardines, tisane et "paniette" avant l'heure des poules. 18h Tu crois que ta journée est finie depuis belle lurette et bim! Tu vois 3 polonais arriver, pour faire le sommet en même temps que toi. Logique au vu du contexte et du créneau météo pas degueu. Demain, on sera donc 6 sur les ultimes et grandioses pentes escarpées du Pissis. Carpa andiem.
 

Mar.7/2 : "1937 - 2017" - Vers minuit, alors que Steven sort pour faire pipi, on entend que ça s'agite du côté de la tente voisine. Les polonais ont décidé de mettre le couvert très tôt. Les enragés. Avec JP, nous restons sur notre plan de 6h45, histoire de profiter de la chaleur (et de la lumière) du lever du jour, et d'un peu - un peu seulement - de rab de sommeil. Au même instant où nous nous apprêtons à partir, on voit les 3 polonais qui attaquent la descente vers le camp. Cramponnés, nous nous engageons sur le bord droit du glacier. Une pente de 4-500m d'une raideur... Ah ba ça vous met tout de suite dans le bain! Après ça, tu es chaud. Tu peux presque desserrer une ch'touille la fermeture du col de ta doudoune. Mais alors que tu prépares le geste, une petite "brise" vient te rappeler à l'ordre des 6000s andins. Rapidement, on sent que ça va pas être exactement une partie de plaisir cette ascension. Steven a toujours ces satanés maux de gorge. Migraineux, je suis pas bien mieux. Heureusement, cette fois la Pachamama a clairement décidé d'être avec nous, en nous rendant la tâche la moins ardue possible. Pourtant, à moins de 200m d'altitude du but, l'étau se resserre. On a l'impression que nos tempes vont exploser. Le souffle court, le regard hagard vers ce qui paraît être le sommet. On avance tels des automates un peu rouillés, titubant parfois. Vers 13h15, c'est la délivrance! On en a tellement bavé. La morve au nez, on n'a pas lâché. Et puis surtout, il y a moins de 4 jours, on se voyait repartir à vélo avec la sensation d'être passé à côté de quelque chose de grand. C'était inespéré et pourtant on l'a fait, grâce à l'apparition (mystique) de Juan-Pablo (après Juan-Ma à l'Aconcagua) dans cette ville à la fois magique et mystérieuse. 80 ans tout pile après cette grande première de Stephen et Jan, 2 alpinistes polonais qui n'avaient pas froid aux yeux semble-t-il. C'était notre façon à nous de leur rendre hommage. Ne reste plus qu'à témoigner (en espagnol > c'est donc Steven qui va s'y coller) afin d'apparaître dans le musée de Fiambala au côté d'andinistes autrement plus chevronnés /célèbres. Magguy devrait être fière. Si elle est d'accord, on prendra une photo avec elle et la bannière "Pissis sin megamineria" devant le musée. On a hâté aussi de retourner chez elle pour fêter ce sommet (pour cela, on a prévu de ramener une bouteille de pinard et de préparer des pâtes carbo). Dommage que "Tere" soit repartie au Brésil. L'asado avec JP à San Pedro devrait être un bon moment de "sport" également. D'ailleurs, 17h46, il devrait pas tarder à regagner sa tente, le devoir accompli lui aussi ? Ça ne fait guère de doute vu la bravoure, l'opiniâtreté et la lucidité du bonhomme. 18h38. JP n'est toujours pas rentré. On commence à s'inquiéter. Si à 20h on n'entend personne arriver, on va vraiment finir par se faire du souci. Le problème c'est que les possibilités de secours sont inexistantes ici. On va laisser passer le repas, croiser les doigts et prier la Pachamama... 19h07. Le soleil est passé derrière la montagne. Le vent a légèrement forci. La température a baissé d'un cran... Serait-on en train de psychoter? Allez JP, donne tout ! Le maté et sûrement un bon casse-croûte t'attendent. Nous on attendra le temps qu'il faudra,le temps que le 3eme mousse de l'expé ne soit à quai, à l'abri des remous voire d'une éventuelle tormienta. 19h21. Steven aperçoit au loin JP, "épave" lui aussi et qui finit tant bien que mal cette journée à rallonge, cette épopée de 12h. Le bonheur est total pour nous autres. Rien de telle qu'une bonne empoignade. Tout d'un coup, il fait plus chaud dans la tente. Il l'a bien mérité le bougre ! À le voir marcher de dos en direction de sa tente, on comprend bien l'investissement et le degré de fatigue atteint. A l'instar de nos états de santé respectifs avec Steven, on se dit qu'on a rarement puisé autant. Bon, on se disait exactement la même chose à l'Aconcagua. Mais là, y avait la méforme et l'histoire en plus! Carpa andiem.
 

Mer.8/2: "Hier c'était Pissis, demain c'est piscine". N'arrivant pas à le contacter avec le tel sat, Steven a suggéré hier soir à sa copine d'écrire sur la page Fb de l'hôtel pour demander à Julio de venir nous chercher aujourd'hui (vers 14h) au camp de base. De plus, JP a appelé son père pour qu'il essaye de prévenir le gérant depuis Buenos Aires. Ce fut chose faite. Ce matin, après une toute petite nuit (certainement due à notre trop grosse fatigue et au vent), nous v'là sur le chemin du retour. Y a plus qu'à tout remballer, récupérer les affaires laissées au camps inférieures et notamment des bidons d'eau minérale (et un paquet d'une sorte de frosties). Même si on s'apprête à perdre de l'altitude, on est clairement sur une pente ascendante sur le plan de la santé physique et morale! Sur le point d'arriver au CB, on aperçoit Julio qui vient à notre rencontre en marchant. Il est 13h passées. Il nous attend depuis 1h déjà. C'est bon, on est sauvé. On va pouvoir manger des empenadas à gogo dès ce soir. En espérant qu'ils aient prévu suffisamment de patates au restau en face de chez Julio! On n'a pas fini de repenser a ces 4 jours de nouveau hors du temps, ou plutôt d'une autre temporalité, dans un espace-temps différent. On aurait pu titrer ce chapitre de Bike Andes Peaks "Et bah nan (on repart à vélo, on a fait une croix sur un sommet de plus de 6500m d'altitude dans la région). Et Pissis en fait". C'est comme pisser dans un violon, ça n'a guère de sens à priori. Cela découlerait d'une décision hâtive. Aller au Pissis c'est pas exactement la même chose que se rendre chez l'épicier du coin. On aurait dû y réfléchir à deux, trois.. à plus d'une fois ! Ça s'est fait presque d'un claquement de doigt. Ma foi, notre foi, c'est comme ça que ça devait se passer. Comme on dit, c'était écrit. Enfin, y restait quand même pas beaucoup d'encre dans le bic avant de partir. Mais ce voyage dans le voyage prit immédiatement du sens dans le mesure où, on l'a déjà dit, il s'agissait d'une date anniversaire et que quand Steven l'a appris au musée, il m'a tout de suite dit: "celle-là gros, c'est pour nous, on peut pas passer à côté d'un tel signe". Tel un appel, on a répondu à notre échelle, avec nos aptitudes, au son du clairon. La 2eme raison a également déjà été évoquée mais, symboliquement, elle ratisse large. En effet, c'était une façon pour nous de nous associer avec celles (dont Magguy!) et ceux qui s'opposent fermement à l'implantation d'une mine géante près de Fiambala, sur les contreforts du Pissis donc! Il est malheureusement peu probable que ce projet soit stoppé. Alors, pour "nos" enfants et petits enfants, pour ceux de Villiers sur Morin qui auraient peut être aimé se rendre dans ce coin de paradis, nous les plaignons. Que cet exemple serve au moins à faire bouger le "chmilblic" en faveur d'une plus grande transparence et de plus d'éthique et de considérations autres que les pépettes. 3eme raison, pas la plus importante mais elle a tout de même contribué à nous motiver et à nous pousser dans nos derniers retranchements: réussir un "+6500" en Argentine, après la déception de l'Aconcagua. C'était l'un des objectifs du contrat. Une bonne chose de faite. La mine défaite mais le sourire en coin, on peut retourner à Fiambala apaisé, l'esprit tranquille.. et déjà tourné vers de nouvelles aires montagneuses. Le trajet retour - du CB du Pissis à Fiambala - en pickup, on n'est pas près de l'oublier, Julio se prenant pour un pilote du Dakar. Avec un saut d'une quinzaine de mètres, Peterhansel ne pourrait qu'acquiescer. Nous on a bien flippé, JP en premier lieu. Fait dire qu'il était déjà un peu brassé le pauvre. La radio crache un classique "boys don't cry". Oh que non, on ne va pas pleurer ce soir, ou alors de joie. Manquerait juste une présence féminine. On ne peut pas tout avoir. La patience est l'essence même de l'andinisme (ou de l'alpi). De retour à l'hôtel San Pedro, nous sommes assis à la table du jardin près du barbecue, les Pink Floyd en fond. L'atmosphère est calme, propice au  repos. On irait bien se coucher. Nous discutons avec JP, tout en mangeant des empenadas, pour patienter, en attendant l'asado. Trop tard pour aller voir Magguy. On ira demain matin. 21h21. La salade de riz est prête. Les braises doivent être rouges à présent, la viande prête à être cuite. Comme nous, cuits coqs. Ce qui nous maintient "en vie"? L'odeur de l'asado et surtout le moment de partage et de fête qu'il représente. Et, pour ma part, les riffs de guitare aussi. En parlant de ça, un jeune couple d'argentins s'attablent en notre compagnie. Ils finissent tous les deux un master en musicologie. Nous partageons la chambre avec un prof de sport de Buenos Aires. Encore un gars fort sympathique. Cet hôtel est décidément un formidable creuset social et touristique (dans le bon sens du terme). On y retrouve également les polonais et leurs projets ahurissants. Apparemment, hier soir ils auraient célébré gaiement leur tentative à la "desesperado" sur le Pissis! Ce pays est riche en couleurs, mais aussi par la diversité des gens qui le composent où le traversent. Quelle chance on a de pouvoir s'allonger sur un epais matelas, même un peu creusé au milieu, épris d'amour pour la cordillère argentino-chilienne. 00.00. Des rêves d'Andes plein la tête... Carpe (et non carpa!) andiem

Jeu.9/2 : "Le jour d'après" - C'est toujours un peu dur de revenir à la réalité, à notre réalité d'aventuriers - andinistes - testeurs (de matériel de haute montagne / vélo) - goûteurs (d'empanadas). On est au milieu de l'après-midi ici. La plupart des locaux locos (?) + Juan Pablo - notre ami sculpteur de montagnes - sont en train de faire la sieste. Avec lui, nous serions presque sur le point de repousser les limites de la bienséance, et du même coup la poursuite de notre périple à vélo. Oui mais voilà. A l'origine du projet Bike Andes Peaks, le but était - et reste de - relier des Seismiles (= sommets de plus de 6000m d'alt.) en tandem, le meilleur moyen de transport selon nous. Rallier des sommets c'est bien. Les gravir c'est muy mieux ! Alors, quand l'acclimatation, la forme, la confiance et le créneau météo sont tous là, réunis en même temps autour de la table, c'est dur de refuser "l'invitation". Difficile également de savoir si c'est assez 2 jours pleins de récup, avant de rebasculer sur une telle épreuve exigeant une grosse débauche d'énergie ; de devoir se re-regarder dans le blanc des yeux des heures durant avec Steven... Ouais euh.. en fait non, on porte quasiment en permanence lunettes et casquette donc ça va, on est pas obligé de se farcir à longueur de journée la face "morveuse" du collègue. Une équipe de jeunes fougueux footeux vient de partir de la place pour partir disputer un match à l'extérieur. Leur moyen de locomotion - ou plutôt de "lo- commotion" ou de "loco-motion" : une bétaillère! Les pompom-girls s'échauffent en.. faisant des jongles. Bienvenus dans l'un des hauts lieux du foot, le pays du dieu Maradona. Le JT du 20h finir traditionnellement par une chronique sur El pibe de oro, relatant ces dernières frasques. Il fait tellement chaud actuellement à Fiambala que les chiens en viennent à creuser la terre pour se mettre le derrière au frais! C'est toujours autant galère pour s'envoyer des rushs vidéo d'un appareil à un autre. Les mouches semblent se régaler sur "le dos" de nos ampoules. On en a plein le dos de ce rythme reggaeton. Ça fait partie de la culture ici, apparemment les gens (jeunes) aiment ce genre de "musique". Si on devait se taper ça juste avant d'attaquer un "summit day", et bien.. on serait pas bien en point. On irait pas bien loin! Ah oui! Autre fait marquant (et "poutrant") du jour : on a mangé une banane avec du duche de lèche (confiture de lait) dessus. Ça fait très "et bien moi j'ai mangé une pomme" mais il fallait le signaler car c'est très  typique comme dessert. C'est pas pour nous déplaire. Si c'est le secret pour bien récupérer avant de repartir à l'assaut d'une énorme "banane" - de pierre / glacée cette fois - alors nous sommes d'accords de nous empiffrer. Ce soir, ce sera apéro chez Maggui. Apéro avec Jonson. Apéro avec JP. Sûrement apéro avec un autre touriste débarqué de Buenos Aires qui vient de.. débarquer. Dîner? Pas sûr que ce soit nécessaire du coup... Quelques passages de Bernard Werber pour Steven, de la Bible de Yann pour moi et dodo tôt si possible (parce que la sieste c'est pas notre fort).
Finalement, on a mangé avant d'aller boire "l'apéro", en l'occurrence le maté chez Magguy. Après 2h de discussion passionnée avec elle (durant lesquelles elle évoqua notamment ses expériences avec les plus grands aventuriers !) - alors que nous avions prévu de rester 30 minutes max - nous rentrons à l'hôtel pour voir JP, en vue d'une possible nouvelle expédition, à Ojos (=berceau) del Salado (>nom du torrent) à partir de samedi prochain. Sur le chemin, je perds une pédale. Steven est plié en deux. Je ne peux non plus m'arrêter de rire. Cela nous rappelle une scène aussi hilarante vécue un an et demi plus tôt à Grenoble, alors que le projet balbutiait. Depuis, de l'eau ou plutôt des pédales ont "coulé", non pas sous  les ponts mais sous les roues! Le gag. La blague. Les cons. Je vous assure que c'est pas la même d'avancer en "mono-pédalant", ça devient un vrai sport ! Faudrait quand même pas que pareille mésaventure nous arrive en tandem, qui plus est en pleine montée! Bon, l'avantage c'est qu'on est deux. L'autre pourrait compenser, temporairement. Encore un avantage du vélo tandem ! Décidément. Bon, du coup on cause bicyclette mais en vrai on est plus du tout en mode "bicy" en ce moment. Le transfert au camp de base d'Ojos côté argentin semble se confirmer. Julio nous propose un bon prix. JP sera de nouveau de la partie. On ne change pas une équipe qui gagne.. à reconnaître de nouveaux terrains de jeu. Celui-ci sera encore une fois engagé, plus froid que le Pissis. Mais Magguy nous a assuré avec véhémence que l'itinéraire passe par des endroits hermosos, sauvages et variés, à la différence du côté chilien. Elle nous a convaincus depuis longtemps. Tel un présage, elle avait déjà conté les beautés de cette ascension - avec tant de talent et de persuasion dans sa voix et dans ses yeux - la première fois que nous nous sommes revus à Fiambala. Il devenait impossible pour nous de repousser cet évident challenge. Il y a 6 jours, le bateau Bike Andes Peaks avait tendance à tanguer entre deux eaux, celles du tandem et celles de la haute montagne. Notre entente avec Steven prenait du plomb dans le cadre. Aujourd'hui, le chemin est clair, tout tracé. Et notre camaraderie a grandie. Pour encore 5/6 jours, nous allons consacrer nos corps et nos esprits à la découverte du plus haut volcan du monde. Si nous réussissons, ce "voyage exploratoire" - semi-professionnel - prendra de l'épaisseur. Nous nous projetons déjà sur les pentes et les sentes de ce monstre magnifique. Nous ne ferons pas pour autant partis de la caste des "grands" aventuriers. Nous sommes à des années lumières du niveau d'engagement et de prise de risques d'un Mike Horn. Là n'est pas tant la question. Est ce que nous mettrons nos vies en danger? Notre santé au moins. C'est la Pachamama qui décidera encore de l'issue. Nous ne forcerons en aucun cas le destin. C'est elle qui écrit le scénario et nous le respecterons, précisément avec respect, admiration et émerveillement de surcroît. 00.24. Il est grand temps d'éteindre l'IPhone et d'essayer de dormir un peu. Pas évident quand l'excitation est si grande, que les projets, non les rêves peuvent se concrétiser ainsi. Dans 30h environ, nous reprenons la route 60 - pour la 3eme fois - direction le paso San Francisco, mais cette fois nous bifurquerons à gauche en face du chemin menant à Pasos Largos (ou nous avons dormi en cie des rats il y a une douzaine de jours). A bord du 4x4 de Julio, nous nous rendrons alors en direction du CB de l'une des plus belles montagnes du monde. A la fois nous n'en menons pas large, avons un peu les flippettes, et à la fois sommes sereins car en phase avec nos aspirations et nos possibilités actuelles tant sur le plan psychologique que physique. 00.33. L'heure parfaite pour faire sa prière quotidienne et dire ainsi "bonne nuit" (ou "bonne journée") à tous! Un peu plus et mon ventre ne va plus cesser de gargouiller, et je vais devoir me lever pour aller comer ! Que tout le monde se porte bien. Que va ya bien ! Carpe andiem. 1h45. Pas encore trouvé le sommeil. La lune est quasiment pleine. Surtout, j'ai mille projets qui se bousculent dans la tête. Enfin cinq en vrai, dont un "gros" avec Steven, ici, à Fiambala. D'un seul coup, tout devient très clair, si limpide. Pourquoi dans ce cas, devoir dormir ? Ne pourrait-on pas accélérer le temps et commencer maintenant !? Allons, un peu de patience. Un projet, une entreprise après l'autre. La première c'est Ojos. Et si ça se passe bien, on verra pour la suivante. J'ai craqué. Suis allé mangé une boulette de riz dans le frigo il y a une heure environ. Et je crois que je vais devoir rouvrir le frigo... Je préférerais me serrer la ceinture (surtout quand on imagine le nombre de gens sur terre qui le font contre leur gré), fermer les yeux et parvenir à débrancher le cerveau. Les effets de l'altitude sont puissants, en même temps galvanisateurs et destructeurs. Par mégarde, la faute est vite arrivée. Méfiance. Méfiât. Le danger est réel de se brûler les ailes. Dieu est protecteur avec qui sait ménager sa monture. Avisons-nous d'être avisés. N'abusons pas d'aviser. Mais continuons d'anticiper. Enfin pas trop quand même. Laissons vivre la vie. Soyons à l'écoute. Observons. Et agissons de concert en conséquence. Carpe andiem. 2h17. Le ventilo dans la chambre assourdît autant que le vent dans la montagne. Je me tâte à aller dans l'un des deux hamacs au fond du jardin. Le problème c'est qu'ils ne sont pas très confortables. Pas suffisamment tendus. Tendue la façon dont cette nuit se déroule. En pouvait-il être autrement ? Franchement ? Je vais devoir aller chercher une autre poignée de riz. Pas franchement le choix. Penser, réfléchir peut s'avérer plus épuisant que l'ascension d'un 6000 andin (et non "en daim" ! Car à dos de daim c'est pas possible ici. A dos de mule ou de condor éventuellement, et encore). Réfléchir maintenant pour ne pas (re-)fléchir ensuite. A présent, j'ai l'impression de me faire piquer de partout par des moustiques, alors qu'on n'entend aucun "bzzz" dans les parages... J'hallucine complet ou bien ? Une autre "externalité" négative de l'andinisme?? 8% de batterie. Ça tombe bien. Je crois que ça y est, j'ai plus grand chose à dire, hormis que si, si j'essaie au maximum de "parler" pour deux et de me faire le porte-paroles d'un projet, Steven ressent (nécessairement) les choses différemment et raconterais d'autres péripéties, plus ou moins personnelles, et parfois plus intéressantes à bien des égards. "Que muchacheria muchachos" ! J'ai un air de Goldman - le début de la chanson "Là-bas" - qui vient d'arriver de je ne sais où / je ne sais pourquoi dans mes oreilles. Une bonne berceuse avant que mon estomac ne crie famine. Merci "don" Jean-Jacques. Carpe andiem.

 

Ven.10/2: "Le jour d'avant" - Il manque un truc à cet hôtel pour qu'il soit parfait: des cours de yoga le matin. C'est ce que l'on changera avec Steven quand on le rachètera. Vous rigolez sûrement mais ce pourrait bien être sérieux! Julio, sur le point d'être papa, cherche à vendre pour déménager sous des latitudes plus clémentes l'hiver. En effet, le vent y est glacial de ce qu'on nous a raconté. Une autre petite amélioration : se servir de la piletta comme bain froid pour les jambes. Enfin, nous remettrions le bar en service aussi rapidement et souvent que possible. Et perso je mettrais un autre babyfoot à la place de celui en plastique, un vrai quoi ! Pourquoi pas ouvrir l'hôtel chaque année de début décembre à mi/fin mars. Comme ça, après on passe les 8 mois restant en France pour la saisons de ski de rando/alpi puis estivale avec la possibilité de développer une 2eme voire 2 autres activités en France. De 2h à 6h, j'avoue que j'ai eu le temps d'y penser! Steven m'apprend qu'il n'a pas très bien dormi non plus. Les moustiques n'étaient pas le produit de notre imagination. Ouf!
À voire par contre comment gérer l'utilisation (ou non) de l'établissement le reste du temps... Il "suffit" à présent de bosser en Suisse le temps qu'il faudra et/ou trouver les investisseurs pour réaliser ce nouveau projet emballant. Cela justifierait alors encore plus tout le temps passé ici !
11h et des cacahuètes. Steven m'annonce qu'il vient de passer à la télé locale. 7 min. Après la radio à Villa Union. La rock star! Il faut qu'on passe au studio récupérer la pelicula dans l'après-midi. On fera d'une pierre deux coups en allant au musée pour signer le registre du Pissis. Après le déjeuner, nous prévoyons une petite sieste (pour éviter de caner à Ojos!). On ne voudrait pas être des boulets pour l'expé. Ensuite, certainement qu'on ira sur la place, Steven pour converser un peu avec sa chérie, moi pour discuter un peu avec la famille. Puis, il faudra qu'on fasse les courses pour 4 jours et qu'on fignole les sacs. Enfin, avec Steven, on est invité à dîner - des empenadas faits maison - chez Magguy. On en profitera peut être pour faire une petite vidéo témoignage sur notre ascension du Pissis en vue des 10 ans du musée des Seismiles prévus le 8 juillet prochain. En plaisantant hier soir, on lui disait que si nous n'avions rien de prévu à cette date, et surtout pas d'obligations professionnelles, nous viendrons faire la fête à cette occasion. Le problème c'est que si on n'a pas trouvé de job d'ici-là, on aura pas de sous pour se payer un billet d'avion. Logique nous diriez-vous. Et puis, plus sérieusement, Fiambala n'est pas super accessible non plus, donc si tu viens, faut prévoir facilement deux semaines. C'est donc mort mais qu'est ce que ça nous aurait fait vibrer de pouvoir revenir aussi rapidement !
Ce sera dur de pas faire tard ce soir. Raison supplémentaire pour se reposer en début d'aprèm. Mais avant, il faut qu'on aille aider JP à préparer le repas! Steven est allé au terminal de bus récupérer ses lunettes catégorie 4 que Nora lui avait involontairement empruntées la semaine passée. Ça y est, il est de nouveau paré de la tête au pied, près à en découdre avec le plus haut volcan de la planète, et surtout l'une des plus belles ascensions du massif de la Puna, voire de toute la cordillère. Le seul bémol côté argentin, c'est l'accessibilité. En effet, le mieux pour se rendre au camp de base et rentrer depuis là, c'est de louer des mules (et un muletier). Mais cela  prends une fureur de jours et nous n'avons pas le temps. Après avoir bu le maté chez Magguy, l'heure passant, nous allons finalement grignoter des empenadas dans notre restau favori. Si on avait su qu'on finirait ici, on y serait pas aller à midi. Les mimiques et le sourire charmeur de Magguy, c'est quelque chose. Sa façon de raconter des histoires aussi passionnantes, notamment son voyage en Allemagne durant lequel elle se rendit dans la maison du petit-fils de Walter Penck... Magguy? Une légende vivante on vous dit! Principale conservatrice du patrimoine montagnard de la Puna, gardienne d'une partie du temple de la Pachamama. Vers 22h30, JP arrive en trombe dans le restaurant! Jenny vient d'être reconduite à l'hôpital de Tinogasta (à 50km de Fiambala) pour une infection semble-t-il, à 2 mois du terme de sa grossesse. A ce moment-là de "la partie", nous ne sommes plus certains d'aller à Ojos. En tout cas, actuellement, notre empreinte empenadas (136) est bonne. Ne restera qu'à mettre à jour notre empreinte carbone; suite à l'aller - retour au CB argentin d'Ojos. En rentrant à l'hôtel vers 23h, Julio nous confirme qu'il nous emmène. Les nouvelles concernant Jenny, sa femme, doivent être rassurantes. Nous nous disons avec JP que la nuit va être courte. Pas l'idéal avant d'attaquer un grand sommet. Surtout que nous devons attendre le retour de Jenny pour charger le pickup. A 12h26, c'est bon, tout est prêt. On a plus qu'à faire la sieste jusqu'à 3h30. Carpe andiem.

 

Sam.11/2: "Una locura !" - Cest Steven qui me réveille vers 3h40. Je n'ai pas entendu la sonnerie de ma montre, ou alors j'ai déjà oublié que je l'avais entendu.. On petit déjeune et faisons cuir les œufs en vitesse. Espérons qu'on ait rien oublié! Après 30 minutes de bitume sur la route 40 (que l'on commence à bien connaître, mais dont on se lassera jamais), nous nous engageons sur la piste, enfin au tout début seulement c'est une piste, visible. Rapidement, les galères s'enchaînent. Premièrement, pour trouver l'itinéraire. Deuxièmement, pour faire en sorte de ne pas crever ou prendre un gros choc susceptible de détériorer le pickup. Première barrière barbelée. Jamon, le copilote qui est sensé bien connaître le trajet, sort la pince coupante. Ça part bien. Dans quoi on s'est engagé sérieux ? Si on fait du 12-15km/h c'est bien. Temps estimé : 7h. On n'est pas rendu. Quelques instants plus tard, sur un passage de gué, Julio assure au volant pour qu'on ne reste pas embourbé. On sert les fesses. On est limite stressé. Entre les passages délicats comme ceux-là et les grosses pierres entravant le chemin et possiblement de réels dangers pour l'auto, ça fait beaucoup. Qu'est ce qu'on fait, on n'y va pas ("on a qu'à se cacher sous les draps", non merde on peut pas) ? Ça n'a pas de sens de rouler dans pareils endroits, es una locura! C'est dommage de ne s'être mieux renseigner sur ce trajet qu'on pensait un peu moins accidenté. Notre empreinte carbone et même temps que notre conscience en prennent un coup. Si c'était à refaire, d'ores et déjà, on bien ne le referait pas, en tout cas pas comme ça. Avec des mules  sur 2 semaines, ok. Too late (apologyze). Un peu plus tard, on se trompe de route. On prend celle del Nascimento. Julio commence à s'énerver contre Jamon qui peine à retrouver la trace. Apres 45 minutes de tergiversation, on finit par se remettre dans le "droit" chemin et tout semble rentrer dans l'ordre. Jamon nous annonce qu'il reste 20/25min avant l'arrivée. Apparemment pas trop de classe non plus du côté du véhicule. Nous voilà quelque peu rassurés. On se prend dans les bras les uns des autres. On se dit à mardi et on voit repartir le 4x4 sur la mini lagune asséchée. Seuls face à l'immensité, et nous-mêmes, à l'heure qu'il est, on serait bien allé faire la sieste dans un vrai lit au frais. On aurait bien remis des coups de pédale sinon, depuis le temps. Car la perspective de devoir de nouveau chiller dans la tente toute une après-midi et passer peut être les 50h dans celle-ci sur les prochaines 72h, nous enchante guère. On fait un peu la fine bouche, c'est vrai. Au Pissis, on avait beaucoup trop de fruits. Là, on en a pas du tout, sauf quelques grains de raisin. C'est con mais c'est pas la fin des haricots. C'est plutôt le début des flageolets (si vous voyez ce qu'on veut dire)! JP a accepté de laisser sa tente au CB afin de gagner quelques précieux grammes en vu du sommet lundi. Cela veut dire qu'il va devoir dormir avec nous au moins une nuit (la veille du sommet donc). Courageux le JP. La sieste de 2h est bien passée. On a juste une crainte du coup, ne pas dormir ce soir. C'est un cercle vicieux. Le point positif c'est que les 2 ascensions précédentes nous garantissent une bonne acclimatation. Pas de mal de tête dérangeant. Les nez se débouchent. La forme paraît revenir petit à petit. Un jour de plus de repos n'aurait pas été du luxe. Mais voilou. JP doit impérativement repartir mardi soir et le meilleur créneau météo c'était à partir d'aujourd'hui... Et on se dit qu'il faut battre le fer pendant qu'il est chaud, faire la bataille tant qu'on a les armes (collectives, acclim', envie, logistique). Carpa andiem.
 

Dim.12/2: "Les maîtres du vent" - "Parle à ma tête, mon cul est malade". Le temps se gâte. Rapidement, dès le milieu de la matinée, alors que les prévisions annonçaient grand beau / pas un pet de nuage, le ciel se couvre et pas sur que le mauvais temps nous soit épargné. D'autre part, Steven tousse de plus en plus. C'est pas franchement rassurant. L'oxygène à du mal à passer dans sa gorge. Cette dernière devient de plus en plus douloureuse. A coup sur un début d'angine dont les effets sont décuplés avec la haute montagne. Avec l'air frais s'amplifiant au fur et à mesure de la montée, il était prévisible que ça s'empire. Ça s'est empiré, et bien pire qu'on ne le pensait. Les derniers hectomètres pour rejoindre le camp 1 supérieur auront été un beau calvaire pour le grand barbu haut-savoyard. C'est vraiment dommage que ce virus ait persisté alors que nous étions à Fiambala car en termes d'accoutumance à l'altitude, on a vraiment passé un cap. Perchés à presque 6000m, nous ne ressentons aucune gêne liée à elle. C'est impressionnant. Nous ne sommes pas en train d'affirmer que nous pourrions courir comme des lapins à présent à pareille hauteur. Non, en revanche, c'est très plaisant de ne pas avoir la traditionnelle barre au front. En revanche, il neige pas mal et ça caille. On a de la chance, JP n'est pas allergique aux "pets qui noient" (au contraire, il a passé 6 ans de sa vie en Asie). Il est aux manettes à la cuisine, dans l'abside. Il prépare l'eau chaude pour les Thermos, la soupe et les pâtes pour ce soir. On aurait pu démarrer un poil plus tôt. La météo varie tellement vite ici, qu'il est impossible de faire un pronostic pour le sommet demain matin. L'aventure en cordillère est imprévisible, à tous les niveaux, c'est pourquoi nous devons être humble par rapport aux humeurs de la Pachamama. La féerie des Andes peut laisser place en un claquement de tonnerre à une fureur himalayenne. Le cœur bat bas. On l'aurait tellement dans l'baba de ne pas aller en haut. On l'aurait encore plus en travers si l tempête venait à s'installer pour plusieurs jours dans notre zone. Cela signifierait que Julio ne pourrait venir nous chercher. Coincés au camp de base (à 5500m d'alt.), nous pourrions tenir 3/4 jours relativement confortablement. Survivre plus longtemps deviendrait plus ardu. Restons optimistes. Tachons de l'être. Nous formons désormais une belle équipe avec JP, en mesure de prendre les bonnes décisions, ensemble. Il est temps d'éteindre la lumière de la Luci. Après Steven, JP finit de se brosser les dents. Je préfère garder le goût du bonbon au caramel - duche de leche. A ce moment-là, on espère tous ne pas avoir à se lever pour pisser. Mais c'est quasi mission impossible, à moins de se retenir toute la nuit et d'encourir une regrettable explosion de vessie. L'avantage quand tu dors de la tente à minuit, 2h, 4h.. matin, c'est que tu vois des trucs insensés dans le ciel! Tu peux être uniquement cartésien et ne croire en aucun phénomène paranormal. Mais quand tu vis des moments pareils, à demi-réveillé, à moitié conscient, tu es finalement heureux d'être là à te peler le jonc pour quelques secondes assez irréelles en somme. Carpa andiem.
 

Lun.13/2. "Hijos de Ojos" - Jour de sommet > tentative d'ascension d'Ojos del Salado (6889m). On aurait pu titrer le résumé de cette journée "Héros del Salado" mais ça l'a pas fait. 3eme échec sur 5 tentative. Dommage, on aurait pu basculer dans le positif. Mais a-t-on grand chose à se reprocher? Ce qui fait un peu "ch'mir" c'est que nous avons investi 8600 pesos, soit plus de 500€, pour le transfert (aller - retour jusqu'au camp de base). Pas rien sur un budget global, pour 5,5 mois, d'environ 10 000 €. C'est exactement comme quand tu mises au casino. Quelques fois, la plupart du temps en fait, tu repars bredouille. Bon là sincèrement, encore une fois, cette angine tombait vraiment mal! Il faut qu'on envoie un message (salé) à Alexis (le fameux cyclotouriste montpelliérain rencontré à Fiambala) pour lui demander qu'il nous rembourse ces 8600 pesos ! Pour rappel, c'est lui qui nous a refilé sa maladie - bien carabinée -juste avant notre départ pour le Pissis. On a vu mieux comme cadeau d'adieu, surtout après qu'on ait vu ce que ça a donné quasiment 15 jours après, alors qu'on pensait s'être remis lors de notre break intra-ascensions à Fiambala, du 8 au 10 février. Ce matin, Steven soufflait comme Dark Vador. Ils auraient pu le recruter pour faire sa voix française sur le prochain opus, il aurait été très convaincant. Boutade, mis à part, il a souffert le martyr. Il devenait risqué (pour sa santé) d'aller plus haut que 6450m d'altitude, soit précisément 439m en dessous du sommet. Au moins, nous aurons vu de près la plus haute lagune du monde! On s'imaginait un petit lac turquoise perché entre d'imposantes parois blanchies par la neige... C'était presque ça sauf que la lagune était gelée et saupoudrée elle aussi d'une fine couche neigeuse. Surtout, le panorama à l'est est ssss...splendide ! Avec les amoncellements de nuages gigantesques en arrière-plan qui bouchaient l'horizon, les lagunes aux couleurs invraisemblables (toute la palette de bleus, bordeaux...) par ci par là... On n'est pas allé au sommet certes, mais on aura encore vu des choses fantastiques! Maintenant, il faut se re-motiver pour re-ré-préparer les sacs, re-re-re-plier la tente, re-re-re-refaire fondre de la neige, avant de regagner le CB pour y passer la nuit. Ça tombe bien, JP vient de rentrer à la tente après s'être arrêté à la même hauteur que nous, avant que la trace ne devienne beaucoup moins évidente. En outre, l'épaisseur de neige irrégulière rendait le cheminement nettement plus sportif. On s'est donc un peu dégonflé tous les 3. Les sentiments se mélangent de nouveau, passant en un instant d'une belle satisfaction à une grosse désillusion. Demain matin, Julio est sensé venir nous récupérer sur les coups de 11h. On aura donc tout le loisir de faire une grasse mat' ou un autre 6000 ! Nous sommes les fils du vent, de ceux qui veulent constamment être "in". Bercés très tôt dans le milieu du sport, plutôt outdoor, de la compétition pas mal et très proches de la Nature, ce projet était une évidence pour nous, sa concrétisation un rêve. Gâtés par nos super mamans qui se sont sacrifiées pour nous durant toute notre enfance/ adolescence. Bernés par les médias, un peu saoulés par certaines pratiques occidentales, il nous fallait prendre l'air, le pouls, sentir le temps, le vent et la joie de vivre ailleurs, loin de nos montagnes surpeuplées. Les maîtres du "vent" ? Certains diraient que notre projet c'est du vent, juste de la comm'. Pour nous et pour les marques qui nous suivent, c'est plus que ça. Pour nous, nos sponsors ce sont plus que de simples marques. Comme nous, elles expriment une idée du business et de la vie en générale respectueuses de la Nature et relativement solidaire. Vendre du vent ? Pas question ! Vendre du rêve? Ça ne veut pas dire grand chose et surtout, nous n'avons pas la prétention de le faire. Se retrouvant souvent le vent de face, jusque-là nous avons su pas mal déjouer les vents contraires. Lorsque nous allions devant un halo de gros risques, jusque-là nous avons su mettre le hola. Dorénavant, après plusieurs tentatives décevant notre égo de sportif "CVéiste", nous ne nous vanterons plus d'avoir réussi telle ou telle cumbre. La seule chose dont on peut éventuellement se gargariser c'est d'avoir pris telle ou telle photo, faisant voyager le temps d'une pause syndicale l'un de nos proches ou toute autre personne qui nous fait l'honneur de nous suivre. Et si nous avons donné envie à une dizaine ou, soyons fous, une centaine de français de laisser temporairement de côté à la cave sa tome des Bauges et son saucisson (de la Ferme de Follon) pour venir dans les Andes, alors c'est gagné !
Alors oui, nous avons pris un but aujourd'hui mais demain nous sortirons grandis de cette expé(rience) et nous passerons l'en-but la prochaine fois c'est sur. C'est Pierre Ch. qui sera fier (enfin on l'espère !). Hijos de Ojos para siempre. Il y a quelques jours, en fin de journée, on buvait un "pissis-mémé". Cette fois, c'est un "pisse-maté" en cie de l'ami JP. Ne nous reste plus qu'à bien se reposer déjà cette nuit, en vue de la reprise de notre trip en tandem samedi. Cette fois, c'est décidé à.. 99,99%. Même si on nous proposait de faire gratuitement l'Aconcagua ou le Bonete dans quelques jours, on dirait "no way!", par respect pour notre corps et pour la tête aussi. Il faut qu'on alterne, qu'on repose nos popotins sur ce vélo une bonne fois pour toute ! Qu'on arrête d'être ainsi allongé une bonne partie de la journée. Si ça continue, on ne sera plus capable de vivre debout !
Sur nos 68 premiers jours de voyage, nous en avons passés 63% de nos nuits (43 pour être précis) en tente, 29 jours à plus de 4200m et près d'un jour sur cinq au dessus de 5500m d'altitude. Pour les habitants des hauts plateaux tibétains, c'est rien. Pour nous autres habituels arpenteurs du Salève, c'est beaucoup. Carpa andiem.

 

Mar.14/2: "la Medusa Del Viento" - Jour de la Saint-Valentin. 69eme jour de voyage... Steven et sa copine en rigole. On n'empile pas les ascensions et, à fortiori, les sommets, comme on enchaine les empenadas ! Ce matin, Steven est allé faire un tour du côté Del Viento et moi de Medusa, deux sommets de 6000m environ, situés tout près du CB d'Ojos. Dans les deux cas, nous avons joui d'un lever de soleil en or, sur les lagunes rouges, bleues, vertes, etc. Ça valait donc la peine de ne pas faire de grasse matinée. Ça nous donne surtout envie de revenir dans quelques années pour y refaire une expé, à dos de mule cette fois, sur une vingtaine de jours. Cet endroit quasi vierge de toute trace humaine mériterait d'être montré à un maximum de touristes aventuriers "méritants", en veillant à le préserver. L'avantage c'est que son accès long et difficile (seul un conducteur de pickup aguerri peut vous y emmener) sélectionné d'emblée les personnes susceptibles d'apprécier cet écrin minéral. Car oui, ayant peu d'éléments de comparaison, il serait malvenu de comparer précisément. Mais, quant à la quantité et plus encore la variété de cailloux qu'on peut trouver sur le chemin entre le CB et le camp 1, c'est juste ahurissant ! On a ramené 2 petites pierres de souffre. L'odeur nous est familière. Le plus impressionnant je crois, ce sont les pierres taillées par le vent et l'eau qui leur confèrent des formes de traces de pattes d'animaux préhistoriques. Julio et Jamon sont arrivés vers 10h. Nous ne les attendions pas avant 11h. Plus ponctuels tu meurs. Ils sont géniaux. Ce sont des chefs. Il aurait pu leur arriver une "couille" sur le chemin. Nous sommes donc soulagés de voir les phares du pickup briller de l'autre côté de la lagune. Ok, on a payé pour ce transfert mais, très franchement, une misère quand tu regardes l'investissement en temps de la part de Julio et surtout les côtés sportif et risqué matériellement induit par le trajet. Il s'est donné comme on dit. C'était la première fois qu'il le faisait (et peut être bien la dernière). Cela prouve en tout cas qu'il tenait à nous faire plaisir, à nous muchachos, pour que l'on aille au bout de nos projets andinistiques dans la région. Une belle marque de confiance et d'amitié. Ce Julio occupera assurément une place à part dans l'histoire de notre périple. Une famille monoparentale vient d'arriver à l'hôtel. Ayant vécu près de Montreux - le père étant luthier - ils parlent parfaitement français. Plus tôt dans l'après-midi, nous avons dit bonjour à un genevois en train de s'acclimater dans l'un des refuges de la ruta 40... Ça donne envie de manger des petits suisses !
En discutant un peu avec Julio et Jenny, Steven apprend que 80% de la population active à Fiambala employée par la municipalité. On est dans un autre monde. Sans trop tomber dans les clichés, disons qu'ici un travail de voirie sensé requérir l'emploi de 2 personnes va en occuper 4, dont un qui va gérer le maté et un qui va.. inspecter que les travaux soient bien finis, selon la formule consacrée. La soirée est "posée", en mode pépé. On prend des nouvelles de la Haute-Savoie. Steven prépare une omelette géante. Heureusement, JP nous aidera à tuer les 12 œufs. Au dessert ? Empanadas. Pas de glace. Il faut faire des économies. Nous avons fait quelques folies dernièrement. Une dernière petite vidéo "souvenir" avec JP juste avant son départ et nous voilà fin prêts pour le grand saut vers... le matelas "moutonné" de la chambre de l'hôtel. Ça nous a quand même fait quelque chose de devoir dire adios à notre ami sculpteur, avec qui nous étions très proches dans la tente - puisque nous partagions la plupart de nos repas (tels les apôtres d'Ojos) et du fait qu'il ait passé la nuit précédant le sommet avec nous afin de gagner du poids dans les sacs - et en termes de philosophie de vie. C'est avec lui enfin que nous aurons vécu des moments puissants et fait le plein d'émotions fortes ces quinze derniers jours. Comme nous pas un grand sentimental le JP. Donc pas de larmes versés. Juste une bonne accolade. Et la promesse faite de se revoir un jour, dans la capitale argentine ou dans les Alpes. Ou qui sait encore, pour faire le Hyuyayaco près de Salta. Qui sait dans moins de 3 semaines... Il est grand temps de débrancher les batteries et de les recharger. Tout à l'heure, je ne sais pas si c'est le "mal des plaines", mais j'avais des vertiges en me levant. Time to rest and recover. Carpe andiem.

Mer.15/2: "Un dia mas" - Une journée de plus à se re-poser.. les mêmes sempiternelles questions, à essayer de trouver des réponses autour de ce projet de vie, pour qu'il ne dévie pas mais qu'il garde au contraire une trajectoire la plus rectiligne possible. Ne pas trop dévier du chemin planifié, de notre feuille de route, et, en même temps, en sortir suffisamment pour découvrir d'autres voies/x inattendues. De manière plus pragmatique, cette journée off est l'occasion de faire une lessive à l'aide de la machine à laver de l'hôtel - a priori la dernière avant longtemps ! - de "geeker" sur la place, de discuter brièvement football avec Julio, de commencer à prendre des renseignements  pour la suite du périple à vélo, de voir un résumé vidéo de PSG - Barça, de lire quelques pages de L'empire des Anges de Werber, d'écrire quelques lignes de ce récit. Ce soir nous allons manger des pâtes à la carbonara chez notre "ma'" Magguy. Elle sera déçue d'apprendre que nous avons échoué à atteindre la cumbre. En même temps, elle trouvera les mots pour nous permettre de relativiser davantage encore. Ce sera aussi la dernière fois que nous la verrons. Le chapitre Fiambala est sur le point de se clore. En arrivant ici le 23 janvier, nous pensions rester une semaine, 10 jours tout au plus. Vendredi, cela fera donc plus de 3 semaines qu'on est dans le coin. Il sera donc grave temps que l'on se lance de nouveaux défis plus au nord. Même si Fiambala nous c'est d'la balle, il est grand temps qu'on se tire avant de se prendre cette avancée de toit en béton au dessus du trottoir pour se rendre à la place, que si tu te la prends dans le crâne et bein tu peux tirer un trait sur ta vie d'avant. On se réjouit de rencontrer un nouveau Julio, de nouveaux JP, une nouvelle Magguy, de nouveaux cyclotouristes... Un nouveau départ. Frais, retapés, ultra motivés, nous aimons à penser que nous entrons dans une deuxième phase du projet, plus ouverte encore, pas moins sportive mais avec moins de temps morts et ça c'est pas pour nous déplaire. Ça va "fumer", fuser, on va user de la gomme, on va gommer nos erreurs des 2 premiers mois - notamment nos petites mésententes passagères - et ça va avoiner les amis ! Pour le plaisir des mollets, du cœur et des yeux. Carpe andiem.

 

Jeu.16/2: "Sarco e Colo" - Nous rentrons de chez Magguy vers 22h30, après qu'elle nous ait conté les histoires sordides del pueblo de ces cinq dernières années. Muy cansado, nous tenons néanmoins à regarder la fin et le début des matchs NBA du soir. Nous en profitons car savons que c'est la dernière fois avant longtemps que nous pouvons "pantoufler" (ou plutôt "tonguer") devant du sport à la télé. Avec un reste de pizza dans la main, ne nous manque plus que la canette de coca et la casquette à l'envers et la panoplie ´ricaine était complète. Tiens, cela fait penser aux vigognes quand elles baissent leurs oreilles et qu'on dirait qu'elles n'en n'ont plus. Elles font alors tellement marrer ! Tu sens qu'elles sont sur le qui-vive, près à déguerpir au moindre coup de vent. Pour cela, le retour d'Ojos, c'était fou! On a dû voir au moins 150 vicunas, une bonne vingtaine de guanacos, un troupeau d'une dizaine de lamas, 3 condors, quelques flamands roses et une tripotée de patos. J'y repense en me levant, mais c'est pas vraiment banal d'avoir pu voir autant de faune sauvage sur un si petit laps de temps. En fait, c'était juste exceptionnel! Autre fait "grisant" qu'il me fallait vous raconter avant que notre 2nde journée off ne commence par un gros petit déj' : c'est hier soir, quand nous sommes sortis de la verduria avec Steven et que j'étais à deux cheveux de me prendre l'avancée de toit en béton, la fameuse dont je vous ai parlé dans le précédent résumé. C'est "Sarco" (et non Sarko!) qui m'a sauvé la vie! "Sarco" c'est le nouveau nom de scène de Steven. Cela signifie "véron" en castillano. Et moi, c'est "Colo" pour "colorado", à cause de mes cheveux toux, de mes tâches de rousseurs et des coups de soleil. C'est Julio qui nous a donnés nos surnoms pour les 3 prochains mois. Il a beaucoup d'humour comme vous pouvez vous en douter. Un mutant de la blague, un as de la déconnade (en plus du volant) le Julio. Même si son humour et ses petites attentions nous manqueront, on a vraiment hâte de reprendre la route. On attend juste d'avoir l'assurance de pouvoir payer l'hôtel et, en deuxième lieu, que la gorge de Steven soit complètement guéri. Tout à l'heure, vers la place centrale del pueblo, j'ai eu l'impression de reconnaître Courtemanche, cet ancien comique québécois, en train de rouler sur son scooter. Je me revois visionner la cassette vidéo de l'un de ses spectacles. Il était très doué à mon avis ! Il faisait très bien le bébé notamment. Mais ce ne pouvait être que son frère ou son cousin... Si on a bien un point commun avec Steven c'est d'être physionomiste. Alors, ça nous fait bien rire parfois de reconnaître des sosies de personnalités. Bref, on s'occupe comme on peut. On a déjà prévu pour les prochains jours de s'amuser à retrouver pour chaque lettre de l'alphabet un ou plusieurs personnages médiatiques chauves, puis avec une queue de cheval. On va s'éclater comme des p'tis fous! En vérité, c'est un bon moyen à notre avis pour ne pas perdre complètement la boule. C'est comme nos grand-parents - les nôtres au premier chef - qui font des mots fléchés. Encore une fois, sur une ligne droite de 20 bornes, par 35/40 degrés, c'est un bon passe-temps. Qui plus est, à Fiambala, on aura eu le temps de suivre l'actu "politique" et sportive. On est donc à peu près à jour sur qui compose actuellement le giron médiatique. Steven s'apprête à acheter 2 bouteilles de gaz à Julio pour la suite du voyage. Ensuite, ce sera plus compliqué de s'en procurer. À chaque fois qu'on se lève trop vite, on a des débuts vertiges... Le mal des plaines on vous dit. En France, à force de rester les yeux rivés sur un écran, dans le noir, il nous arrivait de ressentir pareille sensation. Bon là, c'est moins gênant quand tu sais pourquoi tu en arrives à éprouver de tels symptômes. Il faudra quelques temps avant de compenser la fatigue accumulée durant ces 2 dernières semaines. Ensuite, la chaleur est étourdissante. Donc pas de panique. On y va piano piano et on devrait parvenir à composer de nouvelles partitions assez sympas. Avant de partir, JP nous a raconté une croyance populaire parmi les andinistes : "quand le condor vole bas, les montanistos vont haut". Ou l'inverse, je sais plus. Du coup, on attend qu'il nous réponde par mail pour qu'il nous redise précisément ce que c'était, et on vous redit ! Si c'est ça, les condors devaient vraiment être en rase-mottes lundi dernier ! Humour (visé).
Cette journée est la dernière ainsi, à végéter. Si ça continue, on va finir par se transformer en cactus. Ça tombe bien, ils sont en fleurs, mais pour quelques heures seulement. Ils paraissent tout de suite moins agressifs. C'est comme quand on daigne sourire, avec nos looks de conducteurs de poids lourd alaskiens (et non "alsaciens" comme le correcteur automatique de l'Iphone me le soumet), on inspire tout de suite plus confiance. On sera pas allé aux thermes.. de ce que l'on pouvait faire ici. On aurait aimé s'essayer au sandboard par exemple, mais du fait du transfert à Ojos, nous nous devions d'être moins dépensiers derrière. Alors que nous pensions aller nous coucher relativement tôt, C'est-à-dire vers 23h pour pouvoir partir à 8h max demain, il est à présent 00h45 et nous sommes ni douchés, ni couchés, ni prêts à partir dans 7h de temps. Du coup, on décide de décaler notre départ de 24h. Un dia mas. Il faut dire, la soirée passée en cie de Magguy fut assez folle, parfois insensée. En effet, alors que nous passions devant un établissement quasi neuf de l'éducation nationale, elle nous proposa de rencontrer le recteur. Rencontre totalement improvisée ou un minimum convenue ? On ne saura jamais et c'est très bien comme ça. Ce dernier nous fit une visite du bâtiment, allant jusqu'à nous montrer le placard à balais. Il fut un peu surpris et gêné de voir que l'ascenseur ne fonctionnait plus à cette heure-là. Il nous fit une petite leçon de politique internationale et nous offrit en sus l'un des livres dont il est l'auteur, sur les chemins et itinéraires de la Puna. Cest drôle car juste avant de s'arrêter "dire bonsoir" à cet ancien député, nous disions à Magguy qu'il fallait qu'on rentre pas trop tard pour partir à la fraîche le lendemain matin... On repartait du centre d'enseignement pour se diriger vers le restaurant, il était 22h30. Pero que honore ! S'ensuivit un agréable moment passé avec Magguy sur la terrasse du "Roma", à déguster des moitiés de pizza composées uniquement de produits frais. Un régal dont on a savouré chaque bouchée, en sachant que derrière ça sera the retour of riz-thon ! Nous rentrons un peu avant 1h du matin. Ouf, la porte de l'hôtel est encore ouverte. Julio nous demande si on est bourré. Nous lui disons qu'on a bu seulement de la bière. Réponse diplomatique. Si on l'arrêtait pas, il semble que Magguy aurait pu tomber d'autres bouteilles ! Demain, c'est sur, c'est notre dernier jour à Fiambala.. sauf si le maté chez Magguy venait à se prolonger. Le problème quand tu commences à connaître trop de gens dans un lieu - qui plus est éminents et attachants - c'est que tu ne peux plus repartir ! No dia mas. Carpe andiem.

 

Ven.17/2 : "Is Fiambala the/our future ?" - Le savon sent l'aftershave. Ça nous donne l'impression d'être fraîchement rasé. Mais non. La barbiche s'est déjà bien développée. Qu'est ce que ça va être dans 3 mois... En revanche, on se doit de tailler la moustache de temps à autre, sous peine d'avoir un paillasson pas des plus agréables pour se sustenter. Tu as l'impression d'avoir sans arrêt des poils dans la bouche.
Steven discute durant pas loin d'une heure avec Julio sur le développement - au ralenti - du tourisme à Fiambala, capitale en puissance de l'andinisme, du moins en Argentine.  On en discutait déjà avec Magguy hier soir, du potentiel immense en termes de business, de la possibilité d'ouvrir une agence... C'est en partie pour cela qu'à été créé Bike Andes Peaks. C'est en partie pour cela que nous sommes restés aussi longtemps ici.
Une dernière fois du beurre sous le duche de leche. Un dernier bifteck. Une ultime fois de la salade dans le sandwich. On passe au musée pour signer le registre des cumbres, après que Magguy nous ait tanné de le faire sous peine de finir en prison sinon. Ça y est, nous entrons au Panthéon des andinistes à Fiambala. J'en fais peut être un peu trop là ? Nous faisons partis des summiters du Pissis, à jamais. C'est assez étrange d'y penser à vrai dire. Cest en aucun cas de la frime. C'est juste.. une étrange et pas désagréable sensation, de devoir accompli, de force supplémentaire, pour la suite, pour aller plus haut, plus loin (et être plus fort). On peut mourir en paix. Enfin espérons que la santé nous soit préservée quelques temps encore. Car il reste tant à faire, dans tant de domaines! Pour que la paix domine sur la haine, que la solidarité prime sur la méfiance. Je dévie un peu mais c'est tellement vrai. Jusque-là, cette immersion dans la culture andine est une ode au partage spontané.
Je commence à sentir (de nouveaux) des petites douleurs sous les talons à force de marcher en tongs. À vélo, plus de souci à ce niveau-là. Steven se remet bien de son angine. Les moteurs sont bien graissés, huilés. Dans quelques heures, ça va décaler! D'autant que Steven vient d'apprendre, via une amie sur Facebook, que Londres ça vaut vraiment le détour.
Je discute un peu avec Andrea, l'une des deux chanteuses du groupe folklorique qui va se produire se soir sur la place de Fiambala. Charmante. Nous sommes enchantés de pouvoir assister à cet Événement juste avant de partir pour de bon. Pourquoi pas les faire venir aux Grandes Medievales l'an prochain ? L'un des membres du groupe nous apprend que le concert est samedi soir. Ah.. Un dia mas? Nous lui disons que nous sommes restés un peu exprès pour pouvoir les voir. Alors que nous déjeunons, un autre musicien vient nous voir et nous annonce qu'ils vont jouer ce soir dans le jardin de l'hôtel, spécialement pour.. nous. Eutch! Que suerte! Un autre beau moment de notre périple en perspective. Le genre de séquence qui ira bien dans le court métrage final. On se revoit arrivant sur la place il y a presque un mois, apercevant Alexis ce cyclotouriste au teint étrange, ne sachant pas trop comment on allait être accueilli par les natifs, ne pouvant s'imaginer un tel accueil.
Carpe andiem.

Sam.18/2: "On the road (40) again and again" - "Altura vs sol" - Il est des jours où il vaut mieux ne pas s'emballer, rester humble. Des jours où tu crois que tout te sourit. Comme béni des Dieux, en fait tu es juste benêt "dedieu". On s'est pris une bonne claque dans la gueule à se figurer que nous avions su gagner la sympathie et la confiance de Julio, le gérant de l'hôtel, issu d'une famille aisée de Catamarca et au bras long. Alors que nous sommes tranquillement en train de manger une glace dans la salle "télé", Jenny - la femme de Julio - vient nous voir, très soucieuse. Elle nous fait clairement comprendre qu'ils sont très embêtés que nous n'ayons pas encore soldé les 10000 pesos qu'on leur doit encore. Nous aussi. Elle laisse aussi entendre qu'elle a peur qu'on prenne la poudre d'escampette tôt demain matin (sans payer). Un peu décevant de sa part. Et puis, quelques minutes plus tard, c'est Julio qui vient mettre la deuxième couche de savon. On s'est bien fait "laver". L'arrêt. C'est l'arrêt prolongé qui nous pend au nez si M. Guy - notre conseiller Crédit Agricole des Savoie - n'arrive pas à lancer le virement, ou si nous n'arrivons pas à retirer demain matin. No un dia mas !!! Autre grosse déception de la soirée: le concert privé de la part des "Montagnards mystiques" ne débuta qu'à 00h15/30. Trop tard pour nous. Nous nous sommes certainement endormis juste avant. Il existe un décalage de 2h entre le rythme de vie argentin et le nôtre. Et parfois c'est vraiment emmerdant. Ce coup-ci en est le parfait exemple.
Après Ojos del Salado, nous sommes dans un pequeno pueblo appelé Salado. Un lieu désolé et, en même temps, enchantant. Une grande place, vide, pour le moment. Ce soir c'est le carnaval. Ça ne sera pas la même ambiance !
Heureusement qu'hier soir nous avons bu le maté avec Magguy dans l'école dont elle est la directrice. Un dernier moment magique avec la fée de Fiambala. Même si on avait parfois l'impression de passer pour des sbires voire ses (grands) bouffons, notamment auprès de ses collègues profs, nous ne pouvions qu'apprécier son tempérament protecteur, rieur et enchanteur. Magguy, tu vas nous manquer. Julio et Jennifer moins.
7h10. Nous allons tenter de retirer de l'argent à la banque de Fiambala. Sans succès. La porte est fermée. Il n'y a plus de cash. On est bon pour aller à Tinogasta. En stop? On demande à Julio ? Finalement, ce dernier est ok pour nous emmener avec tout le matos. Un mal pour un bien si ça marche là bas. Inch'Inca. Et ça a fonctionné ! Alléluia !! On a plus qu'à remonter le vélo et.. let's go !! On the road again. Enfin, on refait quelque chose, du sport, on visite de nouveaux coins, on se fait de nouveau klaxonner, envisager tels les cyclistes forçats, pionniers des courses à étapes, on a de nouveau des gosses dont les yeux pétilles en nous voyant passer... Nouveau départ, nouveaux objectifs. Il va falloir deux ou trois jours pour se remettre complètement en mode vélo, d'aplomb, et réhabituer le derrière à ne faire qu'un (comme Charles) avec la selle. Taquin, Steven m'envoie quelques vannes bien placées. Je le suis beaucoup moins. Sûrement un mini coup de blues. Ça fait 2 mois et demi qu'on est parti. La famille, les potes, la maison, la neige, la course à pied..  La chaleur est assommante cet après-midi. Una tormenta se forme au nord-est. On se met à l'ombre sous un grand abri bus. Un poste radio crache de la musique traditionnelle en continu. Au début, ça va, c'est plutôt agréable à écouter. Au bout d'une heure, ça fait mal aux oreilles. Ou alors c'est qu'on n'est pas habitué. Le sera-t-on d'ici la fin du voyage ? Avec tout le respect que l'on doit à ces artistes, peu probable. Pour Steven, même Maître Gims ça passerait mieux. Radio classique pour faire la sieste, ça passerait "crème". On s'allonge sur les bancs, attendant l'accalmie. Vers 16h30, le thermomètre perd quelques degrés. Suffisamment pour que l'on puisse réaliser notre deuxième partie d'étape. Les perroquets caquettes toujours aussi vigoureusement. Après une quinzaine de kilomètres sur la 60, puis autant sur la 40, nous mettons le "cligno" pour planter la tente. Buenas noches. Carpa andiem.

 

Dim.19/2: "Des ruines incas et de la NBA" - Le moral revient, l'envie de pédaler, d'aller plus au nord, vers plus de végétation, un peu plus de fraîcheur, voir une autre laguna, apparemment l'une des plus belles du continent, avec ses milliers de flamands roses... Et pourquoi pas un nouveau 6000 sacs l'escarcelle en le volcan de "senor" Galan dont le cratère est le plus large de la planète.
50 kms avalés ce matin et nous voilà à Londres. Not London pero un pequeno pueblo connu pour ses ruines incas (nom?) que nous prévîmes de visiter, mais un mauvais timing par rapport aux horaires des visites guidées nous incite à poursuivre notre chemin. Steven n'a pas tort. On en verra d'autres des vieilles pierres. Au Pérou notamment. Et, bien avant cela, à El Penon aussi normalement. Normalement, car en arrivant à l'hôtel "Angelica" de Belen, Steven checke la météo et a la mauvaise surprise de constater que la semaine s'annonce pourrie du côté d'El Penon. On l'a mauvaise. On est bon pour poursuivre notre route vers Cafayate. Belle tuile tout de même. Notre but est d'alterner au maximum tandem et andinisme (= faire de l'andinisme). Là, ça ferait beaucoup de bicyclette pendant longtemps. On y aime bien pédaler mais entre le bitume à 40 degrés et les cailloux à -20, notre cœur ne balance pas. J'arrive pas à me connecter sur le réseau wifi de l'hôtel. Ça me rend fou. Non c'est pas grave mais j'aurais bien aimé me faire ma propre idée de la météo pour les prochains jours. Tant pis. Je vais aller prendre le peu d'air qu'il y a dehors. Il est presque 17h et la température extérieure semble encore très élevée. On va en profiter pour aller retirer, pour quoi on ne sait plus trop! En prévision, au cas où la météo changerait du tout au tout d'ici demain matin. Le seul truc réjouissant c'est de se dire que le petit déj' sera consistant à priori.
En sortant de la chambre pour me rendre dans le hall, je croise Steven qui m'apprend que le temps s'annonce pas meilleur en direction de Salta / Cafayate. Du coup, on se dit qu'on a rien à perdre à rester sur notre plan initial. Ce sera donc objectif El Penon et ses merveilles a proximité. La nuit de demain - en camping sauvage - risque d'être mouvementée. Raison de plus pour bien se reposer ce soir. Hormis une ballade d'environ 1h15 pour faire le Calvaire et aller voir la Vierge de la ville en haut d'un belvédère, c'est un dimanche après-midi farniente. Notre torpeur est impressionnante. Va vite falloir retrouver du gaz !
Pour clore définitivement la période Fiambala, les derniers contacts avec Julio, les insuffisantes infrastructures (transports,hébergements...), nos nombreux déboires avec la banque nationale d'Argentine (BNA), ainsi que la chaleur estivale nous ont convaincu que lancer un business là-bas serait difficilement viable. Carpe andiem.

 

Lun.20/2 : "Banque-route" - La matinée, la journée et la semaine commencent bien. N'ayant pu retirer d'argent hier soir, nous retournons relativement tôt à la BNA, a priori la seule banque dans un rayon de 130 km. Leur quasi monopole nous enquiquine. Il ne nous étonnerait pas qu'ils mettent volontairement peu d'argent dans les distributeurs pour prélever un maximum de commissions en obligeant les "clients" à retirer uniquement des petites sommes, plusieurs fois. Une vision du métier très démocratique et surtout, Steven en parlerait bien mieux que moi, une façon très efficace de faire tourner l'économie! Du coup, nous sommes bientôt en "banqueroute". A la limite, nous on s'en fout. On n'a pas de bébés ou d'aïeux à soigner. Dégoûtant. Du coup, Steven est en train de se retaper la queue pour tenter avec la carte personnelle (MasterCard). Chose étonnante, la Visa de l'asso n'a pas voulu fonctionner ce matin. Il est 8h52. Steven a gagné 5m. D'ici 30 minutes, ce devrait être l'instant de vérité. Passionnant comme "quête" non ? Nous avions prévu de rouler à partir de 7h45. On va encore devoir se taper les grosses chaleurs pour rattraper notre retard. Quoi que... Cela signifie en gros que, si l'on arrive pas à récupérer ne serait-ce que 1000 pesos ce matin, on peut faire une croix sur El Penon - et tout ce qui va avec - et filer vers Salta dans l'espoir de pouvoir trouver à un moment une banque sur notre route. Ce serait moche. Mais c'est ça aussi l'aventure. Être contraints par des morceaux de papiers avec des chiffres inscrits dessus. On a déjà de la chance d'être ici, en vie, en bonne santé, instruits... Quand on voit que certaines personnes ne savent pas comment se servir du banquomat, nos problèmes sont bien futiles. Steven vient de sortir de la banque. Plus rapidement que je ne le pensais. Ça n'a pas marché. La banque ne délivre pas d'argent aux non clients. Et ils ne préviennent pas en plus ! De cette manière, ils sont sûrs que tout les argentins de la région sont adhérents chez eux. Leur stratégie relève pas loin de la criminalité (en bande organisée). On s'casse ! On verra vers El Eje et si la banque a des platas, on va visiter El Penon. Sinon, on va jusqu'à la laguna au mieux, puis on fait demi-tour direction le NORd (!!), et notamment San Pedro de Atacamà, pas l'hôtel mais le (vrai, le) désert le plus aride au monde ! A plus de 2000m d'altitude, fera-t-il moins ou plus chaud qu'actuellement ? Plus chaud serait compliqué à gérer pour nos organismes.
C'est à présent le début d'après-midi - 14h14 pour être précis - et nous voici affalés (comme des loques) à l'arrière de la station service d'El Eje. On prend l'air tant qu'y en a et surtout avant qu'il ne soit trop chargé en électricité. Les nuages au dessus de nous se noircissent. La gérante de la station nous a appris qu'il ne pleuvait que très finement ici, contrairement aux alentours, en particulier à  El Penon... Dans le doute, on a mis notre poids lourds à l'abri. Le repas ne fut pas très équilibré. En effet, nous n'avons pu manger que des chips et l'équivalent de "Tucs". Ça manquait de salade quoi. Heureusement que Steven eut la bonne idée d'y accompagner d'une boîte de thon. C'est l'heure de la mini sieste. Steven a une pointe dans le dos depuis qu'il s'est réveillé. J'ai mon tympan droit qui s'est rebouché. Ça y est, on n'est une équipe d'estropiés. Et on ne peut plus boire de maté ! Démâté? Non, pour le moment, le "bateau" tient bien le coup. Démotivés ? Démobilisés ? Certainement pas! Un peu "refroidis" par ces températures et ces problèmes de banque, c'est tout. Prendre la route pour trouver une banque... C'est pas la "Route de la Soie" ou la "Route des Vins", c'est la "route des banques"! Tant que c'est pas la banqueroute ! Et un petit moins bien passager de mon côté. Et ces bouteilles et ces emballages qui traînent partout, qui volent, qui font du bruit quand ils traînent par terre. Et ces odeurs pestilentielles quand tu longes les trop nombreuses décharges à ciel ouvert, quand tu passes tout près du corps sans vie d'une vache. Ça fait chier pour la Pachamama et ça met vraiment mal à l'aise. Pas toujours l'impression d'être à sa place ici. C'est pourtant la réalité de ce pays et de bien d'autres en Amérique et dans le monde. Il est juste temps que les dirigeants corrompus dégagent et laissent place à ceux qui ont vraiment envie d'œuvrer pour leur nation, en apprenant des le plus jeune âge à jeter ces ordures dans des poubelles, à mettre en place des centres de tri puis de recyclage, en favorisant l'entrepreneuriat dans les autres secteurs... Facile à dire nous direz-vous. En tout cas, c'est pas en employant 80% de la population dans les villages comme Fiambala que l'économie et le commerce vont s'améliorer. Si même la banque nationale freine le développement... La lumière du soleil en même temps que la chaleur qui émane de lui baissent. La fin de journée, d'une nouvelle journée de pédalage, se profile. On a bien pédalé dans la semoule. Nous avons même fini par devoir "rétro-pédaler" pour finir à Hualfin, sur la route 40, alors que nous comptions dormir quelque part  sur le chemin pour aller à El Penon. Mais "money is money". Sans le sou, dans ses immensités, avec toutes nos affaires à tirer (et à faire garder parfois), difficile de faire grand chose. Nous aurions pu Eller jusqu'à la Laguna Bianca. Mais en coup de vent, quand tu sais tout ce que tu peut faire autour, ça ne nous intéressait pas plus que ça. Il nous faudrait 3 bons jours pour bien explorer la zone. Avec 1000 pesos en poche, nous sommes plus que ric-rac. Nous allons donc passer  en mode "roumainerie" pour les 2 prochains jours afin davoir suffisamment de "platas" jusqu'à Santa Maria, où nous devrions pouvoir (enfin) retirer quelques dinars. A l'office de tourisme de la ville - qui abrite également le muse archéologique - on accepte que l'on pose notre tente dans le jardin côté église. Les argentins sont très arrangeants. Grâce à eux, on économise quelques précieux pesos ce soir. Mieux encore, un clown auto-stoppeur (de la province de Buenos Aires), qu'on dirait un peu dérangé au premier abord, vient nous voir sur notre lieu de camping. Après que nous lui ayons raconté notre histoire, il nous fait don de 100 pesos. Une façon pour lui de rendre "la pièce de la monnaie" par rapport à une situation passée où il se retrouva, comme nous, en "déche" de tunes et où un autre voyageur l'aida de cette manière. La prochaine fois, ce sera notre tour. Sinon, cet argent ira directement abonder la cagnotte pour Ahuana. On serait bien aller manger une empanada avec lui sur la place mais on peut difficilement laisser les affaires sans surveillance, on est "full" et surtout on souhaite se coucher très tôt pour partir très tôt demain.. et il y a une rivière à traverser si on eût voulu le rejoindre. Encore un coup à s'tremper la binette avant d'aller s'pieuter ! Il gardera peut être une mauvaise image de nous et des français. Quand on vous dit qu'artistes et sportifs ne font pas bons ménages. Nous, on gardera un super souvenir des clowns argentins !! Que le vaya bien amigo ! Carpa andiem.

 

Mar.21/2 : "La mygale et la fourmi" - La journée avait bien démarré: on roule bien, cette portion de la 40 est agréable, pas trop monotone, on voit (pour la 1ère x du voyage et de nos vies) une mygale qui traverse la route. En fait non, 2 mygales. Une morte puis une vivante prête à nous sauter dans le cou ! En réalité, il faut qu'on se renseigne pour savoir si ce "modèle-la" est venimeux. Il nous arrive de dormir en tente à proximité de ces bêtes velues. C'est pour savoir si on peut les invités à la prochaine fête des voisins. À part ça et bien, à part ça, le coup de grâce est arrivé sur les coups de 14h30 quand nous avons dû traverser une sorte de grand caniveau, un de plus. L'eau n'était l'as profonde mais le sable accumulé sur la chaussée rend cette dernière quelque peu glissante pour notre "pédalo". A mi-chemin (sur 15m environ), on décide de mettre pied à terre. Le grand plateau est sacrément tordu. Il fait la gueule! Par chance, on peut encore rouler, en restant sur les 2 plus petits plateaux. La partie maillée du grand plateau est pas loin de frotter la malléole droite de Steven. Pas très pratique. Il nous reste 15 kms de descente jusqu'à Santa Maria où se trouve une super bicycletteria selon un cycliste croisé juste après la survenue de notre incident technique. Bon, si y avait que ça, ça irait bien. Mais les emmerdements ne sont pas terminés. Sans grande surprise finalement, nous repartons bredouille pour la 3eme fois d'affilée de la banque. La BNA empêcherait actuellement les étrangers de retirer. Tous les touristes non domestiques venus cet été dans la ville ont eu le même problème. Pas grave. Enfin, tant pis, on fera "avec". Le goudron devant la banque est de bien piètre qualité, ou alors c'est notre remorque qui est vraiment lourde... Quoi qu'il en soit, on repart en laissant la signature de la béquille dans le bitume... Ne reste plus maintenant qu'à espérer que le magasin a un plateau à 42 ou 44 dents en stock et qu'ils prennent la carte. On se poste devant le shop des 17h. Une dame très apprêtée arrive 45 min plus tard. Elle trouve la pièce! Et ils acceptent Visa et MasterCard. On est donc sauvé... à moitié ! Maintenant, il nous faut trouver un hébergement pas cher. Steven fait le job. Il va voir un premier hôtel style Taj Mahal. 800 pesos. Trop cher. Mais l'agent d'accueil lui dit qu'un autre hôtel situé tout près nous ferait la nuit à 300 pesos. Il prévient même le gérant qu'on arrive. Ça c'est sympa! Bon, finalement c'est 200 pesos de plus mais c'est on ne peut plus parfait car on peux payer (indirectement, l'essence du Partner) en CB. À la bonne heure ! Sinon, si ça n'avait pas marché, nous étions bons pour prendre le bus de 19h pour Cafayate.. si tant est que la compagnie aurait accepté de transporter notre tandem ! Nous nous rendons à l'hôtel, très sympa au demeurant, pour du "cheap". Steven profite du wifi pour regarder si l'on peut déjà réserver pour louer une voiture à Cafayate. A priori pas d'entreprise de location. El Penon s'éloigne de nouveau. On ira quand même se renseigner à l'office de tourisme demain en arrivant. Notre ultime (petite) chance. Allez, on se console ce soir en se disant que ça aurait pu être bien pire, qu'on pourrait être encore puant, crever de faim et/ou de soif, ou encore dormir dehors au milieu des insectes "sauvages". Il faut qu'on retourne dans la cour, voir si le gérant et son fils sont revenus de leur tour en tandem, avec notre "Bapmobile". La lassitude générale est encore présente. Déroutés, on n'y a plus trop le goût avec toutes ces péripéties. Un peu dégoûtés d'avoir été bloqués pour des conneries (par des conn****), on n'a même plus le goût de filmer. Ça reviendra. Ça va revenir. C'est déjà en train de revenir. La flemme ne prendra jamais le dessus sur la flamme. On a une chance inouïe d'être là. Ne la gaspillons pas. Steven : "Restons dans un cercle positif de pensées". C'est ça !! Nouveau plateau. Nouvelle vis bien resserrée. "Nouveau" dos pour Steven. Nouveau départ, de feu! Feu flamme vers Cafayate, l'une des étapes phare de ce voyage. Carpe andiem.
 

Mer.22/2: "Lovin' World Tour" - Nous avons bien fait de ne pas dormir dehors. L'orage était violent. On était mieux sous un toit, Dieu merci. 7h35. On se dirige vers la salle commune pour le petit déjeuner, offert par la maison. Le geste nous touche. Bon, par contre, ça manque un poil de consistance. Avec 5 petits ronds de pain sec, on va pas aller loin ce matin, pas jusqu'à Cafayate en tout cas. Du coup, nous nous sommes arrêtés dans une panaderia pour acheter 2 viennoiseries, dont une sans duche leche figurez-vous ! Cette fois c'est bon, nous avons rempli le réservoir à ras bord. La route empruntée aujourd'hui est très agréable, globalement descendante et passant au milieu des vignes des vallées de Calchaquies et des bodegas. Ça donnerait presque envie de s'arrêter boire du pinard. Mais repartir à bicyclette avec un coup dans le nez, par 30 degrés, n'est pas conseillé. Surtout que ça circule pas mal. On sent qu'on se rapproche d'une zone très touristique. On entre dans Cafayate. C'est étrange également de côtoyer de nouveau autant de monde. Une fois arrivés à la place centrale de la ciudad, on se fait accoster "direct" ! Par un musicien argentin d'abord. Puis nous revoyons le clown de Hualfin. Car oui, fait exprès, nous tombons la veille de la fête de la Serenada, spectacle folklorique, 43eme du nom, et apparemment l'un des moments forts de l'été culturel argentin. C'est demain soir. Nous allons voir pour récupérer 2 places. Un peu plus tard, une petite dame "cafayetienne" s'arrête devant notre banc. D'une extrême gentillesse, une de plus, nous lui excusons à curiosité. Puis ce sont 2 français qui se présentent à nous. Angela et Adrien "from" Val d'Oise. 28 ans tous les deux. En voyage en Amérique du Sud et en Asie pendant un an. On a coutume de dire que si l'on voyage, c'est pour.. surtout plus voir de français ! Mais là, après plusieurs jours sans rencontrer d'autres (cyclo)touristes, nous tombons sous le charme de ce couple de backpackers. Comme quoi, on se fait une fausse idée parfois des parisiens. Nous discutons durant plus d'une heure trente. On échange nos numéros dans l'espoir de se revoir à San Pedro de Atacamà d'ici une petite semaine. Ce serait super de pouvoir partager au moins une sortie touristique ensemble. Le seul hic c'est que nous sommes encore à 500km - et beaucoup de dénivelé positif ! - de San Pedro. Il nous faudrait donc se faire avancer (en "pickup-stop"?). Ça va le faire. Au culot et avec le sens de la persuasion de Steven. Ce dernier vient de rentrer en coup de vent dans la chambre de l'hôtel pour m'annoncer qu'ils nous faisaient la nuit de demain à 750 pesos, au lieu de 2000. Rien à dire vu le contexte. On va pouvoir laisser notre remorque, et peut être notre tandem également, pour faire une excursion demain. Que faire : louer une moto ? La Quebrada de las Conchas ? Ou carrément retourner à El Penon ? A voir. On va retourner à l'informacion turistica pour finaliser le programme de demain.. et manger un bon repas, si possible économique. Les français rencontres cet après-midi ont baptisé leur trip "LovinWorldTour". C'est mignon non ? On aurait pu intituler le nôtre "LovinAndesTour" ! Non, pas assez estampillé sport et aventure ! L'aventure, l'aventure.. ça dépend. Là, par exemple, nous sommes en train de regarder la Ligue des Champions de football, pour la 3eme fois en une semaine. Alors qu'en France nous n'avions pas regardé un match depuis des lustres ! C'est juste qu'ici, les commentateurs sont trop forts ! Quand une équipe marque et que l'un d'entre eux crient pendant plus d'une minute ""goooooooooooal !!", c'est excellent ! Voilà au moins des gens pas payés à rien faire. En revanche, quand tu zappes et que tu tombes malencontreusement sur du catch, et bien tu te dis que le monde va mal. Quand tu sors, que tu vois des artistes jouer dans la rue, des parents surveiller leurs enfants et tous ces gens qui se battent - avec leurs armes - pour vivre.. ensemble, tu te dis que le monde va bien. Dernier scoop du jour : ma tirette d'une banque concurrente de la BNA a bien voulu cracher du cash. Nous avons ainsi pu rendre les 100 pesos au clown argentin. "Cash bandycoot", la "route des b(r)anques", c'est donc fini, pour le moment. Carpe andiem.
Jeu.23/2: "Scoot' toujours !" - "Bodega bodega..!" - Nous avons décidé aujourd'hui de louer un scooter pour aller visiter la Quebrada de las Cochas. C'est le (grand) baptême de la bicyclette motorisée pour Steven. Il prend vite le guidon et le passage de vitesse en main. En s'enfonçant dans la quebrada, nous visitons un lieu certes "touristique" mais en tous points unique tant par ses formes, ses couleurs que par sa taille. Il aurait été stupide de passer à côté. C'est comme pour le Machu Picchu. On hésite encore à payer les 400 dollars requis, mais on se dit aussi - comme tout le monde - que c'est qu'une fois dans une vie, que l'occasion ne se représentera peut être jamais. Alors on verra. Mais, quoi qu'il en soit, carpe andiem.
On profite d'avoir le scooter jusqu'à 20h pour faire un saut du côté du "ripio" de la route 40 en direction de Cachi, afin de se faire une idée de la "qualité" du revêtement pour se rendre au Chili par cet itinéraire. Le verdict est plutôt positif. Ce qui va définitivement motiver notre décision de passer par là plutôt que par le route 68 en direction de Salta - plus fréquentée, plus touristique, totalement asphaltée et donc beaucoup moins challengeante - c'est le fait d'obtenir des garanties sur la résistance du tandem et plus particulièrement du pédalier. Car, à la vue de l'état actuel du système de pédalage du tandem, un ami de Steven nous a alertés (sur Facebook) sur le risque d'endommager et la manivelle du pédalier et les bonhommes. Pour cela, nous allons aller voir un mécano dans une heure, dans l'espoir d'être rassurés, voire qu'il nous détorde un peu la partie animée.
Là, nous rentrons à peine de la visite d'une bodega. Quelques explications sur l'exploitation du vin à Cafayate et une dégustation plus tard, et après avoir ramené une petite bouteille avec nous, nous voilà parés pour.. en tenter d'autres plus au nord! Pour comparer. Pour se cultiver davantage. En tant que français, on dispose tout de suite crédit incroyable dans ce genre d'endroits, alors qu'avec Steven nous sommes des œnologues niveau.. allez, 0,05 (/10). Et faire une dégustation de vins en été, en Argentine, à 16h, quand tu n'as pas (/plus) l'habitude de consommer de l'alcool... Le retour, c'était comme dans "Bienvenue chez les Ch'tis"c mais en scooter, avec un pilote pour le moins inexpérimenté. Inexpérimenté mais prudent. On n'a pas fini dans un une rangée de vignes! En se promenant dans la ville un peu plus tard pour faire quelques commissions, devinez qui est-ce qu'on recroise ?? Le clown évidemment !! Il nous dit (en espagnol, traduction approximative de l'auteur) : "bah alors, vous avez vendu votre tandem pour vous achetez un scooter !?". Nous lui répondons que oui. Ahh les artistes. Ne nous reste plus qu'à rendre le scooter, faire quelques courses pour les jours à venir et.. offrir un verre de rouge aux deux filles de l'hôtel, pour les remercier d'être aussi arrangeants et serviables avec nous. Nous avons eu par ailleurs l'avis des druides "cafayetiens" du vélo et, pour eux, pas de souci, tout est en ordre, il n'y a pas lieu de s'inquiéter. Alors, vamos para la ruta de Cachi ! On opte donc pour la variante caillouteuse vs la version "papy". De 20h30 à 21h15: nettoyage en profondeur et resserrage des boulons du tandem. Une dernière glace artisanale, après avoir humé la grosse ambiance de début du carnaval dans la ville, et "paniette".
Demain, on va essayer de prendre un bus à 11h, le but étant de faire l'économie de deux jours, soit 170 kms environ. Cela nous permettrait également de nous reposer encore un peu, avant de repartir au combat, plein de fraîcheur et d'envie ! Bientôt minuit. Pour nous, c'est déjà tard. Pour les gens ici, c'est le début de soirée. Ils ne connaissent donc pas les démons de minuit. Ou alors ils s'en affranchissent à force de chanter, de danser et de boire du maté (et autres) ! 00.00. Carpe andiem.

 

Ven.24/2: "Copickupage" - "L'oignon crée la force" - On se force à boire du Coca-Cola. Leur bouteille de 3l est malheureusement la plus solide du marché, et constitue de se fait un contenant idéal pour une réserve d'eau. Du coca au petit déjeuner.. ça "pique" ! Une grosse pensée pour nos mamans aujourd'hui. En effet, celle de Steven pars en vacances en Corse et la mienne fête ses 55 ans. Qui sait, peut être qu'on fera 55 kms de vélo cet après-midi. On va voir, si on tente de faire du stop ou pas une fois arrivés à Angastaco, à mi-parcours de notre objectif du jour. Cela va dépendre du contexte environnemental, de l'heure... 14h07. Nous voici à Angastaco. On a le derrière bordé de tagliatelles. 3 autres voyageurs sont d'accords de partager un transfert avec nous. Au final, ça devrait nous revenir au même prix que le collectivo (=bus). Une aubaine. De la sorte, on va pouvoir partir tôt demain matin pour faire la première étape - sur deux - en direction de San Antonio de Los Cobres.
Ce matin, je discutais un peu, enfin j'essayais de discuter en espagnol avec la dame la plus âgée de l'hôtel. Cette dernière me témoignait sa vive inquiétude quant à la jeunesse argentine, sa faible ambition, la baisse du niveau d'éducation... Contrairement aux 50/60's où, selon elle, le pays fleurissait. Elles déplorait, comme beaucoup de personnes de sa génération ici, la corruption ou du moins, la mauvaise gestion des élites. Le point positif dans la région de Salta, c'est que la nature semble préservée ou en voie de l'être. Ce serait même, vraisemblablement, l'une des priorités de la nouvelle présidence. Cela faisait plaisir de voir, par exemple, une usine de traitement des déchets organiques installée à la sortie de la ville de Cafayate. Espérons qu'il fera dénombre un petits ! L'Argentine a tout pour bien faire. Il faudrait qu'elle parvienne à impulser une dynamique de travail, au travers d'incitations fiscales. Il est en par ailleurs absolument nécessaire qu'elle lance une grande campagne de sensibilisation pour faire reculer l'obésité! Et si, quand nous reviendrons dans cinq, dix, quinze ans maximum, nous voyions dans les kiosques des produits alimentaires issus de l'agriculture locale à la place des bouteilles de coca et du chocolat Milka ? C'est tout le mal et le bien qu'on leur souhaite.
On traverse à présent des champs d'oignons. C'est la première fois, pour ma part, que je vois les rangées dont est issu l'expression. À part ça, le transfert dans la benne du pickup en "classe éco" au milieu du tandem, de la remorque et de tous les sacs se déroulent bien. Il y a juste un moment où ma casquette X-Bionic s'est envolée, emportée par une petite bourrasque prise de face. Par chance, la Peugeot 207 qui nous suivait la ramassa et me la ramena avant de nous dépasser.
C'est ensuite avec grande surprise que nous découvrons que Cachi est une ville de sportifs(vers). En effet, des notre entrée dans ma ville, nous voyons 3 coureuses et 1 coureur à la foulée bondissante, pour la plupart sponsorisés. Des marques de champion, qui ne trompent pas. Alors que nous cherchons un hébergement pour la nuit, un français d'une cinquantaine d'années assis sur les marches de l'office de tourisme nous interpelle. Nous lui disons qu'il nous est quasi impossible de nous arrêter là, la tente et les matelas n'étant pas fixées sur la remorque. Nous nous excusons et continuons à descendre vers le nord de la ville où l'on nous a conseillé un hostel très bon marché (120 pesos la nuit / pers). Le français nous a suivis. Il se prénomme Gilles et c'est un enragé d'ultras (en course à pied) et de.. cyclotourisme ! 150 000 kms à son compteur, en 25 ans. Il connaît Alexis, l'organisateur du tour du lac Léman.. Le monde de l'endurance est petit. Il nous propose de manger ensemble. 4h à discuter voyages à vélo et running. Ça aurait pu durer jusqu'au bout de la nuit, mais nous devons aller dormir un peu. On serait bien aller courir avec lui demain, mais nous avons déjà prévu de faire de la bicyclette. Nous devons absolument avancer, au risque de prendre vraiment trop de retard sur notre plan de route. Carpe andiem.

 

Sam.25/2 : "Mas alto que el Monte Bianco" - Nous reprenons donc la ruta 40. Les 15 premiers kms sont asphaltés. Avant  de nous lancer tambour battant sur le ripio, vers l'inconnu, vers un col plus haut que le Mont-Blanc, el paso della Labra de Acay (pas le pont.. de la Caille!) et ses 4995m d'altitude. Nous partons de 2350m d'altitude environ. Il va y avoir du sport. Après 6km de piste, nous croisons un semi-remorque qui nous prie de nous arrêter. Il nous informe que le vol est fermé. La raison ? Il a beaucoup plu /neige ces derniers jours et les rivières qui traversent la route sont remplies et empêchent la majorité des véhicules - dont les vélos - de passer. La gendarmerie autorise uniquement les 4x4 à tenter le coup. En définitive, on est bon pour faire demi-tour. Alors que nous espérons obtenir l'avis d'une autre voiture pour être certain de prendre la bonne décision, un jeep arrive à notre hauteur. Steven croit reconnaître des belges. Il les sollicite. Il s'agit en fait d'une famille argentine résidant dans une petite ville de la province de Buenos Aires. Francesco est entrepreneur et investisseur dans de multiples affaires. Maria est avocate. La famille modèle ? Avec leur deux rejetons de 8 et 10 ans, ça y ressemble. Ce qui est incroyablement.. touchant pour nous, c'est qu'avant même de lui demander, Francesco propose de nous emmener. On hésite, surtout que ça s'annonce coton pour tout faire rentrer et tenir dans /sur leur 4x4. Lui aussi se demande bien comment faire. Mais, alors que nous lui disons : "c'est pas grave, tant pis, merci beaucoup!", il fait demi-tour vers notre "Bapmobile" et nous commençons à la désosser. Nous voilà à l'arrière de l'auto, les 2 garçons sont serrés comme des sardines mais semblent fascinés par notre attirail. Le plus grand me parle comme si j'étais son grand cousin. Il ne sait pas que je suis une buse en espagnol, allez une demi-buse à présent. Je tente de sauver les apparences mais mes sourires à répétition pour seules réponses à
ses questions finissent par me décourager. Après près de 4h passés en leur cie, un "maté-time", et 5 rivières traversées avec succès - Steven ayant fait l'éclaireur en tongs -, nous décidons de les quitter à 15km et 1500m de D+ du col. Il nous faut ré-enclencher une dynamique, pour cela réamorcer le tandem et la remorque. Même si la montée et la descentes s'annoncent insurmontables ou indécentes sur le papier, car raides et parfois dangereuses du fait du sable ou de la boue. Même si nous espérions faire la totalité du trajet en vélo, étalée sur deux jours. Nous aurions fini étalés de fatigue ou, pire, nous nous serions étalés tout court ! Déjà là, à 5 ou 6 reprises, on est passé tout près de la correctionnelle! Et le tandem aurait-il apprécié tirer une telle charge et un tel déchaînement de vibrations sur plus de 140km? Pas sur, vraiment pas sur. Cette étape, nous ne l'aurons clairement pas réalisée en mode "Mike Horn". Notre projet ne vise pas effectuer d'énormes exploits sportifs et physiques, requérant une prise de risque parfois maximale. Bike Andes Peaks, c'est se lier d'amitiés avec des locaux pour comprendre un peu l'histoire, et l'économie, le tourisme dit "d'aventure" et les sports de montagne là où l'on passe, comment ils s'organisent, quels semblent être leurs résultats... Comment tout cela s'agrège, fusionne ou au contraire se divise. Un élément qui paraît en tout vas bien tourmenté, c'est la météo. Alors que Steven m'apprend qu'il a fait 23 degré à Briancon le 23 février dernier, nous apprenons qu'il est annoncé de la pluie à San Pedro de Atacamà, dans l'une des régions les plus sèches de la planète. Il va falloir sortir les k-ways. Dehors, c'est le déluge. Si nous avions du dormir dehors, nous aurions pris la neige (et le froid). On était claqué. On apprécie d'autant plus le confort de l'hôtel ce soir, et on remercie encore une fois la Vie de nous avoir réuni avec la famille argentine et les touristes belges rencontrés plus tôt dans la journée. Tous les six sont formidables. Nous avons pu explorer El Penon. Mais, comme pour Gilles, nous avons eu la chance inouïe "d'explorer" l'âme de ces gens, au travers du partage d'une journée engagée et d'épreuves pas faciles. Aussi, nous avons la sensation d'en sortir encore plus grand(i)s. Et si, en plus, nous avons été inspirants pour les enfants de Maria et Francesco, alors c'est gagné. C'est avant tout ça Bike Andes Peaks! Carpe andiem.

 

Dim.26/02: "Aux portes du pays d'Evo" - Hier, l'une des gérantes de l'hôtel dit à Francesco qu'il ferait beau aujourd'hui. Après une première partie de journée relativement calme, le déluge a repris, avec une averse de grêles sur les coups de 15h45. On a certainement bien fait de laisser le tandem "au garage". Cela nous permet de reposer notre nuque, les cuisses pour Steven et les mollets pour moi.
Incontestablement, on a puisé hier. N'ayant pas fait de vrai repas à midi, on a fondu aussi. On a donc une dalle d'enfer. Hier soir, on aurait pu dévorer un lama entier! Nous nous sommes contentés de quelques côtés de ce camélidé. Là, au moins, on se dit que derrière on repart "à donf" pour 4 jours de douce et furieuse folie objectif le très touristique San Pedro. En passant par là, on va rater des trucs très intéressants c'est sur (Salta et son musée de l'Homme, Jujuy, Pourmamarca..). En empruntant cette portion de route rendue mythique par Fanny & Vincent de "Tand'Aimer le Monde", nous devrions également en prendre plein la vue. Quelques beaux coins nous attendent, certes déjà explorés, mais qu'est ce qu'on en a à bra*ler. La Vallée de la Lune à dos de cheval par exemple. Et si nous la faisions avec le couple de parisien rencontré il y a 4 jours à Cafayate... Ou avec d'autres voyageurs, plus ou moins sportifs, plus ou moins aventuriers, plus ou moins artistes, dont le cerveau est plus ou moins ravagé. Dans tous les cas, l'échange est valable, voire fructueux, le moment passé instructif et souvent enrichissant en termes de connaissances et de valeurs, autres que monétaires ! C'est l'essence du bikepacking. Gilles nous disait l'autre fois qu'une fois qu'on est tombé dedans, il devient très dur de s'arrêter de voyager de la sorte. CQFD. On va déjà finir celui-là et après on verra bien. #phrase toute faite. N'empêche, Alaska - Quito c'est tentant. L'Asie du sud-est, idem. La Nouvelle-Zelande, on en parle pas. Et puis tout ce qu'il reste à faire en Amérique du Sud! Un vaste chantier quoi.
Rien à voir mais savez-vous comment est surnommé Evo Morales par ses détracteurs ? "I don't know". C'est très bon non ? Il paraîtrait (selon Gilles pour ne pas pas le citer) qu'il a suivi toutes les étapes du dernier "Dakar" à bord de son hélicoptère privé. Dernier exploit en date : il vient d'inaugurer un musée à sa gloire dans son village d'origine dans lequel on peut retrouver une magnifique collections de.. maillots de football! On voit que la culture, ça lui tient à cœur, c'est bien. Un sacré numéro le Morales. Son prénom n'était pas prémonitoire malheureusement. Mais on a quand même hâte de faire la découverte d'une partie de "son" pays!
L'hôtel El Portal où nous avons élu domicile jusqu'à demain matin est situé, à peu de chose près, à la même altitude que l'Aiguille du Midi. C'est comme si on avait installé un hôtel là-haut, au milieu de toute cette blancheur. Ici, c'est le désert, de sable pour l'instant, de sel d'ici une dizaine de jours. Et c'est toujours aussi marrant d'entendre résonner des rythmes percutants de musique argentine, un dimanche après-midi, qui plus est pluvieux. Ces airs de fête qui invitent à danser, alors que nous sommes vautrer sur nos lits. La "Bapmobile" est quasi prête pour demain. Ne reste qu'à y ajouter nos sacs sur le porte-bagages arrière. Ensuite, nous irons faire le pied de grue dans la salle du restaurant, dans l'espoir de manger à l'heure française et de faire dodo tôt. Demain, c'est "boulot". On skype les enfants de Villiers que Morin à 7h, puis on s'envole en "métro-vélo" vers d'autres cieux espérons moins capricieux et d'autres terres plus au nord. Carpe andiem.

 

Lun.27/2: "On a ripé chef!" (1/2) - Pas de Skype finalement, la salle de restaurant où l'on voulait s'installer pour ça était occupée par.. des dormeurs de dernière minute. Dommage car on ne sait pas quand on pourra remettre le rdv. Les connexions vont devenir de plus en plus limitées. A moins qu'à San Pedro nous soyons chanceux.
Hier soir, alors que nous nous imaginions passer une soirée "pépère", arrive un baroudeur en Vespa cette fois, un autre enragé. Ce dernier prévoit en effet d'emprunter la route du col d'Acay (dans l'autre sens par rapport à nous). Les chambres étant toutes occupées, nous acceptames de partager la nôtre, suivant le "code des voyageurs" en vigueur. Nous avons eu le plaisir également d'assister à une parade dansante, juste devant l'entrée de la cour de l'hôtel, réalisée par une vingtaine de jeunes aborigènes très joliment costumés. Encore deux jours de Carnaval dans tout le pays.
Nous sommes un peu ballonnés ce matin avec Steven. On a dû ingurgiter quelque chose de travers et/ou bu de l'eau pas suffisamment filtrée pour nos fragiles organismes d'occidentaux. Quoi qu'il en soit, nous quittons l'établissement vers 8h45. Grosse journée en perspective avec dans un premier temps le viaduc le plus haut du monde (4200m) en ligne de mire. Le problème c'est la météo. Sont annoncés des orages toute la semaine. Et rapidement, on se rend compte que c'est avéré. Nous nous prenons rapidement les premières gouttes de pluie dans le cou. La piste n'est pas trop mal, toujours quelques passages avec des ondulations qui font vibrer le vélo et desserrent les vis. On va serrer les fesses pour que nous n'en perdions pas encore une en route au niveau du plateau. Ça deviendrait vraiment problématique. L'autre écueil à éviter, ce sont ces petits "bancs" de sable qui nous font vite riper. En montée, on roule a 7km/h de moyenne, donc ça va, chuter n'est pas très grave. En revanche, dès que ça descend, on prend vite des risques et c'est bien un petit miracle qu'on ne soit pas encore tomber à cause de cela. On touche du bois, ah non y en a pas. On touche de l'acier et on remercie le Dieu de la bicyclette de préserver (pour le moment) nos âmes et nos binettes de bikers novices. Autre coup de chance mémorable: après 105km de piste, plus ou moins hachée, de bonnes averses par moment et un bon mal de c*l, une voiture s'arrête à notre hauteur. Elle nous demande où est ce que nous allons. Nous lui répondons "Huancar". Il enchaîne : "nous aussi, nous habitons là-bas !" Steven lui demande alors si nous pourrons y trouver un toit pour nous protéger contre l'orage. Et lui de nous annoncer avec un grand sourire : "mais bien sûr !" Nous ne pouvions imaginer meilleur scénario. Car le temps se gâtait sérieusement dans notre secteur. On allait se prendre une rincée du tonnerre si on ne trouvait pas rapidement un abri. C'est ainsi que nous sommes actuellement dans la bergerie de ces gens. Nous leur sommes infiniment reconnaissants. Sans eux, on aurait pris l'eau, de tous les côtés ! Si ça continue, on va devenir les pros de la tente intérieure! La femme de notre hôte nous a contraints de l'installer, au cas où il y aurait des fuites dans la toiture. Cela aurait pu être fun et plus "wild" de dormir dehors vous nous direz, mais le véritable danger c'était la foudre. En termes de faune, la journée fut incroyablement riche. D'abord, on pensait se satisfaire d'avoir vu "Bernard" et "Serge". Puis, c'est un cheptel d'une cinquantaine de lamas que nous découvrimes en train de paître paisiblement sur des pelouses naturelles, un ruisseau traçant son sillon au milieu d'eux,  sous des dentelles de rochers dégringolants. Avant cela, nous surprimes un couple de grands ducs de Magellan en train de chasser. Et le comble dans tout ça : voir deux émeus de la Puna gambader. "What the fuck?" On n'était pas au courant !
La pluie semble se calmer. Ce serait bien pour demain matin. Histoire que ça puisse sécher un peu. Histoire qu'on soit pas obligé de descendre du vélo tous les 150m pour traverser des rivières ("braver les froids... sans toi, je ne sais pas, je ne sais pas..."). Ça tonne encore. "Ça t'étonne Hans?" me dit Steven. Pas étonnant non, en effet. C'est donc pas gagné d'avance para la manana. Même s'il ne reste que 25 bornes pour rallier Susques. On pourrait bien en avoir pour toute la matinée. Nous aviserons. "Advienne que Noura". Ah, et oui, oh purée! J'ai failli oublié de narrer le meilleur moment de la journée. Ce matin, au moment de partir de l'hôtel, une jeune native de San Antonio nous accoste pour nous vendre un lama en porte-clés. D'abord nous déclinons l'offre, puis nous nous ravisons. On lui prend le modèle gris qu'on accroche à la sacoche de guidon. Avant cela, elle fait don à chacun de nous deux d'une pierre porte-bonheur. Cette fillette tombait du ciel, tel un ange protecteur. Telle une fée. Bon vent à toi chère amie ! Je ne sais pas si nous le méritions mais sache que tu nous as sacrément porté chance aujourd'hui. Carpa andiem.

 

Mar.28/2: "On a ripé chef!" (2/2) - 2eme jour consécutif de ripio. Au début c'est marrant. A force c'est chiant. Avec la quantité qui s'est abattue hier soir et pendant la nuit dans le pueblo et ce, jusqu'à Pastos Chicos (à 5km de Susques)! On part sur les coups de 8h30, pas hyper confiant. On n'en a pas fini de déclipser, d'enlever la bouillasse sous les chaussures... De la boue jusqu'aux oreilles, voilà ce qui nous a été réservée ce matin. Ce matin, c'était session VTT tandem! On y aime bien mais on a hâte de retrouver le bitume! Pas qu'être sales nous dérange. C'est juste que faire du 1km/h c'est pas possible pour des impatients comme nous. Et puis, on en a marre de ses ralentisseurs naturels, chatouilleurs de vessies et briseurs de "bouliches". S'est ajouté comme difficultés sur ce parcours cahoteux une dizaine de bosses, pas longues mais bigrement pentues! On a encore faire chauffer les muscles des jambes et on est monté dans les tours au niveau de palpitant. Des niveaux que, personnellement, je n'avais jamais atteint en Europe. Mais le principal était que nous arrivions au moins jusqu'à Pastos Chicos en un seul morceau, matériel et pilotes compris. C'est chose faite. En revanche, difficile de repartir. La bécane a besoin d'être bichonnée. De surcroît, nous devons faire sécher des affaires. On prend donc la décision de rester dans le "complexe touristique" (= un routier, unique bâtiment du patelin) éponyme cet après-midi et de ne repartir que tôt demain matin. On nous a vendu un menu du jour pas cher. Niète. Une connexion internet. Niète, pour le moment. ESPN 1 (la chaîne tv) ? "Ré-Niète! Pour cette dernière, on s'en fout bien sûr. Mais pour le Wifi c'est vraiment embêtant, sachant qu'on doit absolument checker la météo - nos amis parisiens à San Pedro depuis hier soir nous apprenant que toutes les agences de tourisme sont actuellement fermées pour cause d'intempéries - et commencer à se renseigner pour la suite de notre parcours en Bolivie.
La tempête a repris de plus belle, comme d'hab' en fin de journée.
Dans ces périodes "off", on mange, on boit, on voit à quoi peut ressembler la suite du trip, on surfe sur internet, on lit, on regarde du foot et du basket à la télé, on s'étire (pas assez), on panse les petits bobos et on pense. On arrête pas de penser. Plus encore que sur le tandem. On pense à ceux qui nous sont chers. Que font-ils en ce moment ? À quoi pourrait ressembler notre vie en rentrant ? Comment allons-nous nous y prendre pour qu'elle ressemble à ce que l'on aspire au plus profond de nous ? Et pourquoi cette fille n'a -t-elle toujours pas répondu à mon message sur WhatsApp ?
Ce projet de voyage, est-il finalement si fou, si original ? On est chaque jour dans l'inconnu, le questionnement et l'investigation. Chaque jour, nous devons prendre des décisions conséquentes. Mais n'est-on pas pour autant installé dans une sorte de routine stagnante et déstabilisante, voire urticante? On passe autant de temps à pédaler ou à crapahuter qu'à être assis ou couché ! Dur dur d'y voir clair quand des éclairs vous éblouissent.. par leur furtive beauté. Comment savoir si on est dans le vrai, si on n'est pas en train de perdre notre temps. A-t-on une, sept, des centaines de vies avant le jugement dernier ? Qui sont les juges ? Quels sont leurs critères ? S'il y a un juge céleste spécialisé dans le tourisme, alors nous aurons peut être une chance d'être bien notés lors de la pesée des âmes. Des ânes, avec tout le respect que l'on doit à ces bourricots, c'est ce qu'il ne faudrait pas devenir ! En conservant de la fraîcheur et le sourire, en restant ouvert en toute circonstance (même quand la météo est anormalement capricieuse), cohérent et consistant. Ce soir, affamés par l'intensité des 2 derniers jours et par le fait que nous ayons été privés de goûter, nous commandons 3 plats et demi chacun. Le serveur était choqué. Y a de quoi. Carpe andiem.

 

Mer.1/3: "Jama joie" - "Quand faut y aller faut y aller" - Le Paso Jama (se prononce "rama") et ses 4300m d'altitude. Il a une saveur particulier celui-là, depuis le temps. Une nouvelle pensée pour Fanny & Vincent du "Tand'Aimer le Monde". On l'avait longuement évoqué lors d'une soirée (pizzas) passée avec eux. Ça y est, on y est et ça fait toujours un petit quelque chose en plus de savoir qu'on vient de basculer au Chili, après tout ce temps passé en Argentine. Un 1er mars en plus. Ça le fait, ça fait des chiffres ronds comme ça, on s'en souviendra un moment! Le seul souci, c'est que nous nous imaginions faire quasi uniquement de la descente, une fois le col passé. Oui mais non. A la douane, nous apprenons que derrière, il nous reste dans les 700m de D+... Ah oui, là déjà c'est pas la même. Et qu'en réalité ce sont uniquement les 20 derniers kms qui descendent vraiment, de manière assez impressionnante apparemment. Beaucoup de voitures auraient pris feu à la suite de cette pente. Le tandem fera-t-il des étincelles lui aussi ? Si on peut éviter... De mémoire, Fanny & Vincent avait mis 5/6 jours pour faire Susques - San Pedro. Vouloir le faire en 1 jour était peut être un peu ambitieux. Surtout si la chaussée est gelée une bonne partie de la matinée. Surtout si on se prend un nouvelle orage sur le paletot. De nouveau, la météo annoncée n'est pas ultra rassurante. Donc si on arrive demain soir à San Pedro à peu près vivant, même trempés jusqu'à l'os, on signe tout de suite. A part ça, aujourd'hui, on s'est arrêté discuter "5 minutes" avec un couple de wallons, garés sur le bas côté afin d'observer à la jumelle les animaux d'une salina (= petit salar). Ces deux-là avaient une pêche d'enfer! Et c'est à peine si on se faisait pas engueuler lorsqu'on regardait à notre tour aux jumelles et qu'on ne voyait pas l'oiseau que le Belge souhaitait nous montrer. Bon, au moins maintenant, on sait qu'on a vu des grands ducs des Andes et non de "simples" hiboux, des émeus et non des "petites autruches" et des flamands de la Puna. Cet après-midi, nous vimes également des flamands des Andes, dont le bec est plus noir et moins jaune. Plus tard, nous devrions voir des flamands du Chili dont la couleur du bec et du pelage diffèrent légèrement de ses cousins ; ainsi qu'une espèce rare de foulque. Merci pour ce court cours (Forrest!) de zoologie, surtout avec un accent pareil c'était parfait ! En plus, ces sympathiques gens avaient un super objectif, de quoi nous procurer quelques belles photos! On les aura pas vus longtemps mais on les gardera en mémoire pendant un bon bout d'temps !
À part ça, deux motards Brésiliens croisés à Pastos Chicos (et non "Pastis Chicos!) nous ont offerts 4 barres énergétiques achetées dans leur pays. Au delà du geste, elles étaient excellentes !
À part ça, nous avons parcouru environ 120 bornes aujourd'hui, avec une bonne tripotée de grépions casse-pattes. En définitive, les chaussettes sont pleines ce soir. A 21h30 il risque encore de n'y avoir plus personne. Allez, un article du Monde(.fr), un chapitre de "L'empire des Anges" de B. Werber et paniette. Ça fait tout drôle de redormir dans son gros sac de couchage. En même temps, on est "au dessus" du refuge du Goûter. Il risque de faire frisquet sur le petit matin. Carpa andiem.

 

Jeu.2/3: "La grande vadrouille" - "Singing in the rain/snow" - La journée commençait plutôt bien. Certes il avait plu une bonne partie de la nuit. La tente extérieure était trempée mais nous étions au sec. Le petit déjeuner avalé, nous étions prêts pour une étape "de cochon" de 150km et environ 1500m de D+ à se coltiner. On nous eût dit qu'il n'y avait quasi que de la descente après le paso de Jama. Euh.. oui, le profil est globalement descendant et en voiture ou en bus, il est vrai qu'on ne doit pas trop sentir les "p'tites" bosses. En revanche, à vélo, on vous assure qu'elles ne sont pas anodines, surtout au dessus de 4000m d'altitude ! De plus, on a vite ressenti dans les jambes les efforts de la veille. Sur les coups de 12h40, lorsqu'on s'est arrêté pour déjeuner, au pied d'un gros "raidard", alors que le ciel commençait tout doucement à se charger et que nous étions encore très loin de l'arrivée, nous nous sommes dits qu'on allait peut être prendre une déculottée pour notre tentative.. culottée. En effet, s'être élancé ainsi en visant San Pedro de Atacamà en 1 jour depuis Jama avec les conditions atmosphériques actuelles, c'était "couillu" et couru d'avance - le policier chilien à la douane nous avait d'ailleurs prévenus - qu'on allait subir une tempête de neige et des averses pluvieuses. Et on a effectivement subi, comme rarement. Plus tôt dans la journée, un couple de Brésiliens qui se rendait à la frontière argentino-chilienne nous arrêta pour nous donner des banane et du lait chocolaté. Une fois de plus, un geste fort aimable. Comme la veille lorsque nous nous sommes faits ravitailler en eau - en roulant - par des italiens. On aurait pu se croire alors sur le Tour de France ou le Giro d'Italie justement !
Mais ça c'était avant.. qu'on ne connaisse notre mésaventure due à un nouvel orage monstre. En effet, tandis que nous gagnions un nouveau col, la pluie puis la neige se sont mis à tomber de manière assez drue. Perchés à environ 4800/4900m d'altitude, Steven vit un éclair au loin. Le tonnerre s'abattit alors à 3 reprises tout près  de nous. Pas franchement rassurés et déjà bien mouillés, nous n'avions guère d'autre choix que de continuer, en espérant que cela calme au sortir de la grosse descente qui s'ensuivait. A ce moment-là, nous déclinons l'aide d'un pickup, une décision qu'on aurait pu regretter longtemps derrière. Car, en effet, quelques minutes plus tard, prenant conscience que la météo ne s'améliorerait pas de si tôt, certainement pas avant San Pedro alors encore à 70km, et ne pouvant plus piloter du fait du grésil dans le visage et de la buée dans les lunettes, nous fimes le choix de se mettre sur le côté de la route pour faire du stop. Avec tous les camions qui nous avaient dépassés jusque-là, nous étions plutôt confiants. Il y en aurait bien un qui irait en direction de San Pedro à vide. Après un quart d'heure d'attente environ, n'ayant vu passer que quelques voitures et autres minibus bien chargés, nous nous fimes à l'idée de repartir. Mais cette fois, nous avions vraiment froid. Le pantalon imper' et la doudoune en plus sur le dos, les doigts gelés, c'est Steven qui pris son courage à deux mains - du moins ce qu'il en restait - pour passer devant. On avança alors au maximum tout en regardant derrière nous si un véhicule ne pouvait pas nous sauver la mise (et les extrémités) en nous transportant jusqu'à la cité touristique chilienne. Après quinze nouvelle minutes - l'équivalent d'une éternité pour nos deux corps meurtris par l'humidité - le minibus d'une agence se gare à notre hauteur. Le tour leader / conducteur parle français. La camionnette étant déjà bondée, il ne peut charrier notre matériel. Et, selon lui, le stop ne fonctionnera pas. Ah, ok. C'est pourquoi il nous conseille de "gentiment" planter la tente, d'attendre la fin de la tormenta et de finir le trajet demain. Il nous offre quelques vivres: une moitié de baguette française, trois fruits, un paquet de biscuits et une brique de jus d'orange. Ce qui nous empêche de procéder de la sorte c'est que tout est archi-trempé et que nous ne pourrons jamais sécher durant la nuit, surtout s'il faut composer avec des températures négatives. Quelques secondes après que le groupe soit reparti, nous faisons des grands signes de détresse à un camion-benne en approche. Et nouveau miracle : celui-ci est vide. On dételle rapidement la remorque, "jettons" cette dernière et le vélo à l'arrière et courons se réfugier à l'intérieur de l'habitacle, les mains collées sur les bouches du chauffage! Nous sommes sauvés mais on a vraiment eu chaud aux miches cette fois. Ce qui est fait est fait. La ballade en camion était super (pour le prix). Le point de vue depuis la cabine de pilotage était imbattable afin d'admirer une première fois le désert de Atacamà. Toutefois, à coup sûr, on aurait pas dû prendre autant de risques et rester sagement à Jama deux jours plus tôt. Aussi, on se souviendra longuement de cette galère qui s'est bien terminée mais qui aurait pu tout aussi bien tourner au vinaigre. On se dit que la pierre que notre ange-gardienne nous a offerte quatre jours plus tôt est très précieuse. Dommage qu'on ait pu observer les innombrables flamands roses chiliens normalement présents sur les lagunes longées. On se console en se disant qu'on aurait pu y laisser des plumes.
Une fois installés dans un hostel au bon rapport qualité-prix au premier abord - après que Steven ait fait une étude "de marché" complète - nous allons faire un tour dans la ville pour commencer à prendre nos marques et prospecter pour nos activités futures ici. Après avoir fait la connaissance d'un nouveau couple de parisien en vadrouille dans les Andes jusqu'au 24 mai prochain, nous passons une super soirée en cie de l'autre couple originaire de la région parisienne que nous avions rencontré il y a une semaine à Cafayate. Dans un bar - restaurant qui organise un karaoké, on essaye tant bien que mal de s'entendre pour échanger sur nos dernières aventures respectives, des anecdotes, bons plans... Ces deux derniers repartent en bus demain, l'un en direction de Salta, avant de remonter en Bolivie par Purmamarca pour rallier Uyuni dans une dizaine de jours. C'est pourquoi nous pourrions très bien être amenés à nous recroiser. Angela et Adrien du "Lovin´World Tour" se rendent quant à eux directement au "famissime" salar avant de poursuivre vers le nord du pays, puis le Pérou... Ayant peu de chances de se revoir sur le sol américain, nous nous quittons en se disant qu'il serait chouette de se revoir en France, à partir de janvier 2018, une fois leur tour du monde achevé (pour un bivouac en
montagne?). Carpe andiem.

Jeu.2/3: "La grande vadrouille" - "Singing in the rain/snow" - La journée commençait plutôt bien. Certes il avait plu une bonne partie de la nuit. La tente extérieure était trempée mais nous étions au sec. Le petit déjeuner avalé, nous étions prêts pour une étape "de cochon" de 150km et environ 1500m de D+ à se coltiner. On nous eût dit qu'il n'y avait quasi que de la descente après le paso de Jama. Euh.. oui, le profil est globalement descendant et en voiture ou en bus, il est vrai qu'on ne doit pas trop sentir les "p'tites" bosses. En revanche, à vélo, on vous assure qu'elles ne sont pas anodines, surtout au dessus de 4000m d'altitude ! De plus, on a vite ressenti dans les jambes les efforts de la veille. Sur les coups de 12h40, lorsqu'on s'est arrêté pour déjeuner, au pied d'un gros "raidard", alors que le ciel commençait tout doucement à se charger et que nous étions encore très loin de l'arrivée, nous nous sommes dits qu'on allait peut être prendre une déculottée pour notre tentative.. culottée. En effet, s'être élancé ainsi en visant San Pedro de Atacamà en 1 jour depuis Jama avec les conditions atmosphériques actuelles, c'était "couillu" et couru d'avance - le policier chilien à la douane nous avait d'ailleurs prévenus - qu'on allait subir une tempête de neige et des averses pluvieuses. Et on a effectivement subi, comme rarement. Plus tôt dans la journée, un couple de Brésiliens qui se rendait à la frontière argentino-chilienne nous arrêta pour nous donner des banane et du lait chocolaté. Une fois de plus, un geste fort aimable. Comme la veille lorsque nous nous sommes faits ravitailler en eau - en roulant - par des italiens. On aurait pu se croire alors sur le Tour de France ou le Giro d'Italie justement !
Mais ça c'était avant.. qu'on ne connaisse notre mésaventure due à un nouvel orage monstre. En effet, tandis que nous gagnions un nouveau col, la pluie puis la neige se sont mis à tomber de manière assez drue. Perchés à environ 4800/4900m d'altitude, Steven vit un éclair au loin. Le tonnerre s'abattit alors à 3 reprises tout près  de nous. Pas franchement rassurés et déjà bien mouillés, nous n'avions guère d'autre choix que de continuer, en espérant que cela calme au sortir de la grosse descente qui s'ensuivait. A ce moment-là, nous déclinons l'aide d'un pickup, une décision qu'on aurait pu regretter longtemps derrière. Car, en effet, quelques minutes plus tard, prenant conscience que la météo ne s'améliorerait pas de si tôt, certainement pas avant San Pedro alors encore à 70km, et ne pouvant plus piloter du fait du grésil dans le visage et de la buée dans les lunettes, nous fimes le choix de se mettre sur le côté de la route pour faire du stop. Avec tous les camions qui nous avaient dépassés jusque-là, nous étions plutôt confiants. Il y en aurait bien un qui irait en direction de San Pedro à vide. Après un quart d'heure d'attente environ, n'ayant vu passer que quelques voitures et autres minibus bien chargés, nous nous fimes à l'idée de repartir. Mais cette fois, nous avions vraiment froid. Le pantalon imper' et la doudoune en plus sur le dos, les doigts gelés, c'est Steven qui pris son courage à deux mains - du moins ce qu'il en restait - pour passer devant. On avança alors au maximum tout en regardant derrière nous si un véhicule ne pouvait pas nous sauver la mise (et les extrémités) en nous transportant jusqu'à la cité touristique chilienne. Après quinze nouvelle minutes - l'équivalent d'une éternité pour nos deux corps meurtris par l'humidité - le minibus d'une agence se gare à notre hauteur. Le tour leader / conducteur parle français. La camionnette étant déjà bondée, il ne peut charrier notre matériel. Et, selon lui, le stop ne fonctionnera pas. Ah, ok. C'est pourquoi il nous conseille de "gentiment" planter la tente, d'attendre la fin de la tormenta et de finir le trajet demain. Il nous offre quelques vivres: une moitié de baguette française, trois fruits, un paquet de biscuits et une brique de jus d'orange. Ce qui nous empêche de procéder de la sorte c'est que tout est archi-trempé et que nous ne pourrons jamais sécher durant la nuit, surtout s'il faut composer avec des températures négatives. Quelques secondes après que le groupe soit reparti, nous faisons des grands signes de détresse à un camion-benne en approche. Et nouveau miracle : celui-ci est vide. On dételle rapidement la remorque, "jettons" cette dernière et le vélo à l'arrière et courons se réfugier à l'intérieur de l'habitacle, les mains collées sur les bouches du chauffage! Nous sommes sauvés mais on a vraiment eu chaud aux miches cette fois. Ce qui est fait est fait. La ballade en camion était super (pour le prix). Le point de vue depuis la cabine de pilotage était imbattable afin d'admirer une première fois le désert de Atacamà. Toutefois, à coup sûr, on aurait pas dû prendre autant de risques et rester sagement à Jama deux jours plus tôt. Aussi, on se souviendra longuement de cette galère qui s'est bien terminée mais qui aurait pu tout aussi bien tourner au vinaigre. On se dit que la pierre que notre ange-gardienne nous a offerte quatre jours plus tôt est très précieuse. Dommage qu'on ait pu observer les innombrables flamands roses chiliens normalement présents sur les lagunes longées. On se console en se disant qu'on aurait pu y laisser des plumes.
Une fois installés dans un hostel au bon rapport qualité-prix au premier abord - après que Steven ait fait une étude "de marché" complète - nous allons faire un tour dans la ville pour commencer à prendre nos marques et prospecter pour nos activités futures ici. Après avoir fait la connaissance d'un nouveau couple de parisien en vadrouille dans les Andes jusqu'au 24 mai prochain, nous passons une super soirée en cie de l'autre couple originaire de la région parisienne que nous avions rencontré il y a une semaine à Cafayate. Dans un bar - restaurant qui organise un karaoké, on essaye tant bien que mal de s'entendre pour échanger sur nos dernières aventures respectives, des anecdotes, bons plans... Ces deux derniers repartent en bus demain, l'un en direction de Salta, avant de remonter en Bolivie par Purmamarca pour rallier Uyuni dans une dizaine de jours. C'est pourquoi nous pourrions très bien être amenés à nous recroiser. Angela et Adrien du "Lovin´World Tour" se rendent quant à eux directement au "famissime" salar avant de poursuivre vers le nord du pays, puis le Pérou... Ayant peu de chances de se revoir sur le sol américain, nous nous quittons en se disant qu'il serait chouette de se revoir en France, à partir de janvier 2018, une fois leur tour du monde achevé (pour un bivouac en
montagne?). Carpe andiem.

Ven.3/3: "Match Point" - San Pedro de Atacamà tire sa singularité du nombre d'agences touristiques qui composent son centre. On s'y fait alpaguer à tout bout de champ! Les habitants nés ici sont peu nombreux. La plupart des travailleurs, comme les touristes, proviennent des quatre coins de la planète. Nombreux sont les français de passage dans cet îlot au milieu du désert. Au final, c'est assez confondant, voire déstabilisant, d'entendre autant de personnes s'exprimer dans la langue de Molière.
Mais revenons à nos moutons: faire un choix parmi toutes les possibilités d'excursions, sans se faire arnaquer, n'est pas chose aisée. Il est 17h20 et on n'a toujours pas tranché entre faire un nouveau sommet de presque 6000m - le Sairecabur - et aller faire plusieurs plus petites visites "touristiques". On a clairement les fesses entre deux selles (de tandem). Il faut peser le pour et le contre mais dans les deux cas cela s'équilibre. A la recherche d'un signe, quelconque. On échange quelques balles sur la table dans le patio. Ping, pong. Ping, pong.. Balle de match.
Finalement, ce sera... Le Sairecabur et ses 5989m d'altitude. Si on tend un bâton au bout du bras, qu'on se fait la courte-échelle et qu'on fait un gros bond vertical, on devrait pas être loin d'atteindre les 6000! Même si c'est pas donné et que l'on grève un peu plus encore notre budget "ascensions", on n'est pas là pour trier les lentilles ou compter les sapins. Notre projet c'est avant tout faire de l'andinisme, gravir des sommets de +6000m d'alt. (ou s'en approchant), si possible dans chaque pays traversé. Il est évident que nous ne sommes pas à 15m près. C'est plus qu'anecdotique. Ce qui compte c'est le chemin, l'entente et les échanges avec le guide et la montagne, les différents angles de vue sur le parcours et le sommet, si le sommet ni réussissons.
Le Skype de ce matin avec les élèves de CM1/CM2 de Villiers sur Morin fut une nouvelle fois un beau moment de partage et de fraîcheur pour Steven et moi dont la barbe et la chevelure mériteraient un gros "ravalement". Nous ravalons notre déception de devoir faire une croix sur les geysers. On devrait en voir un peu plus au nord, une fois qu'on aura basculé en territoire bolivien. Ce soir, nous aurions aimé assister au Mountain Film Festival de Banff mais les smoothies consommés 2h plus tôt nous ont mis d'dans. Plus de cash. Pas moyen de payer l'entrée. Pour se consoler, Steven a certainement déjà vu la majorité des films à Autrans il y a 15 mois. Demain matin, nous avons jeté notre dévolu sur la vallée de la Lune que nous aurons le plaisir de découvrir en tandem, un pain au chocolat dans une main et un appareil photos dans l'autre.
Carpe andiem.

Sam.4/3: "San Pedro de Ata'camé" - Etrange sentiment que d'être dans une ville de drogués quand ton seul stupéfiant à toi c'est la montagne. Pour être plus diplomatique, San Pedro est "the place to party", l'endroit idéal pour faire la fête, danser, draguer et "honorer" de jeunes femmes en quête de plaisirs d'un soir. Ce matin par exemple, je me suis retrouvé à acheter les croisants en même temps qu'un bourré qui ne s'était pas (encore) couché semble-t-il. Avec mon acolyte (et non pas mon alcoolique), demain on se lève à 5h pour aller tenter l'ascension du grand cousin du Licancabur, ce cône quasi parfait qui domine "de la tête et des épaules" le versant nord au dessus de la cité chilienne. Le Sairecabur est moins imposant quand on regarde dans sa direction depuis San Pedro. Mais l'accès est meilleur et la vue y est imprenable, notamment sur le Licancabur! On aurait préféré faire une partie de l'approche en "Bapmobile" mais les récentes chutes de neige nous en empêche. N'empêche, on lui en aura fait voir de toutes les couleurs à cette bicyclette. Croisons les doigts pour qu'elle nous reste fidèle jusqu'au bout. Ne nous reste plus qu'à faire une descente dans une dune, et dans une pente neigeuse et on aura tout testé !
Il faut savoir se taire quand on n'a pas forcément les mots pour décrire l'émotion ressentie en découvrant les magnificences de la Valle de la Luna. Les photos s'exprimeront bien mieux que je ne le ferais par l'écriture. Encore un lieu qu'on peut qualifier de "touristique" mais visitez-le en vélo (tandem) au lever de soleil et il aura une toute autre saveur. La seule à anecdote que les clichés ne formuleront pas c'est lorsqu'on demanda à un jeune couple d'américains, une fois arrivés en haut d'une dune, alors qu'ils se promenaient - de manière plutôt complice - depuis le début en cie de 2 chiens noirs : "Comment faites-vous pour voyager avec des animaux ?", et qu'ils répondirent : "mais ce ne sont pas nos chiens".
Carpe andiem.

Dim.5/3: "Le discours d'un Juan" - Petit point mode & style. Nous ne nous sommes pas rasés ni faits couper les cheveux depuis 3 mois que nous sommes partis. Ça commence à devenir critique. D'un autre sens, cela nous protège du soleil. La coupe "mulet" y a rien de tel pour se prémunir des coups dans le cou. Et puis que serait l'aventure sans une gueule d'aventurier. "T'as le look coco!" C'est comme un footballeur sans tatouage (de leur prénom) sur l'avant-bras, ça n'existe pas, ça fait partie des codes, et l'inverse n'aurait aucun sens!
Bon, aujourd'hui on avait andinisme. On avait rendez-vous avec.. Juan Pablo. Un jeune guide local, qui fait la saison jusqu'à mi-avril ici à San Pedro, avant de monter plus au nord, à Cuzco puis à Huaraz. L'agence nous avait affirmé qu'il serait à notre hôtel à 6h. Il arrive à 6h40, après nous avoir demandé l'adresse de notre hébergement alors que nous avions communiqué cette info à la personne en charge de notre dossier. Pour couronner le succès, on voit qu'une 3eme personne, en l'occurrence un étudiant brésilien en vacances, s'est jointe au groupe, en l'occurrence nous. Sur le principe, pas de problème. On aurait juste apprécié être prévenu. Et puis, en toute modestie, nous ne sommes pas convaincus que Marcus soit bien acclimaté. Enfin bref. C'était mal parti et finalement ça s'est avéré plutôt cool comme virée. En effet, nous avons très vite sympathiser avec le guide chilien, pas bien plus âgé que nous, très fort physiquement (et mentalement), et ce qui nous a rapidement plu chez lui c'est l'approche qu'il a de son métier.
Du fait de l'enneigement, nous avons dû tenter l'ascension du Sairecabur par sa voie sud-ouest. Mais, très vite nous avons compris avec Steven que nous ne pourrions aller au sommet. Pas seulement à cause de Marcus mais aussi en raison du timing. Vers 13h, voyant qu'il nous reste plus de 300m de D+ à réaliser dans une pente à 35% en train de décailler, avec le risque de chuter dans un trou à proximité d'un gros caillou, Juan nous fait alors une proposition. On arrête les frais pour aujourd'hui. Marcus commence à être "charrette" et, à juste titre selon nous, il trouve que le terrain n'est pas assez sécurisé. En compensation, il nous invite à venir faire avec lui, sa femme et ses potes, sur deux jours à partir de demain, le cerro San Pedro et sa masse 6145m au dessus de la mer. Nous aurons juste à participer aux frais d'essence. Un petit mal pour un grand bien! Ce gars est une pépite! Ça change un peu de certains vieux "guidos" français plus vénaux que veineux, et qui ont un peu tendance à te rendre "vénère". Lui, il a tout ce qu'on peut exiger d'un bon guia : connaissance du terrain, pas seulement en montagne, écoute, lucidité, humour et réactivité! On a donc eu de la chance de faire sa connaissance. On est pas allé en haut de celui qui nous paraissait le plus facile sur le papier, depuis que nous avons débuté Bike Andes Peaks. Mais nous nous sommes faits un nouvel ami, dynamique, intelligent et plein d'ambitions, le neveu de l'un des plus grands alpinistes chiliens. Après ces 2 nouveaux jours passés ensemble, sûr que l'on se reverra. Il aimerait venir sur Chamonix dans les prochains mois, potentiellement pour y suivre une formation sur les avalanches. On l'accueillera avec grand plaisir (encore un ! / si on a un "chez nous" d'ici là = si on réussit à trouver un job en Suisse rapidement). Ce soir, après une journée en montagne, nous avions décidé d'aller manger "un bout" au restaurant le Barros, le point de ralliement des touristes francophones. Enfin, si nous sommes sortis là-bas ce soir c'était  surtout pour relever le défi du plat géant dont tout le monde (ou presque) nous parle depuis que l'on est arrivé. Après celle des 6000m en andinisme, l'expérience des 6000g (et non de Milgram) de viande, de frites et d'œufs! En réalité, on n'a pas demandé le poids net mais on doit pas être loin de la vérité et écrivant cela. C'était indécent de prendre un plat prévu pour deux pour.. un. Steven a été obligé de demander - pour la première fois de sa vie - un doggy bag! Il a eu du mal à manger la moitié, vous imaginez.. un morfal comme lui. C'est dire à quel point nous sommes tombés dans l'plat. Le plus drôle c'est que ce gavage en "déréglage" nous aura permis d'engager une conversation plutôt éclairée - essentiellement sur l'économie et la politique de nos deux pays - avec un couple de suisses romans (habitant tout près de Vevey). Ce qui se passe en France les fait beaucoup réagir et.. rire. Nous avons vraiment bien accroché. Nous irons visiter le château de Gruyère cet été, manger du bon chocolat et tester la  bière artisanale locale.
Carpe andiem.

Lun.7/3: "Les indigestes" - "Reste en chien!" - Juan a écrit à Steven à 23h15 pour lui dire que finalement ils n'avaient qu'une place. Steven a éteint son portable à 23h14. On a donc appris la nouvelle ce matin un peu après 6h, réveillés par le gang des chiens de la casse du quartier. Ça nous éteint, déteint sur le moral. Pour être plus vulgaire c'est moche et ça casse les c*******! Tu es content quand, la veille, tu passes 1h à tout déranger, packer, re-ranger et préparer tes affaires.. pour rien.
La journée ne commence pas sous les meilleures hospices. Rester peace. Surtout que la météo annoncée sur l'altiplano bolivien, à Uyuni en particulier, se dégrade. On est donc comme dans une impasse. On va certainement aller faire une petite visite en courant (de la forteresse de Quitor) + du sandboard en remplacement entre aujourd'hui et demain, mais le cœur n'est pas de lion ni de bœuf, mais de ou plutôt en berne. Bref, le cœur n'y est pas. On s'est fait berner sur toute la ligne. On aurait pu aller faire une excursion payante (geysers de Tatio, observations des étoiles..), mais c'est vraiment pas notre kiffe de faire autant de bagnole ou de bus pour aller marcher 3min, prendre 10 photos, et boire un verre de Coca. On aurait pu essayer de se rendre dans un village indigène proche de San Pedro - intéressant de part ses us et coutumes ancestraux - mais, encore une fois, on n'a pas tellement le goût à ça. On apprend en plus qu'il doit tomber en ce moment 50cm de neige à Chamonix. "On fait quoi, on rentre en France pour skier ?" En vérité, nous sommes un peu dégoûtés, par le guide - qu'on a vu trop beau - et plus encore par l'agence qui nous a vendu (du rêve avec) l'ascension. On a rêvé, on se voyait déjà fouler la cime de ce sommet chilien - qu'on n'avait pas prévu - nous permettant de continuer à croire en la réalisation de l'ascension d'au moins un "6000+" dans chaque pays traversé. Que nenni. Ce matin, ils vont entendre parler du pays là-bas d'dans! Si encore on avait pu aller faire le San Pedro, cela aurait fait office de super consolante. Mais là, c'est inacceptable. La seule fois, peut être de tout le voyage, où l'on prend (et paye) un guide, on se fait enfler. On ne nous y reprendra pas d'si tôt !
Nouvel entourloupe. On a trouvé l'agence porte close. Ça sent le traquenard. Juan les aurait-il prévenu que des français très en colère allaient venir râler. On fabule, on se fait des films, des polars ? Ça ne nous étonnerait même plus.. que cela se soit réellement produit ! On y retournera à 17h, "avec la clé Monseigneur" dixit le boucher d'la rue des fleurs ! On n'ira pas en enfants de cœur mais plutôt en mode tracteurs, bulldozers! On espère pour eux que leurs murs sont solides.. Rester solid..aires, zens, ne pas trop se morfondre dans l'ombre d'histoires un brin contrariantes. On est en train de devenir des geeks asociaux, allongé sur notre couette bleue pour Steven, violet/rose pour moi. Et le pire dans tout ça, c'est qu'on est en train de perdre tout notre bronzage! Au moins, on sera bien reposé pour l'affrontement et en même temps le "fusionnement" avec les éléments du Sud Lipez bolivien. On espère simplement que ce dernier ne sera pas trop funeste. Par trop souvent tempêtueux, nous serions amenés à planter la tente à la moindre goutte de pluie, souffrir du froid voire d'un manque de nourriture. Ça s'annonce vraiment épique cette fois. Avant nous, Fanny & Vincent, Bastien & Alexine, et bien d'autres cyclotouristes l'ont fait. C'est à eux que nous penserons en premier lieu lorsque nous serons dans l'dur. Rien que la perspective de dormir sous les étoiles de l'altiplano - même si c'est très loin d'être évident avec les prévisions météos actuelles - nous met en joie, nous donne beaucoup du courage. Tant qu'il y a de l'espoir, il il y a de la vi..rée et des voyageurs à vélo en quête de nature, de sens. Se mouvoir et voir. S'émouvoir. Se voir dans un miroir de sel. Pleurer d'émotions. Voir les gouttes de pluie s'écraser sur la surface éblouissante d'une lagune. Pleuvoir pour le bien des boliviens et ne plus voir tellement on a les yeux embués. Quelles qu'elles soient, nous resterons humbles face aux décisions de la Pachamama et serons conquis par ses offrandes, aussi éphémères soient-elles. À aucun moment nous (re)partons en conquistadors. Juste une mission : rejoindre Uyuni, puis Sajama et enfin le lac Titicaca où nous entamerons le 4eme grand chapitre de ce trip avec l'exploration du Pérou. La saison des pluies est décalée cette année. Point. Pas d'bol. De rire on s'arrête. Lâcher prise. Ne rien attendre.
Comme prévu, ce soir nous sommes allés courir jusqu'à la pukara de Quitor, située à environ 5km de notre hôtel. Nous avons la houppette lourde. Si ça continue - et ça va continuer ! - on va bientôt pouvoir remplacer Delamèche (comprendre "Delahousse") au JT de France 2. Un coucher de soleil exceptionnel depuis le mirador du site, là où une dalle et 4 immenses croix ont été érigées en souvenir des 25 autochtones décapités au XVIieme siècle par des envahisseurs chercheurs d'or. Cet événement marqua le début du processus d'hispanisation à San Pedro de Atacama. Le terme "running" est très proche de celui de "renaître". Ce fut en quelque sorte une renaissance, après nos petits déboires de ces deux derniers jours, après quasi 4 jours de chômage technique, après deux mois sans faire plus de dix foulées consécutives. Nous formulons le vœu (pieux) que les âmes de ces martyrs aient connu la résurrection qu'ils méritaient et qu'ils veillent encore de nos jours sur leurs descendants.
Grâce à une connerie relayée sur Facebook, nous connaissons désormais nos prénoms indiens : Steven s'appelle à partir de maintenant "Crapaud sacré" et moi je serai dorénavant "Cheval malin".
Aujourd'hui, on nous a mis des bâtons dans les roues/x, mais demain nous repartons en chasse d'un geste commercial de la part de l'agence, sans quoi nous serons contraints d'aller faire une déposition à la gendarmerie. Nous tâcherons également de nous procurer deux nouveaux bouquins pour tous les moments où nous serons reclus dans la tente en raison de la pluie.
Carpe andiem.

Mar.8/3: "Armaguidon" - "L'empire des chats" - "Chat perché" - "Les chats raffolent du gruyère" - Et maintenant, on fait quoi ? Après la découverte ce matin du sandboard dans la Vallée de la Mort et la redécouverte des sensations de la glisse - alors que certains vont se gaver de poudreuse alpines dans les prochains jours - nous sommes allés nous plaindre auprès de l'agence pour la très mauvaise organisation lors de l'excursion de dimanche passé, espérant récupérer au moins un quart de la somme (280€) versée pour la prestation. On a finalement eu droit à un remboursement de 30€.. Ça va qu'on n'est pas des violents, et que nous avions en face de nous deux nanas plutôt jolies. Ce qui est malhonnête c'est que le guide - Juan Pablo - leur ait dit que nous étions allés quasiment au sommet ! Pas vraiment le même discours que dimanche. Le mec a changé la face du disque. Il va nous faire vriller ! Pour rester poli, ça nous fait soupirer cette affaire. Déjà qu'il fait une chaleur à crever d'chaud. Voilà qu'elle nous fait encore plus suer! Notre JP chilien doit faire un crochet par l'hôtel en fin d'après-midi pour nous rendre notre paire de bâtons. On l'attend avec impatience, prêt à ferrailler. Le train Bike Andes Peaks n'avait pas déraillé jusqu'à présent. Vivement jeudi qu'on retourne au / retrouve du charbon, qu'on remette la locomotive en marche. En effet, la météo dans le Sud Lipez s'améliorant a priori nettement à compter de samedi, nous avions tout intérêt à décaler d'un jour notre départ vers la Bolivie.
JP n'est pas passé déposer nos bâtons. On a pourtant attendu jusqu'à 19h30. On va vraiment finir par s'énerver.
Heureusement, nous sommes retournés dîner au Barros avec le couple de suisses, de l'ordre du château de Gruyère. Parmi les péripéties de la soirée: un combat de chats et, à la suite de "çha", l'un des deux félins qui s'est pris pour Spiderman - "Spiderminou" - et qui a failli tomber dans notre assiette. Puis, en sortant du restaurant, sur la place : une troupe avec deux femmes quasiment nues, en train d'exécuter des danses chamaniques. On n'a pas compris. Enfin, des clients prosternés devant un autre chat, roux et obèse cette fois, prostré sur son coussin cousu main, pépère, penard sur le bar de l'établissement. On se serait cru dans l'Egypte en tics. Il se produit des événements pas normaux voire paranormaux dans cette ville. On a de la matière première pour nos rêves! Carpe andiem.

Mer.9/3 : "Armaguidon II" - "NTM" -  J-1, h-16 avant notre reprise en main du guidon du tandem, avant que nous remettions nos culs tannés sur nos selles tassées. Armés dans la tête et physiquement, armés d'impatience et d'intransigeance - à la moindre goutte de pluie, on installe la tente - pour le "Paris-Roubaix", "l'enfer du nord" ou plutôt du sud, du Sud Lipez qui nous attends. On l'attend aussi, ça tombe bien. Depuis si longtemps. Une nouvelle "route" mythique pour tout cyclotouriste digne de ce nom, non pour tout cyclotouriste désirant mériter la dignité de cette dénomination. La météo et les avis très alarmistes de nos amis doyens instructeurs (Gilles, Fanny & Vincent) ont failli nous faire opter pour un plan B. A force de lire des récits de galère, sur l'état catastrophique des pistes (tôle ondulée, ensablement, cailloux..), sur la difficulté pour s'approvisionner, le vent, le froid, etc. A force de lire des récits de compères épuisés par l'altitude et pas le fait de ne parvenir à avancer que de quelques kilomètres par heure. À force de se réciter - tel un poème de Jean de La Fontaine - les scènes que nous allons vivre durant au moins les 7 prochains jours. A force de se projeter dans cet univers minéral, miné uniquement par des cratères d'où émanent des fumerolles. Des lagunes parmi les plus belles de ce haut monde, illuminé(e)s par la lumière jouant.. avec nos yeux plissés. Ne nous spoilons pas. Pas d'attentes plus que ça. Juste des convictions sur la force de notre duo, sa complémentarité, la résistance de notre matériel et notre résistance personnelle.
À force de tout ça, nous avons fait le choix (naturel) de l'exigent altiplano bolivien. On va râler, parfois regretter ce choix. On va râler de bonheur c'est sur ! S'inspirer de la bravoure d'un samouraï et de celle des Maasai. Penser à tous ceux qui n'ont pas fait le choix de souffrir bien plus que nous, au quotidien et pour une durée indéterminée. Etre prêt à déposer des larmes, pas les armes.
A force de litanies ou, au contraire, de paroles et de paraboles héroïques, on en oublierait presque d'être plus pragmatique et de décrire notre quotidien, pas non plus des plus mouvementés depuis six jours maintenant. On vient de manger une mangue. Purée, qu'est ce que c'est bon ! C'était la dernière avant un bon bout de temps à priori. Steven m'a assuré que celles d'Equateur sont nettement meilleures. Qu'est ce que ça va être.. bon nos petits déjeuners et dessert là-bas! On risque de s'en mettre quelques une "sous la cravates". D'ici-là, il nous reste pas loin de 2000 kms à parcourir et pas mal de péripéties à raconter.
Pour finir sur celles d'aujourd'hui, on s'est bien fait "entourlouper" soit par l'agence, soit par JP le guide, soit par les 2. On va justement aller porter plainte auprès de la "police du tourisme" locale. Sans grand espoir de récupérer quoi ce soit. Juste par respect pour leur irrespect et leur malhonnêteté.
Énième rebondissement dans l'affaire du Sairecabur! Après en avoir discuté avec l'office de tourisme - qui nous avait pourtant conseillé cette agence ! - nous optons d'abord pour une nouvelle tentative d'arrangement et de remboursement partiel (50%) directement avec  l'agence. Évidemment, la seniora de l'accueil nous dit qu'elle comprend notre position, vis à vis du guide JP, mais qu'elle ne peut nous rendre d'argent sans en référer à son  boss. Ce dernier était supposé venir à l'agence à partir de 20h. Entre temps, je fais la connaissance de Nico, un voyageur italien, venu comme moi regarder Barça - PSG dans Le Bar "foot" de la ville. Un match avec un suspense intense, entaché de nombreuses fautes d'arbitrage. Paris n'est plus magique. Il ne fait pas bon être supporter parisien ce soir. Finalement, l'arbitrage avec l'agence est en notre faveur. Après d'âpres négociations rondement menées par Steven, le patron a été ok de nous redonner 95 000 pesos (environ 140 €). "It's fair". Vu comme c'était mal engagé, on s'en sort vraiment bien. On n'a pas décroché la timbale mais presque. Tous ces efforts n'auront donc pas été vains. On repart ainsi serein, avec de nouveau un petit matelas en poche.
Dernière soirée à San Pedro, au Chili. Comme à Mendoza, comme à Fiambala, nous commencions à prendre nos marques. Mais il est temps de reprendre la route. Rien que de l'écrire, cette phrase donne des frissons, fait vibrer. Des bonnes ondes. Voilà avec quoi nous repartons. Merci les suisses, merci Nico. Merci Francesco - de l'accueil de l'hôtel Possada Atacamena - et merci.. la Franchuteria (boulangerie - pâtisserie française) ! On en a assez de ces chicaneries. Las de se reposer, nous avons été programmés pour en chier. Des bulles de coca, de la coca à chiquer.. Le Salar de Uyuni.. Bienvenus en Bolivie chicos ! On s'y voit déjà alors qu'on est loin d'y être. La montée vers la frontière, avec ses 48km et env 2000m de D+, s'annonce pour le moins cassante. Dernières papas fritas. Dernière hamburger sans pain. Dernière nuit dans un lit et ultimes heures de sommeil profond avant quelques temps. Demain on repart là où on se sent le mieux: en haute altitude, pour 2 semaines environ à rouler "sur des œufs" oscillant entre 3700 et 4900m. L'omelette devrait être bonne.. Carpe andiem.

Jeu.9/3: "Réservoir dogs" - Premier jour en Bolivie du reste de nos vies dans les Andes. Ce matin, petit déjeuner mi-français mi-anglais, mais mi-figue mi-raisin car il nous manque la confiture d'un côté et le bacon de l'autre. Pas grave, c'était non quand même. Nous devions ensuite nous rendre à la douane. Celle-ci ouvrait à 8h. Nous sommes arrivés environ 20min après l'ouverture. Une centaine de personnes se pressent devant le seul guichet ouvert. On n'est pas sorti de.. l'aduana. Alors que nous venons à peine de quitter San Pedro, nous nous apercevons que deux chiens - un berger allemand (que nous baptiserons "Bolt II") et une sorte de border collie ("Twitter II")  - se sont mis en tête de nous suivre et de devenir ainsi nos compagnons de route. Après 4h, ils sont toujours là, fidèles au poste, traînant sévèrement la langue et la patte pour ce qui est de "Bolt II". Les pauvres ! On leur donnerait bien à boire mais déjà que nous ne sommes pas sûrs d'avoir suffisamment de réserves d'eau pour nous. Nous commencions à nous demander ce qu'il allait advenir d'eux s'ils avaient fait tout le trajet à nos côtés jusqu'à la douane bolivienne. Face a tant de dévotion et d'abnégation, on les aurait adoptés volontiers dans une autre situation. Là, on devenait presque des punks à chiens. Finalement, ce sont deux éleveurs de lamas qui se sont chargés de les ramener à la ville. Ces deux chasseurs d'oiseaux nous auront en tout cas bien divertis durant toute la matinée. On se souviendra particulièrement le moment où "Bolt II" s'est mis devant une voiture, à l'arrêt sur une aire de stationnement suite à une pause pipi, afin de profiter de l'ombre procurée par l'avant du véhicule. Mais ce à quoi ne s'attendait pas "Bolt II" c'est que l'auto redémarrerait (un jour). Vous auriez vu le démarrage du berger allemand - au quart de tour - quand la voiture l'a poussé. On se serait cru dans un cartoon de la Warner Bros, avec Bipbip détalant après avoir senti le danger poindre.
54km et 2100m de D+ c'est un bon ratio. Il est 17h heure locale. Nous "voilou" arrivés dans un refuge bolivien "éco-touriste", le premier après la frontière, à l'entrée de la Laguna Blanca. D'emblée, nous sommes conquis par les lieux.  L'entrée du parc n'est certes pas donnée mais nous nous persuadons que l'argent est bien utilisé, à des fins de compréhension et de préservation des espèces endogènes. On apprend par exemple que le chat des Andes, appartenant à la famille des léopards - oui, c'est un gros minet ! - fait partie avec quelques autres animaux de cette catégorie. Si seulement nous pouvions en voir un au cours des prochains jours.
Nous aurions pu pousser un peu plus loin et dormir par exemple au pied du Licancabur, mais il est normalement interdit de bivouaquer dans le parc, sauf à proximité des refuges. Et c'est vrai que ce soir, après 6 jours sans vélo, nous sommes bien claqués. Cette montée nous a séchés. En plus, en cette fin de journée, le vent ne faiblit pas et, avec le tombée de la nuit, il ne fait pas très chaud. Nous optons donc pour l'ambiance chaleureuse et le calme du refuge ainsi que pour la bonne soupe qu'on y sert. L'établissement génère de l'électricité à l'aide de.. batteries de voitures ! Hormis la présence d'un couple de clients français râleurs, tout est parfait. Un guide local prénommé Eddy vient nous saluer de bon gré. Finalement, il passe un bon quart d'heure à nous expliquer les différentes options pour se rendre au Salar de Uyuni depuis la Laguna Colorada que nous devrions atteindre après-demain soir au plus tard. C'est tellement aimable de sa part d'agir ainsi avec nous de manière aussi spontanée, alors qu'on ne lui avait rien demandé et tandis qu'on aurait pu penser qu'il souhaitait ne plus trop parler boulot avec des inconnus à cet instant de la journée. Encore un passionné, de son métier, de l'altiplano, de vélo... On repense à tous ces gens qui nous ont dit que les boliviens n'étaient pas très accueillants car un peu craintifs. On jouera même au Yam avec lui, après lui avoir expliqué les règles. Et dans ces cas-là et bien c'est toujours le débutant qui gagne ! Ce dernier nous confie également qu'il est très superstitieux et conseille à Steven, plutôt malchanceux aux dés, de bien penser au Licancabur quand il passera tout près demain. Pour conjurer le sort ? Est-ce que cela voudrait dire que nous devrions gravir cette montagne sacrée .. ? On va déjà tâcher de se consacrer comme il faut à cette partie exigeante de notre trip en tandem. 21h40. On a gagné une heure en passant en Bolivie. On a déjà hâte d'être demain pour profiter de ces paysages grandioses, splendeurs en pagaille.. Ah et si, derniers échos du jour : on a cassé notre chaine (et non notre "chair"! Ah ce correcteur automatique..) pour la première fois. C'est le maillon rapide qui a sauté. "Vous êtes là maillon faible, au revoir". Plus de peur que d'mal. Juste un peu de cambouis sur les mains pour le reste de notre trip dans le Sud Lipez. Ça fait plus aventurier comme ça ! Carpe andiem.

Ven.10/3: "On y verra plus clair après le prochain virage" - C'était déjà ce que l'on c'était dit la veille, à moitié pour se convaincre, à moitié pour se motiver, et surtout pour se marrer "en entier". Rire jaune. Avant de partir, je suis tombé sur un blog d'un couple ayant fait la même route que nous il y a 2 ou 3 ans et où le gars racontait qu'il se fixait à chaque fois comme objectif le panneau suivant, quand il y avait des panneaux! Comme les sportifs de haut niveau: un match après l'autre. Le truc, c'est que parfois, non très souvent en fait, on se dit "après ce virage ou après ce col on devrait y voir plus clair - sous-entendu derrière, la pente devrait diminuer - et finalement une fois passé l'obstacle, tu tombes sur un os encore plus grand! This is life.. in the wild Andes. Et pis mince, on a signé pour ça. C'est désormais notre leitmotiv. Notre locomotive c'est Ahuana, les enfants (d'Equateur et de France), les sponsors, l'exploration et l'épanouissement personnel. Aujourd'hui, l'étape que nous avions prévue était de nouveau courte (env. 45km) et avec finalement assez peu de D+. Les orages ont commencé vers midi. À 13h, tandis que nous longeons le désert de (Salvadore) Dali, il ne nous restait plus que 5km pour rejoindre Polques. La pluie commençait à s'intensifier sur le cerro éponyme juste au dessus de nos casques à l'ouest. Tourner les jambes le plus vite possible, tenir le guidon malgré les "caraminas" et les petits amoncellements de sable pour le pilote, faire contre-poids pour le singe et avancer "goutte que goutte" avant que l'humidité ne traverse nos vêtements. Ne pas jouer avec l'eau. Ne pas jouer avec la foudre. Ouf, ça y est, on y est. On aperçoit plusieurs complexes au bord de la lagune, plus les thermes d'aguas calientes. Une polonaise qui nous avait chaleureusement encouragés plus tôt dans la journée alors qu'elle nous dépassait en 4x4 nous félicite encore à notre arrivée : "you did it, congrats!" Nous sommes passés entre les gouttes, à une ou deux gouttes près. En outre, l'altitude "aidant", après avoir vécu une semaine 2000m plus bas, et surtout avec les gros efforts fournis hier, il était compliqué de faire plus. Les jambes sont lourdes. Les bains chauds naturels - qui émanent d'une activité volcanique intensive - sont salvateurs. Avec en bonus une vue imprenable sur la lagune d'huile, les montagnes multi-colores qui l'entourent et le ciel drapé de nombreux nuages moutonneux. Le pied. Le rêve. Ne manquait plus qu'une soupe maison offerte par la gérante de l'hôtel et nous fûmes totalement comblés. Alors qu'on l'avait d'abord senti dure en affaire, cette dernière s'est avérée être une parfaite mère poule pour Steven et moi, allant jusqu'à nous préparer une montagne de pancakes pour notre petit déjeuner du lendemain! Le soir, nous faisons la connaissance d'un couple d'américains (from Texas for Mr and San Francisco, CA for her), puis un peu plus tard du fondateur du projet "20 questions to the world" - en vadrouille pour une année je crois - et d'Anita sa maman, avec qui nous refaisons une bonne partie du monde. Elle est optimiste quant au devenir de la planète en 2100 du fait de l'action de jeunes comme son fils ou nous. Les petits ruisseaux feraient les grandes rivières. Encore une belle marque de considération et un gros coup de boost pour la suite. On continuera à mener les combats qui nous paraissent justes, utiles et faisant le plus sens à nos yeux. Ce seront d'autres montagnes, d'autres aventures que nous viserons en rentrant en France, somme toute tout "oussi" réjouissantes. Carpe andiem.

Sam.11/3: "L'âge de pierre" - "Terrain caraminé" - Aujourd'hui, il nous fallait affronter les "tirs à la caramine" nourris que les pistes de l'altiplano bolivien nous ont envoyés toute la journée. Réveil à 6h. Avalanche de pancakes dans notre estomac, devant un lever de soleil sur la lagune juste magique. Nous avons failli crécher dans un cagibi amélioré accolé à la  cuisine / salle à manger qui empestait la viande séchée. J'avais l'impression d'être de retour dans le chenil de Mikia au Revard, avec 40 chiens de traîneau reniflant autour tellement l'odeur piquait les narines. Finalement, la maîtresse des lieux nous casa dans la seule chambre avec vue sur la "mer". La veine, juste à côté des ch'tis. Quel événement nous vécumes, de voir l'avènement d'un nouveau jour, une lagune sans écume. La voilà qui rougit puis se teint de reflets orangés. Réchauffés par les premiers rayons, nos corps également, la sensation de symbiose est terrible. Les rayons de notre tandem tournent dans le sens du vent. Nos têtes tambien ont tendance à tourner avec l'altitude, le soleil et, plus tard, les émanations des geysers. Hormis quelques lenticulaires, le ciel est dégagé. Pas de tormenta à l'horizon, au pire pas avant 14/15h normalement. La voie et le champ sont libres. Ce dernier est immensément vaste. Vaste chantier que cette route serpentant entre lagunes, regs, dunes, montagnes enneigées.. Sacré chantier de vouloir l'emprunter avec un tandem aussi chargé. Nouvelle étape à 45km et 500m de D+ env. Largement de quoi s'amuser sur ces chemins alternant entre un mix de terre et de sable compacté et de la "tôle ondulée" qui vous ruine le vélo, les fesses, les différentes vertèbres, les articulations des avant-bras et potentiellement le moral. Sans compter que ça vous secoue le cocotier. Il y a déjà une chiée de noix qui sont tombées (avant même d'être mûres) ! Si après Bike Andes Peaks on est toujours en capacité de procréer.. À part ça tout va bien ! Nous avons rencontré Maria, notre première cyclotouriste (en action) depuis Cafayate. Une slovène qui n'a pas froid aux yeux, ni ailleurs, apparemment. Pleine d'enthousiasme, une étincelle dans le regard. Elle est de celles que pas grand chose semble pouvoir arrêter. Chapeau bas Madame car faire ce que vous êtes en train de faire en solo c'est admirable. Un peu avant, à l'heure du déjeuner,  nous sommes également tombés sur deux français en moto, partis de Guyane "un peu plus tôt". Enfin, Nous sommes arrivés à la Laguna Colorada. Nous avons garé notre "camping-bike" devant un refuge - bien plus propre que la moyenne - située dans un pueblito coincé entre la lagune et un imposant volcan. Prestation tout compris (goûter - dîner - petit dej') pour 100 bolivianos par tête. Pas donné dans l'absolu mais pas mal du tout étant donné l'emplacement. Demain soir, à moins de réussir à faire 78 bornes d'une traite sur ce terrain (cara)miné, ce sera tente donc on sera moins tenté de quémander pour des restes et/ou du rab', voire un quelconque surplus de confort. On fait donc des réserves en tartinant le pain de beurre et de.. sucre. On tombe (encore) sur des français - bruyants -, des suissesses allemandes et un asiatique. Ils jouent au "président" (ou "trou du cul" pour les intimes). Pas le jeu le plus sophistiqué mais facile à appendre aux incultes. Avec Steven, on se prend pour des chasseurs d'éclairs, sans succès. Depuis 2 jours, nous avons tout de même déjà pris quelques clichés "cadre de salon". Il est parfois frustrant pour celui qui conduit de devoir rester la tête dans le guidon quand tu pourrais à la place contempler - à jamais - les paysages qui se présentent autour de toi. 20h03. On trouve parfois le temps long. On ne va pas tarder à aller se coucher. Il nous faut absolument dégoter de nouveaux bouquins. Tout à l'heure, pendant plus de 45min, nous avons réfléchi à la suite de notre parcours, entre Uyuni et Cuzco, puis entre Lima et San Francisco de C., notre point d'arrivée en Equateur. Il nous manque encore pas mal d'infos pour élaborer celui-ci mais, quoi qu'il en soit, ça s'annonce serré en termes de timing et de budget. Comme depuis le début du périple, la météo et surtout les prochaines rencontres nous aiguilleront. Nous savons (d'Marseille) qu'il sera quasi impossible de faire du tandem au Pérou, faute de temps. C'est un crève-cœur mais pas une catastrophe. Si au moins nous pouvions rouler un peu en Équateur.. Mais d'abord, on a un chantier à terminer. Nous n'en sommes qu'aux fondations. Restent toute la charpente, la toiture, la déco intérieure.. de cette demeure enchanteresse et on espère bien terminer en beauté par un jardin de.. sel dans lequel nous pourrons pédaler à perte de vue et (dé)camper sous la lumière projetée par la lune. A présent, le groupe encadré joue au "Times up". Troisième et dernier tour : 30 sec pour mimer un maximum de mots. C'est animé. La partie s'emballe. Les français, en trichant, ont gagné. Nous, on va s'pieuter. 20h37. Si ça continue, "le soir" on va s'endormir à 19h! Allez, on va dire qu'on est encore jetlagé. Cela signifie aussi qu'on va de nouveau mettre le pied à l'étrier tôt demain, les premières lueurs faisant briller nos éperons d'étalons en carton en même temps que nos fragiles iris. Nous ne sommes pas encore en papier mâché - mais ça ne saurait tarder! - et c'est pas pire pour pourvoir poursuivre l'aventure du Sud Lipez. Prions pour nos semblables qui souffrent en silence. Remercions la Pachamama de nous protéger. Protégeons-la. Carpe andiem.

Dim.12/3: "Ischion ou vérité" - Mallku brothers" - "The beard brothers" - 80km et 800m de D+. Belle étape, sur les pistes du Sud Lipez, entre la Laguna Colorada et le pueblo de Villa Mar - Mallku/Mallcu, en passant par une autre lagune desséchée par l'homme - pour ses besoins en eau - qui en a ainsi fait un salar. La vérité c'est que ce soir nous avons un mal de chien au cul, un "mallku" comme pas permis, aux ischions exactement. C'est à peine si on parvient encore à s'asseoir sur une chaise ! Et dire que demain c'est rebelote. Bon, ça valait le coup ou plutôt les coups. Être ébahi en découvrant sur la Laguna Colorada les milliers de flamands qui voient la vie en rose. Se prélasser au soleil sur notre "Bapmobile" en scrutant l'horizon dégagé ou au contraire tourmenté, avec des volcans en toile de fond qui paraissent comme en ébullition avec les nuages qui s'accrochent à leur pointe. Aujourd'hui, c'était encore une course poursuite avec les averses orageuses. Il ne fallait pas trop traîner. On a bien fait de démarrer à 7h. Au final, on s'est coltiné une grosse journée. Quasi 10h de selle. Ça laisse quelques séquelles, ça laisse des traces, vous savez où. Parmi les anecdotes du jour: on s'est pris les pieds "dans le tapis" après 1km environ. Une bonne pelle de bon matin. Ce qui nous fait un total de 10 chutes depuis le début du voyage. Autre instant croustillant du jour: lorsque nous avons perdu l'une des deux sacoches arrières et qu'on s'en est rendu compte seulement 100m plus loin! J'avais déjà perdu mes tongs avec les vibrations. Les gourdes se font régulièrement la malle, mais une sacoche de 10kg, on ne s'y attendait pas. En même temps, quand tu roules sur des pistes aussi bosselées, tout peut se décrocher. Ce qui nous embête le plus, au delà de nos cervicales endolories, c'est l'état du vélo, en particulier la direction, qui se détériore chaque jour un peu plus. Le poids qu'il doit supporter est tel que sur ce type de routes, le cadre se tort à vue d'œil. C'est du malabar le truc. Mais un vieux malabar. Il plie mais - pour le moment - ne rompt pas, ne rend pas l'âme. Croisons les doigts pour que ce soit le cas jusqu'à Riobamba. On y croit. Cannondale c'est de la bonne cam'. Dans "l'ospedaje" où nous nous reposons ce soir, nous rencontrons un nouveau couple de français quinquagénaires qui habite.. Annecy! Ils effectuent un tour du monde - "Du lac d'Annecy aux pays du soleil levant" - pendant un an. Nous buvons le thé (à la coca) avec eux, leur narrons quelques unes de nos (més)aventures et finissons par échanger nos coordonnées. Ça va faire du monde à revoir en rentrant! Avec nos barbes de 95 jours, tout le monde nous prend pour des frères. Ça nous évite de passer pour des gays, ce qui peut être malencontreusement mal perçu, suivant la personne que l'on a en face. Déjà 4 jours que nous avons quitté San Pedro de A. pour rejoindre Uyuni. Si les vents sont favorables, qu'il ne re-pleut pas trop tôt dans la journée d'ici-là, et que nous parvenons à nous rasseoir sur nos sièges demain matin, nous pourrons tenter de traverser le Salar de Uyuni d'ici 4 jours. C'est dingue ce qui nous arrive. Et dire qu'il y a moins d'une semaine on hésitait à emprunter cet itinéraire, que l'on se demandait alors si nous pourrions ne serait-ce qu'avoir un rapide aperçu du Salar, dans le cas où ce dernier aurait été encore inondé. Rien n'est fait à l'heure actuelle mais tout reste possible et à faire. On va s'y affairer, flairer le meilleur plan, afin de fleureter avec l'extase et d'effleurer le bonheur partagé. Avant d'aller s'étaler dans notre abitacion, nous aurions pu faire le calvaire qui surplombe le pueblo mais nous avions déjà réalisé notre chemin de croix, pas loin d'être crucifiés par la "tôle ondulée". Carpe andiem.

Lun.13/3: "Lamathérapie" - Confortablement installés sur le matelas d'un dortoir, au chaud dans l'hôtel de San Cristobal - le seul du village - nous aurions pu nettement moins rire si nous avions traîné davantage sur les pistes défoncées du Sud Lipez. En effet, l'orage s'est pointé, comme depuis 4 jours, vers 16h et cela s'est joué à 5min. Un cookie de plus au sommet de la dernière côté du jour et nous finissions trempés comme des vizcachas. Per suerte, au moment où l'averse s'intensifia sérieusement, nous pûmes nous garer sous le toit de la station essence, le temps que le ciel passe sa colère sur cette zone de l'altiplano. Cela fait maintenant 1h30 que nous sommes arrivés, après 105km et un peu moins de 500m de D+ et il pleut toujours aussi fort dehors. On entend le tonnerre gronder. Le moins qu'on puisse dire c'est qu'une fois encore tout s'est bien goupillé pour nous. Hormis 2 chutes, pas de casse, pas de grosses engueulades entre nous et pas de chichi. Une fois encore, il eut été imprudent - pas impossible mais imprudent - de camper. Et nos fesses nous remercient de leur offrir une bonne épaisseur de matelas ce soir. Et notre estomac nous remercie de lui fournir un vrai repas, avec un gros morceau de viande. Car oui, nous consommons pas mal de calories depuis 5 jours. Le Sud Lipez est exigeant, à tous les niveaux. Aujourd'hui, plus que les caraminas, c'est le sable qui nous a joué de bien mauvais tours. On se souviendra longtemps de cette descente pour rejoindre Alota où nous nous sommes arrêtés pour un "ravito" à base de viande de lama, une spécialité locale avec les "artesanas" (souvenirs du type porte-clés, instrument de musique, tissus..). C'était comme descendre la dune du Pilat en tandem! Quand on vous dit que parfois on roule sur des œufs. Le stade d'au-dessus c'est le trophée Andros. À part ça, nous ne sommes plus qu'à 88km d'Uyuni.. Et bien moins de l'entrée du Salar ! On ne devrait pas avoir trop de mal à se lever demain, à se motiver, à souffrir encore un peu des ischions. Là on attend avec impatience qu'on frappe à notre porte. Ce sera le feu vert pour aller dîner. Même complètement éreintés, nous sommes capables de bondir du haut de notre lit superposé (et de nous casser la gueule) pour des papas fritas et un steak de camélidé. 19h. On regarde les lancements qui tournent en boucle sur Direct TV, et qui nous font tourner en bourrique! Ils parlent que de foot sur les chaînes de sport, ça rend fou. Ils pourraient aborder d'autres sujets: vélo tandem, andinisme.. Pas assez sexy. Pas assez bankable. Bilan du jour : la viande de lama, bien cuisiné, c'est délicieux. Et pour éviter de penser aux douleurs au postérieur, rien de telle que l'observation de ces animaux emblématique mais pas toujours hyper gracieux. 20h10. On est sorti de table, après avoir mangé une soupe aux.. frites. C'est un concept.. nouveau pour nous. Vous nous proposeriez une soupe au Nutella qu'on aurait trouvé cela goûtu. Pas franchement repu, on se lave les dents au plus vite afin de couper court à toute velléité de picorer "dans le placard". Définitivement, le Sud Lipez a fait de nous des boulimiques.. de sport, de montagne, de grands espaces et d'aventures au long cours. Carpe andiem.

Mar.14/3: "En sel(le) et Gretel" - 7h. Le tandem est dans le hall d'entrée de l'hôtel. Tout est harnaché, bien arrimé. Par contre, on est déçu. Il n'y a pas de frites au petit déj'. Après 5 nouvelles heures de selle (et de douleurs aux ischions), une plâtrée de spaghettis avalée - et une autre accidentellement renversée! - en bord de route, nous arrivons à Uyuni assez euphoriques et surtout soulagés, car bien entamés. Il nous aura fallu 6 jours pour réaliser le Sud Lipez en tandem - remorque. Avec une moyenne de 70kms par jour sur des pistes défoncées de manière véhémente par le vent et la pluie, on n'a pas à rougir. On s'est déployé pour se retrouver dans cette ville ultra touristique s'apparentant à un mini San Pedro de A. mais en mieux dans le sens où tu sais que tu es aux portes de l'une des merveilles (naturelles) du monde : un gigantesque désert de sel. Tout à l'heure, en roulant, on apercevait au loin des îles en lévitation sur celui-ci. Non ça n'était pas un mirage. En revanche, pour l'instant, à l'aune des infos grappillées par-ci par-là, on ne devrait pas pouvoir traverser le Salar dans les jours à venir. Trop d'eau. Trop engagé et trop dangereux. Une grosse déception au final, forcément, mais on va tâcher d'aller y faire un saut malgré tout. Un aller-retour de 20km jusqu'à un hôtel de sel. Histoire de voir ce que ça donne les reflets de la lumière du soleil sur ce sol alvéolé et vitreux, et afin de prendre quelques photos pour nos sponsors ainsi que des clichés souvenirs. Pour savoir si ça sent l'iode comme à la mer. Pour ressentir cette sensation d'immensité voire d'infini (et d'au-delà)..
Ce fut par ailleurs fort sympathique d'organiser ce soir un dîner de manière aussi spontanée, après s'être retrouvé un peu au hasard dans la ville, avec nos amis annéciens rencontrés il y a 2 jours à Villa Mar. Ça fait toujours du bien d'évoquer nos belles contrées et de se téléporter ainsi au royaume du reblochon le temps d'un apéro, en attendant que ton plat épicé arrive. On pourrait bien se recroiser en Bolivie ou au Pérou ou, "au pire" en Haute-Savoie cet été.
Lavage de dent au dessus d'un évier situé à hauteur de notre bassin - la taille moyenne des boliviens serait d'1m52, ce qui nous fait penser que les montagnes du pays sont aussi grandes que les habitants sont hauts comme trois pommes de terre -, décrottage de la crinière et de la croupe et ultime décryptage de la journée écoulée et du mois et demi à venir. Ça s'annonce excitant et épicé. A l'instar d'Hansel et Gretel, en selle nous allons continuer à poser des petits cailloux pour jalonner notre parcours dans les Andes. J'avoue qu'on va jalouser ceux qui on pu réaliser cette étape "salée" à  bicyclette mais on s'en tape car d'aucuns nous envieront sur certaines parties inédites et/ou endiablées de notre trip. Carpe andiem.

Mer.15/3: "Les tortillards du Sud Lipez" - Rêves Interrompus et réveil précipité par un petit souci "mécanique" ce matin. Est ce le fait d'avoir eu un peu froid hier soir ? A-t-on ingurgité de l'eau impropre ? La crasse de nos ustensiles de cuisine ? La tête de ma brosse à dents qui s'est échappée du sac pour atterrir sur le bitume et qui a pu attraper une vilaine bactérie ? Les pâtes tombées par terre sur une bouteille en plastique en bordure de route ? Le plat très épicé du restaurant ? Ou est-ce tout simplement le contrecoup de 6 jours intenses, marqués par d'innombrables secousses au niveau de l'estomac, des intestins et, de manière générale, du système D (=digestif)? Un peu des 7 mon capitaine.
On risque d'entendre l'orchestre du conservatoire de la ville encore toute la journée. Tu sens que certains membres ne sont pas encore tout à fait au point, que l'harmonie peut être plus harmonieuse. Une fête national se profilerait-elle? Avec le marché couvert, les épiceries qui s'empilent autour, cela crée une ambiance tout à la fois populaire et industrieuse. Le progrès semble en marche dans cette région du pays, boostée par le tourisme. Le respect de l'environnement et l'écologie ne semble pas être un vain mot ici. Pas devins pour un sou, il s'agirait toutefois plus d'une gageure que des paroles en l'air puisque les murs de nombreux bâtiments publiques font de la propagande dans ce sens, avec des messages pour le moins équivoques et unificateurs.
Après avoir été bien compacte durant toute la traversée du Sud Lipez, la selle est liquide me concernant. Je me sens plus brassé qu'un fromage blanc moisi. J'ai du choper un virus. Discussion peu reluisante j'en conviens. Quoi que. On a tellement entendu parler de voyageurs tombant malades en Bolivie et le restant pour 10, 15, 20 jours! À partir de maintenant, il va falloir veiller de près à ce que l'on mange, se laver les mains très régulièrement - avec du gel hydro-alcoolique - et éviter au maximum le contact de l'eau courante (moqueuse) avec nos muqueuses. Quand tu te laves les dents au dessus d'un lavabo, tu te rinces uniquement les commissures des lèvres, sous peine d'aller à l'encontre d'une "belle" déconvenue. De quoi devenir parano! Steven, quant à lui, n'aurait pu courir un ultra-trail aujourd'hui mais se sent plutôt bien dans l'ensemble. Et puis, tous les deux, on se les caille. Il faudrait boire du chaud mais on a que des boissons fraîches donc c'est chaud de se réchauffer l'échine.
Le programme de l'après-midi ne s'annonce pas ultra aventureux ou hasardeux. Nous allons démarrer par un peu de riz aux lentilles accompagnés de ces petits légumes cuits concoctés par les femmes du marché. Puis nous (y) tenterons de télécharger les cinquante dernières photos du Sud Lipez pour les ajouter au diapo retraçant cet épique chapitre. Ça c'est très hasardeux ! Plus ou moins simultanément, nous "siesterons", avant d'éventuellement trouver un endroit (la cafétéria de l'hôtel ?) qui diffuse la Ligue des Champions de football. Plus ou moins simultanément, j'irai me vider par le haut et par le baba. Ensuite, il nous faudra aller récupérer nos vêtements à la lavanderia. Enfin, après avoir tout bien préparé pour notre reprise demain - si je me sens suffisamment d'attaque - nous devrions aller au restaurant avec Ilan (prononcez "Iban"), un guide originaire de la capitale et nous ayant déjà fourni moult renseignements sur l'état du Salar notamment.
C'est pas la joie. Autant Steven, malgré quelques douleurs au bas du ventre, a été costaud. Autant je ne suis pas dans mon assiette (de riz). Je viens de faire le "grand 8" aux toilettes. J'espère que c'est le dernier tour.. Et de 11 châsses d'eau tirées. Je fais exploser mon bilan conso d'eau. J'ai du perdre 5kg, peut-être plus. Steven est un frère (ça je le savais). Il s'occupe de moi comme un chef. Il aurait fait un superbe infirmière! On sait d'où lui viennent cette passion pour les médocs (boutade bancale) et surtout cette fibre pour s'occuper des malades (mentaux). Merci maman et merci à son doc' M. Duret, dont Gilles Alberty le "globe-pédaleur" est le sosie parfait ! Sur qu'à notre retour on organise une rencontre, non un événement (interrégional) : Le Pierre & Gillou Show !
Soy enfermo. Ah ça pour être "enfermé", je suis enfermé! Et cloué au lit. Non en fait, on a certes beaucoup de quincaill' dans la remorque mais pas de marteau. Et puis planter un clou dans un panard c'est déjà pas le pied mais dans un matelas c'est mission impossible! Vous risqueriez de vous faire une lésion à la main. État des courses : je peux encore me mouvoir.. jusqu'aux chiottes (pardonnez la familiarité). Alors, qui parie que je vais retourner au cabinet cette nuit ? Combien de fois ? Personnellement, 2 contre 1 que je vais y refaire 3 percées. Ah et bien d'ailleurs..
Steven a quant à lui oser une sortie dans la ville pour aller chercher des pizzas. Je dis oser - c'est pas des conneries! - car on a entendu une dizaine de coups de pétards dans la rue, à environ 1h d'intervalle, et on s'est dit que même les "bisons III" de l'époque étaient nettement moins puissants. Étaient-ce des feux d'artifice? Et serait-ce lié aux bruits de la fanfare entendu ces 2 derniers jours ? Nous mènerons l'enquête demain. Steven en tout cas. Selon ce dernier, il y avait un peloton de gendarmerie mobilisé ce soir et tout le monde avait fermé boutique vers 20h.
Le 12ème homme, celui qui fait du bruit, qui à la fois te met une pression énorme et te soulage. La métaphore footballistique est-elle appropriée ? À vous de vous faire opinion. Avec mon beau-frère, sur un précédent trip à vélo en Europe, nous appelions ces petits bonhommes marrons les "Mr Hankey", un personnage mis en scène dans la série télévisée South Park.
Une pizza sans foot et sans bière, ça n'a pas le même saveur. Mais ça va, c'est cool quand même. Celle pour enfant que Steven m'a ramenée est plutôt bien passé. Lui s'est enfilé la version XXL. Vous auriez vu la taille du carton! De quoi condamner une fenêtre à deux battants. Nous, deux battants ? À côté de Mike Horn - qui tente actuellement, par plusieurs moyens "plutôt" sportifs de rejoindre les 2 pôles après les avoir traversés - est un tout autre type de battant. Steven me raconte qu'il a perdu 16kg depuis qu'il est parti, qu'il s'est déplacé une omoplate, qu'il a eu 4 gelures.. Ce gars a du cœur et un mental d'acier. Quand tu as une petite touristes "des familles", que tu es bien au chaud, qu'une pharmacie est localisée juste à côté de l'auberge et, qu'au pire, il doit y avoir un bout d'hôpital pas très loin, tu vois les choses différemment. C'est comme tous ceux qui travaillent - de manière plus ou moins motivée - dans des mines et que l'on a croisés assez indifféremment au final. Nous avons une chance inouïe de pouvoir nous "casser le cul" sur ces routes. D'autres se cassent le cul tous les jours pour à peine subvenir à leurs besoins et/ou ceux de leur famille.
Il pleut. Cela annihile définitivement notre volonté initiale de traverser le Salar. Comme ça c'est réglé. Ça fait carrément ch*** mais c'est une bonne chose globalement pour la zone qui ne devrait pas manquer d'eau avant un petit moment.
Carpe andiem.

Jeu.16/3: "Du lac d'Annecy au Salar de Uyuni" - Il n'y a qu'un pas, qu'un coup de pédale à donner, en même temps, de manière synchro. En rentrant en France, il faudra qu'on se dégoté un nouveau un tandem pour aller fumer (en montée) du cycliste individuel/aliste dans les cols mythiques des Alpes. Ou plus sincèrement pour continuer à exercer ce sport d'équipe si complet, davantage dans les chemins inclinés, avec un énorme débattement sur la fourche avant et des pneus de moto-cross! Ainsi, nous devrions pas être trop ridicules sur une course comme le Roc d'Azur Tandem. On continuera à se prendre des "boîtes", assurément des plus grosses, mais on aura plus 230kg à trimbaler, plus que nos 150kg (tout mouillés) cumulés!
À part ça, on tourne un peu rond aujourd'hui. On est allé faire un tour (en rond) au marché, extérieur cette fois. Steven s'est rendu aux gares ferroviaire et routière pour se renseigner en vue d'un transfert samedi. Le Salar étant impraticable à vélo, sauf peut être l'entrée depuis Colchani, et moi qui ne serai pas totalement guéri, nous prévoyons finalement d'utiliser les transports en commun pour rallier Sajama. Sachant que la route ne paraît franchement intéressante.
On va donc essayer de rouler quelques hectomètres sur le Salar demain matin, afin de prendre quelques photos.
Puis, ce sera un nouveau départ, un nouveau chapitre à écrire en andinisme, voire en tandinisme !
En attendant, même si on n'en peut plus de se reposer, il le faut, pas le choix, les nausées et la diarrhée sont toujours bien présentes me concernant et je suis bien incapable pour le moment de faire autre chose (de productif / prolifique) que le trajet entre mon lit et le trône. Je retourne d'ailleurs m'allonger, dans l'espoir que les douleurs abdominales s'estompent voire s'interrompent.
Steven est retourné glaner des infos sur les lignes de bus. La compagnie sélectionnée accepterait le tandem. Le prix est correct. Il n'y aura plus qu'à prier pour que nous arrivions à choper un "micro" venant de La Paz pour la suite du trajet jusqu'à Sajama. Ça sera l'aventure. Autrement, on pourra toujours tenter l'auto-stop.
Mon état ne s'est pas amélioré cet après-midi. Nouvelle crise de spasmes stomacaux vers 16h30, beaucoup plus aiguë que celle d'hier à la même heure. Cette fois, en plus des diarrhées, j'ai des vomissements et le plus gros de ce qui restait dans mon tube digestif est sorti ainsi. Je me suis tortillé comme un asticot pendant trente à quarante cinq minutes, avec l'impression d'avoir un programme - avec de l'air à la place de l'eau - de lave-vaisselle en marche dans le ventre. Non, mieux : c'est comme si j'avais un geyser bouillonnant dans le bide. Après être allé plus de 20x al bano en 36h, j'ai sérieusement commencé à flipper. J'allais extraire des os si ça s'était prolongé!? Ce soir, allongé sur mon lit d'hos(pi)tal, je me dis que je ne peux guère perdre plus de liquides et de solides, de poids en somme. Je (me) fais peine à (me) voir. A l'instar d'une star en manque de coke ou d'un vampire privé de sang, ne pas avoir faim, être aussi apathique, c'est pathétique, c'est dur à avaler. Mais je dois l'accepter, faire le dos ou plutôt le ventre rond. Laisser passer l'orage qui s'abat dans mon corps. Un très joli film d'animation sorti il y a 7/8 ans se titrait "Tempête de boulettes géantes". Les diverses péripéties, météorologiques comme métaboliques, de ces derniers jours nous confortent dans l'idée que les difficultés d'un tel périple peuvent provenir de là où on les attendait pas. Alors vigilance, méfiance. Je fais le pari que demain ça va chier dur! Il le faut, non ce serait bien car je ne voudrais pas frustrer davantage Steven et, de mon côté aussi, ça m'embêterait de repartir d'ici sans avoir mis ne serait-ce qu'un orteil sur ce paradis salé. Pour autant, priorité à la santé. Alors repos et patience..
Carpe andiem.

Ven.17/3: "Road to nowhere" - 3eme jour à croire en me levant que, peut être, ça s'améliorerait au niveau de mon système digestif et de mon homéostasie. Et puis finalement, 3eme rechute, 3eme crise assez violente entre 17h et 19h en gros. Mais je vous passe les détails pour cette fois. C'est drôle au début, ça permet surtout de relativiser. Mais y en a marre de focaliser ce récit, insipide depuis 3 jours, sur mon ventre. Il faut que j'arrête d'y penser. C'est le meilleur moyen pour se sortir la tête de l'eau, j'en suis convaincu.
À part ça, un peu avant 14h, nous sommes partis en tandem - remorque déchargée en direction du Salar, pour y tenter une petite boucle dessus et y effectuer quelques clichés en premier lieu pour nos partenaires. Après 20km de très bon asphalte, nous avons pris à gauche dans le village de Colchani, dont la rue principale - qui mène au Salar - est perforée de toute part par d'énormes nid de poule engendrés par la pluie. Ça fait un peu ville bombardée quand tu passes ici, avec ces maisons défoncées, ces chiens crasseux les moustaches pleines de boue.. Alors que 2/3km plus loin, on retrouve ces fameux hôtels cossus ou palaces "de sel". L'un de ces nombreux décalages qu'on retrouve souvent dans les pays sous-développés ou en développement, qui plus est dans les zones touristiques, et qui nous sied guère. C'est comme de voir ensuite le nombre de 4x4 qui trimballent des clients sur ce désert salé en échange d'une facture elle-aussi salée. Ça les dresse ! Bon, il faut avouer que les guides boliviens semblent être tous des gens vraiment biens et véritablement.. vrais, et on ne peut nier non plus que ça les fait bosser. Il faut dire aussi que ça nous a bien arrangés - étant donné ma fragile constitution du moment - de nous retrouver avec un "bus" de japonais  près d'une flaque sur laquelle les reflets étaient propices à la photographie "cadre de salon". Avec le groupe, nous avons entamé un shooting orchestré de main de maître par le styliste M. Giordano. Au final, les guides nous auront permis d'immortaliser quelques magnifiques images de notre vélo dans ce décor assez incroyable, ainsi que quelques clichés "clichés" qui nous feront bien rire quand nous les reverrons. Même si, avec la saison des pluies qui s'est prolongée, nous n'avons pu rouler sur un Salar bien sec carrelé d'alvéoles symétriques, nous aurons pu néanmoins profiter d'une lumière exceptionnelle (dixit un guide local) et d'un coucher de soleil non moins extraordinaire. La fin de journée s'est soldée par pas mal de rebondissements. Tout d'abord, vu que je me retrouvais de nouveau ballonné en particulier par les bosses et autres aspérités de la piste, je me mis de nouveau à avoir des soucis de diarrhées et de vomissements, ce qui fit bien rigoler certains enfants du pueblo rentrant de l'école. Si au moins ça fait marrer les gosses. Du coup, je me trouvais bien embêté car je ne me voyais pas laisser Steven rentrer tout seul à Uyuni, tandis que la nuit commençait à poindre son sombre nez, et que des chiens de talus pouvaient le surprendre à tout moment. Heureusement, quand il s'agit de relever ce genre de défi, Steven n'est pas en reste et mettra au final moitié moins de temps à l'aller lorsqu'il avait un boulet (=moi) à l'arrière du tandem. Pour l'anecdote enfin, avant qu'il ne débute son contre-la-montre, une amérindienne déjà un peu âgée lui demanda, sérieusement en plus, si il pouvait l'emmener à Uyuni! En tout cas, les voitures qui l'ont croise ont du "bader" en voyant un mec faire du tandem tout seul, avec une remorque accrochée à 1m de lui!
Pour finir toute l'histoire, et sans compter l'immense boulot de Steven pour pallier à mes absences actuelles, nous sommes tombés sur un formidable couple d'anglais (from London). Une thésarde (sur l'impact des activités humaines, agro-chimiques et minières, sur l'environnement) et son fiancé assistant cameraman. Ces derniers m'offrirent une place dans leur taxi pour rentrer à l'hôtel, de l'eau et du papier toilettes. Ce furent mes anges gardiens du jour. Je ne sais comment les remercier autrement qu'en les invitant en France. En "checkant" Facebook, j'appris que Helle faisait partie de Greenpeace.
On est bien tombé. J'étais entre de bonnes mains et de bons cerveaux. Cette odeur de friture qui émanent des charriotes des vendeurs à la sauvette est à gerber. Sur les coups de 22h, Steven se motiva pour aller dans la rue enlever le sel du velo et de la remorque, tendis que moi je ronflais déjà, après avoir mis quelques minutes à réchauffer les extrémités de mon corps. Mon système immunitaire est sacrément affaibli. Pour combien de temps encore ? Et dire que jusque-là, entre 4500 et 6000m d'altitude, je me sentais mille fois plus robuste. Il a fallu qu'on retourne à la ville, au milieu des pots d'échappement sans filtres, en dessous de 4000m, pour que je me décompose.. Carpe andiem.

Sam.18/3: "Eteins la lumière" - Éteindre la lumière. Car il ne sert à rien qu'elle reste allumée. Plus personne ne va venir petit déjeuner. Nous venons de débarrasser la chambre. Les sacs sont prêts, entassés au dehors. Ils font face à la bicyclette garée de l'autre côté de la cour. Notre bus est à 21h. Il est 11h17. Éternel recommencement que ce Bike Andes Peaks. On repart sur des "peaks". Un nouvel épisode andinisme à tourner. A moins que la météo soit vraiment pas coopérative et que nous ne puissions faire "que" des petits tours à vélo. C'est ça aussi l'avantage dans ce projet, c'est que nous avons le choix entre marcher, courir et pédaler et ce, plus ou moins longtemps. Qu'il est désormais loin - 4 jours - le temps où nous nous faisions maltraiter par les routes du Sud Lipez. Il m'aura fallu plus de temps que je ne l'imaginais pour m'en remettre. Et encore, je ne voudrais pas trop m'avancer. Une fois passer le cap des 18h sans encombres, je pourrai me dire que ça va vers le mieux. Hier soir, Steven a également trié les photos d'Uyuni dans la foulée de notre excursion dantesque. Je vais y jeter un coup d'œil maintenant, ça doit pas être pire.
Pas pire en effet. Après une après-midi consacrée à rien foutre, il est 20h46 et nous voilà dans un bus qui penche en arrière qui est sensé nous amener à Patacamaya. Arrivée prévue à 5h du matin. On s'est fait enfumé par le bus parti devant nous. L'odeur des particules  n'est pas fine. On part en marche arrière. Je comprends mieux pourquoi on va mettre autant de temps. On vient d'éteindre les lumières. Le plus vieux des pilotes, le béret bien vissé sur le front, vient de quitter le poste de conduite pour s'asseoir sur les premiers sièges de droite à l'avant. S'agirait-il en fait d'un bus ultra-moderne ? Non, c'est bien un humain qui nous conduit vers notre future terre d'accueil qu'on espère accueillante. L'odeur des échappements, mélangée à celle d'un vieux débarras poussiéreux, ne s'échappe pas franchement. Va falloir s'y faire. Heureusement, les enceintes du véhicule crachent parmi les plus grands classiques états-uniens des 60-70's. J'ai du mal à croire Steven qui m'affirmait encore récemment que les boliviens détestent les américains. Ou alors ils sont très hypocrites. En effet, tout, du style vestimentaire aux us en termes d'alimentation, en passant par les programmes télévisés, tout ou presque vide à copier de près ou de loin le pays de l'oncle Sam. Ceci n'est pas forcément une vision critique, juste un constat dans un premier temps, par rapport à ce que j'ai pu observer à Uyuni, une cité éminemment touristique. Il nous reste deux grosses semaines pour explorer d'autres parties du pays et, qui sait, découvrir une toute autre culture, plus proche des valeurs traditionnelles des ethnies aborigènes. Même les femmes, avec leur chapeau melon, qui leur va comme un gant au demeurant - serait-ce pour se grandir ? -, ont légèrement occidentalisé leur façon de se vêtir. Bariolées de ces couleurs vives qui (pour nous) représentent si bien les natives andines, deux longues tresses d'une impeccable symétrie qui mettent superbement en valeur leur chevelure châtain foncé. Leur jupe-salopette et leur collants en laine de lama. Les termes me manquent pour bien décrire l'éternelle beauté de ces mujeres.
Je suis mauvaise langue. Les boliviens sont aussi épris de musique française. "Comme d'habitude", on peut se demander s'il ne passe pas ça juste pour flatter notre égo de co(lo)ns de franchouillards. Soyez fiers de vos chansons populaires chers boliviens! Arrêtez de nous bassiner avec des condensés de présumés grands répertoires, ou alors mettez du classique. Je m'emporte, pour rien. Mais j'aime que la musique m'emporte, ailleurs, là où tu ne l'attendait pas. Surtout que mes connaissances en la matière sont très limitées. Allez, c'est quand même marrant d'entendre les reprises en espagnols.
C'est aussi par elle qu'on arrive à mieux comprendre le folklore et, plus encore, les véritables mœurs palpitantes des habitants. Au même titre que la façon de se comporter et de communiquer. Difficile de nier le fait que les commerçantes boliviennes ne font pas toutes preuve de la plus grande courtoisie. Check. En revanche, on a été surpris de se voir saluer aussi chaleureusement de bon matin par quelques individus, comme si nous avions passé la soirée de la veille ensemble. Check. A moins qu'ils nous aient confondus avec d'autres, ce qui paraît peu probable étant donné nos inimitables dégaines. À part ça, parmi les rares actions de la journée, Steven et moi avons joué au Yatsé. La partie fut interessante car haletante jusqu'à la fin. Cela pimenta ce nouveau jour de repos (forcé), nous rappelant que nous sommes avant tout des compétiteurs, des battants. C'est pourquoi on se languit de retourner en montagne, là où le froid vous saisit, là où il n'y a pas d'enseigne Coca à tous les coins de rue. Là où la nature n'est pas uniquement l'instrument d'une économie déséquilibrée. Là où elle poursuit son règne en harmonie avec les Hommes. Non, là où elle poursuit son rêve d'harmonie avec les hommes.
Carpe andiem.

Dim.19/3: "Je suis delama" - Arrivée à 4h à Patacamaya, 1h plus tôt que prévu. Les "micros" (=bus de ligne) pour Sajama sont sensés passer entre midi et 13h. À ce moment-là, on pensait donc avoir beaucoup de temps à patienter, surtout que la température était en dessous de 0 degré C. Après une heure d'attente, stérile me concernant, de prise d'informations et de négociations avec les taxis dans leur van "Agence Tout Risque", Steven finit par convaincre l'un d'entre eux de nous emmener pour 300 bolivianos. La mise de départ était de 500 bol. tout de même. Il est fort le bougre. C'est sa barbe qui doit impressionner. Quoi qu'il en soit, nous pûmes partir des 7h de Patacamaya direction le Parc National de Sajama. À 9h, nous arrivons à l'entrée du parc. Le soleil est dissimulé par un nuage, il fait encore frais. Surtout qu'avec mes faibles réserves d'énergie, je suis très vite gelé. J'avais jamais ressenti pareille sensation de froid au corps en fait, aux jambes en particulier, une zone où je suis un radiateur d'habitude. Nous réinstallons un peu les affaires sur les porte-bagages mais décidons de garder nos sacs de trek sur le dos, pour gagner du temps et puis car je ne me sens pas de rouler. En effet, il nous reste alors une dizaine de kms à parcourir pour rejoindre le mythique village de Sajama. On y va piano. Steven fait les faux-plats descendants en solo sur le vélo et la plupart du temps c'est lui qui pousse le vélo-cargo en montée. Et moi, à côté, je traîne ma peine. Je me demande bien comment il fait pour me supporter ? Je suis aigris. Suite à une énième tournée dans les fourrés, la lune écarlate en face de sa Majesté le Sajama - pas une sacrée montagne mais bien une montagne sacrée - et de son immense coupole (ou coupe au bol!) blanche, je retrouve enfin un peu d'allant. Il faut dire que les rayons solaires ont fait une percée pour mieux nous montrer l'amas de lamas broutant les vastes prairies de la vallée. Quoi de mieux que la (haute) montagne, ce décor à la fois fin et sans fin, cet air pur et vivifiant pour te soigner.. J'ai, on a l'impression d'être en cure. Cure spirituelle avant tout mais également sensorielle et.. thermale car oui, il y a des bains chauds (38-40 degré C.) à 6km de l'hôtel Oasis où nous venons "délirer domicile". J'espère qu'après une nouvelle journée posée, cool, ce mauvais délire - au doux nom scientifique d'ischémie - va cesser. Que je vais retrouver de l'appétit et, petit à petit, la forme. Surtout que selon le maître d'hôtel, de surcroît guide de haute montagne, le Parinacota est en bonnes conditions (il y a été hier). Nous verrons tout à l'heure avec lui, si nous optons pour un pack transfert + encadrement, ou si nous faisons appel à ses services uniquement pour le transfert. Comme à l'accoutumée, on va bien checker la météo, sachant qu'a priori, le schéma sera le suivant : beau tous les matins, puis ça se gâte à partir de la mi-journée. Et ce scénario semble se confirmer puisqu'il fait des gouttes à l'heure où je vous tape ces quelques lignes. Il est temps pour moi, baron vert, d'aller aider le baron rouge à préparer le déjeuner. Ensemble, pas complètement barrés, nous barrons et continuerons à barrer cet aviron Bike Andes Peaks jusqu'à la ligne d'arrivée en Equateur et ce, malgré les ondes et ondées qui viennent frapper notre embarcation. Nous nous sommes barrés de France un peu pour la bonne cause et surtout pour trouver une "bonne" cause à nos vies, parallèles et pis pédantes parfois. Trouver l'équilibre, la meilleure géométrie dans cet univers variable empli d'inconnus (à déceler et à résoudre!) et cet espace temps qui, à force de voyager, s'étire ou au contraire se rétrécit. Un unique espace temps..?  Épatant voire époustouflant de voir se conjuguer images rêvées et réalités insoupçonnées. Devoir conjurer le sort, de sorte que le juré du tribunal de la Terre Mère te donne quitus sur ta prochaine ascension. Attention à ne pas parjurer, en faire trop. Rester à son niveau et écouter son corps. Se démener mais ne pas tenter de mener les dés trop près du précipice. Elle n'est jamais très loin.. la tentation de se précipiter dans la gueule du loup. Ne pas (mal)traiter son corps comme un fardeau, il en a déjà suffisamment plein le dos comme ça. Les maux de ventre signifient bien plus que d'être les symptômes d'une ischémie et/ou d'une tourista. L'expulsion de tant d'eau et de matières solides d'une manière aussi violente n'est pas anodine. Dont acte. Il est temps de méditer, se recueillir et d'accueillir la vie (avec Bike Andes Peaks) sous un angle nouveau.
Cet après-midi, après un déjeuner improvisé avec un couple d'étudiants d'Aix/Marseille ayant terminé son séjour dans le parc (par une brillante ascension du Parinacota), nous allons juste nous dégourdir les pattes jusqu'au Belvédère qui donne sur le Sajama. Le soleil joue à cache-cache. La pluie tombe régulièrement. On va prendre le "ciré" bleu Black D.
De retour de notre mini escapade du dimanche après-midi. On est passé entre les gouttes et il faisait plus chaud dehors. Quel bonheur de sentir la douceur du soleil se frotter sur nos mollets. Les 250m de D+ menant "vers le ciel" constituaient la première manche/marche (ou plutôt les 1ères marches) de notre stage ici. Demain, on tentera de franchir les 5000m, avant de monter encore d'un cran mardi au dessus des geysers et de viser le Parinacota (6348m) mercredi ; avant de franchir les "palliers de décompression" (= le Yams et le plumard) jeudi. Enfin, vendredi matin, nous devrions reprendre la route - en tandem - les yeux encore dans les étoiles, filant une bonne laine (d'alpaga) ! En attendant, et bien attendons d'avoir le verdict du saint pet relaxant. D'abord un corps sain. On verra ensuite pour l'esprit. Bike Andes Peaks et "faire de la montagne" en général, c'est un état d'esprit à polir, un jardin intérieur à cultiver, une divine source d'inspirations pour réveiller l'artiste qui ronfle en nous. La quête est en cours.
Ce soir, j'ai donc demandé, non pas à la lune, mais à mon corps. Je l'ai écouté bien sagement assis sur "mon" nouveau cabinet et il m'a dit stop. Demain, je me contenterai d'aller voir les camélidés dans le champ d'en face tandis que Steven partira trekker toute la matinée vers le Sajama. Carpe andiem.

Lun.20/3: "Danse avec les lamas" - "Ça va?" nous demande ce matin le gérant de l'hôtel. Steven s'est bien reposé. Il n'avait pas mis de réveil. Il lui fallait rattraper un peu de sommeil de la veille. Et maintenant il va crapahuter, prendre le soleil et tacher de ramener des "bêtes" de photos de montagne le veinard. De mon côté, je serais tenté de répondre "comme un lundi", mais c'est plutôt "oui ça va, enfin comme depuis une semaine. Le matin, je me sens bien puis, à partir de la fin d'après-midi, c'est la débandade, les convulsions repartant de plus belles. Hier soir, ça m'est arrivé jusque tard dans la soirée en revanche. Alors que je somnolait, il m'est arrivé d'être réveiller un peu en sursaut me disant : tiens ça y est, ma sœur est en train d'accoucher ! Mais il  s'agissait en fait de nouveaux épisodes spasmodiques de mon ventre. Ça s'agite à l'intérieur mais pas franchement autour de notre projet. Je suis là à raconter des trucs dont on se contrefout. J'écoute du hard rock, ça détend. Je vais me mater un ou deux films pour m'éclaircir un peu les idées. La montagne, le partage avec elle, l'aventure, les efforts physiques, tout ça me manque cruellement.
11h et des brouettes. Steven est revenu de sa sortie rando - trail. Dans le même temps, j'ai commencé 3 films, j'en ai vu à chaque fois environ 30min. Aucun ne m'a convaincu. Ça passe le temps. Ça me tue. Être ici avec toutes ces montagnes à explorer et moi j'explore.. la profondeur de mon matelas.
En cherchant avec Steven un truc pour casser la croûte, et alors que tous les restaurants et kiosques sont fermés pour cause de fête en l'honneur du prêtre, nous faisons la connaissance de Joachim, un belge de 31 ans. Celui-ci attend comme nous que l'hommage se termine afin que les habitants regagnent leur maison, en particulier ceux qui tiennent un "hôtel" - restaurant. Au début, comme avec les français la veille, les deux camps s'observent à bonne distance, on sent un peu de retenue. Puis, rapidement, la confiance s'installant au fur et à mesure des échanges, les paroles se débrident. Encore un backpacker, de 4 mois "seulement" cette fois. Et c'est marrant comme la transmission des bons plans se fait d'un voyageur et à un autre. Le couple d'étudiants sudistes nous a conseillés sur le programme idéal à Sajama (belvédère, geyser..) et nous passons les infos à Joachim qui pourrait très bien rencontrer un autre routard à qui il livrerait les mêmes conseils. D'ailleurs, que va faire Joachim cet après-midi à votre avis ? On se sent utile ainsi. C'est surtout toujours aussi plaisant de partager un bon repas  (pour 2€ chacun) avec quelqu'un qu'on ne connaissait pas une heure auparavant et qui nous semble pourtant familier. Appartenir au moins une fois dans sa vie au groupe des back- ou bike-packers, c'est un truc à vivre. Au delà du sentiment d'appartenance donc, c'est mieux que n'importe quel guide - papier ou dématérialisé - et c'est surtout un tremplin immense vers les deux derniers niveaux de la pyramide de Maslow.
Quand on est aussi longtemps alité, on a forcément pas mal de souvenirs - ah, le poids et l'importance des souvenirs - qui nous viennent en tête de manière plus ou moins rationnelle, avec fréquence ou au contraire avec latence. Steven vient justement de me dire qu'il y a un an, nous commencions notre stage (pour 6 mois) chez Allibert Trekking. C'était hier et, en même temps, on se dit qu'on a grandit depuis, en premier lieu grâce à ce voyage. Autre exemple. Il y a 5min, il me revenait en mémoire ce soir d'octobre 2014 où on s'appelait avec Steven pour se soutenir mutuellement et entrevoir un projet commun. Lui était dans sa première année de Master d'économie à Grenoble et moi, je me morfondais dans un boulot de "secrétaire polyvalent" au bureau des guides de Megève depuis 10 mois environ. C'était pas "vie de merde" mais presque. C'était plutôt "vie en quête de sens". Steven se tâtait alors à tout plaquer pour repartir en voyage, longue durée cette fois. Je n'étais pas loin d'être dans la même optique. Problème: nous n'avions pas moult dollars ou dinars en poche. Il ne restait plus qu'à mettre des sous de côté pendant une année et/ou, pourquoi pas, un moyen de se faire financer une partie du projet. Oui mais quel projet ? Quelle(s) destination(s)? Je savais que Steven avait échoué quelques mois plus tôt à gravir l'Aconcagua et qu'il rêvait d'y retourner le plus vite possible. Je venais de potasser un bouquin d'aventure sur certaines des plus belles montagnes des Andes. Et c'est ainsi que naquit quelques mois plus tard Bike Andes Peaks. Et c'est ainsi que s'achève cette petite parenthèse sur l'enfantement de ce périple. Et c'est ainsi que je, nauséeux, me visage blafard, je vais devoir retourner aux toilettes en face de moi.
Après les toilettes, le centre de soins. Une chance qu'il y en ait un dans le village. Merci Evo. Cet aprem, on ne peut pas dire que c'est allé en s'arrangeant. Mon deuxième cerveau est dans un mauvais cycle. Ces deux entités qui communiquent sans cesse..
On est tous amené à manger du pain noir à un moment dans sa vie. Celui-là est relativement rassis. Les maux intestinaux ont duré bien plus longtemps que d'habitude. Il est 20h passées. Je me suis fait transfusé un mélange d'eau et de nutriments. Pour la première fois depuis 6 jours, je ne devrais pas tout régurgiter aussi sec. J'ai deux médocs à prendre pendant deux jours si besoin. Le couple de médecins étaient trop gentil.
Comme au Sajama où ça ramasse pas mal des perturbations, c'est un épisode tempêtueux auquel je dois faire face. J'aimerais me transformer en feuille ou en goutte de pluie, quitter ce corps meurtri un instant. Mais cette enveloppe, cet organisme ce sont les miens et il faut que j'en prenne soin. Comme a dit gentiment la femme de l'hôtelier à mon intention, il faut que je "reprenne du poil de la bête".
Je suis donc sur le flanc pour au moins 24 nouvelles heures. Demain matin, je ne pourrai accompagner Joachim et Steven aux geysers et aux lagunes. Encore une petite déception mais qu'il en soit ainsi.

Mar.21/3: "Le tandem de Steven & Hans" - Il nous reste 2 mois de voyage (on a notre vol retour le 21 mai à Quito), ça y est. Il est des combats qu'il vaut mieux ne pas livrer. Bien se reposer les 3 jours qu'il nous reste ici, afin d'être dans de bonnes dispositions pote repartir en tandem direction la Paz. Clairement, si ça ne va toujours pas mieux cet après-midi, qu'une nouvelle crise de spasmes au niveau intestinal se manifeste, il faudra alors réfléchir à un plan C. Pour le moment, j'y crois. Je vais me remettre sur pied. Il semblerait que j'ai un tant soit peu d'appétit ce matin.. Dans ces cas-là, être raisonnable et ne pas manger n'importe quoi!
7h05. Steven vient de partir rejoindre Joachim pour leur sortie geyser - lagunes. Ils y vont en tandem. C'est top. Ils devraient bien s'éclater. J'ai comme l'impression d'être puni. "Tu restes dans ta chambre !". Ok. En réalité, je ne peux me plaindre. Ça fait partie du jeu, il fallait s'y attendre. Je repense à notre ami Colin venu faire l'Aconcagua avec nous en décembre dernier et évacué en hélico au bout de 5 jours seulement. Soyons bien conscients de la chance que l'on a, même un peu malade, de pouvoir être soigné, d'avoir un lit au chaud sous un toit.. Enfin, c'est le genre d'épreuves qui forgent et qui peut permettre d'être plus fort dans la caboche derrière.
Steven et Joachim doivent halluciner de découvrir tant de beautés rassemblées en un seul lieu pour n'en former qu'une, complète. Après quelques efforts à vélo, rien de plus jouissif que de poser la bécane au bord du chemin, de contempler un instant le chef d'œuvre et de sortir l'appareil.
Je viens de finir un film sur le cyclisme ("Le vélo de Ghislain Lambert"), ce sport mythique, où les coureurs sont manipulés - les fameux "forçats de la route", ces bêtes de foire - ou d'autres au contraire ont contribué et contribueront encore à mettre en place des systèmes de dopage ultra sophistiqués. Ce sport qui, par dessus tout, façonne des légendes, athlètes sublimes qui, même très bien "préparés", sont admirables d'abnégation et de courage. Ces mecs - et ces nanas - ont la rage au ventre quand ils/elles ont les fesses sur leur selle. Ils bravent les limites de l'humain en termes de prise de risques et d'engagement. Certains diront que c'est trop et je peux les comprendre. Les enjeux médiatiques et financiers sont devenus si monstrueux qu'il semble impossible de rétro-pédaler dans le sens d'un sport plus propre, plus sain.
Avec Bike Andes Peaks, notre seul drogue, c'est la passion du sport outdoor en général et du cyclotourisme en particulier. On est vite rappeler à l'ordre lorsqu'on tire un peu trop sur la corde, lorsque celle-ci (=les mollets/cuisses) s'enraidit et que l'on continue néanmoins à pédaler comme des cons. Plus tard, on se réinscrira sur des courses amateurs, où le plaisir de la discipline prévaut, où chacun se donne en fonction de ses capacités (du moment), où logiquement chacun est à sa place. Ainsi, les vaches sont bien gardées.
Et, au lieu de participer seul à ces manifestations, nous courrons en tandem. À quand le Tour de France Tandem ?? Et si nous l'organisions un jour.. Dans l'attente que ce type de bicyclette (re)gagne en notoriété, ce matin Steven a offert un baptême (VTT) à Joachim. C'est aussi ça Bike Andes Peaks. Dommage que le vélo soit un peu trop grand pour les mômes car, autrement, nous en aurions effectué d'autres depuis le début! On fait le pari que dans quelques années, tous les couples bobo-branchés, les écolos et même les ruraux - les romantiques quoi ! - se déplaceront en tandem (électrique) le dimanche pour la traditionnelle promenade de (pré-)digestion avant ou après le copieux repas de mamie. Mieux que LÎle de la tentation, vous voulez savoir si le tandem que vous formez avec votre chéri(e) est fait pour durer ? Alors, chiche !? Test n•1 : le tour du lac d'Annecy ; test n•2 : un voyage de 3 à 6 mois en Europe, en Asie, dans les Andes.. ; test n•3 (facultatif) : un tour du monde en tandem !
Au cours des deux derniers débuts de soirée, Steven s'est attelé à refaire son CV. Ce matin, j'ai commencé à rédiger une ébauche de business plan pour la création éventuelle d'une structure avec un ami. Cet été, il va falloir continuer à explorer, benchmarker et réaliser une étude de marché solide - voir ce qu'il a "dans le ventre - afin d'évoluer le potentiel du concept. Steven, entre projets personnels (avec sa coupine) et professionnels, ne devrait pas chômer non plus! Le retour "aux affaires" en France sera agité. On ne devrait pas s'ennuyer.
En attendant de pouvoir arrêter d'attendre, je m'en vais manger du riz blanc - et son lit d'œufs poêlés mélangé à quelques papas fritas - dans le troquet d'à côté. Buon proveccio!
Un gosse du village vient de faire son apparition dans le petit restaurant-boutique vêtu du haut de survêtement vert du club (de foot) de Sajama.
Tous les habitants, du bébé au docteur, tous semblent arborer fièrement les couleurs du village.
On aurait bien taper un peu la balle  avec les "Lionel Messi" du coin, mais j'ai peur que, cela aussi, ça me brasse le bide.
La tenancière de l'établissement me demande où sont mes compagnons. Je lui dis que je suis/étais malade. Elle me propose alors un thé maison à base de maté cueilli à quelques pas d'ici. Un remède magique de super grand-mère bolivienne ?
Il semblerait que la picouze d'hier soir m'ait remis un peu d'aplomb dans l'aile. Je ne peux pas encore voler mais déjà mon short ne descend plus plus bas que terre.
On va peut être pouvoir aller au bain thermal tous ensemble ce soir. Demain, si ça reste comme ça, je pourrais faire une petite marche. Youhouh !!
Je n'ai plus froid. C'est bon signe. J'écoute des chansons maussades. Pas le meilleur moyen de retrouver le moral. Marcelo vient de me faire visiter le 2eme étage, en construction, de l'hôtel. Avec le logo "Allibert" sur la poitrine, on passe un peu pour des indics. On va tout cafter en rentrant! En tout cas, le gérant se sera décarcassé pour nous offrir une prestation de qualité et la meilleure image possible. Le seul hic de l'établissement ce sont les matelas. Pour les personnes sujettes aux douleurs dorsales, c'est pas l'idéal. Bon, c'est pas dit que ce soit mieux chez le concurrent voisin. Il prévoit en outre d'installer le wifi, la télé dans le réfectoire et, d'autre part, d'aménager une terrasse sur le toit. Pour voir les étoiles.. au dessus du Sajama ou des "frères Pomerape et Parinacota". Il a les yeux qui pétillent. Il est fier de son entreprise et y a de quoi. Pas le choix, faudra revenir dans quelques années (avec femme et enfants ?) pour apprécier le surplus de confort et surtout réaliser ce qu'on aura pas pu faire cette année, c'est à dire beaucoup, beaucoup de choses ! S'il est bien un lieu que tout montagnard occidental, pas forcément alpiniste, devrait découvrir un jour dans sa vie, 6 lettres de noblesse à retenir : S-A-J-A-M-A.
Quelle chance d'effectuer ma convalescence dans ce paradis vert, mauve, blanc.. Dans ce minuscule village ancré au milieu de ce flot de volcans immenses. A Uyuni, entre le bruit, la pollution et les odeurs qui te donnent la gerbe, il eût été bien plus compliqué de retrouver la santé. Le calme et la bienveillance caractérise aussi bien les gens du village que les montagnes alentours qu'ils vénèrent. C'est magnifique cette insolente "lenteur léthargique". Les boliviens de Sajama prennent leur temps mais font les choses bien (alors qu'en Europe c'est souvent l'inverse!). Comme cette femme qui embobine de la laine en vue de l'enrouler plus tard autour des oreilles des lamas, pour l'esthétique diraient naïvement les touristes. Non, c'est avant tout pour séparer les femelles des mâles dont la viande est paraît-il plus fine..
Joachim et Steven sont rentrés, bien rincés. À les voir, on dirait deux potes d'enfance. Ce dernier m'apprend que le Belge sort de deux cancers et sa compagne en a un également et aura les résultats fatidiques de scanners mardi prochain. Un chouette type que la "vie" a malmené et qui aujourd'hui sourit à la vie, la remercie tous les jours.. notamment en bourlinguant de par le monde, son sac sur le dos ou les sacoches accrochées au vélo. Un nouvel ange a atterri dans notre univers Bike Andes Peaks un peu trop soupe au lait parfois. Celui-là s'occupe de la comm' d'un parc d'équipements sportifs associatifs en Wallonie. Il va nous filer un livre et des films pour la fin voyage, pour les futurs temps morts. Il est notre sauveur du jour.
Steven m'apprend à l'instant que le chewing-gum - un peu trop collant - qui s'était collé "bien comme il faut" il y a de ça une dizaine de jours sur l'un de ses caleçons X-Bionic, en s'asseyant au bord des bains de Polques, est quasiment parti.
16h10. Qui "retrouve-y-y-on" à l'hôtel ? Les annéciens rencontrés à Villa Mar bien sûr ! Ils viennent d'arriver depuis Potosi, après s'être rendu à Sucre. Rien qu'à les voir esquisser un sourire, ça pue la Yaute, le reblo' et ça sent bon l'exquis parfum du génép'.
Vers 16h, nous ressortons le tarot pour apprendre à Joachim les subtilités de ce jeu. Ce dernier met de la musique d'ambiance depuis son Mac, plutôt électro. On grignote des biscuits apéro en même temps. C'est fort reposant et un moment fort convivial comme disent les belges une fois. Steven attaqué le tri des photos notamment pour les partenaires. Voilà une tâche (pistache!) que j'aurais pu faire dans la matinée. Quelle "fainiasse" je vous jure !
Après un repas pris tous ensemble à l'hôtel Oasis, nous décidons à l'unanimité de nous lever à 4h30 pour faire le lever de soleil aux thermes. Ça fera pas de mal de prendre l'air.. en plus de l'eau chaude donc. Violette s'est fait mal au bas du dos ce matin en fonçant dans un.. chien. Je m'endors en essayant de reconstituer la scène dans ma tête.. Carpe andiem.

Mer.22/3: "Oasis is good" - N'avez-vous jamais rêvé de vous retrouver dans une source d'eau chaude à 6h du mat', seuls au milieu d'une plaine verdoyante, avec un troupeau de lamas qui pâture autour, dans l'attente que le jour se lève.. Merci à l'hôtel Oasis de nous avoir organisé ça. Manquait juste le café et les croissants et c'était parfait. C'était parfait quand même ! Une eau à près de 40 degrés, alors qu'au lever du soleil, la température atmosphérique était à peine positive. Ces vapeurs d'eau qui créent une atmosphère ouatée et ajoutent encore un peu plus de magie à ce lieu et à ce moment partagé entre tous frais (et tous frêles) amis. Le seul bémol quand tu fais ce type d'activité le matin, c'est que derrière tu es tout "flagada".
Le retour au village se fait à pieds. Il nous prend 1h30 environ. Sur le trajet, nous débattons dopage dans le cyclisme, tout en continuant à s'extasier devant les couleurs explosives des herbacées dans les près, l'épaisseur du manteau neigeux du Sajama, etc.
Une fois le petit déj' avalé au soleil dans la petite cour intérieure de l'hôtel, nous débutons une partie de tarot qui durera jusqu'à.. 21h! Elle sera seulement interrompue par le déjeuner et une partie de pêche pour Steven et Joachim, par un footing d'1h15 en ce qui me concerne. Quel bonheur de pouvoir de nouveau galoper, jumper d'un rocher à un autre et enfin escalader un bloc posé au milieu d'une mini dune coincée entre la colline du belvédère et les contreforts du Sajama. S'asseoir un instant, le tonnerre grondant tout autour de toi, l'orage menaçant de t'arroser. Essayer de sentir l'énergie tellurique et celle des autres matières vivantes, mousses, herbacées, grains de sable et insectes, qui se trouvent à tes côtés.. L'angle de vue sur le Pomerape est formidable. Dommage que mon appareil n'ait plus de batterie.
Malgré la mémorable branlée, c'était vraiment sympa de jouer aussi longtemps aux cartes en divers lieux. Sachant que la météo - marquée par des averses orageuses - ne nous permettait pas de bouger trop loin cet après-midi.
Ce soir, nous avons également rencontré un couple d'espagnols ainsi qu'une allemande. Avec Serge et Vorlette (prénom originaire de Bourgogne), nous nous sommes tous retrouvés à notre guinguette fétiche pour le dîner. Dommage que la pêche à la truite n'ait pas été bonne. Bon, il faut dire à leur décharge que la canne était.. pourrie. En fait, il s'agissait plutôt d'un bâton avec un fil accroché au  bout. Et puis sans appât, ça devient très compliqué. Du coup, on s'est retrouvé avec dans nos assiettes de la viande de lama coupée en fines lamelles et frit + des gros grains de maïs cuits. De mines perplexes lorsque la petite a apporté nos auges, nous avons vite retourné notre veste car ce fut excellent en fin de compte. Encore un chouette moment d'échange et de communion. De voir les nations et les générations mélangées ainsi, ça fait toujours une bonne impression. Ça peut paraître "cucu la praline" d'écrire cela, mais c'est si vrai, ça transpire tellement que ça fait du bien de le vivre et de le dire. La fille de la gérante est au petits soins avec nous, avec mon ventre en particulier. Le petit chat amuse beaucoup la galerie. Tout ce beau monde va vraiment fort nous manquer.
On a dit au revoir à Joachim. Il prend un bus tôt demain matin pour La Paz. On pourrait se revoir là-bas. On y croit fort. Sinon, il faudra (fort) pousser (le bouchon) jusqu'à Liège. Ce gars-là est fort aimable, fort généreux, fort en photo, un pince sans rire qui ne se prend pas la tête pour des conneries. Un bel exemple à suivre, inspirant, attachant. Plus qu'on compagnon de route, on perd un frère ce soir. Il ne sera guère aisé d'en retrouver une âme d'une si belle vertu.
Carpe andiem.

Jeu.23/3: "Lamavores" - Aujourd'hui, on entame la deuxième étape de mon stage de guérison, c'est à dire que je vais tester mon ventre et mon organisme en général sur le vélo. L'idée est ainsi d'aller se promener en direction de la laguna Huaynacota où nichent normalement c'est une colonie de "flamencos". On n'a pas mis de réveil. 7h21 et Steven dort encore. C'est rare pour être souligné. C'est la partie de pêche qui a dû le crever.. En même temps, pas besoin de s'énerver, la boutique pour faire nos courses pour le petit déjeuner ne doit pas ouvrir avant 8h.
On n'a pas revu Marcello de la journée, après qu'il soit parti travailler au champ. Ses lamas ont dû lui donner du fil (de laine) à retordre. Nous voulions lui demander s'il serait dispo vendredi pour nous guider sur l'ascension du Parinacota. Autres conditions sine qua non : que Serge fasse partie de l'expé et que Marcello nous accorde une petite ristourne. Si ça  ne se concrétise pas, nous trouverons bien un "5000" à faire avant de partir samedi matin tôt pour Patacamaya, où nous nous remettrons en selle avec comme objectif d'atteindre La Paz en fin de journée. D'ici-là, profitons de ces dernières heures passées ici car il s'agit sans doute de l'un des endroits les plus enrichissants du voyage, par rapport à ce que nous recherchions, par rapport à ce que nous sommes.
Bizarre de ne pas voir la bouille de Joachim ce matin. Marcello n'ont plus, on ne l'a toujours pas revu depuis hier matin, toujours à s'occuper de ses lamas. Selon le fils aîné de la famille, il s'agit d'un difficile labeur, l'une des tâches les plus prenantes de l'année. Il aurait été génial de pouvoir l'accompagner, vivre de l'intérieur la tradition, découvrir ce savoir-faire transmis de génération en génération.
La petite virée en tandem en direction de lagune s'est soldée par un bilan plutôt positif. Pas de flamands roses, pas de vue sur le "Pequeno Condoriri", surnommé ainsi car on ne connaît pas son vrai nom mais ressemble terriblement au vrai Condoriri situé près du lac Titicaca. Celui-ci a également des faux airs à la fois de Toblerone (=Cervin) et de Pointe Percée. Donc autant vous dire que ce tas de cailloux a de la gueule ! Malgré quelques gouttes de pluie sur nos lunettes (de BG) AZR et un ciel bouché de tous les côtés, on peut tout de même admirer la forme en cœur du lac sur lequel barbotent canards et poules d'eau. On se dit que par un matin de grand soleil, ce lieu doit être fabuleux. En fonction de notre emploi du temps jusqu'à samedi, pourquoi pas revenir. Allez, il est temps d'aller manger un "asado de llamas". Depuis le temps que j'attends de pouvoir goûter ce plat qui régale Steven depuis 5 jours maintenant, et avant qu'il n'y en ait de nouveau plus!
Un régal cette viande. Cette cuisinière est vraiment douée. Bon et maintenant on fait quoi ? Et bien on attend que ca s'éclaircisse un peu pour éventuellement retourner faire une p'tite tirée sur les hauteurs par là autour. Et puis on attend le retour et le verdict de Serge pour savoir s'il est partant pour tenter l'ascension de son premier "6000", à plus de 60 ans. Enfin, on attend Marcello pour 19h30-20h pour savoir si, éventuellement, il peut nous encadrer demain et, si oui, à quel prix.
Du coup, cet aprem, ça va être Yams, lecture, musique, écriture, peinture (sur fond de chiotte) et goûter.
Lundi, j'écrivais mes mémoires "d'outre-tombe". Aujourd'hui, je suis d'une humeur gaie, témoin du changement de mon état. J'attaque un Ken Folliet - "Le scandale de Modigliani" -, le livre que nous a légué Joachim.
Iam dit dans l'une de ses chansons qu'on est tous égaux devant la mort, qu'à la fin on tend tous la main vers les anges. La vie, ici à Sajama, elle nous tend les bras. À chaque bosquet de quenoas (petit arbuste endémique) au pied d'un versant ouest d'un mont rocailleux. À chaque recoin de maison dans le village, là où les hommes égorgent le lama et où les femmes tricotent sa laine. Chaque jour, d'un bleu azur sans nuage jusqu'en milieu de la matinée, on passe en quelques heures à un ciel couvert puis très chargé, avec les orages qui se déchaînent sur les sommets en fin d'après-midi. Et tous les jours ce processus immuable se répète. Et ce qui est impressionnant c'est de voir comment se forment les nuages, de quelle manière ils croissent et s'assemblent - alors que le vent est quasi nul! - pour créer au final une perturbation recouvrant la totalité de la voute céleste. Incroyable.
En sortant de la "cantine", notre restau fétiche situé légèrement en contrebas de l'hôtel, où nous avons pris le goûter et le repas du soir (encore du lama!) en cie de Serge et Vorlette, nous pouvons observer distinctement les étoiles, la voie lactée.. J'aperçois des formes de camélidés un peu partout.. C'est grave docteur ? Cette clarté soudaine alors même que 2h plus tôt, c'était encore le chaos dans le ciel. Malheureusement, Serge ayant décliné l'invitation pour le Parinacota, on décide de faire une croix sur cette montagne, pour cette fois. Trop cher et pas sur que les conditions y soient optimales avec tout ce qui est tombé au cous des dernières 24h. On se contentera d'un "5000" demain si tant est qu'on ait le créneau météo. Toujours aussi galère d'avoir de l'eau chaude mais pas trop (chaude) lorsqu'on se lave. Encore un luxe qu'on a en France et qui se doit d'être d'autant plus apprécié. Le chauffe-eau au gaz, c'est une aventure. Plusieurs aller-retours entre celui-ci et la douche peuvent être nécessaires. Steven, dans l'empressement, vient de se prendre le haut de l'encadrement de la porte de la salle de bain. Ça a fait un bruit sourd. Bien sonné, il sait encore où il habite, c'est le principal. Les os du crâne sont solides. Une fois ses esprits retrouvés, il est allé sous la douche - brûlante - pour se rafraîchir les idées avant d'aller s'emmitoufler dans son duvet. Je préfère rester sale, se doucher comporte trop de risques de blessures. Carpe andiem.

Ven.24/3: "À jamais Sajaméen" - "From Sajama with love" - Ce matin, nous hésitions entre nous rendre en direction des geysers, à vélo ou à pieds, ou bien faire le sommet de plus de 5000m d'altitude que Serge et Vorlette ont réalisé hier, l'une de "tarentules" géantes du Sajama. Finalement, nous avons opté pour la seconde option, pour des raisons de timing surtout, et on ne l'aura pas regretté. En effet, ça s'est très vite gâté au dessus de nos casquettes. Heureusement, contrairement au couple annécien parti de l'autre côté de la vallée et rapidement sous les nuages, nous avons bénéficié d'une courte fenêtre météo un peu avant midi, nous permettant de faire des photos de folie au sommet. Une fine couche de neige recouvrait ainsi le sol rocailleux, en face d'un Sajama brillant tel un diamant blanc, alors que d'énormes cumulus venaient s'écraser contre ses parois vertigineuses. On pouvait deviner un itinéraire de montée sur sa face sud-est. De voir d'aussi près ces pentes immaculées, cette divine conception de la Nature.. Sur qu'on reviendra poser nos crampons et nos piolets un jour sur ce colosse dominant toute une vallée et qui fait la fierté de ce village et d'une région toute entière. Que la terre est belle, que l'univers regorge de richesses, quand tu te retrouves là face à une montagne aussi resplendissante. Le genre de vue qui reste à jamais gravée dans ta mémoire. Il aurait fallu monter un chevalet, une toile, un pinceau et quelques pots de peinture ce matin.
A 12h pétantes, le ciel s'est mis à péter - "non je t'assure que c'est pas moi Steven!" -, des éclairs frappant les versants est de la chaîne à la frontière entre le Chili et la Bolivie. Le tonnerre se rapprochant de plus en plus, des grêlons commençant à nous griffer le visage, nous avons fini en courant pour nous calfeutrer dans l'hôtel.
Steven a préparé la remorque. Je me suis accaparé un moment la cuisine pour faire cuire des spaghettis - ça y est, nous nous sommes cru chez nous - et la gestion de la douche (chaude pour moi, froide pour Steven) nous aura encore bien occupés. Un thé offert par Vorlette, une tablette de Milka, une nouvelle partie de Yams puis de solitaire, un peu d'écriture et l'après-midi est déjà bien avancé. 17h13: l'heure des Pringles. Non, c'est pas très sérieux, attendons encore un peu. Steven me dit à l'instant: "on va prendre l'eau bientôt!". La pluie ne faiblit pas. Le couloir est inondé mais la toiture des chambres semble tenir bon. Il est tout de même un peu dommage et frustrant que la saison des pluies se soient décalées cette année. Surtout que nous ça va on est tranquille au chaud, mais pour ceux qui doivent s'occuper de leurs bêtes - dont Marcello - ainsi que pour les travailleurs dans le bâtiment, et bien c'est vachement moins marrant.
Après quasi une semaine passée ici, nous repartons (a l'aube) demain matin. Un convoi de français puisque nous reprenons la route en même temps que nos amis d'Annecy. On ne va plus se quitter jusqu'à la fin du voyage si ça continue! Et si on se recroisait sur les ruines du Machu Picchu? Au plus tard, ce sera à leur retour en France, sur les bords du lac pour leur conférence (avec petits fours au reblochon).
Ah et j'allais oublier une anecdote assez sympa survenue lors de notre rando matinale. Le fait qu'une petite chienne noire nous ait suivi sur le premier tiers de la montée, la même qui avait suivi Serge et Volette hier (- il faut qu'on leur raconte -) ! Trop "choutte" la mémère. Sans un coup involontairement donné par Steven  dans la mâchoire et un terrain un poil trop accidenté pour son gabarit, elle nous aurait très certainement suivi jusqu'au bout la "louloute". Celle-là, on l'aurait bien embarquée avec nous! On aurait pu lui aménager une niche (mobile) dans la remorque. Le souci c'est qu'elle se nourrit principalement.. d'oisillons. Steven eut la bonne idée de prendre une photo de famille précisément avec toute la famille de notre restau favori, celui qui représente le mieux pour nous Sajama, sa viande de lama, ses rares truites, son riz (à profusion), ses papas fritas et ses œufs à toutes les sauces. Même pas pu dire au revoir et merci à Marcello. C'est à son fils aîné (de 15/16 ans) que nous avons du régler la note de l'hôtel. Ainsi, aucune négociation n'était possible. Malin le lynx. Si, Steven obtint 6 bols (soit moins d'un euro) de rabais! Hormis les fuites dans les douches, dans le couloir donnant sur notre chambre, au niveau de la réception.. Hormis les éclaboussures de béton sur à peu près tous les murs extérieurs - pour ça, c'est pas "Wonderwall" cet Oasis là -, et nonobstant le fait que la prise de notre radiateur ait fondu. Hormis toutes ces petites imperfections, c'était parfait.
La journée de demain s'annonce à rallonge - et rocambolesque ? - alors ne raccourcissons pas trop la nuit. Carpe andiem.

Sam.25/3: "Highway to elles" - Un samedi pas comme les autres, bien chargé et pour une fois on est même sorti le soir ! Enfin on est allé manger une pizza avec Oscar, 3 de ses fils, Alejandra la femme d'Ariel, le plus vieux de ses enfants présents et enfin le frère d'Alessandra. Une bêle tablée en somme et un super moment venu clore une journée quasi parfaite.
En effet, pour faire au plus court, nous sommes partis de Sajama en "micro" à 5h. Puis, après un changement de navette en raison d'une fête dans un pueblito où se tenait un grand marché, nous sommes arrivés sur les coups de 8h45 à Patacamaya, toujours accompagnés de Serge et Vorlette, nos plus fidèles admirateurs désormais, et surtout des vrais amis. Pour la petite histoire, nous avons rencontré entre hier soir et ce matin pas moins de 5 autres français! On a rien contre les gaulois - étant donné que nous cocoricotons nous aussi, l'inverse serait compliqué - mais on aime bien aussi la diversité, plus de mixité et puis c'est pas comme ça qu'on progresse en espagnol.
Donc, avant d'être accueillis comme des rois par l'agence Colibri (merci Allibert!), nous avons roulé "plein badin" sur la route n•1, l'équivalent de nos autoroutes en occident. C'est assez cocasse de franchir les péages en vélo, les poids lourds sur la file d'à côté. On peut pas dire qu'on est en a pris plein les mirettes pendant 100 kms. On est a pris plein les bronches, ça oui. Ce qui nous a fait tenir la cadence ? Le soutien des annéciens - qui nous ont filmé au avant notre départ, lors du montage du "tandem-remorque", à Patacamaya - et celui de tous les boliviens croisés sur le trajet. Bon, on l'apprendra plus tard de la voix d'Ariel notamment, en Bolivie les gens ont le klaxon facile. On a jamais eu un bilan journalier aussi élevé. Au moins 200 selon Steven. Certains nous ont fait sursauter. D'autres petits signes de la main ou sourires en coin, ou encore regards hébétés d'enfants nous ont bien amusés. Il faudrait en photographier certains, s'arrêter pour immortaliser l'instant incongru. Mais nous n'avons malheureusement pas le temps.. avec nous. Il nous faut encore une fois tracer afin d'arriver à La Paz avant que l'orage ne s'abatte sur la ville.
L'arrivée par El Alto (2 millions d'habitants, contre 1,7 pour La Paz) est vertigineusement grandiose. Si l'on met de côté le traffic monstre, les gaz d'échappement et les odeurs d'huile moteur inhalés et toutes ces pollutions visuelles engendrées par les marques. Le fait de découvrir cette immense étendue rougeoyante, de constructions en briques pour l'essentiel, qui forme la capitale du pays. Après Sajama et ces rares habitants éleveurs de camélidés et de moutons. La tempête après le calme. Pas besoin de s'appesantir sur le coté contrastant. En outre, il y aurait en moyenne deux chiens par habitant en Bolivie. Ici, c'est particulièrement visible. Et ce ne sont pas, pour la grande majorité, des caniches "à mémère" impeccablement dressés.
Après une descente sur des pentes frisant parfois les 25%, nous arrivons devant l'immeuble de l'agence, les disques brûlants et les jambes bien lourdes.
Alors que nous pensions passer une soirée reposante (on se reposera quand on sera mort), à peine le temps de boire un café avec les responsables de Colibri, à peine le temps de donner des nouvelles à celles qui nous sont chères, pas même le temps de se doucher, que nous enfilons short et baskets pour aller faire une partie de volley au sous-sol de l'immeuble! Fin des matchs à 21h bien sonnés. C'est alors qu'Oscar nous propose de nous emmener en voiture faire des courses puis manger une pizza avec une partie de sa famille. Avec tout ça, nous sommes de retour dans l'appartement de son frère - qu'il nous loue pour la modique somme de 70 bols (10€) la nuit - à minuit, amenuisés. Et demain / tout à l'heure, nous allons faire un tour de vélo jusqu'à "la cumbre", le col d'où part la fameuse route de la mort, avec le fils Ariel, "Juancho" son beau-frère guide - sensé nous guider sur l'ascension du Hayna Potosi - et leur compagne respective. Le réveil va piquer dans moins de 5h. Quelle journée ce fut. Que de belles rencontres, encore, de celles qui font fondre les cœurs. À l'instar de nos "elles" de France qui nous ont permis de voler vers nos rêves d'aventure et nous guident au milieu des tempêtes. Elles comptent plus que tout. Ce fut ainsi un peu "highway to hell" mais ce fut avant tout "highway to elles". Carpe andiem.

Dim.26/3 : "La Ruta de La Muerte" - La route de la mort. Mortel comme nom n'est ce pas? Ça claque. C'était pas prévu, on était pas au courant mais on s'est finalement retrouvé au départ de cette "carratera" bien connue, que des milliers de touristes empruntent chaque année en VTT (loué). On hésitait à la faire avec le tandem mais les portions caillouteuses nous ont quelque peu refroidies. Autant repartir en un seul morceau de La Paz en fin de semaine prochaine. On en aura eu un petit aperçu aérien au moins.
Au final, nous aurons tout de même pédaler pendant près de 6h, empruntant par moment des chemins assez techniques du fait des ornières creusées par l'eau. La vue au sommet aura été gâchée par les nuages. Elle aurait due être exceptionnelle. Mais la rando, reliant plusieurs lacs d'altitude, restera comme une belle sortie improvisée, embellie par la bonne humeur communicative de ses organisateurs.
Un petit point sur les comptes en rentrant à l'appart et nous nous rendons compte qu'on sera ric-rac pour la fin du voyage. On met le Huayna Potosi en stand-by. De toute façon, les prévisions pour les 5 jours à venir sont au mieux mauvaises. Idem pour d'autres éventuels "6000" d'ici la fin du trip. C'est principalement Ojos del Salado en février qui nous a mis dedans. La location d'un pickup sur une semaine au Pérou va également pas mal grever le budget. Finis les glaces. Le superflu aux oubliettes. Va falloir encore plus flairer les bons plans, manger encore un bon paquet de paquets de pâtes et ça devrait jouer.
Allez, allons toquer chez Ariel, 3 étages en dessous, pour discuter avec lui de la suite du programme. Faisons ensuite un petit tour en ville pour trouver de quoi nous caler les côtes. Et dormons !
Ariel n'était pas chez lui. Il ne répond pas non plus sur WhatsApp. On verra demain matin, tant pis. Le fromage était infect et le yaourt commence déjà à tourner. Sur ce, moi je vais me coucher. Tout de même, c'est beau une si grande ville dont le nom signifie "la paix". Bonne nuit gros (Steven) et bonne nuit à tous. Carpe andiem.

 

Lun.27/3: "Une journée en paix" - Journée paisible consacrée à se reposer et élaborer le planning pour le restant de la semaine. J'évoquais hier la Route de la Mort - "el Camino (ou la Ruta) de la Muerte" -, nous allons plutôt essayer d'emprunter la route ou plutôt les routes de la vie d'ici la fin de notre périple. Steven s'est pas mal renseigné et a appris au réveil que le Pérou a été durement touché par El Nino. Nous sommes sincèrement attristés par cette nouvelle. Tout comme je viens d'apprendre que la demi-sœur d'une amie atteinte d'une maladie rare - et grave - vient de décéder. Nous sommes donc doublement peinés, certes pas pour les mêmes raisons mais d'apprendre que la vie a été ôtée à de si nombreuses personnes ces derniers temps, de cette manière, c'est.. la vie comme on dit mais c'est rude. Alors que toi, ta seule préoccupation actuelle - ou presque - c'est ton plaisir personnel, au pire la gestion d'un budget "voyage" un tantinet serré. Quel décalage.
De notre côté, on peut dire qu'on est très très chanceux d'être tombé sur des gens aussi charmants, avec une telle culture (de l'histoire de La Paz et du continent en général, des activités outdoor a pratiquer dans la région..) et aussi enclins à nous offrir un programme a la fois alléchant et économique pour notre étape dans et autour de la capitale bolivienne. En arrivant ici, on ne s'attendait pas à vivre un week-end puis une semaine aussi remplis. Pouvoir passer du temps ainsi au milieu des habitants de la Paz, avec un tel niveau de confort. Rêvasser en regardant par la fenêtre la ville s'embraser à la tombée de la nuit. Embrasser du regard la Cordillère Royale, même si elle reste pour le moment en grande partie dissimulée derrière un rideau de nuages coriaces. Boire un thé saveur maté avec nos amis annéciens dans un café de la Plaza del Estudiante. Se le faire un offrir par ces gens d'une infinie richesse intellectuelle. Avoir de légers maux de ventre car on a mangé de la salade verte au déjeuner. Repenser au cours d'histoire et de politique dispensé par Oscar sur les faits marquants constitutifs de la nation, sur Evo, sur les relations avec les autres pays d'Amérique... Cette journée s'avère réussie. On a appris que Juancho nous faisait un très bon tarif pour l'ascension du Huayna Potosi (6088m) que nous entreprendrons mercredi et jeudi matin. De vendredi à dimanche, nous devrions également retourner au Salar de Uyuni, au nord cette fois-ci, avec Ariel et Alejandra pour y réaliser la montée - jusqu'au cratère - et la descente du volcan Tunupa à vélo. L'idée consiste, à la même occasion, d'effectuer un aller-retour de 80km environ sur le Salar et de planter la tente pour une nuit sur l'Isla Incahuasi ou bien l'île voisine. A confirmer mais ce serait génial, si ça sèche un peu d'ici là, de pouvoir rouler sur des alvéoles dessinées par le sel, après l'effet miroir d'il y a 10/15 jours.
Enfin, cette journée fut marquée par le survol de la cité en télécabine. Nous avons ainsi emprunté la ligne "d'œufs" verts jusqu'au terminus à l'extrême sud, dans les quartiers chics, survolant de nombreux monuments et édifices d'envergure. Un très bon moyen d'obtenir une jolie vue d'ensemble de La Paz, sans (trop) se fatiguer. Demain, on part à la découverte du centre historique! Enfin, l'ultime bonne nouvelle c'est que nous devrions assister à la rencontre de football internationale Bolivie - Argentine (avec Messi) demain soir à 17h. Au delà du côté sportif, c'est la liesse populaire liée à cet événement qui nous intéresse. Ne reste plus qu'à espérer qu'on puisse obtenir des places et des maillots jaune, rouge et vert pas trop chers. Ce soir, nous mangeons des burritos faits maison. Ça manque de tomates et de poivrons frais, sinon c'est plutôt bon. La fatigue se fait ressentir. Il va falloir bien se reposer encore les prochaines 24h car derrière ça risque d'être dense. Carpe andiem.

Mar.28/3: "Bo-li-via!" - Le virage nord qui entonne "Bo", puis la tribune est qui crie "li" et enfin la curva sur (= virage sud), où nous avons pris nos places, qui termine avec un "via" exalté. Au final, le match ayant débuté à 16h, cela nous aura occupé tout l'après-midi. Une victoire 2-0 contre des argentins privés de leur messi(e) - suspendu parce qu'il a insulté la mère de l'arbitre du dernier match disputé par la sélection albiceleste - et qui, semble-t-il, ont souffert de l'altitude. Pourtant, ils ont pris du Viagra ! Ah ces footeux, ils ont le chic pour nous faire rire. Du pain (français) et des jeux. C'est pas à Evo qu'on va apprendre cela. C'est pas au vieux singe qu'on apprend à faire la grimace. Pour ça, du pain avec une tranche de jambon à l'intérieur dans le stade, il y en avait. Tout comme des boissons fraîches (= du Coca), du café, des glaces, des empanadas, etc. En Europe, tu dois le plus souvent te rendre dans les coursives pour pouvoir acheter une bière et/ou un sandwich. Ici, tu es livré "à domicile" par des funambules, pas besoin de te lever de ton siège. Oscar nous dit de regarder en direction de la tribune présidentielle. Evo Morales est sensé y être confortablement installé. Demain (mercredi), il doit partir pour Cuba où il va subir une opération visant à enlever un nodule dans sa gorge. D'abord, le directeur de Colobri nous fait marcher en nous faisant croire que c'est pour se faire retirer la testicule gauche afin qu'il penche un peu plus à droite... Très fin n'est ce pas !? Bon, vous l'aurez compris, on se sera bien fendu la poire. Voir ces petits boliviens écraser les stars argentines. Assister à cette victoire historique dans un stade quasi plein et ce, malgré le pluie en début de partie qui a rendu le terrain très fusant. Avec notre morceau de polystyrène sous les fesses, notre poncho prêté par Oscar et notre maillot de la Bolivie - pas très visible du fait du poncho -, il ne pouvait nous arriver grand chose. Un bon moment de partage et de communion avec le peuple de La Paz en somme.
Sinon, ce matin, nous avons bien avancé sur nos différentes tâches concernant la communication autour du périple d'une part, et la planification du mois d'avril au Pérou.
Demain à 8h, Juancho passe nous prendre devant l'immeuble, direction le camp de base du Huayna Potosi. On devrait avoir un petit cerveau pour le sommet jeudi avant 8h.
N'ayant pu nous rendre dans la vieille ville et la rue des musées aujourd'hui, nous pensons finalement y faire un tour jeudi en rentrant de notre tentative d'ascension en Cordillère Royale. Et avant de repartir pour un tour dans les Andes, toujours autour de La Paz, avec Ariel cette fois. Enfin, entre temps, nous devrions avoir préparé et mangé une tartiflette. Oscar s'est mis en tête de nous dégoter du fromage kipu - "the rebloch' quest" - d'ici jeudi soir. En tout cas, cette mission reblochon qu'il s'est assigné semble lui tenir à cœur. On ne va pas l'en empêcher. Autrement, on fera.. autrement, avec du camembert par exemple. Ce sera une "camouflette" (ou un camouflet) du coup. Bref, on trouvera bien un truc à faire - un gratin dauphinois au pire - pour remercier cette famille en or.
Carpe andiem.
Mer.29/3: "Juancho, épisode 1" - Depart à 8h de La Paz pour le camp d'altitude du Huayna Potosi avec Juancho, le beau-frère d'Oscar, notre guide UIAGM. C'est pas tant Rancho dans le style vestimentaire, celui-là n'a pas la moustache "qui va bien". Et il est plus bavard. Mais ce Juancho, il a de Rancho l'humour sarcastique et il est un as en matière de comique de situation. Enfin, nous le verrons au fur et à mesure mais il semblerait que ce soit un excellent guide de haute montagne, très sérieux et très pro quand il le faut.
La montée en cie d'un couple de lyonnais, d'un allemand et d'un suisse-allemand se fait plutôt lentement, Laurie ayant des problèmes d'hyper-ventilation. A mi-parcours, Juancho lance la bataille. Steven riposte par une boule, non un bonhomme de neige lancé dans sa joue gauche. La météo est morose. On voit rien du paysage alentour et Dieu sait qu'il doit valoir le détour par beau temps. El Nino. Une fois arrivés au refuge, nous enchaînons "mathés de coca" sur "mathés de coca". Puis l'almuerzo (= le déjeuner), pas très copieux pour nos estomacs sur pat(t)es. Nous sommes accueillis dans le dortoir par un chat (perché). Un groupe de grenoblois bruyants et ronchons vient d'entrer dans le bâtiment. La Bolivie serait-elle devenue un Dom-Com français ? Décidément, le chômage touche beaucoup les jeunes dans l'hexagone! Allez, posons le portable un moment et tâchons de somnoler une trentaine de minutes, car derrière, entre le réveil matinal et le manque d'oxygène, la nuit sera tronquée. Après une mini sieste, rdv était donné par Juancho à 16h pour un faire un point matos + un brief sécurité. C'est là que notre guide nous apprit qu'il fallait "monter comme un vieux et descendre comme un jeune". Bon, ça on le savait déjà. En revanche, le coup du "pas de John Wayne" (comprenez marcher les jambes écarter pour ne pas accrocher son pantalon avec ses crampons), on ne l'a pas vu venir. Ce Juancho dégaine plus vite que son ombre !
J'aurais pu m'allonger dans l'autre sens. J'aurais eu une vue panoramique assez géniale, comme on n'en voit pas souvent depuis sa "chambre". Peut-être pas l'idéal pour s'endormir vous me direz. On a eu beaucoup de chance. Le brouillard s'est dissipé tout à l'heure. C'était "photo time". Puis "popo time", "brossage de chicots time". Et maintenant c'est "dodo time". Car, demain, le réveil est fixé à minuit. Il est 18h32. Va pas falloir trop tergiverser, faire preuve d'efficacité pour s'endormir avant que les bûcherons ne mettent en route les tronçonneuses ! Avec tout ce qu'on a bu comme thé, ce serait pas étonnant qu'on se lève dans la soirée pour faire un petit pipi.. Carpe andiem.

Jeu.30/3: "Un gros popo" - "Juancho - épisode 2" - On aurait pu titrer également le titre de dette journée "the Juan Show". Premièrement, c'est lui qui nous a motivé à venir faire le Huayna Potosi, un "grand popo" avec ses 6088m d'envergure au-dessus de la mer et surtout une arête finale sur la voix normale qui ne correspond en rien aux standards d'un soit disant "6000" facile, pour certains le plus accessible d'Amérique. De plus, depuis le début, Juancho a été optimiste quant à la météo prévue jeudi matin, pour la cumbre. Avec Steven, on était un peu sceptique, en tout cas prudent vu le temps qu'on s'est coltiné au cours du mois écoulé. Au final, on est heureux de s'être levé à 23h45 pour atteindre le sommet - notre 3eme "+6000" réussi - vers 6h15 pour un lever du jour mémorable. Par ailleurs, on est vraiment content et honoré d'avoir pu le faire avec un guide de haute montagne aussi altruiste, charismatique et drôle. Sans lui, nous aurions eu beaucoup de mal à nous engager sur l'arête finale avec autant de gaz des deux côtés et sans connaître au préalable le terrain lorsqu'il est en situation plus classique, c'est à dire avec beaucoup moins de neige qui tombe naturellement du ciel.
Dautre part, Juancho tel un gaucho capable en une demi-seconde de dire s'il manque une bête dans son troupeau, a été très réactif pour me prêter sa paire de gants lorsque j'ai eu très froid, au 3/4 de la montée et ce, de manière tout à fait spontanée. Nous avons eu froid aussi parce que le rythme était inhabituellement lent pour nous et l'ascension entrecoupée de nombreuses pauses où l'on se refroidissait à chaque fois. Et puis c'est vrai enfin que le fait de ne pas dormir la veille ne doit pas arranger le chmilblic en termes de réserves chaleur. C'est juste con d'avoir laissé la grosse doudoune au refuge. Cela aura eu le mérite de rendre l'épreuve un peu plus ardue. Sur la vingtaine d'autres clients ayant tenté le sommet ce jour-là, alors qu'à priori il s'agissait pour chacun d'entre eux d'une grande première, seuls trois ne sont pas allés en haut. Et parmi eux, on retrouve le jeune français, trop impatient et voulant certainement un peu trop impressionner la galerie, qui fait beaucoup de sport - qui "se tue dans les pompes et capable de courir pour accéder au Machu Picchu - qui est parti trop vite ce matin. L'erreur de base, la plus fatale. Si en plus il a fait une indigestion la veille.. Autrement, même des filles n'étant pas spécialement montagnardes et n'ayant jamais mis de crampons auparavant ont réussi ce "grand popo"! C'est chouettes quand tu vois leur niveau d'investissement, l'énergie déployée et leur tronche - livide - à l'arrivée. Quand tu les vois s'affaler sur leur matelas sans même se déshabiller, alors que vient de leur être servie une soupe.. Tu te dis qu'elles ont puisé et que le Huayna Potosi ça n'est tant une ballade de santé comme on l'a décrit trop souvent. Le plus impressionnant je crois c'était Dominique, la seule qui ne parlait pas la langue de Molière avec Patrick le grand blond suisse-allemand (qui ressemble comme deux gouttes d'eau au sprinteur français Christophe Lemaitre). Cette dernière paraissait carrément au bord de l'implosion physique et mentale. On se demandait bien alors comment elle allait faire pour redescendre à pieds au camp de base. Nous, ça allait pas trop mal. Un peu fatigués, forcément. Steven était un peu brassé et le trajet retour entre le camp de base et La Paz n'arrangea pas l'affaire. Mais après un bon gueuleton à base de pâtes aux épinards et d'empanadas, c'est comme avec un mars, c'est reparti sur la planète "BAP".
Ce qu'on retiendra, au delà de la vue somptueuse offerte depuis le point culminant de la montagne, c'est la superbe prestation fournie par Juancho et ses deux acolytes guides. Nous avons ainsi eu l'honneur d'être guidés par l'un si ce n'est le meilleur guide UIAGM boliviens, sachant qu'ils ne sont pas plus d'une dizaine.
D'autre part, on se souviendra longtemps de cette montée dans la nuit totale, le noir profond seulement perturbé au sud par les éclairages orangés d'El Alto.
L'après-midi, nous nous retournons le cerveau avec Steven pour tenter de trouver la meilleure formule - la plus économique et en même temps la moins chronophage - pour la visite du Machu Picchu, ce crochet difficilement contournable, avec Julie et Stephanie les 18 et 19 avril prochains. Le tarif du train s'apparentant à du vol qualifié, nous devrions opter pour l'option plus "roots" et beaucoup plus sportive du coup.
La journée se termine en beauté par une pseudo-tartiflette cuisiné par nos soins. Hormis les patates al dente, le manque de lardons , d'oignons, de sel et de poivre et hormis la qualité médiocre du fromage - un reblochon Suisse sans croute et un autre fromage italien dont j'ai déjà oublié le nom, plus parfumé mais beaucoup moins crémeux -, cette tartif' était.. mangeable. Comme Alejandra a affectueusement dit à la fin du repas: "ça change". Oscar ne nous a pas loupé non plus, en comparant notre œuvre à de la gastronomie anglaise. En effet, ce plat lui a fait penser à un trek avec un groupe de britanniques qui se faisait tous les soirs une sorte de soupe infecte. Sympa. À notre décharge tout de même, on n'a pas fait la cuisine depuis bientôt 4 mois, on s'est servi d'un four à gaz qu'on ne maîtrisait pas franchement. De plus, les patates avaient bon goût mais les éplucher sans économe était "ingerminable". Enfin, une reblochonnade sans reblochon c'est comme faire du vélo sans bicyclette. Cependant, il ne faut pas se chercher des excuses et apprendre de ses erreurs pour continuer à s'améliorer. La prochaine fois (en France), elle sera réussie ! En remontant pour la dixième fois de la journée les trois étages qui séparent notre appart de celui d'Ariel, essoufflés, nous sommes heureux de nous dire que ce sont les derniers mètres de D+.
On va une ultime fois au popo puis on ne se fait pas prier pour aller au "lili". Carpe andiem.

Ven.31/3 : "The butterfly road" - Difficile de dormir après 8h. Entre la lumière qui traverse les rideaux, les motards qui mettent du gaz en montée et par dessus tout les automobilistes qui klaxonnent, c'est impossible en fait, à moins de mettre des boules Quies et un masque obstruant.
A 10h, on descend en bas de l'immeuble pour rejoindre Ariel et Alejandra. On part pour la "jungle" comme disait hier Juancho, lorsque nous voyions l'Amazonie depuis le sommet du Huayna Potosi. Oscar tient à nous aider à charger les vélos et le restant des affaires pour les 2 jours à venir. C'est de nouveau Marco, le chauffeur attitré de la boîte, qui nous emmène à la cumbre, au départ de la route de la mort, où nous étions déjà 5 jours plus tôt. Mais cette fois-ci, c'est pour l'emprunter, en tandem ! Un peu empruntés avec Steven, pas totalement remis de notre "6000" de la veille, la pluie battante - je dis à Ariel: "c'est pas un temps bolivien ça, c'est un temps breton!". Au moment de traverser la longue avenue près du grand stade, Alejandra nous apprend que 90% des constructions à la Paz sont sauvages, leur emplacement représentant bien souvent un risque en termes de solidité et donc de sécurité. Vers 11h, nous déchargeons tout le matériel et attaquons la bajada en ne voyant pas à plus de 20m. Le brouillard ne se dissipera que bien plus tard, en deuxième partie d'après-midi. La truite para el almuerzo est bien passée par là où elle est passée. Vers 16h, comme promis par Ariel, une fois dépassé la bande où il pleut quasiment toute l'année, nous faisons un break pour faire sécher nos vêtements gorgés d'eau au puissant soleil. Notre ami "guide" est bon. Il avait vu juste. Nous dévorons également une part du délicieux cake - aux amandes, noix, banane, et cannelle - de sa mère. La fin de la route de la mort est plus tranquille, les précipices à gauche de la route étant moins fréquents et plus petits. Tu te demandes juste comment les conducteurs de camions et de bus faisaient avant pour rouler sur cette route où les barrières font clairement défauts à certains endroits plus qu'escarpés. Sur la partir finale du parcours, on peut apercevoir au moins 5 familles de papillons différentes. Le plus spectaculaire c'est assurément celui qui a des ailes blanc - beiges à l'intérieur et bleues violacées à l'extérieur et dont l'envergure peut vite faire la taille de la paume de la main de Steven. C'est dire si elles peuvent être grandes ces bébêtes! Et encore, ce n'est rien à côté du plus grand papillon du monde - de la famille des Morphos -, visible dans le coin. Il se pourrait même que l'on ait aperçu l'un des spécimens les plus rares. Tout semble plus gros ici et dans les Andes en général: les montagnes, les yaourts à boire, les poules, les scarabées, les papillons, etc.
Ce soir, pour le dîner, c'était soupe de riz (+ pommes de terre, un morceau de bœuf et quelques herbes), puis riz-poulet. Alejandra se contente quant à elle de l'entrée puis prend un café et du pain à faire tremper dans le liquide fumant. Ne manquait qu'un banana split et le repas du soir était parfait.
Nous finissons la soirée - très tôt, peu après 21h - à discuter de rien et de tout au bord de la piscine, le croissant de lune voilé (lune voilée présage de la pluie pour le lendemain..) d'abord en visu puis dévoré par la montagne. Demain matin, on fait le plein d'énergie en goûtant les bananes plantains et les mandarines cultivées autour ! Avant de reprendre la bécane direction Coroico. Dans 8h30, c'est le cocorico del pueblito qui nous réveille. A peine la force de lire une page de mon livre de poche. Le sommeil est proche. Je tombe dans les draps de Morphée. Carpe andiem.

Sam.1/4: "the falls road" - "Welcome to the jungle" - "El clandestino" - Il pleut bergère, rentrez.. les vélos. Un coq vient de crier. 7h03. On entend bien le bruit du torrent. En plus de la fonte des neiges d'altitude, la pluie a dû contribuer à bien remplir son lit. Autant jusque-là, nous n'avons pas été forcément gâtés par la météo mais en haute montagne, pour nos sorties en andinisme. Autant là, depuis quelques temps, depuis 3 semaines environ, El Nino nous rend la vie plus compliquée en arrosant les plaines de la région de La Paz dès le matin. Du coup, à l'inverse de l'eau des rivières, c'est tout de suite plus dur de sortie de son lit dans pareille situation. Enfin, nous on a choisi d'être ici, d'en chier par moment, en sachant que de la productivité de notre journée ne dépend la survie ou du moins la santé et le devenir d'une famille. Et puis on n'est pas en sucre, on ne va pas fondre (- on revoit nos mères nous dire cela 15 ans plus tôt -), c'est pas 2 gouttes qui vont nous arrêter.
On repart donc à l'attaque pour 74km (le nombre parfait !) jusqu'à Caranavi, considérée comme la véritable porte d'entrée de l'Amazonie depuis la Paz et capitale du café bolivien, dans cette si belle vallée des Yungas. Ainsi, le plan était de passer de 2200m à 500m d'altitude. Il y a moins de 48h, nous étions à 6088m. Et puis enchaîner andinisme et cyclisme à des altitudes et des conditions atmosphériques aussi variées, c'est ce que nous étions venus chercher en venant dans les Andes, et en vendant le projet à nos sponsors. C'est donc chose faite grâce à Colibri, Oscar, Ariel et Juancho! Après le paso et le nevado San Francisco.
Que dire si ce n'est regardez notre film sur La Paz pour voir des images de cascades.. en cascade. Après l'effet papillons d'hier, c'était "la route des cascades" aujourd'hui, à la fois inattendues et plus démesurément vertigineuses les unes que les autres. C'est pour ça que pousser plus loin après la Ruta de la Muerte, ça vaut vraiment le coup de pédale, et ce, malgré la route encore en travaux et, de ce fait, défoncée par endroits.
Après une cinquantaine de kilomètres, à environ 10km de Caranavi, nous voyons un camion vide arrêté sur le bord de la chaussée avec écrit sur le pare-brise "sale a La Paz". Ni une, ni deux, "Alé" commençant à tirer la langue et Steven et moi désirant rentrer au plus tôt à l'appart', nous demandons au chauffeur à quelle heure il part - "ahorita" (= tout de suite) - et s'il est ok de nous emmener. Son job consiste à transporter des fruits mûrs. Pour une fois, ce seront des "fruits" pas très frais qu'il va charger et charrier. 16h52. Vamos pour le tour de manège - quasi gratuit - ou plutôt de touristic truck avec toit panoramique (= pas de toit). L'idéal pour faire une dernière fois le plein de verdure, d'humidité et de fraîcheur avant de retourner dans la jungle de la capitale et avant de repartir la semaine prochaine sur des axes plus encombrés. On ne pouvait rêver meilleure fin pour ces deux nouvelles pages de notre voyage. La "nouvelle" route qui mène à La Paz n'est pas aussi verticale que l'ancienne, mais c'est pas flagrant non plus ! Alors à l'arrière d'un camion, de nuit, c'est tout aussi impressionnant et fun. Nous sommes à présent serrés les uns aux autres, adossés à la paroi la plus proche du moteur, à l'abri du vent. "Alé" a un peu la tête qui tourne et y a de quoi. Encore 1h, peut être plus. C'est plutôt sympa de pouvoir admirer les étoiles de la sorte, ainsi que les crêtes de la cordillère qui se découpent dans la pénombre. Ce genre de sorties un samedi avec baptême de bétaillère, ça vaut n'importe quelle sortie en boîte de nuit. Dans l'hémisphère sud, la Grande Ourse, Orion, etc., tout est inversé. Cela donne une autre vision des choses, d'autres perspectives et empêche de faire preuve de trop de nombrilisme. On pourrait presque dormir tant on est bien installé, tellement on se sent bien tous les quatre, fatigué, repu et satisfait de notre rando du jour. Demain, on aura de quoi s'occuper entre le nettoyage du vélo, des sacoches, des chaussures et des casques de vélo, le rangement et le nettoyage de l'appartement, le linge à laver, le re-rangement de la remorque et le montage des films. Et si on arrive à caler une petite session squash au milieu de tout ça, le dimanche devrait déjà être bien avancé. En attendant, le camion poursuit sa course folle à l'arrière de l'une des collines surmontant la cité en cuvette. Nous allons bientôt repasser au delà des 4400m de hauteur au dessus de la mer. Un grand huit en moins de 72h. On en a le tournis rien que d'y penser. C'est con qu'on ait cette odeur de gazole de très mauvaise qualité dans le nez car sinon le convoi qu'on voit convole rapidement vers un concert unique de Klaxons et de lumières, celui d'une vile cité suivant l'angle par lequel tu la considères. Une ville citée en exemple si tu regardes de plus près tout ce qui s'y passe, son évolution et son avenir florissant. C'est assez enthousiasmant de voir un tel dynamisme en vigueur, imputé semble-t-il par un certain Evo. D'évidence, il n'est le seul responsable à féliciter et il est critiquable sur d'autres sujets. Mais, je le répète, ce que ce gars a fait - et fera encore - pour son pays, c'est indéniablement positif. Ariel vient de se prendre pour un équilibriste afin de se vidanger. Enfiler un pantalon dans ces conditions est une autre gageure. Ça commence à cailler au niveau des pieds. Plus que 45min et il faudra ensuite regagner l'immeuble en vélo. C'est top d'endurer ce genre de petites épreuves, de se prendre des vestes, de sentir le froid et non d'avoir froid, et de rester pourtant dans la mouvance - ce flow cher à Jack Kerouac -, le kiffer à sa juste valeur. Car on sait que ça ne va pas durer, que cette une vie de passage, pour les futurs passages à vide dans cette France au bord du gouffre frontiste. Un nouveau gros et beau chapitre de notre existence nous attend à partir du 22 mai. Mais les codes ne seront pas les mêmes, plus sécurisants mais aussi plus contraignants. Le tempo sera également bien différent. Emmagasinons un maximum d'expériences d'ici-là, tirées de rencontres au hasard, d'audaces, de galères, etc., comme nous l'avons déjà fait depuis le 7 décembre dernier. Quelle chance que Marco ait accepté de venir nous chercher à la gare routière. On a gagné pas loin d'une heure de sommeil. Alors ne la gâchons pas et laissons place aux rêves à présent. Carpe andiem.

Dim.2/4: "The Thunder city" - Les moustiques de la forêt amazonienne ne nous ont pas ratés au cours des 2 journées passées dans les Yungas. Ce matin au réveil, ça démange sévèrement sur les guibolles, à l'entrejambe, etc. Ariel s'est fait piquer 24 fois au total, "Alé" 10 fois rien que sur la jambe gauche - des gauchistes pro-Evo ces mosquitos pré-amazoniens ! -, de quoi voir son mollet doubler de volume.
La matinée fut consacrée à se gratter donc ainsi qu'aux tâches domestiques - hors sexe - tandis que le ménage sera fait demain avant de partir.
Vers 15h30, alors qu'on descend 3 étages pour aller faire une seconde machine chez Ariel (ça ne s'invente pas), le déluge s'abat sur La Paz, les éclairs et les éclats du tonnerre quasi simultanés sont d'une rare violence. La grêle aussi se mêle à la partie. Les chiens cessent leurs ébats. Les pauvres, ils sont tout affolés, ne savent plus à quel saint os se vouer. Ça s'est joué à 2 petites minutes que nos affaires en train de sécher sur la terrasse de l'immeuble ne se fassent terrasser par les averses orageuses.
Le vélo est propre et graissé. Il faut encore préparer la remorque et on sera fin prêt pour entamer le 4eme grand chapitre de notre épopée, le socle d'une chanson de gestes, répétitifs mais hautement instructifs. Pédaler, marcher, préparer les sacs, se reposer, conter les évènements vécus, les sensations éprouvées et les impressions qu'ils nous laissent. S'immerger pour mieux faire émerger la facette créatrice de notre personnalité.
En surfant un peu sur Internet cet après-midi, on apprend qu'on n'était mercredi et jeudi - au Huayna Potosi - juste à côté de l'une des plus grandes mines d'argent du monde. Exploitées à partie du XVIieme siècle avec l'invasion espagnole, "le diable minier" emploie aujourd'hui 500 personnes regroupées dans des coopératives (privées). Enfin, pour l'anecdote, "potosi" signifie "tonnerre" en quechua. Pas anodin comme nom. On regarde ensuite la performance du jour du basketteur américain Westbrook avec son équipe du Thunder (= le tonnerre, non pas de Brest mais d'Oklahoma City). Un 40eme triple double pour lui cette saison. En gros, cela signifie qu'il génère au moins la moitié des points de son équipe et qu'il porte ainsi son équipe à bout de bras. Pour des fanas de sport comme nous, c'est un régal de pouvoir suivre et apprécier un tel showman, aussi constant.
On s'est également régalé "chez Schmidt", une pizzeria - ouverte depuis seulement 3 mois - tenue par un gastronome allemand marié à une bolivienne. En plus de quelque parts de pizza à la choucroute, nous nous sommes payés le luxe de goûter l'un des alléchants gâteaux confectionnés par le cuisto originaire de Cologne. Ariel nous aura encore une fois bien conseillé. Avec tout ce qu'on a pas fait aujourd'hui (dont le squash), nous sommes partis rassasiés de ce petit restau fort agréable. Il est toujours aussi désagréable en revanche de voir des sans-abris blottis dans un coin sombre de la rue que tu empruntes pour rentrer "chez toi" te mettre au chaud, insensible aux intempéries. Alors même que tu aurais la place pour accueillir 20 personnes ! Impuissance mais aussi inaction. Demain, on repart à l'aventure, on remet le rouge et le vert X-Bionic de chauffe. Objectif : explorer Tuni au pied du mystérieux mais non moins attrayant Condoriri ; faire des photos pour Allibert. Carpe andiem.

Lun.3/4: "Une paz se tourne" - "I shot the shérif" - Dernière nuit dans une chambre individuelle, sur un très bon un matelas. À partir de cet après-midi, on repasse en mode aventure avec tous ses atours - et attraits ! - d'inconfort, cette nécessité de s'adapter et de se confronter parfois à la dureté des éléments. Pour deux semaines seulement. On a hâté de retrouver un peu nos habitudes - "carpa andiem" - en tente, de se faire à manger une nourriture de survie à l'aide du réchaud, de se réchauffer le gosier et tout le corps simplement avec du thé, de porter un sac pesant sur nos frêles épaules à plus de 5000m d'altitude, etc. Un besoin d'aventure, de s'encanailler avec la Nature, de se mettre un minimum en difficulté. Une aventure, toute relative, telle qu'on l'a conçue, telle qu'on la conçoit. Sois con, mais pas trop. Il faut surtout qu'on reste conscient du danger et de nos aptitudes physiques et mentales du moment. Ne pas passer du jour au lendemain d'une petite balade dominicale à vélo (tandem) à une sortie de 200 bornes avec 2000m de D+ et des passages à plus de 5000m. Ça nous secouerait un peu trop le cocotier. En douceur donc, pour préserver son cœur et respecter son corps. Quand on sera prêt, on mettra de nouveau les bouchées doubles et les poignées dans l'angle !
10h07. Il faut qu'on aille dans le centre pour poster Descartes postales. On aime philosopher mais ce qu'on aime avant tout c'est "vélosopher".. et crapahuter ! Tels des crapauds crapuleusement paresseux attendant impatiemment la fin de la construction du crapoduc, nous crevons d'envie de changer de territoire, de découvrir à desseins une herbe nouvelle - ça fait peut être un peu rasta de dire cela.. - et de nouveaux horizons. Que suerte tenemos !
Et puis, dans le même temps, on est vraiment triste de quitter la famille "Colibri", la ville, cet appart', cette salle de squash / volley-ball et cette boulangerie - pâtisserie dont les empenadas et les cakes nous ont régalés à maintes reprises. Après le ramdam et le brouhaha de La Paz, le silence à présent, total, profond, seulement perturbé par le bruit de la chasse d'eau qui se remplit.
Le squash de ce midi à laissé quelques taches et traces sur la fesse droite de Steven entre autres. Autant, le samedi de notre arrivée, on restait cloué au sol lorsqu'on voulait smasher. Autant là, on a senti la différence en termes d'acclimatation, de forme et de sensations. On aurait pu y jouer tout l'après-midi ! D'ailleurs, c'était moins une qu'on ne reste pas une nuit de plus, Oscar utilisant manifestement tous les subterfuges pour nous mettre en retard. Repousser notre départ à demain matin eut été possible. Déjà qu'on prévoyait initialement de repartir le dimanche. Il ne faut pas abuser des bonnes choses et des bonnes personnes. Au contraire, il ne faut pas trop s'attarder sur les adieux, se dire au revoir, "merci" et "à bientôt". Car c'est sûr qu'on se reverra. Sûrement pas demain ni après-demain mais dans quelques temps, quand les conditions seront de nouveau réunies. On reviendra pour faire le Sajama, I'Illimani, le Pequeno Alpamayo... Le fondateur de l'agence aurait aussi apprécié que l'on fasse un Scrabble! Ah, si seulement le temps était extensible. Et dire que l'on redoutait presque La Paz, sans compter qu'on était pas sur d'y passer. Et maintenant on la regrette. Nous nous demandions bien qu'est ce qu'on allait bien pouvoir y faire en matière d'andinisme et de vélo sachant que la météo annoncée était médiocre. Et finalement ce fut l'une de nos meilleures semaines dans les Andes, certes pas la plus engagée mais carrément typée "Bike Andes Peaks".
Dans l'empressement, alors que je venais de retirer de l'argent à un distributeur, j'ai ouvert la portière et me suis assis à l'avant d'un autre 4x4! Celui d'Ariel était garé juste après. La femme assise sur le siège conducteur a dû avoir une sacrée frousse, croyant être car-jackée, qui plus est par un gringo laid aux cheveux et à la barbe oranges !
Sur le chemin pour venir à l'Éco-Lodge de Tuni, Ariel met du rock sud-américain à fond et avale la piste étroite comme on conduirait sur une autoroute. Tout à l'heure, il nous a un peu étonnés par sa façon de piloter - plus que conduire, c'est le terme approprié - en ville. C'était plus le même homme. Ici, le sens de la courtoisie n'existe mais alors pas du tout. C'est roule ou crève! Il a quand même déboîter un rétroviseur en empêchant un micro bus de s'insérer. Mais à La Paz, c'est pas tellement choquant. Au lieu de sortir de sa bagnole et de s'envoyer des projectiles verbaux bien acérés, autrement dit des doux noms d'oiseaux - voire plus si affinités - comme en France, les automobilistes boliviens citadins s'envoient des grands coups de Klaxon. Ces derniers peuvent durer 5, 10 secondes. Et quelques fois, ça n'est même pas une manière d'invectiver un compatriote ou pour faire déguerpir un chien, c'est juste pour le fun ou pour signaler aux autres son autorité. "Salut, c'est moi, je suis là, j'arrive avec ma grosse caisse tunée, alors laissez-moi passer!". On adore les gens de ce pays, sincèrement. Ils sont bien plus ouverts et chaleureux qu'on a bien pu l'entendre. Il est vrai toutefois qu'il y a beaucoup de "Jackys".
Une autre anecdote assez savoureuse issue de notre transport en 4x4 effectué par Ariel : lorsque nous avons emprunté le péage à la sortie d'El Alto. En effet, et Ariel nous avait prévenus juste avant, le flic voyant le vélo accroché sur la galerie puis nos tronches de blanc-becs occidentaux, il dit à notre ami de se garer à droite. La raison de son intention de nous verbaliser ? Nous n'avons pas d'oxygène dans la voiture. On en a entendu des conneries mais celle-là elle est épicée. Le policier cherchait à nous soutirer au moins 20 bols (3€ env.). Heureusement, Ariel ne ressemble en rien à une petite sirène et a dit "fuck" à ce requin marteau et mesquin en allant négocier avec son collègue dans la guérite. Celui-ci, après tout de même pas loin de 5min de discussion, avoua que ne pas avoir de bouteille d'oxygène dans son véhicule n'est pas passible d'une amende. Si on s'était rendu en Himalaya pour faire l'Everest je dis pas ! Mais là, franchement, c'était fort en chocolat Milka. C'était genre "et la marmotte elle met le chocolat dans le papier", elle t'entube quoi. Heureusement qu'il y a dans le pays des gens - éclairés et battants - comme Ariel pour dénoncer cela, afin que cesse un jour cette petite corruption qui gangrène la Nation. Car on vous parle d'un exemple de larcin minime. On vous explique même pas - car on ne sait pas - ce qui doit se magouiller dans les sphères au dessus. Ça doit pas être beau à voir. Décevant et rageant. C'est la triste réalité hélas.
Quelques instants après avoir coupé le moteur juste devant l'entrée de l'Éco-Lode - qui accueillera très prochainement un groupe Allibert / Colibri -, un couple quelque peu âgé de la communauté Aymara de Tuni responsable du bâtiment nous accueille avec le sourire. Nous sommes les premiers clients de la saison. Pour dire poliment les choses, c'est le bazar dans la maison. De plus, certaines pièces sont en travaux. Peu importe, c'est très bien quand même. Notre chambre avec salle de bain privative est plutôt propre. Il est clair, en revanche, que des efforts devront être faits d'ici l'arrivée des premiers véritables touristes andinistes. Nous prenons quelques photos pour la responsable de la zone Amérique du Sud de chez Allibert Trekking. L'homme qui nous a accueillis, assurément un passionné de montagne et de cette partie de la cordillère où il est né, nous propose gentiment d'aller diner chez lui. Quel honneur. Hormis les papas fritas, tout - de la soupe au quinoa aux œufs au plat - est typique et fort appétissant. Seul le pain est forcément moins bon, du moins différent, de ce que l'on peut trouver en France. En rentrant dans l'Éco-Lodge pour aller se faire un Yams en attendant que l'eau de la tisane ait bouilli (ce qui prend un temps fou avec l'altitude), Steven me fait état de ses premières impressions, à chaud ou plus exactement à froid vu la température. Et c'est la première fois depuis le début du voyage - et certainement la dernière - qu'on a l'impression de vivre une scène de l'émission "Rendez-Vous en Terre Inconnue". Bien évidemment, ça n'est ni une fin en soi, ni une fierté ou que ce soit de ce genre. En revanche, c'est le signe que nous avons ressenti des ondes différentes par rapport aux découvertes et aux rencontres précédentes, pas le moins du monde inintéressantes au demeurant ! C'est juste que là, on n'est semble-t-il sur une autre échelle d'enrichissement due à un autre degré d'immersion. Nous sommes seuls avec cette tribu d'éleveurs de lamas et d'alpagas. Pour une fois, à la bonheur, on n'entend pas parler français autour de nous de bon matin et à longueur de journée. A 4420m d'altitude, en contrebas du plus grand barrage de la région (et peut être du pays tout entier), ce village occupe une position unique dans le paysage rural bolivien. Les habitants peuvent se targuer de vivre heureux, sans fioritures, grâce à leur culture, leurs savoir-faire manuels, leur artisanat, leurs coutumes et leur cadre axiologique adapté.
Nous avons ainsi fait la connaissance, en allant se balader avant le souper, d'un habitant âgé de 27 ans (comme moi), travaillant pour le compte d'une société nationale équivalente à Véolia en France. Il était avec sa femme - qui lavait le linge au bord de l'une des deux lagunes - et sa petite de 5 ans. Quel plaisir de converser avec ce jeune père de famille intrigué par notre aventure, notre projet et surtout notre vie (supposée) en France. Steven et lui en sont venus à comparer tous les coûts des loyers (appartement, électricité, gaz..) ainsi que le prix du gasoil. Tout ça pour lui démontrer que, certes nous gagnons plus d'argent en France et en Europe par extension mais que, comparé au coût de la vie, l'écart n'est pas si prononcé entre nos deux patries. Très intéressant d'essayer de comprendre comment semble se porter la nouvelle génération bolivienne, sa façon de te/se questionner et de voir les choses, l'avenir en particulier. De ce qu'on a pu observer, nous sommes pu**** d'optimistes ! .. Ou idéalistes ? L'optimisme, le changement et l'accroissement du niveau de vie d'un pays et d'un continent tout entier ne proviendraient-ils pas avant tout du fait que des idées humanistes - tirées d'idéaux humanistes - soient largement véhiculées et intégrées ? Carpe andiem.

Mar.4/4 : "La légende du Condoriri" - Condori'rira bien qui rira le dernier" - Au départ, on était parti dans l'optique de faire l'ascension d'un 5000 : le pico Austria. Celui-ci promettait d'offrir une vue de malade - de "delama" - sur le Condoriri, le Pequeno Alpamayo et les autres sommets voisins. Mais c'était sans compter sur la brume matinale puis les nuages accrochés comme des mouches sur un.. tue-mouches et ce, depuis des siècles on dirait. En outre, avec Steven, nous sentons encore quelques petites courbatures et douleurs à la nuque et au dos. On décide donc de partir "tranquillou" en direction du camp de base des 5300 et + de la zone. Le sentier longe plusieurs lagunes, 4 principales, en terrasse. Le dernière nous offre une vue d'enfer sur l'une des montagnes les plus esthétiques du continent. Imaginez (et/ou regardez nos images sur Facebook!) vous faisant face un titanesque rapace noir et blanc assis, les ailes repliées. Et dire que cela est, une fois encore, l'œuvre de la madre tierra. Avec son mini village de pêcheur et ses vieilles barques colorées, ce lac d'altitude est vraiment féerique. On aurait aimé monter plus haut que 4900m d'alt., observer cette monstrueuse beauté d'encore plus près, mais nous avons préféré ne pas prendre le risque de se faire arroser (et de tomber en hypoglycémie). Retour à l'Éco-Lodge à 14h30. Plat de riz-thon - le bon vieux "riton" ! - accompagné d'un concentré de tomates dont on a hâte de faire l'économie. Quelques parties de Yams en apéro, tri des photos et des vidéos du jour. On entend également un lama couiner. Ça change des bruits d'accouplement d'hier soir. Aussi, pourra-t-on peut être en manger ce soir. Quelle horreur d'écrire cela. Maintenant, la mission c'est de trouver un téléphone dans le patelin afin de contacter un taxi pour demain matin. En effet, ça nous arrangerait bien de nous faire avancer au moins jusqu'à la grande route qui mène à La Paz. Sinon, l'étape à vélo deviendrait très - trop? - longue, surtout que l'on doit prendre un bac pour traverser le lac Titicaca. D'où la nécessité de ne pas y arriver trop tard, en fin de matinée serait parfait.
Notre court séjour à Tuni s'est achevé par une visite improvisée de la mini centrale hydro-électrique (à turbine) financée et installée il y a quelques années par l'association française "Sans frontières", dont le responsable RH n'est autre que le meilleur ami du parrain de Steven.
Quelle agréable surprise ! À trois sur la moto cross de la personne chargée d'allumer et d'éteindre chaque jour l'électricité dans le village. Ça va que c'était pas loin. C'est le fils de ce dernier qui nous conduira demain matin sur la carratera larga - goudronnée - qui mène à Copacabana et au lac navigable le plus haut du monde. La femme de Céleste accepte de nous préparer un autre repas à base de viande de lama coupée en fines lamelles et servi dans la cahute de nos hôtes. Un halo immense s'est formé autour de la lune. Il nous fait penser au Petit Prince, pas de Lu mais de St-Ex. Nous voilà à la veille d'un nouveau tour à étapes à vélo, le dernier à priori. Nous sommes très loins d'avoir percé l'ensemble des mystères du légendaire Condoriri. Ce village "tuni" crois pas quand tu l'aperçois pour la premier fois et tu restes à jamais intrigué et subjugué quand tu en repars. Carpe andiem.

Mer.5/4: "Le légendaire Titicaca" - Mon premier nargue souvent de Gros Minet. Mon deuxième est un synonyme de selle. Mon tout est, au vu de sa taille, une sorte de mer frontalière perchée - caressant les fesse des nuages - à plus de 3800m d'altitude.
Dix-sept heures passées de neuf minutes. Nous avons passé 8h environ sur la selle, pour 100km et 950m de D+. Une belle remise en route. Nous voici à Copacabana, au bord du lac Titicaca. On a une chambre avec vue sur "la mer". A l'heure où je pianote ces quelques lignes, je suis assis sur une une chaise en bois (style Evo 1er) tournée plein ouest vers la fenêtre, la terrasse et donc le lac. Le soleil est en train de me rôtir le visage. Heureusement que l'on a Annecy Cosmetics! Ce serait quand même "balo" de ne pas profiter du coucher de soleil. Et puis c'est le genre d'endroit où il est agréable et plutôt inspirant d'écrire. Impossible de le décrire correctement. C'est  bucolique tout simplement. Ne manque qu'une petite bière bien fraîche du pays. Aujourd'hui, avec Steven, on a dû se causer 10 fois en tout et pour tout. On était souvent scotcher, pas tant par le bitume mais plus par le paysage sensationnel. Faire cette portion de route à vélo, c'est unique. Pour prendre le temps d'admirer chaque nuance de bleu sur le lac, une fois à gauche, une fois à droite. On ne sait plus où donner de la tête, on n'en a mal au cou. Pour une fois que c'est pas plus bas.. Pour le coup, on n'arrête pas de filmer. On aimerait que nos yeux puissent le faire, pour capter tous ces instants qu'il est difficile d'anticiper et qui font le sel des voyages. D'ailleurs, j'y repense seulement maintenant mais qu'est ce qu'il aurait été drôle d'immortaliser le moment où l'éleveur de camélidés et son fils - qui nous a avancés en voiture ce matin - ont tenté tant bien que mal de faire du tandem hier soir, en bottes, roulant dans une crotte de lama et manquant de se rétamer plus d'une fois. C'était gagesque, digne d'une scène d'un bon De Funes ! Et que dire du rire du papa bolivien.. Et bien qu'il ferait rire même le plus coincé des emmanchés!
Sur les coups de 11h, un utilitaire type "C15" nous double en nous faisant un signe d'encouragement. Sur la carrosserie, on peut lire : "From Argentina to Alaska". On se dit alors que ça pourrait être sympa d'aller faire un tour sur la page Facebook de ce baroudeur pas comme les autres. Vers 13h, une fois la traversée en bac du lac Titicaca au niveau de Tiquina effectuée, nous remontons les pentes escarpées de la presqu'île en quête d'un endroit - avec une vue panoramique - pour déjeuner. Et alors que nous voguons vers le "mirador de Tiquina", nous apercevons de nouveau la voiture blanche stickée garée sur le parking du mirador. Nous faisons alors connaissance avec ce jeune argentin aux yeux profondément bleus féru de voyages : après l'Amérique, il a déjà prévu de passer 1 an en Thaïlande ! Ce dernier sort généreusement de son frigo, installé sous son lit aménagé à l'arrière du véhicule, deux pommes. Il permet également à Steven de s'asseoir sur une chaise pliante. Nous mangeons ainsi ensemble sur une "terrasse" publique donnant sur une partie pittoresque du lac. Nous nous quittons un peu précipitamment en nous promettant de nous revoir ou, au moins, d'échanger quelques nouvelles à l'avenir.
La soirée fut paisible et joyeuse. En nous promenant sur les quais du minuscule port de la cité lacustre, nous vimes pour la troisième fois la camionnette du type avec qui nous avons "pique-niqué" et papoté à midi. Mais cette fois-ci, il n'était pas dans les parages. Dommage, on aurait bien été au restaurant avec lui. Juste à côté était stationné un très gros camping-car. Une famille de 5 français - le père de famille étant des plus charmants au demeurant - faisant le trajet en sens inverse: de Californie en Patagonie, durant une année scolaire. Enfin, à l'heure de trouver un lieu pas cher pour diner, nous rencontrons Daniella qui, comme nous, voyage vers le nord. Cette blondinette Argentine finance en grande partie son trip en travaillant trois jours par-ci, puis trois jours par Copacabana. Qui sas, peut être que l'on se recroisera dans les prochains jours au Pérou. Grâce à elle, on n'aura en tout cas pas perdu au change entre bolivianos et soles (pérouvien). Après cette très belle journée, riche en soleil et humainement, il est temps d'éteindre le natel en même temps que le cerveau. Demain est un autre grand jour puisque nous passons - si on ne nous fait pas de mauvaise blague à la douane - en territoire pérouvien. Un nouveau pays, des habitudes et des repères nouveaux à acquérir, des espaces montagneux à conquérir.. Tout cela devrait demander encore pas mal d'énergie. Carpe andiem.

Jeu.6/4: "From Pérou With love" - Au moment de laisser l'Etat plurinational de Bolivie derrière nous, on retiendra deux choses chagrinantes. Premièrement, les trop nombreux détritus qui abîment l'environnement proche des routes. Sur la carratera empruntée hier, à un moment donnée, c'était "the couche road". Et cela, sans parler du reste : sacs de ciment, bouteilles Coca-Cola et barquettes en plastique, emballages de nourriture, sachets de coca et on en passe et des "meilleurs". Il semble néanmoins que le gouvernement ait enclenché un nettoyage massif du territoire. À suivre. L'autre vrai souci c'est la corruption d'une partie du corps institutionnel ainsi que la propagande politico- politicienne, notamment à l'occasion des différentes élections. Quand vous voyez toutes ces façades d'habitations et de commerces taguées aux couleurs d'un candidat ou élu actuel dont le président du Pérou - depuis 2016 - "PPK", vous vous dites qu'il y a un truc qui cloche. En regardant en replay le dernier débat présidentiel français, on se rend compte que des choses clochent aussi au centre de nos villages.
Sinon, la journée s'est déroulée sans encombrement. Une étape à 90km, dans notre moyenne. Une route vallonnée "côtière" mais peu de dénivelé casse-pattes. Notre modèle de voyage, comme les modèles politique, socio-économique et écologique de nombre de nos sociétés dans le monde, tend à s'essouffler et aspire à évoluer. Nous aspirons à nous battre pour un modèle plus juste de voyage et de vie. Que notre pirogue vogue jusqu'à une terre solidaire où la Nature est reine. Bike Andes Peaks et notre idée de l'aventure en général, c'est aller vers plus de rassemblements entre "étrangers", mieux entre hommes et femmes, entre frères et sœurs et ce, quelle que soit notre couleur de peau, de cheveux, etc. Voir ainsi deux jeunes demoiselles de notre âge, une belge et une italienne, nous accoster aussi spontanément, avec le "smile", c'est formidablement déstabilisant. Un puissant shot de générosité et de fraternité. Un vrai choc de compétitivité. Une mini décharge de chaleur sur cette place de Juli déjà bien réchauffée par les rayons du soleil de midi.
On a encore reculé d'une heure. Nous avons à présent 7h de décalage avec notre pays d'origine. Le jetlag sera important à notre arrivée à Geneve le 22 mai. Le retour, on y pense déjà. Steven aimerait bien que sa nièce soit à l'aéroport au moment où il passera le dernier portique de sécurité. Quelle tenue vestimentaire porter ? Que rapporter comme cadeaux souvenirs ? Ces considérations nous occupent parfois l'esprit lorsque nous tournons les jambes sur notre 2 roues à 4 pédales. Un autre dialogue échangé de manière tout à fait naturelle avec une mama commerçante de Ilave, où nous nous nous sommes établis - ou plutôt étalés - ce soir, nous prouve une fois encore l'immense bonté qui peut régner ici et là. Et cela, au mépris de toutes les personnes qui nous ont mis en garde contre la dangerosité de cette aire du pays. Peut être que demain on se fera agresser. En attendant, on continue d'être vigilant et surtout veillons à conserver notre propension à transmettre de bonnes vibrations dans l'air autour de nous. Pour qu'il soit plus respirable et ce, malgré la pollution des moteurs en Amérique du Sud. La mode est à l'union des peuples et non à la division. Ceux qui prônent cette dernière, notamment en France, sont "has been". Carpe andiem.

Ven.7/4: "Hot dogs" - En se connectant au Wifi de l'hôtel, on apprend que la Suède vient de subir un attentat. L'un de nos amis expatrié à Stockholm était au mauvais endroit au moment où l'horreur s'est produite. Courage Maxence !
À part ça, pas grand chose de croustillant ou de piquant à raconter aujourd'hui. Une étape à 105km, un peu moins peut être. Peu de D+ et surtout une longue ligne droite de près de 35km où tu as parfois l'impression d'être pris en sandwich lorsqu'un camion arrivant en face est en train de doubler sur ta voie.. Sachant que nous n'avons pas eu tout le temps une voie d'arrêt d'urgence sur le côté où rouler plus en sécurité. Tu te mets alors à la place d'une saucisse dans un hot dog. Tu espères juste ne pas avoir à te jeter - avec la bécane et la remorque - dans le bas-côté, sachant que tu peux vite atterrir dans un champ de quinoas (au mieux) ou une décharge à ciel ouvert avec un chien en putréfaction avec les 4 fers en l'air (et là t'es pas au mieux).
Nos deux moments "chauds" de la journée c'est, premièrement, lorsque nous nous sommes faits attaqués par une meute de chiens, dont un semblait particulièrement intéressé par nos jambières X-Bionic noires ou alors par nos mollets. C'est triste de voir autant de chiens sous-nutris, mal élevés voire sauvages donc potentiellement porteurs de la rage. Ça fait bizarre de les voir faire les poubelles comme ce fut le cas à    La Paz ou quémander pour une maigre pitance auprès des gens en train de grignoter. En faisant tomber bien 100g de spaghettis ce midi, je me suis dit que j'avais fait une bonne action finalement, qu'on fera un heureux ainsi. Comme hier avec la fin de la boîte de médiocre sardine. Mais c'est un pansement sur une jambe de bois. C'est malheureux mais, selon nous, il faudrait éradiquer tous les chiens errants avec une jambe de bois (=malades et/ou porteurs d'un virus) et envisager de faire adopter les autres. Et développer la castration et la stérilisation. Ce ne serait pas une si grande sinécure. Sans quoi les cyclotouristes ont encore du souci à se faire.
Deuxième petite péripétie: pendant que je me défroque pour déféquer dans le toilette d'une station services, les deux bonhommes qui y travaillent s'essayent au tandem. Deux nouveaux pratiquants ! Convaincus ? Pas sur. En attendant, les quelques cabinets visités au Pérou, hormis celui de l'hostel à Copacabana, étaient tous dégueulasses. CQFD. Pourtant, on ne peut pas dire qu'on est des précieux avec Steven. Un minimum d'hygiène n'est jamais d'trop. Ah, l'Aconcagua, le Pissis, Ojos.. c'était l'bon temps. Pas de problème de propreté ou de chasse d'eau. Juste s'assurer d'avoir un sac à cacas et un tube de gel hydro alcoolique à portée de main. Et le tour était joué. Nous empruntons désormais la route panaméricaine, la "Panam'" comme les gens in la surnomment. Et le traffic est dense. Dans les ciudades, nous devons en quelque sorte danser entre les véhicules. Dans les campagnes, il est rare de se retrouver plus de 5min sans humer l'odeur des gaz d'échappement et sans se faire klaxonner. Des coups de klaxon qui finissent par te taper sur le système et te bousiller le tympan. Ici, c'est une main sur le volant et l'autre au milieu du volant ! D'éreintant signes d'encouragement en fait.
Mais ce que nous garderons avant tout dans un coin de la tête, c'est le fait d'avoir croisé 4 cyclotouristes (en 1 jour), dont un sympathique barcelonais. Ouihhhh ! Nous ne sommes pas des extra-terrestres ! Et puis que dire de ce moment où un paysan pérouvien nous intercepta pour nous demander si nous pouvions faire une photo instantanée ensemble.
Ce soir, nous avons goûté l'Inca Kola dont tout le monde semble raffoler ici, et on a trouvé ça infect.
Enfin, quelle étrange sensation de se retrouver à manger dans l'un des nombreux fast foods du centre commercial ultra moderne de la ville, bondé et bruyant, 3 jours après avoir quitté Tuni où nous goûtions à la cuisine locale, seuls chez l'habitant. C'est aussi l'aventure. Carpe andiem.

Sam.8/4 : "Les visiteurs en Amérique (du Sud)" - Avec toutes ces personnes que l'on aperçoit sur le bord de la route ou qui nous doublent dans leur auto, sur leur moto, triporteur ou encore bicyclette, on ne sait jamais trop sur quel pédale danser. Ils sont souvent surpris, certains interloqués, de nous voir sur un seul vélo, qui plus est "en danseuse". Aussi, il est clair que certains nous prennent pour des homos. Ça fait rien. On les fait rire ou au pire sourire et c'est bien ça le principal. A force de croiser des visages burinés, ces dos de femmes courbés, usés, après toutes ces années de dur labeur. À force de rencontrer des andins qui triment, pendant que nous voyageons tranquillement, paisiblement, ça donne une envie et une force incroyables de (re)trouver cette valeur travail et de la transposer chaque jour, pas uniquement au niveau pro mais ce quels que soient son activité et son engagement.
Aujourd'hui, nous nous sommes encore faits poursuivre par des clébards. Sans conséquence. Ils semblent toujours autant obnubilés par notre remorque qui peut faire penser à un mouton ou à une autre bête à cornes. Cela nous fait passer le temps. Car, à part ces sprints canins qui partent souvent de très loin, ces longues lignes droites sont monotones et le coin pas hyper intéressant "montagneusement" parlant. On a hâte de retrouver la cordillère. À la fin de la journée, à l'approche de notre ville-étape - Alaviri -, on voit à l'horizon les "pré-Andes". On appréhende ainsi les 3 jours de tandem qu'il nous reste pour rallier Tinki. Si c'est pareil, avec peu de reliefs, peu de tournants et peu de points d'intérêt, ça risque de nous paraître long mais long ! Dans ces cas-là, comme lors de la longue montée entre San Pedro de Atacama et la frontière bolivienne, tu vises une borne kilométrique après l'autre. Et tu pries pour qu'il n'y ait pas un "bonus" de 5-10kms parce que les distances annoncées sont erronées.
Il nous est quand même arrivé quelque chose tout à l'heure ! On a découvert que la région que nous sommes en train de traverser est fromagère. Bon, on a vu la tronche des "from'tons" et ils ne nous ont pas inspiré une grande confiance. Au premier coup d'œil et au premier reniflement, ils nous ont paru manquer d'affinage. Allez, je suis sûr qu'on va quand même tenter de mettre un croc dans cette pâte blanche odorante ce soir.. L'aventure.. stomacale.
L'église était fermée. Nous avons eu le plus grand mal à trouver ne serait ce qu'un paquet de cookies. Pas de barres énergétiques, pas de  fruits. On nous avait dit dans un pueblo situé à 25km en amont que nous trouverons un "supermarché" à Alaviri. Nous avons fini par trouver le Mini- (et non super) market mais il n'y avait pas moult choix. Et pourtant la gérante chercha à nous vendre tous les produits du magasin, comme on vous propose des parfums ou des fleurs.
Les cyclos végétariens auraient dû mal à survivre ici, sauf en se faisant une réserve de fruits et légumes dans une sacoche, ou mieux dans un sac isotherme rangé dans la remorque. Hormis de la viande sur les étals ou égalée par terre, à l'air libre et à portée de museaux, on trouve difficilement de quoi se sustenter sainement.
On n'a pas succombé à la tentation du "queso" local. On n'a pas pris de risque pour le goûter - apéro : un morceau de panetton et un paquet de chips. How "laysy" we are. Là aussi, hâte d'être en Equateur pour profiter des bananes et des mangues à profusion très bon marché.
Même si on a beaucoup de temps les après-midis, on sent qu'on a besoin de ces temps de repos. Mine de rien, ces 100kms quotidiens nous usent les souliers de vélo et les pédales "auto". Les grains de sable viennent rapidement se loger dans nos yeux rougis. Aussi, pour ne pas caler, pour pouvoir enchaîner, nous pantouflons à l'aide de nos "charentaises" blanches X-Bionic.
Il est 18h05 et je commence déjà à piquer du nez. Ça craint. C'est plu "Bike Andes Papys" que "Bike Andes Peaks" en ce moment.
Carpe andiem.

Dim.9/4 : "Qué tal gringos!" - 107 bornes kilométriques au menu du jour, ou plutôt de la matinée. Partis comme d'hab' aux alentours de 6h45, nous arrivons à Sicuani à 13h environ, après une étape vallonnée (600 de D+ et 800 de D-) mais rapide car avec une chaussée toujours aussi roulante et de bonnes jambes de notre côté. C'était donc pas Paris-Roubaix, mais bien un contre-la-montre, une course contre le temps, les nuages menaçant de doucher nos espoirs d'être épargnés par la pluie. Au final, la douche fut de courte durée, les impacts de la grêle très supportables. On a même pu se sécher sur les 20 derniers kilomètres ensoleillés. J'ai mis un écouteur sur les 2 derniers tiers de la "journée". Une vieille playlist que je commence à connaître par cœur (=dont je commence à me lasser). Mais c'était assurément un plus. J'étais dopé comparé à Steven. Un dopage tout relatif puisque il s'agissait de Goldman, Cat Steven, Cold Play.. Demain, "j'audio-lis" la suite du Comte de Monte-Cristo. Il est 14h passés. Nous finissons le panetton.
Nous sommes pas mal entamés. On ressent de nouveau ces petits vertiges qui survient lorsqu'on se lève trop vite.
Pas de pavés mais le caoutchouc du pneu arrière a commencé à se déliter. On l'a passé à l'avant, là où le poids à supporter sera nettement moindre. Il était tant de s'en rendre compte et de faire quelque chose. Espérons que le scotch américain - un petit miracle d'en trouver dans la quincaillerie en face de l'hôtel - fera l'affaire jusqu'à Cuzco dans un premier temps puis jusqu'à Riobamba.
Bientôt 18h et la nuit tombe déjà sur Sicuani. On est donc pas loin d'avoir le même rythme de vie qu'en Europe. On profite de la super connexion pour regarder un peu de NBA dans la chambre. Le show à l'américain hors du terrain, les montages vidéos et ne serait-ce que l'hystérie des gens sont toujours aussi hallucinants car excessifs. Lorsqu'on se remémore les images de tous ces champs traversés, avec ces éleveurs d'alpagas et de moutons - le plus souvent des femmes - veillant au grain, l'écart est sidéral et sidérant.
Il semble que ce soit la période des tontes. On voit par exemple des moutons entassés sur des galeries de camionnettes, tête baissées, telles des bêtes blessées. Steven et moi, on aurait pu se retrouver au milieu de cette amas de laine qu'on serait passé inaperçu, du fait de notre épaisseur (ca)pillaires j'entends. Carpe andiem.

Lun.10/4: "Vivons les chaperons.." -  Vive la Bretagne ! Ce ne sont pas des chaperons mais bien des cyclo-touristes "de la pointe" que nous avons rencontrées ce matin. Un couple et une petite d'une dizaine d'années à la pointe au niveau matériel avec un tandem couché de marque anglaise (Cerclé) et un autre vélo de voyage de "Kalité Allemande". Quel courage, franchement. Surtout après qu'elles nous aient dit qu'elles ont assisté à un accident mortel - une fillette à vélo - il y a quelques semaines en Bolivie. Il est des événements tragiques qui peuvent faire basculer un voyage, une, des vies. Celui-ci a failli les convaincre de tout arrêter. Et quand bien même il ne leur est rien arrivé ce coup-ci, elles ont frôlé la catastrophe à maintes reprises, les usagers de la route les chahutant sans gêne. On se dit qu'on aurait pu y passer nous aussi. Et c'est pas fini.. Même en étant ultra vigilant, on n'est pas à l'abri de tomber sur un timbré au volant d'un camion par exemple. C'est ce qui s'est produit avec les françaises et cette pauvre petite bolivienne. Paix à son âme. On ne pourra s'empêcher d'y repenser régulièrement, lorsque des véhicules pressés et/ou inconscients nous frôleront de nouveau.
124eme jour de voyage. Plus que 41 jours à déambuler au pied de la Cordillère, au gré de la force de nos jambes, de la météo surtout et un peu au hasard des rencontres. L'anti-structure est un cadre qui nous convient bien. Retourner dans le carcan du "French cancan", avec au dehors tous ces cadrans lumineux garants de la bonne marche du monde de la consommation dévorante et déflagrante, qui détruit l'environnement et explique en grande partie le réchauffement climatique, cela fait un peu peur. C'est pourtant le destin à court terme qu'on a choisi d'assumer.. pour tenter modestement de contribuer au changement des mœurs, vers plus d'écologie. Nous formulons ainsi le vœu que nos prochains dirigeants et les futures politiques conduites seront véritablement éco-responsables. Dorénavant, nous nous battrons encore plus en faveur de la prise en compte et de la protection de la Nature. Et puis, qui sait si nous ne vivrons pas un jour dans un lieu reculé, en semi- autarcie, au milieu d'un biotope montagnard. Ce serait beau. Ce serait top. Se retirer, prendre une retraite de maître d'art martial dans un temple bâti de ses mains. Mais, avant cela, nous avons un périple à achever, différentes carrières à poursuivre, une famille à construire.. Va falloir mettre le casque de chantier en rentrant, se retrousser les manches et faire preuve de clairvoyance et d'ambitions, dans tous les domaines.
Continuer à tout faire pour apprécier le pouls des sociétés andines, avant de se retrouver sous le joug des joutes et des règles du jeu à l'européenne.
Il y avait de la vie - et une commémoration - sur le place des Armes d'Urcos. On est plus qu'à une quarante de kilomètres de Kuzco. Mais avant de se rendre dans l'ancienne cité Inca de "l'empereur mégalo", on va d'abord faire un crochet doré par Tinke et - il paraît - le merveilleux parc de l'Auzangate. À bon entendeur salut. Il y a dans le hall de l'hôtel une peinture d'une auberge au bord d'une lagune située elle-même au pied d'une montagne crénelée. Ça annonce la couleur ou plutôt les couleurs, excessivement vives, si le soleil décide de pointer le bout de son rayon et si continuent de rouler les rayons de notre "bapmobile". Nous irions ainsi vers cette contrée prometteuse, la 5ème grande aire montagneuse explorée.
Nous nous mettons à jour sur "L'émission Politique" de France 2, suite notamment à la montée dans les sondages du tribun Mélenchon. Nous ne voterons pas pour les présidentielles dans moins de 2 semaines mais n'avons jamais été autant au courant de la politique en France.
Nous consommons encore pas mal de déchets ce soir. La raison pour laquelle nous prenons à chaque fois nos repas du soir à emporter ?Pour éviter à avoir à diner (aux chandelles) au restaurant en tête à tête avec Steven.
J'oubliais : nous avons quand même vu deux biches sur le trajet, et avons établi un nouveau record de vitesse en tandem - remorque : 75,7km/h (validé par maître Capello). On n'estime pouvoir faire mieux d'ici la fin du voyage.
Un ultime "e-tour" sur Facebook et hop, extinction des feux (à 21h30), allongement des gambettes et reposage des ischions. Dormir sur le ventre est préférable lorsque vous êtes cycliste.. Carpe andiem.

Mar.11/4: "Pieds et points liés" - Il ne faut pas se voiler la jante. Il n'est que 15h55 mais on peut le dire : aujourd'hui était une journée de merde, à tout point de vue. De la pluie toute la matinée puis un plafond nuageux très bas nous obstruant complètement la vue. Aussi on se demande bien qu'est ce qu'on fout là à Tinke (ou "Tinki"), après 69kms et surtout 1800m de D+. Tirer 235kg dans des pentes frôlant parfois les 20% est pour le moins harassant. Intéressant ? Pas certain, surtout quand tu ne vois pas grand chose du paysage environnant sensé être épatant.
Nous avons été accueillis par une employée de Cyrillo, le prestataire d'Allibert Trekking à Cuzco. Nous pensions rencontrer ce dernier et sa compagne Nancy. Que nenni. Dommage. Tant pis.
Pendant toute la fin de l'étape, lorsqu'on eut à traverser les villages, on eut droit à des "gringos" par-ci et des "gringos" par-là, et incontestablement des rires de railleries. Ça fait rien, on ne va pas se formaliser. C'est juste dommage d'être traité ainsi, alors que nous ne sommes pas des américains (des USA). En parlant des 'ricains, on vient d'en rencontrer un "vrai", avec une grosse barbe de bûcheron. Un cyclotouriste - à VTT - de plus, ouais, ourah ! Malheureusement, nous étions attendus par.. pas grand monde. Enfin, nous devions trouver la maison rouge de Cyrillo. C'est con, on est aurait bien bu une bière avec lui (le 'ricain ; avec Cyrillo "tembien" bien sûr). D'autant qu'il paraissait fort sympathique. La météo pourrie n'arrange pas les choses non plus. Compliqué de retraverser tout le village sous la pluie battante pour essayer de le retrouver. Du coup, pas dit qu'on le revoit finalement. Ce sont les aléas du direct.
Que dire de plus si ce n'est qu'on a senti une vraie tension entre Steven et moi depuis la fin de matinée. Une tension encore présente à l'heure où j'écris ce petit résumé. Une tension nerveuse née de mésententes, de mécontentements réciproques mais aussi indubitablement due à la fatigue. Je crois qu'on souffre encore du manque de soleil d'une part et du manque d'autres relations que la nôtre par ailleurs. Comment ne pourrait-elle pas battre de l'aile après tout ce temps passé ensemble, pieds et points ou plutôt pédales et poignées liées ? L'inverse serait anormal. Que ce soit sur le tandem, dans les hôtels, en montagne, etc., l'un ne peut pas péter sans que l'autre ne lève le sourcil. Tu veux manger un biscuit. Ok, mais tu dois en référer à ton collègue "de boulot". On partage tout. C'est pire que le communisme Bike Andes Peaks! On pensait s'offrir 5 mois et demi de liberté quasi totale. En fait, c'est une mise en liberté conditionnelle. Tu veux t'acheter un petit truc à boire, il faut en référer au "conseil de BAP". Alors quand il s'agit d'une décision majeure du genre "quel parfum de yaourt ?", on ne vous explique même pas ! Le choix final est souvent le fruit d'une longue délibération "bi-camérale" avec plusieurs aller-retours entre les deux votants. En réalité, le plus dur c'est de se mettre d'accord sur le programme (pas TV!), surtout lorsqu'il s'agit d'un plan B. Et c'est exactement ce à quoi nous sommes confrontés depuis notre arrivée à Tinke. Les prévisions météos étant ce qu'elles sont pour les prochains jours, avec encore beaucoup de pluie a priori, on n'a pas grand intérêt à rester ici. Et ce, malgré l'extrême gentillesse du prestataire d'Allibert de nous mettre deux chambres à disposition. On ne devrait donc pas avoir ne serait-ce qu'un petit aperçu grandeur nature de cette grande Nature, de ce parc unique dont on nous avait dit tant de bien. On regardera des photos sur Google en rentrant.
On risque donc de repartir la queue entre les jambes demain matin, sûrement à vélo. Le même itinéraire qu'aujourd'hui mais dans l'autre sens. Pas très sexy. Barbant même. Surtout s'il y a toujours aussi peu de vues.. Mais cessons de nous plaindre. Au contraire, estimons-nous très heureux, pour plein de bonnes raisons. Allez, je vais tenter de me réchauffer le bout des piotes en me glissant quelques minutes sous la couette.
20h51. J'ai réécouté le chapitre 6 du Comte de Monte-Cristo que j'avais déjà mis tout à l'heure pendant mon temps de repos. À moitié endormi, je n'avais alors rien suivi de l'histoire. C'est toujours aussi bon de faire ainsi un bond dans le temps pour se retrouver à Marseille - une ville qui m'est chère - au début du XIXieme siècle, à l'époque de Louis XVIII. L'intrigue se dénoue. Je me réjouis de connaître la suite de ce classique de la littérature française.
Dans le même temps, Steven s'est motivé pour rédiger une lettre de motivation pour un job en Suisse.
Juste avant de me coucher, je suis allé ma balader vite fait jusqu'à la place. La "lluva" a cessé et le ciel s'est dégagé laissant apparaître un intense bleu foncé. Un bon présage pour demain? Ne tirons aucune conclusion hâtive. C'est vrai que ce serait chouette de pouvoir rester au moins une journée pour y faire un mini trek en baskets.
Une nuit de plus à plus de 4000m d'altitude, pour ne pas perdre notre acclimatation et pour continuer à faire des globules. C'est parfait. La saison de trail running a débuté en Europe. Avec une telle préparation de fond effectuée dans les Andes dans le cadre de ce projet, ce sera l'occasion ou jamais de progresser dans cette discipline. Pour cela, il nous faudra nous entraîner (dur) afin de fabriquer des fibres rapides.  Surfer le plus longtemps possible sur la "vague" andine en retrouvant un peu de vitesse et du plaisir à courir par la même occasion. Les efforts, à l'instar de ceux fournis aujourd'hui, n'auront pas été vains. Dieu que le monde est beau gosse. Dieu que nous sommes chanceux. Dieu nous te remercions. Carpe andiem.

Mer.12/4 : "Des Hommes et des Dieux" - Un coup d'épée dans l'eau. Cette expression ne semble pas usurpée, tant nous "baignons" dans un climat humide depuis 2 mois et demi, depuis que nous sommes arrivés à San Pedro de Atacama en gros.
Si nous prévoyions de retourner sur  Urcos en tandem, un couple de prédicateurs des Témoins de Jéhovah du Pérou en décida autrement. En effet, alors que nous étions partis depuis quarante-cinq minutes environ et que nous attaquions une portion particulièrement raide de la première difficulté du jour, une voiture type combi Volkswagen s'arrête devant nous. Nous n'avions pourtant montré aucun signe signifiant que nous aimerions être pris en stop. La barbe et les longs cheveux du conducteur nous font tout de suite penser que celui-ci a quelque chose de spécial. Et pourquoi tenaient-ils absolument à nous emmener ? Certes, on était fatigué, mais cela ne sautait pas aux yeux non plus. J'avoue que j'étais fort peu emballé à l'idée de refaire exactement la même étape que la veille. Il s'agissait en fait de croyants, professant la foi au plus grand nombre. Leur aide ne semblait pas tellement intéressée pourtant, leur intervention prédicatrice pas préméditée non plus. La preuve en est s'il en faut : ils ne voulaient pas d'argent pour le transport. Ils désiraient simplement nous passer le message que tout est écrit dans la Bible. Les saints sont-ils une création de Dieu ou des Hommes ? Qui de l'œuf ou la poule est arrivé en premier ? Etc. Des individus vivant chichement, en un sens fanatiques, mais d'une inestimable amabilité. Ce fut une courte mais riche expérience. Pas sûr que Steven se convertisse au catholicisme. Lui aurait préféré poursuivre la route à vélo et je dois lui reconnaître du courage sur ce coup. S'agissait-il de notre destin?
La sonnerie de l'école en face de la chambre de notre hôtel vient de retentir, nous rappelant - déjà - de lointains souvenirs universitaires. En tout cas, je me dis qu'avec notre pneu rafistolé et au vu de la descente infernale qui nous attendait pour finir, il était préférable de ne pas prendre de risques. Je ne voudrais pas tomber dans la paranoïa ou un quelconque catastrophisme mais je crois beaucoup aux signes. Et quand tu vois que nos anges protecteurs du jour se sont arrêtés, légèrement en dessous du sommet de cette dangereuse descente, pour s'assurer qu'un chauffeur de poids lourd en train de s'endormir fasse un break.. Tu te dis "qu'on" a sûrement évité un terrible accident. Peut être pas. Reconnaissons que ce fut une heureuse circonstance de croiser ces gens pas comme les autres. On fera du vélo une autre fois. On a mis Bike Andes Peaks entre parenthèses aujourd'hui, et pour les 3 jours à venir ce sera davantage "Bike Andes Pantoufles" mais on assume. Une pub à la télé pose la question "Qué es aventura ?" Nous pensons que c'est aussi savoir se calmer quand tu sens que tu es sur la corde - ou plutôt la chaîne nous concernant - raide, sensible ou que cette dernière est trop tendue. Un autre signe ? La météo. Depuis quelques temps, on souffle le chaud et le froid, au sens propre comme au sens figuré dans notre entente avec Steven. Faisons les efforts chacun de notre côté pour qu'il y ait plus de tiédeur, et tempérons nos tempéraments à l'avenir. Il semblerait qu'on ait retrouvé un peu de complicité cet après-midi.. La fin de l'aventure n'en sera que plus belle. Vamos.. a beber un jugo fresco de frutas ! Une "transfusion" d'oranges sanguines et de bananes plantains histoire de pouvoir regarder le film "Snowden" jusqu'au bout. Aller au bout des choses. Et oser.. ne pas s'aventurer, parfois. Écrire cela fera plaisir à ma mère j'en suis sur. Prendre un peu de recul pour se bien se rendre compte du chemin parcouru et qu'il reste à parcourir. Prendre le temps de définir le meilleur chemin pour l'avant-dernière ligne droite - avant l'Équateur - de ce périple. Ça va faire du bien de ne plus avoir la tête dans le guidon 9 jours de suite. Carpe andiem.

Jeu.13/4 : "Bike Andes Leaks" - On aime le sport, on adore faire du sport, mais on apprécie également être davantage dans l'observation, la contemplation de ce qui se passe autour de nous. Être plus reporter qu'aventurier. Avec les filles qui nous rejoignent lundi prochain, pendant dix jours, on pourra faire d'autres choses, prendre d'autres types de photos, filmer autrement et raconter d'autres histoires.
C'est le rire d'une pérouvienne qui a fini de nous réveiller sur les coups de 6h15. Celui-ci ressemblait tellement à la façon de s'esclaffer de Maggie, notre mama argentine de Fiambala! Tiens, ça fait l'occasion de lui écrire. C'est fou mais on a l'impression que les pérouviens ne dorment jamais, du moins pas beaucoup. Les vendeuses et artisans sur le marché, par exemple, bossent toute la journée, finissent tard le soir et sont donc de bonne heure "sur le pont" tous les matins de la semaine. Pas étonnant ensuite de voir des femmes faire la sieste, assises plutôt inconfortablement, devant leur stand.
Toujours autant de festivités et d'animations à Urcos - hier soir, on a même pu assister en vitesse à un concert de musique traditionnelle sur la place - en cette semaine sainte. Tout à l'heure, à quatre jours de la Pâque, nous irons faire le "chemin de croix". Pour le côté spirituel, pour la vue et pour prendre l'air. Qui sait si nous ne courrons pas un peu.
Nous courrons plutôt demain matin. En redescendant du promontoire où s'érige un imposant Christ (rédempteur?), nous vimes de l'autre côté du pueblo un sentier qui mène à un mont ayant un petit air de Machu Picchu.
On a pas mal épluché les articles du Monde.fr (et d'autres sites d'information). On commence à bien planifier notre saison de course à pied. Peut être un peu trop d'ailleurs.. Faudrait aussi penser à gagner des pépettes. On y pense aussi. On commence à regarder les offres d'emploi. Ça va s'accélérer. C'est sympa de prospecter depuis les Andes. C'est stimulant. C'est juste problématique s'il faut se présenter pour un entretien avant le 23 mai.
17h. C'est pas qu'on se ferait chier mais.. presque. Steven à regarder les prévisions météos à Cuzco, à Huaraz.. En zappant sur les chaînes d'infos du câble, on apprend que l'Equateur aussi est touché par les El Nino. On aurait décalé de 2 semaines notre départ que ça n'aurait pas été pire. Mais nous avions des impératifs (anniversaire de la copine de Steven, Grandes médiévales d'Andilly) à respecter.
Aujourd'hui, c'était jour de marché. Il y avait du poisson - frais le matin, un peu moins le soir - et des fruits et légumes en pagaille. Un petit bout d'pérouvien retors s'est mis en tête de nous toucher la barbe, puis nos mollets de "gringolets". Alors, en retour, j'ai tenté de faire des chatouillis au dessus de la hanche du fugitif. Même furtif, ce contact avec la jeunesse andine fut très plaisant. Nous sommes certes les seuls touristes actuellement présents ici et pourtant les habitants ne nous le font pas (trop) sentir et cela est très agréable. On ne nous cherche pas des noises malgré que nous soyons, d'une certaine façon, des privilégiés.
Dans ces moments de complète relaxation physique et psychique, on réalise l'ampleur de la chance qu'il nous est donnée de pouvoir être là, au milieu de gens différents et en même temps tellement proches et attachants. Des êtres, en France, en Suisse, etc, vous manquent. Nièce (pour Steven) et neveu (pour moi) nous manquent. Mais nous les reconnaissons dans le visage de certains mioches sud-américains, et ces attitudes joviales, ces sourires malicieux ou ces caprices exagérés compensent largement l'éloignement temporaire subi. C'est une belle leçon de vie aussi que de parvenir à être heureux sans les personnes qui nous rendent heureux d'habitude. La clé ? Tout faire - humblement - pour procurer du bonheur aux gens qu'on croise et à ceux qui nous suivent à distance. Et puis il est vrai qu'avec la technologie actuelle, on ne peut dire qu'on soit coupé du monde, bien au contraire. Il nous tarde toutefois de retrouver justement un peu d'inconfort. On ne dit pas qu'on en a plein le dos de dormir - au chaud - sur un super matelas. Ce serait hypocrite d'écrire qu'on regrette de ne plus dormir sur notre "pelure d'oignon" en chien de fusil, les mains entre les cuisses parce ce qu'on se mêlait le jonc. Ajouté aux douleurs ischiatiques dues au vélo, nous avons mis notre organisme à rude épreuve au cours des 4 premiers mois de cette odyssée. Il appréciera sans doute de pouvoir "souffler" encore une dizaine de jours au Pérou, avant de finir - on l'espère - en feu d'artifice en Équateur.
Il nous tarde de casser de nouveau la croûte (de tomme) et de tremper un morceau de pain dans la soupe "maison". On n'est pas en train de cracher dans la soupe mais force est de constater que le naturel a tendance à revenir, au trot pour le moment, au galop d'ici quinze jours - trois semaines. Le fait d'être dans un moment creux du voyage y contribue. Et là tu te dis que ce sera sûrement le contraire quand tu seras rentré en France. Ruminant tes souvenirs accrochés à la cordillère, nostalgique voire dans une forme de dépression, tu regretterais presque de ne pas avoir profité davantage des ondes positives des "anges" des Andes. Ton corps bien revenu en Europe mais une partie de ton âme à jamais fusionnée avec ces montagnes sacrées, adoubée par la Pachamama.
Carpe andiem.

Ven.14/4 : "Les Enfants de Dieux" - Dernier jour de débranchement forcé. Demain, on renfile les cuissards (et nos cuissardes) direction l'ancienne capitale Inca, le "nombril du monde" selon les Témoins de Jéhovah rencontrés avant-hier. Comme la plupart des œufs en Amérique du Sud, durs à cuir, nous cuirassiers de l'ordre des "tandinistes" repartons en campagne, en ville dans un premier temps puis en montagne.
En attendant, on pommade nos peaux un peu pelées par le soleil et peaufinons les ultimes détails de la fin de notre trip. Steven, quant à lui peaufine les éléments de sa candidature pour un job en or à Lausanne. Pas candide (Thovex) pour un sou, il y va au culot et mise notamment sur sa motivation, son dynamisme et son entre-gens. Je lui souhaite de tout cœur d'obtenir au minimum un entretien. Par contre, faudra te refaire une beauté mon pote! Et puis pas sur qu'y aller en habits X-Bionic fasse l'affaire. Du moins, c'est.. risqué. Ainsi, tu te payerais l'affiche. Un risque à prendre ? Tu me diras, tu sortirais du lot ainsi.
Le footing (à 3500m d'alt.) de ce matin, suivi d'un milk shake en terrasse, fut fort fun. Le kiffe quoi. Le single pour redescendre de notre mini Machu Picchu (sans les ruines) était parfait, et la vue sur la petite lagune d'Urcos d'un côté et la plaine agricole gagnant Cuzco de l'autre imprenable. Ce genre de sentes étroites en balcon, qui plus est en descente, c'est pour cela qu'on aime et qu'on pratique autant le trail running.
La femme du gérant de l'hôtel - qui tient le bar à jus de fruits - parfumerie attenant à l'établissement hôtelier - nous a fait goûter ce midi un plat typique régional. On n'a pas réussi à manger toutes les algues -chatouilleuses de glottes - et il y avait des relents d'huître qui nous ont un peu chahutés l'estomac. Sinon, c'était plutôt bon.
Il fait beau ! Alors que d'habitude ça se bâche l'après-midi, aujourd'hui, on prend le soleil dans le cou et.. des coups de soleil dans le cou. C'est coooollll !!!! C'est un peu "nos jours heureux" du coup ou "silence, ça pousse". Car, à défaut de cultiver des tomates ou des courgettes pour le moment, on se contente d'entretenir notre pilosité. D'ailleurs, les rayons du soleil hérissent les poils roux de mes mollets. Ils sont content de voir un peu de lumière après tout ce temps passé dans les ténèbres des jambières X-Bionic. Allons, je m'égare. Tout de même, va-t-on réussir à passer la frontière Pérou-Équateur avec une tignasse pareille ? On demandera conseil aux filles lundi. La sentence pourrait bien être irrévocable..
On n'a le droit de ne pas croire en Dieu. On a le droit de croire en une présence, une influence divine. Quand tu visites les Andes et que tu te défais de certaines chaînes et/ou boulets, que tu parviens à te vider la tête et à être ouvert complètement, tu peux entrevoir le chemin de la sagesse éternelle.. Non je déconne ! Qui suis-je pour raconter de tels boniments? Un jour peut être mais, pour le moment, l'aventure continue. Alors profil bas mais tête haute et vamos! Carpe andiem.

Sam.15/4: "Inka'ssable" - 42kms porte à porte pour rejoindre Cuzco depuis Urcos, assurément l'une de nos villes coups de cœur. Une petite pensée pour Philippidès du coup. Lui, à l'époque c'était à pied et l'enjeu - de se rendre à Athènes - était tout autrement plus crucial. Une petite étape, pas de celles qui vous assomment en somme. On nous avait promis l'enfer par rapport à la circulation, la pollution et aux chiens. On a surtout subi quelques quolibets mais pas de quoi casser trois pattes à un cochon d'inde. Des "cuyerias" ("cochonneries d'inde" ou "cochondinderies" en français), il y en a tous les quatre échoppes à l'entrée sud-est de la ville. C'est couillu mais on n'est pas certain d'avoir les couilles de tester le "cuy". On a heureusement bien d'autres préoccupations. Acheter deux tickets de bus pour faire Lima-Quito début mai par exemple. Ce fut laborieux mais c'est chose faite. Départ le dimanche 30/4 à 20h pour.. 38h de trajet non stop. Pas l'expérience qu'on attend avec le plus d'impatience. Il nous reste ainsi deux semaines pour parcourir le Pérou en mode road trip à bord d'un pickup Toyota Hilux. Nous aurons bien sûr préféré tout faire à vélo mais nous sommes contraints par le temps. Ainsi, nous allons mettre le tandem de côté sur ce laps de temps et enfiler davantage shorts et baskets.
Cette ville semble inclassable, ses nombreuses ruines "inka'ssables". Il ne fait pas bon être trop iconoclaste, ici les icônes sont classes et il n'est pas mal vu d'idolâtrer toutes ces vieilles pierres. Il paraît que la Plaza de Armas est un joyau de culture, garant de l'histoire du pays. On ne vous parle pas de la Vallée Sacrée et du Machu Picchu que l'on prévoit de visiter mercredi prochain.
Ah et si, énorme ! Vous allez pas nous croire enfin si car vous n'aurez pas le choix : alors que nous avons pris nos quartiers dans notre nouvelle chambre, Doris - la propriétaire de la maison d'hôtes - nous annonce que "la dame de l'agence est là". Elle demande à voir Steven. Une agence, pour nous, quelle agence ? C'était en fait Nancy, la compagne de Cyrillo le prestataire d'Allibert Trekking à Cuzco qui nous a offerts la nuitée à Tinke mardi passé. Et toute la famille nous attendait dehors! C'est Cyrillo qui, en voyant passer dans sa rue deux grands blancs barbus, s'est dit que ce ne pouvait être que Steven et moi. Il s'avère qu'ils habitent à 3 pâtés de maison de chez Doris! Il fallait le faire. Cuzco c'est tout de même 300 000 habitants.
Ce soir c'est samedi soir et.. ce soir ce ne sera pas "Saturday night fever" car nous sommes à poil! En gros, c'est notre 4eme machine en 4 mois et notre garde-robes ne.. garde pas beaucoup de robes. On a bien fait rire les oiseaux et Doris tout à l'heure au moment de se dénuder pour mettre un maximum de linge sale à laver. On a eut la décence, non la lucidité de garder un slip.. pour faire la fête.. du slip. On n'est donc pas parti "to party" mais plutôt pour se contenter d'un (repas) chinois avec une bonne bouteille de Coca. Encore une nuit réparatrice et on sera frais comme des gardons. Il pleut des feux d'artifices depuis dix bonnes minutes. Ça change du bruit du tonnerre. Si cela permet de faire fuire les flux de perturbations.. Carpe andiem.

Dim.16/4 : "Amara Muru" - "La puerta de Dio". La porte de Dieu. Peut être la découvrira-t-on, peut être pas. Elle se situe quelque part près du lac Titicaca, entre les hameaux de Llave et Juli. La légende dit que si on arrive au bon moment, la porte multidimensionnelle peut s'ouvrir.. Sur quoi ? Sur quels mystères ?
Nous partirons en quête du secret "d'Amara Muru" mercredi, après avoir percé une partie de celui du Machu Picchu.
Ce matin, après une grasse matinée jusqu'à 5h30 environ, nous faisions la connaissance d'une instit' quinquagénaire française - également pensionnaire du gîte - au moment de petit déjeuner. Celle-ci a créé son association de solidarité internationale et agit - dans le domaine de l'éducation - en Asie, en Afrique Noire et auprès d'une communauté Quichua sur les hauteurs de Cuzco depuis peu.
Nous conversons quasiment deux heures durant. Une femme de convictions, convaincue et convaincante. Une très belle rencontre de plus.
Après ces discussions "de salon" essentiellement autour de notre périple et de la politique en Amérique du Sud et en France, nous prenons congé de cette gente dame. Nous demandons à Doris si nous pouvons récupérer notre short - encore légèrement humide - pour aller courir et faire du renforcement musculaire au stade municipal. Et quel plaisir ce fut de fouler de nouveau le tartan d'une piste d'athlé et d'en sentir l'odeur si particulière dans nos narines. Nous finimes sur un "décrassage-défoulage" à base de tirs - voire de "mines" comme on disait à l'époque - sur un côté du terrain de foot. On avait alors juste un peu peur pour les enfants assis pas loin de la cage.. Pas de casse finalement et c'est pas plus mal. Faire ainsi une séance de course fractionnée à 3200m d'altitude, et se sentir plutôt en forme, c'est excellent. Bon, il est à parier qu'on aura de grosses courbatures demain et plus encore dans deux jours. Enfin, que dire du bien-être ressenti après que nous nous soyons étirés le dos.
Sur le chemin du retour, nous nous prenons un frappé et un sandwich.
Puis, après-midi dominicale paisible passé dans la maison d'hôtes et consacré principalement à préparer nos sacs pour les 10 jours à venir. On jette quelques sacs plastiques dont nous nous servions pour protéger nos affaires à vélo et en haute montagne. On sent que le gros de l'aventure est derrière nous. Nous nous lancerons encore quelques gros défis "andinistiques" au coup par coup mais avec un niveau d'engagement inférieur dans la durée.
Ce soir s'achève la fête de la Pâque pour la Résurrection du Christ, les turques ont voté "oui" au référendum sur leur Constitution, et la bataille pour la présidentielle en France semble plus serrée que jamais si l'on se fit aux derniers sondages. Et nous, et bien nous on suit tout cela avec intérêt, attention et on attend avec impatience d'entamer un nouveau chapitre, l'avant-dernier, de Bike Andes Peaks. Ce week-end, on n'a pas craqué : on n'est pas allé chez le coiffeur-barbier très bon marché de la rue. On devrait donc revenir touffu (et non moins tout fou) en Haute-Savoie. Plus qu'un mois et demi à tenir le pari / le "pavé" sur la tête. Tout à l'heure, lorsque Steven galopait sur la piste du stade au milieu des sportifs cuzconéens, j'avais l'impression de voir un chou-fleur de 2m se déplacer.. Carpe andiem.

Lun.17/4 : "L'affaire du permis de conduire" - "Larme fatale" - D'abord on fait la surprise d'accueillir les filles à l'aéroport. Elles semblent ne pas nous reconnaître. "Euh.. Hé oh, c'est nous, on est là !" Ensuite, ce sont elles qui nous font très plaisir en nous offrant du pain (de Julie / Épi c'est Tout) et du fromage (de l'abondance et du beaufort) du pays. Un grand petit déjeuner avant de partir visiter le centre historique de Cuzco.
Un peu avant 11h, nous partons enquêter sur l'affaire "du permis de conduire" caché par le frère de Steph' en 2013 derrière le tableau de la première chambre à gauche quand tu montes l'escalier d'un hôtel situé sur les hauteurs de l'ex-capitale Inca. Nous aurions aimé perquisitionner la chambre mais n'avons pu obtenir d'accréditation de la part du département criminel de la police judiciaire pérouvienne. En même temps, quelle idée de cacher son permis derrière un cadre et de.. l'oublier !
L'intérieur de l'église Santo Domingo est impressionnante, quoique un peu trash par endroit avec les nombreuses représentations de Jésus Christ ensanglanté. Le musée du Machu Picchu donne quelques clés intéressantes avant d'entrer réellement - mercredi - dans le vif du sujet : l'univers fantastique des Sapa Incas ("Incas principaux") et leurs cultes, processions, etc. Et puis bien sûr un petit topo sur l'ingéniosité de cette tribu pour bâtir de tels édifices, aussi démunis de failles. Et puis leur système d'irrigation.. Ah leur système d'irrigation !
Steph' et Julie ont accompli leur premier défi : boire de l'Inka Cola. Et le pire c'est qu'elles ont apprécié! Quelle hardiesse. Elles sont parties la veille au soir de Barcelone. Elles n'ont quasiment pas dormi, avec le décalage.. On est presque plus crevé Steven et moi et plus essoufflé lorsqu'il s'agit de prendre un peu de hauteur pour mieux apprécier toute l'étendue, la joliesse et la grâce de la cité. Va falloir qu'on retrouve du jus, la pêche ! Un peu d'entrain pour sortir du train train quotidien. Et pour cela rien de tel qu'un frappé ou qu'un "jugo con leche".
Nous fûmes enfin au comble du bonheur quand les filles nous lancèrent trois sachets de chocolats. "Attention, réflexe !" Loupé. En plein dans la binette. Un bien joyeux lundi de Pâques.
Le clou de la journée se déroula au restaurant où nous eûmes un fou rire lié à la façon qu'ont parfois les restaurateurs sud-américains de travailler. On a certes beaucoup amplifié la chose mais il faut avouer que le coup de la boîte d'ananas que la femme du cuisto va acheter dans l'épicerie d'à côté - ce qui nous était déjà arrivé en Bolivie avec Steven - parce que tu viens de commander un plat avec précisément de l'ananas. Idem pour les œufs. C'est une autre façon de cuisiner.. Et un bon moyen d'éliminer le gaspillage. 0 stock. 0 déchets. 0 assurance que ce que tu trouves dans ton assiette ce soit exactement ce qui est écrit sur la carte. Ça ne fait rien. Au contraire. Ça nous fait bien marrer et c'est bien là l'essentiel. Simplement, faudrait pas que l'un de nous quatre s'étouffe avec ces conneries. La larme à l'œil (à force de rire). L'alarme sur la montre. Demain, nous partons tôt à la conquête d'un mythe. L'une des 7 merveilles du monde, dans les cases rouges du Monopoly, pas loin des jardins suspendus de Babylone. Là, on ne pourra point l'acheter. En revanche, l'admirer représentera la concrétisation d'un rêve de jeune ado désireux de déceler ce que le monde recèle de plus précieux, en l'occurrence un sanctuaire bâti par des hommes perchés mais bougrement doués. Carpe andiem.

Mar.18/4 : "Tintin chez les Incas" - Nous sommes à Aguas Calientes dans l'hôtel Los Caminentes, au pied de la cité Sapa Inca du Machu Picchu (et non "Michu Pacchu"). On est pas chez Michou ici, encore que l'architecture certains hôtels ou boutiques et la devanture illuminée nous feraient presque penser à un quartier branchouille parisien. Au milieu de la jungle. Les 6h de trajet, dans un minibus avec peu de place pour étendre les pattes et peu d'air pour respirer, furent un poil "longuet". Surtout qu'à l'arrière du véhicule, les sièges étaient surélevés et avec Julie nous ne voyions à vrai dire pas grand chose du paysage pourtant saisissant. La fin de la route - en terre - est abrupte et annonce la couleur pour le trek de demain qui mène au MP. Nous tombons un peu sur le cul lorsque nous voyons que le restau où nous prenons "l'almuerzo" diffuse la Ligue des Champions de foot. En plein milieu de la jungle. Les frites sont à peine dégelées. Ça fera bien l'affaire. On retrouve également un couple de français croisés un mois plus tôt à Sajama.
2h de marche ensuite le long du chemin de fer pour rejoindre Aguas Calientes. Quand les wagons de Peru Rail sont passés à quelques centimètres de notre nez, nous fûmes tentés de nous prendre pour Tintin et de sauter sur le toit du train vert et jaune. Mais la comparaison s'arrête là. Pas de "tchou tchou", la vapeur provient des effluves d'eau du torrent, pas du charbon. Scènes de BD, scènes mystiques qui en appellent d'autres.. On est en basse saison et pourtant le chemin est déjà bien (James) bondé. On n'est pas mécontent de venir mi-avril. On bénéficie également de petites remises sur le prix des plats dans les restaurants du Machu Picchu pueblo. Steven choisit une table après s'être fait "biché" par une pérouvienne. L'adresse est convenable, la nourriture est plutôt bonne mais on repart pas du tout
rassasié (sauf Steph' qui devra subir pendant 10 jours le syndrome de la "goinfritude"). Du coup, on se rend dans un autre restaurant qui propose des pizzas, on en commande une pour trois, on joue à la bataille corse pour patienter et on rentre à l'hôtel cette fois bien repu. Le "cuy a l'horno" coûtait 80 soles, soit une.. coui*** ! C'est encore pas ici qu'on goûtera du cochon d'inde. Il y avait des thermes d'eaux chaudes - d'où le nom du village - mais nous n'avons pas eu/pris le temps de nous y rendre. On ira à Vitam en rentrant. Peu d'eau chaude voire douche froide - à Aguas Calientes ! - pour Julie et Steven. Le chemin de fer passe juste devant l'auberge. Un train vient de faire un beau vacarme. 21h46. Le sommeil m'assomme. On entend aussi la voix de travailleurs bavardant sur les quais.. Carpe andiem.

Mer.19/4 : "Inti Punku" - Le jour J ou plutôt M. Le "Machu" comme ils disent. Départ sous la pluie tropicale vers 5h après un petit déjeuner à base de pain brioché et de yaourt périmé goût "pêche - roquefort". Seule Steph' est capable de le boire. Des années d'entraînement et surtout une haine viscérale pour le gaspillage que nous avons tous les quatre. Avec Julie et Steven, on se rue sur le "jugo" de mangue pour mieux faire passer la brioche. Les frontales vissés sur la tête et les ponchos de sortie - pour la première fois pour Steven et moi depuis qu'on les a achetés au Chili -, let's go to voir comment les Incas savaient bien jouer aux Legos ! On a hésité à prendre le bus jusqu'à l'entrée de la cité inachevée pour se mettre un peu à l'abri des gouttes mais la queue nous a refroidis. La pluie s'étant calmée, on est satisfait d'avoir fait ce choix d'autant que le chemin est particulièrement agréable et efficace. Julie a une crise d'asthme dans la montée, c'est pourquoi nous avons emprunté la route des bus moins inclinée et offrant de superbes points de vue sur la vallée d'Urubamba et le fleuve éponyme.
Que dire, comment décrire cette découverte inca-ractérisable ? À part que ces amérindiens étaient des êtres de caractères. Car pour construire un truc pareil dans un lieu aussi reculé et pentu, il faut avoir un grain (de folie) au départ ! Vous allez pas nous dire : le mec qui a décidé de lancer ces travaux d'Hercule - comme à Choquequirao - il devait déjà avoir un peu de pouvoir. Ce devait être à la suite d'une beuverie, après plusieurs jarres de bière de maïs, que la sommité assommé par l'alcool a sommé ses proches et courtisans de se lancer dans ce projet pharaonique. C'est là que ses serviteurs et autres sous-fifres ont dû se dire : "et merde, il veut sérieusement le faire en plus". Bon ça valait le coup d'truelle. Quand tu imagines ce que cela rapporte en termes de notoriété et de retombées économiques au pays et, a fortiori, à leurs descendants, les bâtisseurs de ce village disparu peuvent être fiers. La vie semble y avoir perduré tant ce dernier est intact. Seuls manquent aujourd'hui les toits en roseau et jonc, et les habitants (intermittents du spectacle?) reproduisant les modes de vie et technique de travail de la période concernée.
On est dans le minibus de l'agence Sakura qui nous ramène sur Cuzco. Il est 18h50. On a l'impression que c'est 22h. Le véhicule n'est pas un "tape-cul" comme à l'aller.
En reparlant avec les autres, on se dit qu'on est vraiment tombé sur une belle journée, alors que c'était pas gagné. Ça s'est dégagé progressivement au cours de la matinée, au fur et à mesure qu'Éole souffla dans le creux de la vallée. Le summum ce fut pour nous lorsqu'on a atteint la Puerta del Sole - "Inti Punku" - après avoir crapahuté sur un chemin en balcon bordé de fleurs et avec plein de petites bêtes volantes ou rampantes nous indiquant la divine voie. Et le plus fort dans cette histoire, c'est que nous avons d'abord revu Koleen et John - "JK Trekkers" sur Facebook, from Nebraska - que nous avions rencontrés à l'Aconcagua il y a 4 mois (et qui nous avait offert des Snickers amande pour Noël)! Puis, en redescendant de la Porte du Soleil, nous tombons de nouveau nez à nez avec le couple de toulousains qui nous apprend qu'ils ont passé dernièrement quelques jours en compagnie de Serge et Vorlette. Le monde, même en voyage, est petit.
La journée s'achève après une marche rapide le long des rails pour retourner à Hydroelectrica ; un trajet interminable (plus de 7h), puis en minibus jusqu'au centre historique de Cuzco. Enfin, de là, encore une quarantaine de minutes à pied pour rentrer chez Doris. Les épaules et les cuisses (pour Julie), les genoux (pour Steph'), le bas du dos et les pieds (pour Steven et moi) plus ou moins moulus, nous sommes bien contents de pouvoir enlever nos chaussures odorantes. 2 jours plutôt mouvementés et riches en émotions. Pas vraiment des vacances pour les filles. Nos cerveaux, à moitié endormis, tournent au ralenti. Au restaurant, on se regarde plus - l'œil fatigué - que l'on se parle. On se reposera dans la voiture demain pour le véritable commencement de "Bike Andes Pickup". Carpe andiem.

Jeu.20/4 : "Back to Titicaca" - Le gars de l'agence de loc' arrive un peu en avance pour nous livrer le pickup. Pas le temps pour Steph' de finir sa tartine. Elle va signer les paperasses et récupérer la clé. À peine le temps de dire au revoir à Doris que nous sommes déjà en train de charger notre moyen de locomotion - moins écolo mais un brin plus rapide - pour les 7 jours à venir. Steven est allé au "popo", c'est bon, vamos pour le 1er jour de "Bike Andes Pickup". Road trip to Lima. Kilomètre 0, 1.. À la recherche de dimensions nouvelles une fois la Porte franchie.. Une fois la sublime création d'Inti en visu.
Arrêt jus de fruits - pipi à Urcos chez notre "mama" du Pérou. Celle-ci nous recommande - nous engueule même ! - d'être beaucoup plus vigilant quant à nos affaires dans la benne du Mitsubishi. De nombreux gangs aux frontières et près de Lima seraient coupables de vols de ce genre. C'est pas le moment de se retrouver à poil.
Pour le déjeuner, nous nous arrêtons - de nouveau - à Aguas Calientes mais cette fois au sud-est de Cuzco, dans la région du cochon d'Inde. En plus d'avoir des piscines thermales, on trouve dans le pueblo une table bien sympa où l'on peut déguster une délicieuse truite ou un très bon morceau de poulet ou de mouton a l'horno (= au four). Mais, pas de cul ce jour-là, pas de cuy. En plus d'être de fines cuisinières, les femmes semblent constamment d'humeur joviale. On en a profité pour remanger de la patate noire roulée par les pieds (au moment de la récolte et avant de les faire sécher) au goût tinté de châtaigne. Un pur moment d'immersion dans "l'andinosphère".
Un papillon s'est coincé la patte dans l'un de nos essuie-glaces avant. C'est tout de suite plus facile pour le prendre en photo, de près. "Non Steph'! Ne mets pas d'coup d'essuie-glace, ça va cradosser le pare-brise !" Le pauvre, il va rester avec nous jusqu'à la fin comme c'est parti. Espérons juste qu'il soit de nuit donc qu'il ait de toute manière une durée de vie limitée. Ses couleurs vives vivront éternellement dans nos mémoires d'Hommes à la façade parfois fades. Il s'est envolé finalement. Qui sait, peut être a-t-il eu quelques minutes, quelques heures de sursis, de survie.. et de bonheur de vivre ? Cette vie à la quelle on ne sourit pas toujours, se croyant confronté à une injustice notoire, alors qu'il s'agit d'un rikiki simili-problème inventé de toutes pièces par.. soi-même.
"Amen, omen", puis.. "Tout nu et tout bronzé !" La playlist "Bike Andes Peaks" se prête bien au road tripping. Les filles valident.. surtout le chef d'œuvre de Carlos!
Nous arrivons à Llachon (prononcez "Yachone"), à la pointe  sud de la péninsule situé au nord-ouest du Titicaca, vers 16h30. Après un premier repérage des lieux et une étude de marché de l'immobilier locatif, nous décidons d'aller vers "Chez Félix". Ce dernier étant un peu cher pour les bourses de Bike Andes Peaks, Steven nous dégote un autre bon plan 50m plus loin. Pas de plage privée mais un super emplacement tout de même et une formule complète bon marché avec une tisane de "muna" pour digérer les.. âneries sorties à table. En effet, on se raconte des anecdotes et "scatophilosophons" à l'heure du diner. Celle de Julie en Asie, on s'en souviendra un moment ! A-t-on vraiment dépassé le stade "anal" ? Le rire est bon pour la santé, la cohésion, etc., et ce quelle qu'en soit la cause. En même temps, franchement, c'est toujours embarrassant de voir ses crottes continuer de flotter malgré les multiples tentatives pour les faire disparaître.
La voute céleste est juste incroyable ce soir. Nous descendons deux fois - avant et après le repas - jusqu'à la plage en contrebas de chez Tomas pour y admirer les constellations et l'impressionnante voie lactée. En dessert, nous prenons de l'étoile filante et faisons chacun un vœu. Les presqu'îles "flottantes" et la Cordillère Royale qui se dessinent au dessus du lac nous donnent l'impression qu'elles sont en lévitation. Non, nous n'avons point consommé de haschich ou d'autres substances hallucinogènes. C'est tout bonnement paradisiaque. On ferme les yeux. L'esprit se dilue dans un cocon de clapotis relaxants. Carpe andiem.

Ven. 21/4 : "Llachon pas l'affaire" - Ne jamais rien lâcher. Ou bien lâcher prise, débrancher, décompresser quand tu peux, que tu te retrouves dans un lieu de villégiature comme celui de Llachon. Surtout quand tu es accueilli et traité de la sorte par un un hôte tel que Tomas, un amérindien aymara qui ressemble comme un jumeau à celui qui tient l'éco-lodge à Tuni, en Bolivie.
Une matinée parfaite en fait. Celle-ci commence par un lever de soleil à couper le souffle. Dans ces cas-là, pas de souci pour se lever à 4h50 et aller marcher à plus de 4000m d'altitude. Une brise légère venant du large explique qu'il fasse "friscouille". Le soleil passe au dessus des altesses de la Cordillère Royale, éclairant nos visages et éclaircissant le lac. La lumière est sensationnelle. Les photos sont prometteuses. Nous sommes tout de même surpris de voir qu'il est écrit "Mélenchon pdt" sur un rocher au sommet du belvédère. Est-ce prémonitoire ? Avons-nous franchi la porte spatio-temporelle ? Après quelques clichés plus ou moins.. réussis pris tous les quatre, dans des positions plus ou moins.. réussies elles aussi, nous redescendons à l'auberge pour le petit déjeuner. Pancakes et crêpes tièdes accompagnent notre infusion de "muna". Un régale pour les papys et mamies que nous sommes ensuite le temps d'une partie de belote. Puis, Tomas et les femmes de sa famille nous firent enfiler des habits traditionnels. Encore un grand moment de sport ! Son gîte mérite vraiment d'être plus connu. Se parer de rose ne nous est pas arrivé souvent avec Steven. Les filles sont resplendissantes dans leurs tuniques à la "Heidi".
Nous enchaînons par une mini séance d'abdos-pompes-gainages-yoga "face à la mer". On a connu pire comme spot. Avec Steven - attention, on est des ouf ! -, on finit par un plouf dans le Titicaca. Cette eau multi-millénaire, purifiante. Les filles, toujours aussi pétillantes, préfèrent le gel douche à l'odeur de "poiscaille". Ça sentira moins mauvais dans la bagnole.
Un peu avant midi, la benne du pickup de nouveau chargée et le linge mouillé étendu un peu partout dans l'habitacle, nous reprenons la route direction Arequipa, à la conquête de l'ouest.
On vient de passer l'ultime col pour rejoindre en bas la vallée d'Arequipa. Encore 2h à rouler au milieu des vigognes "mimis", des minis canyons stratifiés, des mines, des poids lourds, etc. Nous entrons dans une réserve naturelle. Les formes géologiques s'arrondissent et s'affinent. Certaines pointent vers le ciel, comme aspirées par lui, telles des fusées de roche en équilibre précaire sur leur socle éboulé.
On commence tout doucement à digérer le poulet-frites de ce midi. C'est pas pour faire les difficiles mais ce fut pour le moins médiocre. Comme on dit dans ces cas-là : bien dans la quantité, moins bien dans la qualité. Contrairement aux frites, le riz au moins tu peux être sur à 99,99% qu'il ne sera pas raté. On ne nous y reprendra pas à vingt-neuf fois!
Le disque solaire, quelque peu dissipé par une mer de nuage que forment notamment les fumeroles d'un volcan en activité, éblouit les filles. Ainsi, on a failli se prendre une vigogne apeurée par le passage simultané du train.
La "plantation" de ciment à l'entrée d'Arequipa (880 000 habitants = Marseille intra-muros) est GI-GAN-TES-QUE !! De loin, cela donnait vraiment l'illusion d'apercevoir l'entrée de la ville.
Une fois installés au très chic Patio de Elisa, nous papotons une petite demi-heure avec Thomas Montaigne, un contact d'Arnaud, le gendre de Doris, notre hôte à Cuzco. Celui-ci nous livre quelques bons conseils, notamment sur la "règle de trois" en vigueur à Arequipa et dans tout le Pérou de manière générale. Cette dernière consiste à demander 3 fois la même chose, afin de recouper les réponses obtenues, pour obtenir une info fiable. Exemple : les horaires de fermeture et d'ouverture des parkings payants de la ville.
Il est 00h47. Tout le monde semble dormir profondément. Après Steven mercredi soir, à mon tour de ne pas parvenir à trouver le sommeil. On s'est couché en ne sachant pas vraiment ce qu'on allait faire demain / tout à l'heure. A priori plutôt Misti (6 822m) que Colca.. Mais le mystère reste entier. Si la nuit pouvait nous apporter un éclairage.. Carpe andiem.

Sam.22/4 : "Mistigriffe" - Ce matin, alors que nous étions partis pour partir le plus tôt possible au Misti par la voie (sud) "Grau", Steven propose sagement d'aller recueillir de plus amples détails (difficulté, sûreté parking) auprès du prestataire d'Allibert ici à Arequipa, de Thomas Montaigne, etc. Et puis de s'assurer que les filles puissent bien trouver - en location - chaussures cramponnables à leurs pieds. Et ainsi de décaler le départ à demain matin nous permettra de décoller un peu plus tôt, d'être bien frais et dispos pour ce bizutage en haute altitude pour les filles. Nous pensions enfin pouvoir boire l'apéro et faire du troc d'infos avec Serge et Vorlette qui devaient réaliser ce sommet aujourd'hui même.
Du coup, nous en avons profité pour bien visiter la Place des Armes et les rues et petites places s'y déversant. Nous avons mangé un sandwich "Mamut" à midi avec bien sûr un "jugo" bien faits et bien frais. Peu après, nous allons faire notre marché pour dégoter du matos pour Steph' et Julie, acheter de quoi manger pour 1 jour et demi.   Nous craquons devant les mangues et le corossol. On aurait pu en ramener plein d'autres à l'hôtel mais il faut se raisonner et budgétairement et "estomacalement" parlant. Ces lieux publics sont parlants, sur le fonctionnement et la culture du pays, la façon de traiter les gringos,  etc. Ne serait-ce que pour les yeux, c'est un régal tous ces étals plus ou moins ordonnés. Il y a juste les marchands de fromage et de viande que l'on évite au maximum (pour les odeurs). Dans la rue pour regagner l'hôtel, nous achetons encore de l'eau, des fruits secs et quelques bonbons au citron et au miel pour le jour du sommet.
Puis, après avoir fait nos paquetages pour le Misti (="Bonhomme") et constaté que nous allions devoir porter de nouveau l'équivalent d'un baby-alpaga, nous retournons à la Plaza de Armas pour boire un verre - soft, surtout pas d'alcool la veille d'aller en haute montagne ! - et par dessus tout admirer le coucher de soleil en terrasse. Cette dernière surplombe toute la partie ouest de la ville. Mais le plus cool c'était d'enfiler des ponchos et de voir Steven ressembler à un religieux, un apôtre même. Cette cène, on la gardera à jamais en tête, comme le souvenir heureux d'une semaine un peu folle - et fort enrichissante - avec nos deux amies dont la venue nous aura donné un regain de patates. On aurait pu prendre la "cena" dans ce restaurant panoramique mais à 100 soles (=30€) le repas, on a vite déchanté.
Pas d'apéritif avec Vorlette et Serge. Ils devaient être "carpettes" les pauvres! On se reverra donc en France pour se raconter la fin de nos aventures respectives.
Nous dînons finalement dans un restau mexicain branché et, comme d'hab', nous nous faisons servir des boissons différentes de celles que nous avions commandées. Et ça nous fait toujours autant marrer ! Imaginez : vous demandez un jus d'ananas sans lait et on vous amène de la banane avec du lait. Il faut croire que nous avons encore des progrès à faire en espagnol dans la prononciation. Ou sinon qu'on nous prend vraiment pour des cons tout le temps. On aimerait juste savoir si les serveurs/euses ne font pas l'effort de noter la commande sur un bout de papier uniquement avec nous ou si c'est une tradition au Pérou. Du coup, le mieux c'est d'aller dans des guinguettes pas chères où tu ne connais pas la composition du menu. Au moins tu es sûr d'avoir ce que tu.. n'as pas commandé. Et oui logique.
On finit la soirée avec Steven, comme à la maison, sur les canapés du hall de l'hôtel, devant un super match de playoffs NBA.
Demain, départ pour le sommet Misti que nous n'avions pas forcément coché avant de partir et sur lequel aujourd'hui on aimerait bien poser nos "griffes" Petzl et Black D. Avec les filles, (ça nous est venu) comme ça, de manière pas hyper préparée - c'est un euphémisme - ce serait excellent. Carpe andiem.

Dim.23 & Lun.24 /4 : "Misti river" - Nous décollons de l'hôtel vers 8h30 direction le parking en face pour récupérer le pickup. Avec Julie, nous sommes auparavant retournés au marché couvert pour récupérer du pain et des sandwichs. Au moment où nous sortons d'El Patio de Elisa chargés comme des mules, nous voyons la porte de garage fermée alors que le parking devait ouvrir à 7h30. C'est vrai qu'on est dimanche. En même temps, on n'a pas respecté la "règle de trois". Ça commence bien. On toque quand même sur la porte. Un gardien nous ouvre au bout de quelques minutes. Il est d'abord catégorique. Le parking est fermé le dimanche et il ne peut prendre la responsabilité de l'ouvrir, sans l'autorisation de la propriétaire. Et,de toute façon, il n'a pas les clés ! Finalement, en insistant un peu, celui-ci obtient l'accord de sa boss et réussi - "comme de par hasard" - à déverrouiller la porte coulissante. C'était moins une qu'on l'ait dans l'os. C'eut été un échec cuisant.
Deuxième os: alors que nous nous approchons de l'entrée du parc du Misti, nous voyons écrit sur plusieurs portails fermés "propriété privée". Là encore, étant donné que c'est le jour du seigneur, notre première réaction c'est : "et merde". Si ça avait été le terrain d'une entreprise, on aurait été coincé. Mais il s'agirait, semble-t-il d'un simple domaine résidentiel. Donc il suffisait de se poster devant l'entrée principale et de demander à passer car on souhaite faire le Misti. Et là un vieux Monsieur pas tres causant vous ouvre la porte du paradis.. ou de l'enfer, selon ! On tentera donc bien l'ascension du volcan. Et ce qui est frappant au début de la piste, ce sont les larges sillons creusés par les fontes de neige et où se déversent les pluies torrentielles. "A bit like mystic rivers". D'accord, c'était surtout pour le jeu de mot. Tout n'est pas mystique non plus dans les Andes. On a hâte tout de même de voir ce que ça donne la nuit, avec les serpents des lumières de la ville.. En ce moment, les lits sont secs. Seul le haut de la montagne est enneigé jusque 200m environ en dessous de son sommet. L'effet "coulis de fraise sur une charlotte" est craquant. T'as qu'une envie : croquer cette face à pleines dents!
Mais le challenge cette fois c'était d'emmener deux amies non acclimatées à plus de 5800m d'altitude, avec une deuxième journée - le jour du sommet - avec plus de 1300m de D+ à avaler. Sur des sentes en cendre où tu montes de deux et descends d'un pas à chaque fois. Avec un départ à 00h45.. Après une marche d'approche déjà bien costaude !
On part du parking au bout de la piste, à l'entrée du parc du Misti, il est 10h10. Finalement, on monte vite (4h env.). Trop vite ? Les tentes aussi, on les monte relativement vite avec Stevie. On a rien perdu. Pourtant, depuis le temps, on aurait pu perdre un peu la main, rouiller. Quel pied de retrouver ses petites habitudes de vie et d'organisation en bivouacking. En arrivant au camp de base à 4600m d'altitude, un brésilien nous souhaite la bienvenue. Il est seul et nous demande à quelle heure nous comptons partir demain pour le sommet. Il a surtout le dos en vrac - suite à une chute en sandboard à San Pedro de Atacama où il a perdu connaissance - et cela n'est pas très rassurant.
On l'aurait bien accompagné et ensuite ramené à Arequipa en pickup - c'est ce qui était prévu - mais il est parti quinze minutes avant nous. Et ce qui nous embêta en repartant du camp de base tout à l'heure en milieu de matinée, c'est de ne pas l'avoir vu redescendre alors qu'il n'y avait plus que lui au dessus du CB. Heureusement, Steven eut la bonne idée d'avertir Thomas Montaigne, que nous avons croisé par hasard devant l'hôtel, qui dispose d'un bon réseau de guides dans le secteur.
À part ça, nous avons failli dans notre mission "Misti", n'avons pas failli atteindre le sommet. On s'est arrêté à mi-chemin seulement. Mais on a vécu, dans l'effort, des moments de partage assez forts avec les filles qui ont été formidables malgré des débuts de symptômes de mal des montagnes. Elles peuvent être fières de leur comportement. Avant de venir, elles ne s'imaginaient certainement pas puiser autant dans leurs ressorts physiques et mentaux. Pas plus qu'elles ne s'imaginaient trekker à 5100m d'altitude, qui plus est entre 1h et 5h du matin. Elles ont, d'une certaine manière, franchie une porte pluri-dimensionnelle, la porte "mistique". Nous, on demandera à Vorlette et à Serge pour savoir à quoi ça ressemble plus haut.
Pas tant frustrés par cette échec tout relatif, que nous voyons plutôt comme une "tentative réussie", nous acceptons totalement la sage décision de Julie de faire demi-tour. Cela nous permettra d'être ce soir au bord du Pacifique, soit 5000m plus bas 12h plus tard.. Les Andes quoi. "Les Andes, c'est pas plat" c'est pas une légende. Le tandem de nouveau dans la benne du "Mitsu", le compteur reste pour le moment bloqué à un peu plus de 3500 kms.
Nous avons par ailleurs apprécié dépanner un jeune couple d'allemands en vadrouille pour 4 mois et demi dans les Andes. La fille avait été victime de troubles intestinaux 2 semaines auparavant. Elle avait beau avoir pris des antibiotiques, ça n'avait pas suffi apparemment puisque c'était revenu. On leur aura au moins permis de rentrer plus tôt pour se reposer, Steven et le grand blond munichois à l'arrière du 4x4.
Et maintenant, claquettes aux pieds et "caguettes" sur la binette, cap sur le Pacifique!
Vers 17h, après 1h d'une lutte acharnée pour sortir de la ville vivants, nous nous arrêtons à un "hostal" routier avec piscine. La mer est déchaînée. De plus, le ciel est voilé. Il se pourrait que ce soit souvent le cas sur la côte. Pas de coucher de soleil comme à Biarritz. On retentera notre chance demain soir. Avec Steven, nous quittons les Andes pour la première fois depuis le 7 décembre et nous retrouvons au niveau du plancher des vaches pour la première fois depuis vachement longtemps. Le mal des plaines nous guetterait-il ? Il n'est même pas 21h30 et je suis claqué. Steph', qui a conduit encore 5 bonnes heures aujourd'hui, trouve encore le courage de lire. Y a un peu d'eau dans le gaz avec Julie. Ça nous rappelle nos tensions, parfois vives, avec Steven. Il faudrait qu'elles arrivent à en parler posément. Parfois, ça fait du bien
pour tout le monde de savoir se lâcher. Le voyage doit être un révélateur - de ses différences - en même temps qu'il doit permettre à chacun d'apprendre de l'autre et ainsi de ne pas se méprendre constamment sur lui. On réfléchit et agit tous différemment selon nos origines sociales, notre cadre de valeurs et de références, notre système de pensée, etc. Notre personnalité quoi. Il est malvenu de juger ou de critiquer alors que nous n'avons pas toutes les cartes en main. Les politiciens français le savent bien. Même si c'est pas méchant, ça fait toujours un peu mal ce genre de p'tites piques. A l'instar de l'environnement, notre esprit est déjà suffisamment pollué comme ça. Ne le parasitons pas davantage. Le bonheur est dans la réciprocité.
À part ça, on vous rassure, l'ambiance est très cordiale entre nous et depuis notre escapade au Misti, nous avons même mis de côté certains aspects du prétendu savoir-vivre !!
On aurait bien prolongé la soirée au bord de la piscine, une gabelle à la main. Mais la première est fermée et la seconde ne se vend pas au Pérou. Carpe andiem.

Mar.25/4: "(Not wild) West coast" - C'est pas déplaisant de pouvoir écrire en route, chose que le vélo ne permet pas. On a dit "hasta luego" à Bella, la chienne des proprios (sûrement des fans de Maître Gims du coup). C'est elle qui nous a montré le chemin ce matin pour aller faire un tout sur la plage - y voir une otarie échouée, une autre en train de nager et des nuées d'oiseaux - puis sur la dune au-dessus du complexe hôtelier.
Ces immenses monticules de sables et/ou de rochers striés qui se jettent dans la mer - et que beaucoup (dont Le Routard) considère comme pas terribles - donne au littoral un effet sympa. Y a un p'tit air de pays basque espagnol dans l'air et dans les narines. Seuls changent les grands oiseaux, la couleur des phares, le niveau de développement touristique.. et la pollution. Le fait que Steph' ait oublié de ralentir au passage d'un dos d'âne prouve la "pas-pireté" du paysage.
Après les chauve-souris, on voit des diables de Tasmanie - des "Taz" - peints sur les triporteurs. Un camion prend feu sur le bord de la route. On le dépasse en roulant au pas, pas très serein. On aurait bien aimé proposer notre aide mais de nombreux camionneurs beaucoup mieux équipés que nous se sont arrêtés pour tenter d'éteindre l'incendie.
Quand les vagues viennent s'écraser contre les rochers et bien on l'écrase et on admire le travail. Après le sud-ouest, c'est la Bretagne, la côte de Granit Rose selon Julie. On traverse ensuite des décors "madmaxiens", avec l'océan en plus à perte de vue sur la gauche.
Le restau où nous nous arrêtons pour manger un bout de poulet - celui-là cuisiné à la "choufa" était très bon ! - nous offre la "chicha", cette sorte de sangria sans alcool.
S'ensuit 3 nouvelles heures en voiture sur une route vallonnée s'écartant de la mer cette fois, avec des montagnes ressemblant au Cappadoce turques.
Avant cela, nous avons également vu des "chasse-sable" à l'œuvre, déblayant la chaussée des congères. À un moment donné, il y avait pas loin d'1m de sable sur la voie d'en face. C'était le Dakar près de Nazca. On ne verra rien de ses lignes. Trop cher - 80 dollars le "vol" - pour nos bourses. Nous sommes pourtant supposés avoir traversé un reptile.. On serait presque tenter d'aller faire nous aussi un dessin à l'aide du pickup. Mais il paraît que c'est interdit et ce serait bien peu respectueux de notre part. Si, ça y est, nous avons pu deviner les traces d'une patte. Maigre aperçu de ce site extraordinaire datant de 1939, attribuée à un américain. En avion, on peut apparement y visualiser, en plus des formes animales et anthropoïdes, un astronaute.. Soit les mecs qui ont découvert ça ont fumé la moquette soit la civilisation Nazca était extra-visionnaire.
On écoute - en exclu - la chanson "Bike Andes Peaks" composée par Greg Poux, l'un de mes meilleurs amis et futur mari de ma cousine Léa. Merci mille fois mon Gregounet. Grâce à toi, les élèves de CM1/CM2 de Villiers-sur-Morin pourront faire un cours d'anglais ludique. Et nous on a notre hymne !
On est à présent tous couché dans une petite chambre d'un hôtel pour backpackers à Paracas, près des Îles Balistas que nous visiterons demain matin au même titre que le parc naturel national de Paracas. Autant avec Steven, on n'a plus trop le mal des montagnes et ce, même à des altitudes élevées, autant on redoute un peu de ressentir le mal de mer demain.
Julie n'a pas retrouvé son permis de conduire. Avec en plus un souci à gérer au niveau professionnel, ça fait beaucoup. Avec Steven, on serait bien aller courir ce soir. On se rattrapera à Lima. Carpe andiem.

Mer.26/4: "Sur le cormoran.." - La Mecque que c'est la classe Paracas! 11h43. On repart de l'auberge le chargement du 4x4 de nouveau effectué - le dernier du voyage - direction la réserve naturelle de Paracas.
L'excursion par bateau de ce matin fut plutôt une réussite. C'était une bonne idée. Merci Julie. Gracias le Routard (2017).
Les bougainvilliers qui fleurissent sur les façades de nombreux bâtiments depuis Nazca ajoutent à l'ambiance "vacances au soleil" de la région.
Je me suis surpris à m'endormir trois quarts d'heure - Julie et Steven aussi - et à surprendre Julie qui est assise devant moi à qui j'ai mis un coup de genou dans son dossier. Oups. Après le petit coup d'coude de tout à l'heure, elle doit penser que je lui en veux. Alors qu'elle est déjà bien contrariée par ailleurs.
Il est difficile de décrire la visite des Islas Balistas et de l'Isla Blanca en bonus de ce matin. Tant par la variété et la quantité des animaux aperçus, parfois de très très près. Puis par les explications données sur l'utilisation du guano (=les excréments des oiseaux). Ça vaut vraiment les 40 soles par personne. Tant pis si nous avons l'impression de déranger ses pauvres bêtes, de foire malgré elles. Ça fait ch*** quand même. Le bateau parfois garé à quelques centimètres de rochers où sont allongés, entrelacés, des lions de mer. Ils doivent se demander qu'est ce qu'on fabrique avec nos appareils photos, tablettes et autres Go Pros. Sans parler du pompon les perches à selfies. Une partie des jeunes gens pense en premier lieu à se mettre devant le paysage unique qu'ils ont derrière eux et qu'ils n'ont pas vu. Comme dormir sur le bateau.. Soit le gars était malade, auquel cas c'est acceptable. Soit il n'a pas de respect pour les lieux et sa compagne.
Par là, une colonie de fous de Bassan. Au dessus, trônant avec leurs becs pouvant tenir une meule de raclette entière, des pélicans. À gauche, sur une autre tour de pierre, des cormorans. L'une des sous-espèces est reconnaissable à ses pattes rouges. Tous ces oiseaux semblent vivre en harmonie avec les pingouins et lions de mer. C'était pas mal de voir également des étoiles de mer, des crabes oranges, une algue endémique ultra nutritive et tout ce "guano" donc, que le pays exploite comme fertilisant en l'extrayant de ces îlots tous les 8 ans.
Le plus drôle dans l'histoire, ça restera le trajet aller en bateau durant lequel Julie et Steven se sont fait arrosés par les embruns. On a bien fait de ce mettre à l'arrière de l'embarcation ! De plus, ce dernier, alors qu'il tendait le bras pour me montrer quelque chose, a perdu sa casquette X-Bionic dans la bataille.
Retour dans l'auto pour une visite expresse du parc national. On s'accorde une pause déjeuner à l'un des miradors. Les vues donnant sur l'océan sont saisissantes. Les différents tons des sédiments aussi. On apprend qu'il y a des dauphins communs dans la baie. Malheureusement, ça n'a pas l'air commun de les apercevoir depuis là. Mince. Cela aurait été trop beau.
Et dire qu'avec l'érosion, ces monceaux de merveilles devraient disparaître. Enfin, on a la chance de voir un balbuzard pêcheur planer par delà la Playa Roja.
Julie n'arrête pas de mitrailler. Trier ses clichés va prendre un temps fou. On n'est pas sorti de la bibliothèque du pc. En vérité, nous sommes infiniment reconnaissants pour ça, le fait qu'elle nous ait apporté une autre sensibilité, son regard, sa touche. Plusieurs pierres, magmatiques, ajoutées à l'édifice Bike Andes Peaks dont il ne manque plus qu'une pièce à décorer. Aux chaudes couleurs de l'Équateur.
Ça y est nous sommes dans les embouteillages de Lima. "Welcome tu the jungle, again". Les taxis et bus nous doublent par la droite sur une voie zébrée. Steph' se fait la réflexion suivante : "mais comment ça peut être autant le bordel?" Autant je suis pas pour tout réglementer mais là c'est obligatoire, sans quoi on est en mode auto tamponneuses tout le temps. Et quand c'est pas ta bagnole..
Allez, plus que 2,4 kms soit.. une bonne demi-heure !
On était gentil quand on disait 30 minutes. Le temps de faire le plein avant de rendre la voiture, ce sera vite 19h30. On ne sait pas trop à quoi s'attendre pour ce soir et pour les quatre prochains jours. On vient d'apercevoir une "Bastille" sur notre droite, un petit sommet dans Lima. Parfait pour reprendre l'entraînement à partir de demain. Sauf si on nous déconseille d'y aller.
Arrivée à la casa de la famille de l'amie infirmière de Steph' dans un quartier tranquille au nord-ouest de Lima. Nous étions un brin inquiets quand Steven a eut la Père au téléphone hier soir. Nous avons eu tort. Nous avons reçu un accueil des plus chaleureux. Nous sommes à peine arrivés à Cuzco que la mama de Cathy nous propose d'ores et déjà de revenir. Y a juste la chienne - Pétuna - qui a un croc contre la tignasse et la barbe de Steven. Il faudra qu'elle s'y fasse car on va rester 4 jours ici. C'était pas prévu mais c'est une aubaine en même temps qu'un honneur pour nous. De pouvoir ainsi découvrir de l'intérieur les contours de la vie à Lima, sa gastronomie - avec des parents tous deux cuistos c'est optimal -, ses attraits culturels, etc., que demandez de plus au peuple (pérouvien) ?
Il sera bizarre et triste de voir les filles repartir. On se réjouit de partager avec elles cette ultime journée, une p'tite promenade à Miraflores, un ceviche, un ananas, une mangue..
Carpe andiem.

Jeu.27/4 : "Top chef" - Julie et Steph' sont reparties. Nous nous retrouvons de nouveau comme deux couillons au milieu d'un quartier mi-bourgeois mi-populaire de Lima, au milieu de cette grande famille qu'on ne connaissait ni d'Steph' ni d'Adam.
Ce matin, on a serré les fesses quand le gars de l'agence de location de voitures est venu récupérer le Mitsubishi. Pas de frais supplémentaires pour les rayures à l'avant gauche du véhicule qui datent d'Arequipa, quand nous voulions traverser un pont mais que nous étions trop large. Ça nous a fait tout bizarre de ne plus voir notre 4x4 ce matin en sortant de la maison pour aller faire un tour en ville, pour voir si on peut tomber par chance sur une paire de chaussures de trail pas chère et visiter le Hard Rock Café, comme le veut la tradition selon Julie. Seulement visiter car, même pour un café, nous devrions appeler Sofinco.
Pas de chance. Les prix des baskets sont, à peu de choses près, les mêmes que chez nous, pas de soldes et la déco du HRC était bien décevante. Tant pis, on aura tout de même eu un léger aperçu de la capitale ensemble, avec notamment ses quartiers chics et son tout récent campus privé des Sciences.
À notre retour, alors que nous espérions pouvoir participer à la préparation du repas de midi, le patriarche - fraîchement remis d'une rupture d'anévrisme - nous invite à nous mettre à table. Tu m'étonnes que les membres de cette famille n'aiment pas aller au restaurant !
C'était mieux que dans un gastro sérieux ! "Ceviche" en entrée, puis du "causa" en 2nd plat et enfin du poisson et des légumes (dont de la patate douce) en plat de résistance. La "causa" est étonnant dans le sens où c'est à la fois très fin et très riche. Il s'agit ainsi d'un roulé de pommes de terre avec à l'intérieur du thon, de l'avocat, des herbes type ciboulette, le tout badigeonnée d'un peu de mayonnaise maison. Une tuerie !
Ah et puis, on ne vous a pas parlé du p'tit déj' de ce matin. Là encore, le père de Cathy nous a surpris en nous servant sur un plateau d'argent un repas de roi avec un délicieux gâteau à la carotte préparée hier soir par sa femme, après que nous soyons allé nous coucher..
Il y a juste à descendre un escalier pour se retrouver assis à cette table de (top) chef. Ça nous change des pizzas, burgers et autres "salchipapas".
On est vraiment verni qu'ils aient accepté de nous héberger jusqu'à dimanche. Ça nous permet de souffler au niveau du budget. On leur fera des crêpes en fin de semaine pour les remercier, modestement. À nous maintenant de trouver la solution la moins pire pour nous rendre à la gare routière dimanche.
Un petit footing d'une demi-heure, 10 montées d'escalier et nous voilà "bons" pour une reprise en douceur. Nous sommes bons pour recommencer demain et les 2 jours suivants.
On a du temps également pour sérieusement commencer à réfléchir à notre après-Bike Andes Peaks.
L'aventure va bientôt reprendre son cours - en attendant, on court - et, on l'espère, de nouveau battre son plein. Le temps de mieux connaître Lima, puis d'atteindre Quito. Capital dans ce cas de croquer dans chaque morceau de mangue comme si c'était le dernier. Rencontrer le padre Pierrick et les communautés indigènes de la province de Calpi nous réjouit d'avance et s'annonce émouvant.. Tout ce temps écoulé, ce bitume écumé, ces désirs éculés. Et maintenant, de nouveaux désirs d'essor personnel, de projets à deux, de sobriété heureuse, de permaculture, d'économie circulaire, etc. Carpe andiem.

Dim. 30/4, Lun. 1er & Mar. 2 /5 : “The magic bus” - “Iphone & notes lost in translation”

 

Mer. 3/5 : « Saint Antoine de Padoue... » - Je viens d'écrire un mail à ma mère lui annonçant la nouvelle. Vous savez, elle commence à avoir l'habitude. Et puis c'est pas à 27 ans que je vais faire disparaître ce défaut de la « têtenlaireté ». J'espère qu'elle sera magnanime. Elle aurait été fière que je lui annonce le 22 mai, en rentrant chez elle, que je n'ai rien perdu durant ce long périple. En effet, hormis, une gourde en plastique envolée dans le parc de l'Aconcagua en début de voyage, j'étais sur une bonne lancée, responsable, enfin.

Mais voilà, il suffit d'une fois. Quelques minutes voire quelques secondes d'inattention. J'ai dû laisser mon Iphone sur mon siège avant de descendre du bus à Quito, terminus de notre traversée par la côté du nord du Pérou et de la partie sud de l’Équateur. Plus de 40h durant lesquelles nous avons toujours été très vigilants concernant notre téléphone portable et d'autres affaires de valeur. Tandis que nous nous rapprochions de la capitale équatorienne, j'ai eu le malheur de me dire : allez, je garde mon portable sous ma cuisse, au cas où je veuille encore prendre une photo ou deux avant l'arrivée. Pour une route de montagne, c'était alors une vraie route de montagne avec des accents de forêt tropicale. J'ai été négligeant. Je m'en veut terriblement et ça n'est pas – a priori – Saint-Antoine de Padoue qui pourra m'aider sur ce coup-là. De toute façon, c'est même pas sûr qu'il le puisse ici en Amérique du Sud.. Jusqu'où va sa zone de « chalandise » ? Et puis, il m'a déjà sauvé par le passé. Il est clair que je suis un bon client pour lui. Je lui fournis beaucoup de travail (d'enquête) parfois grisant j'espère et, en même temps, beaucoup de cheveux gris j'imagine.. A moins que, tout éternel qu'il est, cela ne le touche pas. La sollicitude de Steven me touche.

Je ne suis en aucun cas matérialiste et c'est un point commun que nous avons je crois. De plus, je me dis que cela fera un heureux, que cet objet tombera dans les mains de quelqu'un qui en a vraiment besoin. Bon, il y a d'autres manières pour se le procurer mais bon. En revanche, il est toujours dommageable et frustrant de réaliser que mon calendrier, mes contacts et mes récentes notes de voyage seront perdue, envolées à jamais.

Hier, Carole et Beto, de l’agence prestataire d’Allibert en Equateur, nous ont exceptionnellement accueillis, allant jusqu’à venir nous chercher à l’arrêt de bus au centre de Quito, nous évitant ainsi une pénible traversée en tandem de la métropole avec tout notre barda. Leur lieu de vie et de travail est juste magique. Ils possèdent trois chambres d’hôtes et nous prêtent gracieusement l’une d’entre elles. Grâce à leur générosité, nous allons pouvoir rentrer à peu près dans les clous au niveau financier. Les repas que leur domestique concocte et les petits déjeuners partagés avec eux sont à chaque fois gargantuesques. Nous pouvons profiter de l’immense richesse du pays en termes de fruit. Le sirop maison de Carole et les jus de fruits de Beto sont à se taper le cul par terre. Bon, ça on évite car on a déjà suffisamment mal comme cela avec le vélo.

Aujourd’hui, nous nous sommes rendus en tandem jusqu’à un col au nord-est de la ville – aux portes de l’Amazonie – donnant sur Papallacta, un village thermal situé pas loin d’une lagune et au milieu de montagnes culminant entre 4000 et 5000m d’altitude. Nous prévoyions au départ de descendre jusqu’à ce lieu paisible de villégiature pour profiter de la vue dans l’une des piscines d’eau chaude. Mais, partis un peu tard et explosant le pneu aux trois-quarts de la montée (c’était pas plus mal que ça ne se produise pas en descente..), on a préféré faire demi-tour sur les coups de 14h30. Et ce également afin de rentrer pas trop tard à la maison pour éventuellement bien se caler ave Carole et Beto pour une grosse sortie montagne le lendemain. D’autant qu’en regagnant la plaine quitonienne, après une pointe à 87 km/h, nous nous sommes retrouvés sous une belle averse, les montagnes que nous laissions derrière nous s’étant bien bouchées. Pas trop de regrets donc. Le seul peut-être, c’est de ne pas avoir vu d’ours au détour de cette route reliant la capitale à Papallacta. Une autre fois, ailleurs. Finalement, après un apéro en compagnie de notre couple d’hôtes et de l’un de leurs amis français marié à une équatorienne, nous décidons de ne rien faire de spécial demain. Le seul objectif étant de trouver une paire de baskets de trail taille 47 pour Steven. C’est pas gagné mais on va croiser les doigts de pieds. Sans ça, on va se flinguer à nouveau les articulations avec nos Adidas usées jusqu'à la "semoelle" et être embêté pour réaliser les activités désirées. François d’Haene – un personne remarquable - et son équipe étaient venus avec Salomon en 2015, faisant appel à Aventur Ecuador pour leur fournir des itinéraires / ascensions et gérer ensuite leur logistique. Beto nous raconte leurs exploits. Ça fait rêver. Carpe andiem.

 

Jeu.4/5 : « Sur les traces du maître d’Haene »

Continuer à écrire l’histoire de notre aventure, rouler sur les bosses du « B », gravir l’une des faces du « A », faire une boucle en courant sur le « P ». Faire montre d’amitié, pas les choses à moitié. Echanger davantage avec les communautés locales, dans la province de Calpi, au côté du légendaire padre Pierrick. S’enticher pour ce pays et éviter de rester sur ces petites déceptions qui viennent entacher le déroulement de notre voyage. Tout ne peut être parfait. Nous avons dû et devrons encore faire face à des contraintes météo et budgétaires. Trouver calmement le meilleur plan de route pour les 17 jours restant. Et faire feu de tout bois – de balsa - sur chacune de nos sorties ici. Car, dans quelques semaines, nous n’aurons plus la chance de nous promener ainsi en semaine. Dans des espaces aussi préservés, aussi hauts en altitude.

Quelques fois, tu t’essayes à la description de la nature et de scènes s’y déroulant. Tu crois t’en être pas trop mal sorti, plutôt fier de ton écriture, du choix des mots. Puis, tu lis « du » Eric-Emmanuel Schmitt dépeignant le Hoggar et tu réalises que c’est pas si bon, pas tellement poétique voire même très flou. Le vocabulaire nous manque, la créativité aussi. Tout l’inverse de cette terre andine que nous chérissions avant même de venir la fouler. Ce que l’on sait désormais : pas besoin de se fouler pour la chérir. Ou alors vous êtes fou ! C’est marrant également comme le fait de bouquiner une demi-heure, de lire 1 ou 2 chapitres d’un auteur que tu affectionnes, te donne de l’inspiration derrière. Pas seulement pour écrire. Mais pour faire des choses, être actif dans des domaines où tu es le moins mauvais et où tu peux donner le meilleur de toi. Même l’énergie tirée de la lecture – plus que de la nourriture ! – peut être exponentielle. C’est du très bon terreau, une source intarissable pour la fomentation de projets en tout genre, de projets porteurs de sens et pouvant emmenés de braves gens dans leur sillage. Une simple expression soit quelques mots imbriqués, comme un seul battement de cil, peut changer une vie, ta vie.

Même si nous aurions aimé faire beaucoup plus en termes d’andinisme, courir sur et couvrir davantage de monts et de vaux, nous aurons pu toutefois réaliser ce que peu de gens ont la chance de faire : être conscient de son existence, prendre le temps d’exister et d’être, tenter de trouver sa place dans cet univers de plus en plus extravagant, (pas forcément comprendre mais déjà) se questionner, philosopher, « vélosopher » quand nous étions sur notre tandem. Car oui, on souhaitait faire bien plus de « 6000 ». C’était aussi un engagement pris vis-à-vis de nos partenaires. Vouloir faire toujours plus… Au lieu de faire moins mais plus… en profondeur. El Nino se serait-il produit pour nous faire passer ce message salvateur ? Pourquoi se retrouve-t-on en France avec Le Pen et « the pen » au second tour des Présidentielles ?

Ilalo, Pichinchas, Otavalo, Antisana, Iliniza nord et sud, etc. Finalement, après maintes et maintes discussions et retournement de décisions, nous partons demain pour 4 jours direction le Cayambe (5 780m). Cela nous ferait rentrer à Quito le lundi 8. Le temps de refaire quelques courses, nous partirons le lendemain matin pour le sud, dans l’espoir de pouvoir gravir les Ilinizas en passant, en plus de faire un tour à vélo dans le parc du Cotopaxi. Ainsi, nous devrions arriver en fin de semaine prochaine à Riobamba. Ça fait du bien d’y voir plus clair. Espérons que le temps sera aussi clair, qu’on aura un peu de soleil. Comme dit Beto : « ici, c’est imprévisible. Du coup, impossible de prévoir ». Tu décides de partir en montagne la veille ou le matin même ! Bienvenue en Equateur dans un pays engoncé entre les Andes à l’ouest et l’Amazonie à l’est qui vous garantissent une humidité monstre quasi toute l’année !

On n’a pas trouvé de chaussures de trail pour Steven. Le seul « numéro » 47, c’est un magasin The North Face qui l’avait. Mais entre le prix et la qualité du produit, disons que le rapport qualité-prix n’était précisément pas folichon. C’est un (autre) signe du destin. Il faut qu’on finisse sur de l’andinisme pur et dur, sur de belles ascensions nécessitant d’avoir les « grosses » au pied. Si au moins on pouvait avoir un créneau pour le Chimborazo d’ici une dizaine de jours… Ce qui nous rassure dans cet histoire, c’est que si nous sommes bloqués pour faire de la haute montagne au sud, nous pourrons passer plus de temps avec l’association Ahuana et leur être utile pour les aider dans l’exécution de l’une de leurs missions.

Ce soir c’était crêpes party ! Le seul truc qu’on sait à peu près faire avec mon « frère gourmet ». Youpi !! Gourmands comme on est, on n’a pas résisté à l’idée de mettre 12 œufs dans la pâte. Record de Mendoza battu. Au total, une bonne soixantaine de crêpes ont volé dans les airs de la cuisine de Beto et Carole. Heureusement, aucune n’a touché les files électriques pendant juste au-dessus de la plaque de cuisson ! La crêpe d’or a été décernée à Carlos, un ami guide touristique de la famille, pour sa composition à la banane et au chocolat noir d’Equateur.

Nos affaires sont prêtes. Beto nous a prêté une tente, une corde, deux baudriers et deux mousquetons. On est donc bon pour aller se dégourdir les jambes au Cayambe. Carpe andiem.

 

Ven.5/5 : « Bike Andes Pluies » - On y croyait. En se levant ce matin à 6h, bim ! Grand beau temps. Sur le Cotopaxi que l’on voit distinctement depuis la terrasse et, encore plus, sur les quatre sommets Pichinchas. Bon, on voyait déjà des nuages pointant ça et là le bout de leur nez humide. Cela augurait tout de même une belle journée, au moins une matinée entière ensoleillée durant laquelle on aurait pu apercevoir, assis sur le siège de notre « bapmobile », le Cayambe ainsi que d’autres points culminants. La Colombie n’est plus très loin, 188 kms depuis là où nous nous sommes arrêtés pour l’almuerzo. On aurait presque été tenté d’ajouter un 6ème pays à notre (pénible) périple mais c’est un poil loin. On aurait pu en profiter pour se trouver des baskets pas chères mais le centre commercial se trouvait encore à 80 kms en aval de la frontière. Donc c’est cuit. La seule option, non les 2 seules possibilités à ce moment-là de l’histoire : soit dormir dans le village de Cayambe situé à 13 bornes du restau. Soit se contenter d’aller dans l’hostal le plus proche (à 2 kms) et prendre éventuellement un maximum d’infos pour le Cayambe. On ne se fait pas trop d’illusions non plus sur les conditions de praticabilité « là-haut », ne serait-ce que pour l’accès au refuge, la piste étant apparemment pleine de boue.

Nous sommes faits comme des rats de laboratoire extérieur. La météo, elle, ne s’améliore pas et ne nous laisse d’autres choix que de faire demi-tour. On peut potentiellement aller passer une journée à barboter dans l’une des piscines de Cayambe. Mais, franchement, notre projet c’est pas « Bike Andes Piscines ». Les bains chauds, c’est bien après un gros effort physique, une belle ascension…

Là, la priorité c’est d’aller se mettre au sec et surtout d’aller faire sécher les affaires. Car, quoi qu’on en dise, camper quand la tente est « blette », c’est pas idéal. De l’idéal, quand on veut faire de l’andinisme en Equateur et, de manière générale, dans les Andes, on aura pu constater qu’il est très dur de s’en approcher. Steven vient de discuter un peu avec le fils de la duena de l’hôtel qui nous a confirmé qu’il neigeait sur le Cayambe depuis le début de la semaine en gros et que la piste entre Cayambe (la ville) et l’entrée du parc éponyme était tout bonnement impraticable hormis en 4x4. Notre tandem n’a pas quatre roues motrices, même pas une. C’est pourquoi faire plus de 20 bornes dans de la gadoue en montée, avec le poids de la remorque et du sac détrempé accroché dessus, ne nous enchante guère. D’autant plus si c’est pour se faire entendre dire par le gardien du refuge que l’ascension n’est pas envisageable ou pas souhaitable. Steven vient d’ailleurs d’avoir ce dernier au téléphone. Selon lui, on devrait pouvoir monter avec notre vélo si et seulement si il ne tombe pas une goutte dans la soirée et la nuit. A ver... Steven a également appris de nouveau de la bouche du fils que c’est la première fois - depuis Mathusalem – qu’il pleut ainsi à cette époque de l’année, qu’à l’accoutumée il fait beau tout le temps. De cette manière, à part augmenter nos stats à vélo, nos deux dernières sorties se sont avérées bien peu fructueuses. A force, il est vrai que ça commence à nous courir sur la guava (fruit en forme de concombre). Même un chien en train de monter sur une femelle en train de dormir ne suffit plus à nous changer les idées. On a beau voir des bananes et des litchis géants, manger des tranches d’ananas qui « déboitent » sur le bord de la route, on a le spleen. On sait à présent que le temps est compté. Le sentiment qui prédomine, là maintenant, tout de suite ? Se rendre au sud le plus vite possible, dans l’espoir de pouvoir nous immerger dans les communautés Quichuas d’Ahuana. Peut-être qu’en ferraillant comme des gorets dans ces tranchées de terre, en partant super tôt, peut-être qu’on arriverait demain soir – moulus - au refuge du Cayambe. Et peut-être qu’on aurait eu un super créneau météo dimanche matin. Mais ça fait beaucoup de « peut-être ». En plus, le truc c’est qu’on sent qu’on a la « papa frita », que la forme est là, que notre machine corporelle ne demande qu’à se mettre en branle pour pédaler, marcher et courir. Les globules grouillent et exigent de carburer.

Mais pas pour rien ou des broutilles. Y a mieux à faire ailleurs ou à rien faire. Alors on va s’en retourner, bredouille, déçu mais pas totalement abattu, chez Carole et Beto pour récupérer ce qu’il nous manque. Pour partir ensuite à la rencontre du padre Pierrick, au pied du « Chimbo ».

Un point positif aujourd’hui ? En fait, il y en a plein ! Nous continuons à être en très bonne santé, a priori nos proches aussi, avons de l’eau chaude pour nous laver et.. avons franchi la ligne de l’équateur et ça c’est pas rien ! Hey, comme on dit ici : « en Equateur, c’est pas dur de garder la ligne » ! Elle est bonne celle-là, hein !? Et vous savez quoi, ici les camés n’ont pas de mal à se faire une ligne de temps en temps ! Des jeux de mots aussi élaborés et/ou gratinés, on pourrait en écrire des lignes et des pelles mais tâchons de rester dans la lignée des blagues potables. Carpe andiem.

 

Sam.6/5 : « Le bêcheur » - « Joga Bonito » - Ça y est, elle m’est revenue. L’expression employée par Sami, le plus petit fils de Carole et Beto. Il a dit avant-hier soir je crois, dans un français teinté d’un léger accent espagnol : « le malgré de canard c’est très bon malgré que ce soit triste pour les animaux ! » Pas mal pour un môme d’une dizaine d’années. Il a de l’avenir le petit. Typiquement le genre de jeux de mots qui me fait bidonner. Le « malgré de canard ».. C’est tellement vrai !

Pour nous, c’est pas tellement du caviar en ce moment ce voyage (sauf pour la bouffe). Vous nous direz, on est plus terrine ou pâté de sanglier. Entre le portable et la clé pour serrer et desserrer la roue arrière du tandem disparus et cette météo stable dans l’instabilité, on peine à retrouver cette sensation de « flow » comme ce fut le cas à Fiambala ou plus tôt en vélo sur le sol argentin. Heureusement, dans ces instants de doute, d’isolement et d’égarement en quelque sorte, il y a la musique, la Grande. Des morceaux de classique diffusés à la radio aux accords rythmés d’AlterBridge, cela vous détend puis vous retend en vue des joutes à venir. A vrai dire, on n’en veut pas une seule seconde à Carole qui nous a conseillé de nous rendre au Cayambe car elle le sentait bien. C’est la même merde partout. La seule à qui l’on peut s’en prendre c’est à cette humanité qui s’est égarée, c’est à nous mortels créateurs de cocktails mortifères, destructeurs de la couche d’ozone et principaux responsables des profonds dérèglements climatiques. Mère Nature a réglé une partie de ses comptes avec nous autres apprentis sorciers abrutis par le bruit des liasses de billets dans nos mains salis. Indignes d’elle, en tant que ses fils, nous sommes devenus illégitimes à ses yeux endoloris. Et dire que l’extrême droite et le conservatisme est à la mode en Occident, alors qu’on devrait tous voter pour le candidat ou la candidate dont le programme prend le plus en considération l’environnement ! C’est une aberration des temps modernes ! Qu’est-ce qu’on attend (pour être heureux) ? Qu’on se retrouve tous sous les eaux ou sous les décombres de nos maisons ? C’est un comble ! Est-ce qu’au moins tout le monde est au courant que Monsanto a été condamné il n’y a pas si longtemps pour « crime contre l’environnement » ? Certes par un tribunal populaire donc sans sanction financière et/ou pénale. Mais le jour viendra où, enfin, leur impunité légendaire sera levée et la justice rendue.

« Bike Andes Peaks » c’était aussi une façon de s’affranchir de l’omnipotence de ces « grands » groupes carnassiers en consommant du local de chez local, en faisant vivre les « petits » producteurs prioritairement. Sachant que nous pouvons être nous-mêmes ces petits producteurs de si grandes choses. Ce modèle, basé sur l’économie circulaire est transposable partout, adaptable chez nous aussi, sans problèmes ! Manger un sneaker c’est bien bon mais ça fait du mal à la planète. Comme je réfléchirai à deux fois la prochaine fois avant de commander un « Mac Flury ». C’est pas grand-chose. C’est énorme pourtant. Pour que l’enfant de ma sœur, la nièce de Steven, mon neveu et tous les autres gosses nés après l’an 2000 aient une chance de s’en sortir. Dorénavant, je n’hésiterai plus entre regarder les infos sportives à la télé et arroser, bécher, tailler, etc. J’arrête de tartiner car taper sur le pc ensuite c’est « relou ». Carpe andiem.

 

Il y a des jours où il vaut mieux rester chez soi, où voyager ainsi à vélo ne présente pas grand intérêt. La Cayambe, notre c** ! On n’y a pas cru très longtemps. En fait, on n’y a pas cru une seule seconde. C’est triste mais le sort réservé aux équatoriens et aux visiteurs comme nous depuis un certain temps. Les gens n’ont jamais vu ça ici, à cette période. Dès la veille, avant de se coucher, on savait qu’il y aurait une chance sur mille pour qu’il fasse grand beau et que les nuages se soient éloignés du volcan convoité. Il eut été bien peu rentable de payer un transfert en pickup (50 dollars) pour monter jusqu’à l’entrée du parc. En tentant de nous rendre jusqu’au village de Cayambe, on savait que c’était un pari risqué. On l’a pris, ça n’a pas payé.

Le plus dur dans tout ça, c’est de faire exactement le même trajet deux jours de suite – dans un sens, puis dans l’autre – et de se prendre autant de pollution « dans le nez ».. pour rien !

Dieu merci, deux événements sont venus égayés notre journée. Premièrement, nous nous sommes fait offerts en route un verre de fruits frais par un cycliste quitonien. Les mangues (de Colombie) n’étaient pas très mûres. En revanche, la pastèque et l’ananas toujours aussi bons.

Deuxième bonne surprise du jour : lorsque nous sommes allés à la cancha de football près de la maison de Carole et Beto avec Steven et que nous avons été « recrutés » par le coach d’un club du coin afin de pallier au manque de joueurs. Au final, nous qui pensions faire 20 minutes de pompes – abdos – gainage, nous jouâmes durant 2h30 et finîmes totalement assoiffés et bien courbaturés. Mais surtout heureux d’avoir pu partager ce moment de sport et de partage inter-national. Avec notre touffe, on y voyait pas toujours clair. Mais, malgré le fait qu’on ait arrêté le foot il y a une paire d’années, on était rassuré de voir qu’on avait pas tout perdu. Les petits gabarits équatoriens nous faisaient mal au bassin mais cela nous a permis de faire une bonne séance de fractionné, très utile en vue de notre premier trail de la saison.

Puis, vers 18h, tandis que nous rentrions chez M. et Mme Avilla pour nous doucher avant d’aller chez le coiffeur, Beto insiste pour que nous prenions l’apéro avec eux. Merde, on voulait leur faire la surprise, voir leur tronche quand ils verraient la nôtre. On avait aussi un peu peur qu’ils ne nous fassent pas rentrer, une fois crânes et barbes rasés, en nous voyant derrière leur portail. Mais tout s’est bien déroulé. Les rasoirs ne se sont pas enrayés, même si c’était moins une avec la barbiche de Steven. Ce dernier a tout de même réussi à faire disjoncter le « bordel » !

Enfin, la cerise sur le gâteau, après une journée démarrée de manière pour le moins morose, sur les jantes de roue : une ultime crêpe - de notre méga fournée de la veille - au miel.

Demain, on part pour le sud (« et partout les chemins.. »), en espérant y trouver un peu de chaleur et de bonheur dans l’exploration de sommets de plus de 5000m d’alt. Carpe andiem.

 

Dim.7/5 : « Chaud pis.. plus très chaud » - On prévoyait de partir vers 7h30. On a décollé de la maison à 9h passés. Pas grave, on n’était pas pressé. On a profité une dernière fois d’un petit déj’ de folie avec le jus de bananas con leche de Beto et la confiture maison de Carole étalée sur du pain toasté. Pendant que Steven terminait de faire le sac que Carole et Beto ramèneront pour nous la semaine prochaine à l’agence Allibert Paris – ce qui nous évitera de payer un bagage supplémentaire dans 2 semaines -, je suis allé chercher des croissants mais ça n’a pas été une réussite. On va dire que c’est pas leur spécialité, aux équatoriens. C’est le geste qui comptait.

Sur la « panam’ » pour aller à Chaupi, on en prend de nouveau plein la tronche de ces fumées de pots desquels s’échappent à vous donner la nausée. Avant, dans ces cas-là, on se consolait avec le paysage alentour, ces montagnes qui nous font rêver, baver. Sans ça, c’est beaucoup plus dur de trouver un sens à notre pédalage. Alors, quand la pluie vient sans mêler.. L’humidité ne nous réchauffe pas et surtout elle engendre des démangeaisons chez Steven. On souffle donc le chaud et le froid en ce moment. Pas chaud puis chaud, puis froid, etc.

Nous sommes bien heureux d’arriver à Chaupi aux environs de 14h30. Sur le gong. En effet, Steven avait le cigare au bout des lèvres et il était grand temps pour lui d’aller le jeter. Ce doit être le coup de frais à la pause de midi.

On aurait pu aller faire une petite bambée en milieu d’après-midi mais on n’était pas franchement motivé, clairement désabusé par la pluie persistante et les sentiers détrempés. On se rattrapera demain matin, si le temps le permet. Objectif le Corazon (« cœur » en espagnol). Carpe andiem.

 

Lun.8/5 : « Les larmes du cœur » - Il est 15h22 et nous sommes de retour depuis plus de 2h dans le refuge La Ilovizna - à Chaupi - où nous avons élu domicile pour 3 jours, notre « bapmobile » trônant fièrement dans le hall d’entrée. Le temps s’égrène si vite. En même temps, nous relativisons et réalisons que ce sont nos dernières heures « d’andino-relaxation », avant de reprendre le pouls et le rythme de la vraie vie en France, toute auréolée d’un nouveau Président. Nous sommes également conscients que, même pas très vernis par les cieux, nous sommes en face de choix difficiles et, de ce fait, dans une phase ultra importante de notre existence. Dérisoires combats face à ceux qu’on ne choisit pas. Fragile existence quand on pense à Joaquim, ce belge de 31 ans rencontré à Sajama, en Bolivie. C’est avec un immense chagrin que nous apprîmes il y a environ 2 semaines qu’il avait fait une rechute. Foutu cancer des testicules ! Rebelote. C’est reparti pour un tour de « chimio ». Rien que d’y penser, on en a des frissons et les larmes au cœur.. des yeux. Le langage du cœur est parfois plus audible que tout autre forme de communication. Nous transmettons toute notre énergie et prions toute notre âme pour que soit épargné cet être exceptionnel, au même titre que toutes celles et ceux qui se trouvent dans la même situation.

Rater encore une fois de si peu un sommet – el Corazon - et râler de ce fait, du fait de la pluie, c’est si peu. Ça n’a aucune espèce d’importance en fait. Être au bord du gouffre en termes d’alimentation (quand tu sais que tu vas pouvoir manger en rentrant), être glacé jusqu’à la moelle, avoir les mains gelées, de petites courbatures, c’est si dérisoire à côté de ce que d’autres peuvent endurer au quotidien. Le langage du cœur est engageant. Enrageant est celui de la maladie. Pourquoi existe-t-il ? Pourquoi lui et pourquoi pas moi ?

Plus téméraire, on serait allé en haut de cette montagne. Mais à quoi bon prendre des risques lorsque les vents sont contraires, la vue bouchée et nos forces amenuisées ? Nous nous sommes arrêtés au pied de cette citadelle de pierre, prise dans la tourmente, vaporisés elle et nous par ce crachin irlando-breton. Glacial et en même temps monumental. Ces marches à plus de 4500m d’altitude ne sont pas des calvaires mais bien des plaisirs de la chair, de ceux qui se sentent vivants.

Après une bonne séance d’étirement qui vaut mieux qu’une série de pompes mal faites, un petit goûter - car nous sommes décidément de gros gourmands – et un peu de travail en vue de notre intervention prochaine dans l’école de Villiers-sur-Morin, il sera temps d’aller se reposer. Le repos andin, non pas du guerrier, mais du moine, non pas bouddhiste, mais qui « fait du boudin ». Non, ne boudons pas. Bien au chaud, sous nos couvertures boudinées, alors que les visages animaliers du rideau de la fenêtre semblent s’animer, nous gardons espoir. Que nos prochaines sorties en (haute) montagne soient davantage couronnées de succès. Sinon, nous reviendrons, à la fois plus aguerris et plus sages.

Après ces sujets « tristounes », quoi de mieux qu’une bonne marrade ? Savez-vous comment on fait en montagne – avec Steven – pour nettoyer ces chaussettes par exemple ? Et bien on se nettoie d’abord bien les pieds, on ne les sèche pas complètement, on enfile les chaussettes sales, une fois dans un sens et une fois dans l’autre et hop le tour est joué ! Carpe andiem.

Mar.9/5 : « Le cri du colibri » - Nouvelle journée pâlotte en Equateur. Une épaisse brume matinale d’abord, lorsque nous nous sommes levés vers 6h15. Puis une pluie torrentielle un peu avant midi. De quoi doucher vos espoirs de gravir l’Iliniza sud. De quoi également s’interroger sérieusement sur les 12 jours restant de notre voyage, sur la possibilité ou non de refaire un sommet d’ici notre départ le dimanche 21 mai prochain.

On entend des gazouillis d’oiseaux. Des colibris ? Leurs cris, leurs chants, nous rappellent chaque jour l’urgence d’agir dans nos vies de tous les jours et autour de nous (https://www.colibris-lemouvement.org/). Là, on est dans l’inaction totale. La frustration est totale. On a envie de sortir de cette torpeur pour combattre la turpitude, l’ignorance. On aimerait pouvoir observer davantage ces animaux riquiquis à côté des condors par exemple, puis pouvoir en parler aux enfants de Villiers-sur-Morin, pour qu’ils apprécient aussi la majestuosité de ces derniers. Leur envol est magistral. Tout le contraire de celui de la race humaine, même plus capable de tenir en équilibre sur un rail de chemin de fer, tellement il est affairé à surfer sur le net, la corné explosée, le cervelet disloqué. Ne nous méprenons pas. Tout n’est pas à jeter en pâture dans cette société contemporaine, mais un retour aux valeurs des gardiens du pâturage et à celle du patronage. Il ne faut pas être constamment et/ou gratuitement critique – car c’est facile de l’être quand on ne fait rien pour y remédier – mais juste conscient de la situation.. très critique.

On n’a pas mis le nez dehors de la journée. Hormis une brève accalmie matinale, la pluie n’a cessé de s’abattre, parfois façon poire d’arrosoir, parfois de manière drue. Ce serait incongru de dire qu’on n’a rien pu faire. On aurait pu aller courir un moment, faire quelques exercices autour du stade à proximité de notre refuge. Mais c’est le souci lorsque l’on a qu’un seul « jeu » de vêtements. Il n’est pas agréable de repartir le lendemain avec des affaires humides. Tant pis, on se satisfera d’une session de renforcement musculaire et d’étirements dans notre chambre exigüe.

Même l’Etna est dans les nuages ! En regardant la fin de l’étape du jour du Giro (Tour d’Italie cycliste), on s’imaginait enfin voir – enfin – un volcan ensoleillé. Que nenni ! Ça nous rassure un peu. On se dit qu’on n’est pas tout seul. Saintes Glaces ou pas, quand on voit également la quantité de neige tombée sur les massifs nord alpins et (entre autres) la nouvelle vague de froid dans le Colorado, on se dit également que le changement climatique se vérifie partout.

Nous fermons l’œil de bonne heure en n’étant pas franchement confiants sur la météo du lendemain. Pourtant, nous savons alors qu’il nous faudra partir au plus tard à 8h afin de gagner Latacunga en fin de matinée en passant au maximum entre les gouttes. Dans ma tête, un colibri perché sur un arbre bleu recommence à produire des sons mélodieux… Carpe andiem.

 

Mer. 10, Jeu. 11 & Ven. 12 /5 : « Alors on danse ! » - Ending road to Ahuana » - Derniers coups de pédales pour rejoindre le padre Pierrick, fondateur du projet communautaire Ahuana, près de Riobamba, au pied du Chimborazo, un géant de lave cristallisée exceptionnellement couvert d’une ample robe blanche.

 

Mais d’abord, un petit crochet par Quilotoa et son sublime cratère recouvert en son fond d’une lagune. Tel un gigantesque siphon vert émeraude au regard du manque actuel de luminosité, d’une profondeur abyssale, ce joyau de la Nature couronne notre balade d’un succès inespéré. Certes, on aurait adoré bénéficier de la vue promise sur les Ilinizas et le Cotopaxi mais ça aurait aussi pu être bien pire. Pas de pluie et même quelques timides percées du soleil à notre arrivée au bord du lac après une descente de 300m de dénivelé environ viendront embellir cette matinée. Quelques bouffées de chaleur donc lors de la remontée, raide et glissante parfois. Bien sûr, nous ne pourrons nous empêcher de courir ensuite pendant une vingtaine de minutes pour tester notre forme du moment et notre résistance à cette altitude. Epuisant et en même temps jubilatoire. Certains touristes sont estomaqués. On leur avoue notre secret, la vérité, à savoir qu’on a vécu pendant longtemps au cours des dernières semaines au-dessus de 3500m d’altitude. Les endorphines sont puissantes. La sieste dans la voiture va bien passer. Après un déjeuner englouti au milieu d’un groupe important d’italiens étourdissant - on éviterait bien les clichés mais là, c’est pas possible ! -, nous reprîmes la route en compagnie du chauffeur affrété par l’hôtel. Le charmant couple d’anglais venu avec nous pour l’occasion pique du nez également. L’altitude a dû les fatiguer. Ou le sexe...

De retour à l’hôtel Senderos de Volcanes en milieu d’après-midi, nous sommes embêtés d’avoir oublié l’adaptateur pour charger le pc. Du coup, on ne peut jeter un coup d’œil aux dernières annonces d’emploi. Tant pis. On verra en fin de semaine. La copine de Steven tarde à obtenir une réponse pour un poste pour lequel elle devait être fixée en début de semaine. Stressant et agaçant.

Sur les coups de 17h, alors que nous terminons l’une de nos ultimes parties de Yatsé du voyage (que j’ai perdu à nouveau), j’aperçois un husky sur le balcon en face de moi. C’est son aboiement qui m’a alerté de sa présence. Je sors sur la terrasse pour aller le guetter de plus près. C’est alors que se dévoile devant mes yeux harassés par l’écran de télé de notre chambre, épargné par la masse épaisse des nuages cotonneux alentours, une montagne culminant à presque 6000m embellie par la neige fraichement coulée sur ces flancs. Le Cotopaxi. La vue ne dure pas longtemps mais l’instant est magique car on sait pertinemment que ce sera surement la seule fois pour nous dans ce voyage. Steven m’invite ensuite à me retourner. Un arc-en-ciel s’est déployé au sud, pas très loin du « Chimbo » je suppose.

Un second chifa (= restaurant asiatique) de suite – à emporter – pour bien terminer cette belle journée dans cet endroit merveilleux en plein centre du pays. On reviendra pour faire le tour du « Coto » en vélo et son ascension lorsque l’interdiction sera levée. En attendant, il faut se repréparer pour une dernière grosse étape en tandem – remorque, de 100 kms et 1600m de D+. Histoire de finir en beauté. Chez le padre. Depuis le temps que ça cavale dans un coin de notre tête. Carpe andiem.

 

Au réveil, première bonne surprise. Il semble que la chaussée soit sèche lorsqu’on regarde depuis la porte-fenêtre de notre habitacion. De plus, le ciel ne parait pas plus menaçant que ça. Clairement encourageant. Ça nous incite à être d’autant plus efficace dans notre préparation et à vite avaler notre savoureux mélange de flocons, granolas et bananes coupées en rondelles, le tout dans une gamelle nettoyée à la va-vite, c’est-à-dire en ayant bu un thé avec la veille. Comme pour les chaussettes, c’est la bonne vieille technique du campeur, 2 en 1. Pour enlever le gras du thon sans gaspiller d’eau, y a pas mieux. Ça donne forcément un petit coup de poiscaille pas frais à la boisson mais ça passe, large.

 

Le trajet s’effectue dans le plus grand calme. On se parle peu avec Steven ou alors seulement pour se prévenir de l’arrivée d’une imminente flatulence. En même temps, on est un peu à bout de souffle en termes de sujets de conversation, pas de gaz intestinaux. On a épuisé toutes nos idées pour s’occuper pendant les longs trajets à vélo. Bon, le profil du jour est aussi très vallonné et donc beaucoup moins redondant que certains autres par le passé. Et puis, avec le bruit des camions et des autocars, on a parfois du mal à s’entendre. C’est l’téléphone arabe sur la panam’, alors que la « ligne » est plutôt directe sur un tandem ! Je ne me souviens plus exactement de tous les cas litigieux mais je sais qu’on a compris chacun à notre tour des choses qui n’avaient rien à voir avec la choucroute de départ. « Tu as vu le chien là-haut ? » - « Si j’ai envie de chier là-bas ?? Pourquoi, j’irais chier sur un toit !? ». Pardonnez notre vulgarité mais parfois le vélo c’est trivial, très trivial. Pour sûr, il est des épisodes pas toujours glorieux où il faut savoir être bon voire talentueux pour trouver un lieu correct pour faire ses besoins et éviter de malencontreux contretemps.

En revanche, quand vous voyez tous ces chauffeurs routiers s’arrêter sur le bas-côté et « pisser un coup » derrière leur véhicule, sans pression aucune, vous relativisez vos incivilités passagères.

 

C’est aussi le temps des souvenirs qui commencent et il est en un, en Equateur, qui nous aura marqué avec Steven. C’est en effet assez insolite pour nous occidentaux de voir tous ces garagistes, carrossiers ou encore « tailleurs » de briques et de parpaings travailler avec leur compagne et leurs enfants, cette dernière tenant le plus souvent un petit restaurant dans la même enceinte. Des familles et des individus multitâches, débrouillards. Content également d’avoir pu constater que des femmes effectuent des travaux manuels au même titre que leurs homologues masculins, et que pas mal d’entre elles semblent occuper des postes à hautes responsabilités, en particulier dans l’espace politique.

On n’aura pas mis tant de temps à trouver la casa du père Pierrick. Il suffisait de repérer le motel Seduccion puis de faire 2 kms environ et espérer ensuite que le français ne nous ait pas oublié comme ce fut le cas il y a un an et demi quand Steven était venu lui rendre visite pour la première fois. C’était sans compter sur l’extrême gentillesse de ce représentant de l’Eglise catholique qui consacre sa vie et partage sa foi auprès des communautés locales depuis dix-huit ans. Proche de la retraite, il s’est offert récemment un havre de paix à une dizaine de kms de Riobamba, régulièrement entouré d’une femme et d’un enfant – un tantinet tyran - qu’il contribue à éduquer tant bien que mal.

En conversant avec le padre, ce dernier nous informe que les équatoriens ont, d’une manière générale, une faible estime d’eux-mêmes. Grâce à lui, cela est assurément en train d’évoluer, dans cette zone du pays en tout cas, ce petit bout de paradis qu’il faut préserver tant culturellement que d’un point de vue écologique. Un p’tit « digo » maison pour la route, un p’tit tour dans sa bibliothèque pleine à craquer de BDs et nous allons nous coucher avec le sentiment du devoir accompli. S’il y en aura un autre lorsqu’on prendra le bus retour pour Quito la semaine prochaine c’est bien ce soir qu’avait lieu le véritable crépuscule de Bike Andes Peaks. Demain matin, on décroche définitivement la remorque du tandem. Et nous aussi pas loin de décrocher.. La lune ? La terre, ce serait déjà pas mal. Maintenant, c’est que du bonus. Carpe andiem.

 

Sam.13/5 : « Les fleurs du bien ». Bien ou mal, aujourd’hui nous avons été utile ! Nous avons mis la main à la pâte, dans la terre plus précisément. Certes, pas pendant 8h de temps non stop. Mais tout de même. Nous fûmes tout d’abord aider deux volontaires de l’école de commerce de Toulouse, Alice et Matthieu, travaillant pour Ahuana depuis fin janvier et ce, jusqu’au début du mois de juillet. La mission du jour consistait à commencer à désherber une ancienne acienda rénovée afin d’en faire un musée d’interprétation sur la vie des indigènes sous l’esclavage espagnol. En plus de présenter des fresques retraçant ces scènes de labeur, le ranch possédera ensuite un jardin botanique – livraison prévue cette été – d’où notre défrichage du jour.

Sur les coups de midi, les doigts bien éreintés et le ventre gargouillant, nous nous dirigeâmes vers Palacio Real pour déjeuner dans un restaurant à la cuisine régionale également ouvert grâce au padre Pierric. Nous pûmes ainsi remanger du lama, certainement la dernière fois, et surtout boire un délicieux jus de quinoa. En guise de dessert, nous effectuons une visite éclair (en chocolat) un peu à l’improviste du Museo de la llama situé juste à côté de la cantine. Avant cela, nous pûmes aussi faire faire un tour de la boutique de vêtements le plus souvent en peau d’alpaga et d’autres objets traditionnels.

S’ensuivit un retour en tandem, sous le (rare et) chaud soleil équatorien. Le « Chimbo » est dans les nuages mais ça ne fait rien, on l’a vu ce matin au réveil. Bluffant. « Un bœuf » comme le dit si bien Steven. Il nous en faut pas plus pour nous mettre l’eau à la bouche. Quelque part, on préfère ne pas trop l’apercevoir afin de ne pas trop songer à en gravir le sommet. Au premier tiers du chemin, nous disons au-revoir au couple d’étudiants de la Garonne. La piste en terre à un peu séché par rapport à ce matin mais il reste un endroit bien gadouilleux. Nous croisons 3 filles dont une éclate de rire à notre passage. Un rire déployé à pleine gorge ! Ça fait chaud au cœur. Ça ne ressemblait pas tant à du foutage de gueule mais bien à un rire de surprise, de voir un tel engin ici, chez eux. Il va pourtant falloir qu’ils s’habituent car le tandem est partie pour rester un bon bout de temps dans le coin !

Vers 16h, alors que nous commencions une séance de « muscu » avec mon camarade de classe à Dallas, Pierrick nous propose de lui donner un coup de main pour planter des fleurs et des rosiers devant sa maison, puis couper du bois. On se sent revivre. Quel plaisir de mettre ses mains et ses pieds dans cette terre noirâtre si pure, purifiée par les lombrics. Nul doute que ces plantes vont apprécier leur nouveau cadre de vie, pile en face du Chimborazo. On aura ainsi laissé une p’tite trace en Equateur, dans cette province sacrée. Notre place semble à présent en France ou en Suisse mais une partie de nous restera à jamais ancrée dans ce sol andin. Au travers de ses fleurs du bien. Le top serait de revenir dans quelques années, de les revoir fleuries et de pouvoir faire un tour de tandem au milieu de ces champs multicultures et multicolores séparés par des agaves dont est extraite la gnole locale. Plus qu’un souvenir, une image, une odeur voire une atmosphère, ce qu’on retiendra de cet univers, c’est une âme bienfaisante. Celle de la Pachamama ? Carpe andiem.

 

Dim.14/5 : « Paramo » - En plus du bruit des sirènes des voitures de la police locale qui ont retenti vers 2h du matin, il a plu toute la nuit et cela se confirme sur le petit matin : la météo sera encore maussade en ce dimanche de la fête des mères en Equateur. Nous pouvons ainsi faire une croix définitive sur l’ascension du Chimborazo, mais pas sur les légendes qui l’entourent.

En effet, sur les coups de 11h, nous partons avec Pierrick pour La Moya, un autre village du canton où ont été créés dernièrement un Musée de la montagne, une petite boutique et un restaurant communautaire. 3 chambres ont également été conçues au-dessus du restau afin d’être en mesure d’accueillir des touristes sur plusieurs jours. De plus, 3 nouvelles chambres (doubles) devraient être rapidement terminées. De quoi attirer des groupes Allibert – ou d’autres agences de trekking – dans le futur ? C’est tout ce qu’on leur souhaite ! Le potentiel est énorme. A charge pour les communautés mais surtout les municipalités et le Ministère de la Culture d’en faire la promotion.

Actuellement, ce sont quasi uniquement des passagers d’un train touristique qui s’y arrête le weekend, le temps de faire la visite du musée, d’éventuellement acheter un souvenir ou deux et de déjeuner un délicat met traditionnel, copieux qui plus est. Le padre énumère pour nous les mythes et légendes de la province de Calpi et du « Chimbo ». La principale raconte que ce dernier mit un coup de gourdin sur la « tête » de l’Altar qui convoitait de trop près sa femme Tungurahua. C’est ainsi que l’Altar aurait obtenu cet aspect charclé qui le caractérise de nos jours.

Durant la visite, une dame me fait goûter de la farine d’orge avec laquelle je m’étouffe. A part ça, c’était fort goutu ! Avec Steven, on se dit que ça passerait « crème » au petit déj’. Enfin, nous entrons dans la reconstitution d’une caverne qui se trouverait quelque part à l’intérieur du Chimborazo et où serait enfoui un trésor constitué d’objets en or. Pierrick a entendu un jour un habitant du canton lui avouer avoir découvert cette grotte. En vrai ou en rêve, il ne savait plus… Comme dit le padre : « à la limite, qu’est-ce que ça peut bien faire que ce fut réel ou pas puisqu’il l’a vue ». Pour les indigènes, la frontière avec l’imaginaire est souvent bien mince, voire.. imaginaire.

Ce qui m’a personnellement le plus marqué lors de ce cheminement culturel ? Le paramo. Du goût pour les efforts, les hieleros* (= mineurs de glace) en avait lorsqu’ils allaient creuser la moraine du glacier du « Chimbo » jusqu’à 5 100m. Par amour pour leur métier mais aussi par vocation. Ceci, en vue d’en extraire des blocs de glace qu’ils enveloppaient ensuite dans de l’herbe touffue du paramo. Cette prairie froide de haute altitude capable de réguler les écoulements d’eau issu du volcan. Avec cette sorte de paille brave, en plus de sa fonction thermique, les hieleros étaient même capable de tisser des cordes en un rien de temps avec, leur permettant ensuite d’attacher les blocs sur le dos des ânes ! De véritables magiciens de la montagne.

Il ne manquait plus que nous mangions un morceau de gâteau pour la fête des mamans, ce que nous fîmes en allant récupérer Yolanda et Sairi à Riobamba, et la journée fut parfaite. Et pour couronner le tout, la sœur de « Yoli », son mari et ses parents vinrent à la maison du padre notamment pour voir et essayer notre vélo tandem. Une franche partie de rigolades. A voir Yolanda essayer de pédaler derrière l’auguste Steven.. Elle qui martelait n’avoir pas assez de force dans les jambes. Il est vrai qu’il ne s’agissait que de tours de jardin. Mais ça restera à coup sûr dans les annales de notre voyage. Si nous ne sommes pas paranos, y a que la météo de la semaine écoulée donne le droit d’être inquiet. Alors, on va profiter d’être chez le padre pour descansar et continuer à s’immerger autant que faire se peut, en quête non pas du ciel mais de l’essentiel, avant de retrouver nos pénates dans une semaine tout pile. Carpe andiem

 

*Il n’en reste plus qu’un : Baltazar le dernier hielero, plus qu’un roi mage, il s’agit d’une légende vivante.

 

Lun.15/5 : « La delicateza » - Tandis que je marchais dans la rue ce matin, pour aller chercher du pain, je vis de nouveau des vaches mastiquer des feuilles de maïs et, chose encore plus étonnante, des bananes plantains. Pas de déchets. Rien ne se perd, tout se transforme. Tout (ou presque) a son utilité ici. Les femmes indigènes connaissent chacune des plantes, leurs propriétés et leurs rôles. C’est ce qui me manque, ce qui nous manque bien souvent, c’est justement ça. Cette circonvolution. Décrire des cercles écologiques et économiques. Pas tourner en rond mais faire en sorte qu’il n’y ait point de gâchis et anticiper cela. C’est pas « circulez, y a rien à voir », c’est plutôt « faites circulez, vous allez voir ! ». Et si l’on parvenait à faire des ricochets circulaires sur l’eau où le caillou te reviendrait dans la main.. Comme une promesse. Tel un message t’intimant de te sublimer pour être dans le simple, le concret et le responsable.

Un peu après 9h, nous décidons d’aller faire quelques frappes avec le ballon de Sairi. Au souvenir de notre adolescence qui tourna pas mal autour de la balle ronde, blanche puis orange pour Steven.

L’occasion de faire une séance de « Luc léger » - consistant à alterner allers rapides et retours plus lents – étant donné que nous sommes plutôt maladroits et qu’il n’y avait pas de filet dans et derrière la cage. Pas de filet non plus avec les éleveurs du village vivant à proximité des terrains de foot. Une femme de mon âge, accompagnée de ses 2 filles, nous aborda ainsi quasi spontanément, sans crainte, pour bavarder quelques minutes sur la différence et la chance de voyager pour la constater, s’en imprégner et s’enrichir avec. Un témoignage rafraichissant d’une beauté authentique, incomparable. Comme quoi le foot peut aussi t’ouvrir des portes insoupçonnées.

Après quoi nous avons dû prendre congé de ce bout de femme pleine de vie et d’envie d’avancer, de donner une bonne éducation – avec ses armes – à ses enfants pour qu’ils puissent un jour, pourquoi pas, eux-aussi, se rendre en Europe, en Asie, etc., pour faire la promotion de leur magnifique région. En tout cas, nous la ferons d’autant plus volontiers que nous avons rencontré durant ces derniers jours de voyage des personnes formidablement ouvertes, curieuses et joviales.

Par ailleurs, mettre la main à la pâte a pris un sens nouveau aujourd’hui : « Bike Andes Pâte » à quiche. Imaginez-vous, avec Steven, nous n’avions jamais réalisé nous-mêmes de pâtes brisées en 52 ans d’existence réunies ! Ça craint, on sait. Mais, ça y est, on y a remédié. Il fallait venir en Equateur pour briser cette malédiction de la fénéantise doublée d’une peur bleue de ne pas arriver à agréger les éléments. Alors que c’est bête comme bonjour ! Enfin, c’est faisable quoi. Du coup, ce midi, c’était pommes de terre sautées et tarte aux avocats et champignons. Pas ouf mais correct connaissant la renommée des cuistos.

L’après-midi, je partis avec le padre et Sairi à Riobamba pour aller consulter Liliane, une française naturopathe et magnétiseuse, ancienne infirmière en France, donc avec pas mal de cordes à son arc.

Pendant ce temps, Pierrick se rendit à sa réunion avec le gars en charge de l’électrisation du canton et bonne nouvelle, l’acienda et le site près de Palacio Real où sera bâti le centre de lamathérapie seront reliés au réseau. « Lily » me tâte les pieds et psalmodie en même temps le nom de la plupart des virus sévissant dans le pays et les 120 parties du corps susceptibles d’être troublées. Elles détectent chez moi 5 parasites dont une bactérie enquiquinante. Mais elle me rassure tout de suite : ça se soigne ! Sa façon de pratiquer, en traitant 4 personnes à la fois dans son cabinet, dans la même pièce, m’étonne mais ne me déroute pas pour autant. Au contraire, je dirais même que c’est une manière d’exorciser certaines maladies à la frontière avec le psychologique. Ainsi, vous vous retrouvez avec des gens à côté de vous qui déclare ne plus arriver à avoir d’enfant ou ayant des incontinences à répétition. Troublant donc et un peu gênant, forcément, au début. Mais finalement pas si con comme je viens de l’écrire. C’est comme lorsque les chamans exercent leurs soins. Tout le monde passe simultanément et tu te retrouves confronté à des situations pour le moins étranges où des cochons d’inde purifient des individus, où un œuf cassé dans un verre d’eau est capable de déceler qu’une femme est enceinte, etc.

Les aimants ça détend ! Sairi ne s’est pas fait prier pour s’endormir. Direct en arrivant dans le dispensaire et ce jusqu’à qu’il faille se mouvoir de nouveau pour rentrer à la maison. Espérons que ses sinus sont définitivement soignés. Moi, je dois revenir demain matin.

Steven, parallèlement, a bien avancé sur le comm’ autour de la fin de l’aventure. Ne nous reste plus qu’à convaincre Vitam / Migros de tenir leur engagement de départ, à savoir aider Ahuana à financer la construction du centre de lamathérapie, sachant que celui-ci servira avant tout aux enfants trisomiques des communautés de la province de Calpi. Pierrick a vraiment besoin de cet argent et on le comprend, c’est l’un des gros volets du projet.

Nous terminons la journée sur une courte séance de renforcement musculaire, des croque entre messieurs, le petit Sairi étant retourné chez sa maman à Riobamba, et des discussions politiques dépassionnées. On commence vraiment à sentir la bise de nos montagnes poindre dans nos narines, le goût salé du saucisson aux noisettes ou encore la texture du reblochon sur un quignon de pain bien cuit sur notre palet. Royal. La nuit dernière, j’ai rêvé que je rentrais en France. Cette nuit, j’espère que je gravirai le Chimborazo ou alors que je découvrirai la porte qui mène au trésor caché du volcan. Il ne nous reste plus que 2 jours et 2 nuits pour cela ! Carpe andiem.

 

Mar.16/5 : « Les évadés » - Parfois lors de ce périple, avec Steven, on ne put dormir. Trop pensif, trop concerné et soucieux pour nos projets à écrire, à venir, en un mot à ne surtout pas rater. Telle une promesse. Comme un message.. Alors tu écoutes du Chopin après avoir versé une larme en voyant la dernière scène – émouvante – d’un film. Classique vous nous direz. Alors qu’il est à peine 6h du matin et que tu croyais avoir suffisamment dormi, tu ressens tout d’un coup une pointe de fatigue, les yeux qui picotent d’avoir regardé « Les évadés » puis de tapoter sur ton clavier sans une once de lumière. Tu es prêt à t’abimer un peu les yeux pour tenter de décrire tes émotions car tu as l’impression que c’est important. Cette histoire extraordinaire t’a bouleversé, autant que la première fois.

Alors tu te sens presque, non pas presque mais tout à fait criminel d’être là à ne rien glander. En fait, tu aurais presque aimé être à la place du personnage principal tellement il est grand et détient de la grâce dans sa capacité à garder espoir et à éprouver de la compassion pour autrui. Tu aurais voulu être un assassin repenti, réhabilité et devenu enfin un être superbe de bonté. Mais pas besoin d’avoir tué ou volé, ou échoué dans quoi ce soit pour se rendre compte et prendre totalement conscience de cela. Situation quelque peu grotesque peut-être.

Faire du sport, aller en montagne, voyager c’est bien. Aimer, (aimer aller) travailler et, selon moi, aider son prochain c’est d’une bien plus haute gravité. Voyager – tout en faisant du sport en allant en montagne – semble être l’une des clés pour libérer les/ses énergies. Je remercie Dieu, la vie, et tous ceux qui nous ont soutenus dans cette aventure de nous avoir permis de devenir ce que l’on est aujourd’hui, c’est-à-dire des personnes plus concernées, impliquées, plus sûres d’elles aussi. Plus sûres encore de ne rien savoir et plus sûres encore que feindre savoir est une hérésie majeure ; l’humilité, l’honnêteté et la réciprocité étant le socle de toute communauté qui fonctionne et d’un monde qui tourne. Rond, circulaire, rotatif.. On pourrait tous les énumérer mais l’idée est là je crois. Savoir donner sans attendre en retour. Savoir recevoir sans s’attendre à donner en retour.

Et il y a l’espoir, l’Espoir. « L’espoir est une bonne chose, voire la meilleure de toutes. Et les bonnes choses, c’est éternel ». Dans la vie, on est soit pressé de vivre, soit pressé de mourir. Choisis ton camp. J’insisterais simplement en disant qu’il n’est pas toujours nécessaire et souhaitable de vivre dans l’empressement. En revanche, être empressé de vivre, oui ! Par exemple, après un tel break initiatique dans notre existence « polie », sur un océan avec finalement assez peu de vagues jusque-là, plutôt pacifique, je ne rêve que d’une chose : ne plus avoir le temps d’écrire autant. Être davantage dans l’action. La vie semble être constituée de cycles. Circulaires, toujours.

Les chiens du quartier, dont celui de Pierrick, n’auront pas arrêté d’aboyer entre 2h30 et 4h du matin en gros. Un sacré tintamarre. Au bout d’un moment tu te dis : « ‘tain, y en a marre ! ». Mais bon c’est comme ça en Amérique du Sud. Dès qu’un chien étranger entre dans le territoire d’un gang, c’est la cohue. Et puis il faut dire aussi que le berger allemand du padre est un molosse. Steven ne doit pas être loin du compte quand il dit penser que le « cleps » fait 60 kgs. Quand il longe l’allée devant la maison qui donne sur notre chambre en courant, il fait autant de bruit que douze chevaux au galop sur le quinté de Longchamps !

Steven vient de me dire que le chien est en train de creuser un trou de 50 cm de profondeur. Lui aussi semble vouloir s’évader, être libre..

En attendant Liliane dans l’une des rues perpendiculaires qui mène à la celle où est situé son dispensaire, un petit garçon attend que quelqu’un vienne le récupérer, certainement pour aller à l’école. Il tient à la main un sachet noir avec un ballon à l’intérieur et tape dans celui-ci, exerçant une forme de jongles. Je me revois dans ce nino 20 ans plus tôt, faire exactement pareil de l’autre côté de l’atlantique. On le sait déjà mais c’est tellement rassurant et ça fait tout simplement sourire de voir qu’on est tous pareil. Si on ne nait pas tous pareil, qu’on n’a pas tous les mêmes goûters pour les récréations ou la même éducation de manière générale, on a bien souvent les mêmes comportements et des rêves similaires.

En en discutant avec « Lily », cette dernière m’avoue que le contraste est saisissant voire choquant entre nos méthodes d’éducation et la façon pour le moins laxiste d’élever un enfant ici. Elle n’a pas tort en affirmant qu’il s’agit d’un bon moyen pour eux d’apprivoiser leur liberté. « S’ils se crèvent un œil et bien ils ne recommenceront plus ! ». J’adore l’humour de cette ancienne sœur, cette sainte venue soigner les équatoriens, en particuliers les amérindiens, à partir de la médecine naturelle. J’ai presque un peu honte de profiter ainsi de son talent et, comme elle l’affirme haut et fort, de sa passion avant tout. En même temps, j’étais le seul patient ce matin jusqu’à mon départ à 9h30 passées. Il aurait fallu que je filme notre conversation et ce témoignage fort intéressant sur son expérience dans le pays depuis qu’elle s’y est installée en janvier 2001. Volubile, magnanime, elle raconte aussi drôlement bien les histoires et rigole sans arrêt, même pour des choses graves. Comme la fois où un médecin de campagne sous-qualifié prescrivait à chacun de ses patients, quel que soit leurs symptômes, la même chose, à savoir un antibiotique et du calcium. C’est pourquoi, à la cinquième personne qui vint voir Liliane dans son cabinet après avoir consulté le toubib en question, avant que celle-ci ne lui dise ce que le docteur lui avait administrée, elle répliqua : « tiens, je pari qu’il vous a dit de prendre ça et ça ». Et voilà comment elle partit ensuite dans un éclat de rire cristallin.

Elle reproche en outre aux dirigeants et autres administrateurs (publics) de laisser encore la possibilité, dans certains domaines et dans certains cas, d’acheter tel ou tel diplôme. Quand il s’agit du permis de conduire, passe encore. Quant aux diplômes de l’ordre du médical, à l’instar du sien, ou de ceux d’avocats, ça devient plus embêtant. C’est ainsi qu’on trouve encore beaucoup trop de charlatanisme et donc de corruption dans ce pays et dans toute l’Amérique du Sud. C’est pourquoi il y a encore beaucoup de boulot si le pays veut s’émanciper davantage. Toujours selon elle, l’un des principaux problèmes propres à une large frange de la population, c’est le manque d’intérêts et d’envie pour les études et la création en général. En gros, les sud-américains les moins aisés, quand ils ne sont pas agriculteurs, préfèrent ouvrir une petite boutique dans leur garage au coin de la rue et vendre, un peu tout et n’importe quoi. Et ce, le plus souvent, en n’étudiant pas franchement le marché existant, la concurrence, etc. Alors, ça dure un temps, ça peut marcher du feu de Dieu. Mais, globalement, ça foire assez rapidement. Le magasin de « viveres ferme au bout d’un mois », les gérants, fauchés, étant obligés de mettre la clé sous la porte.

Suite de mes aventures « magnétiques » jeudi matin avec Lily, mon ange d’Équateur. J’ai hâte. Surtout que Pierrick me propose de lui proposer qu’elle continue à me suivre à distance une fois rentré en France. J’aurais aimé que Steven la connaisse aussi. Mais il n’avait pas besoin de faire une révision (technique) ce coup-ci. Liliane m’a quand même dit que le cyclotourisme n’était pas forcément conseillé lorsqu’on avait déjà des troubles intestinaux, que ça n’avait/allait pas arrangé l’affaire. Logique.

Pour retourner chez Pierrick, je prends un bus de la compagnie « Condor ». Après à peu près 30 minutes d’attente, el condor pasa et je m’installe à l’avant du véhicule. Pas de chance, celui-ci a fini son service. Je dois donc immédiatement changer au niveau de la gare routière. De nombreuses marchantes ambulantes font un crochet commercial dans l’autobus. Sans succès. C’est drôle de voir des gens te vendre de la bouffe ainsi alors qu’il est clairement affiché que c’est interdit de manger à l’intérieur. Ça c’est tout le charme de l’Équateur. C’est aussi surprenant de voir le chauffeur s’arrêter au bord de la route – pas pour aller pisser mais ça aurait très bien pu ! – pour aller mettre de l'essence (sans couper le moteur), pointer ses heures, etc. Le mec fait sa vie quoi.

A compter de la fin de matinée et ce jusqu’à 15h environ, nous trions et coupons les chutes de bois dans le réduit à gauche du patio en herbe quand tu y accèdes depuis l’extérieur de la maison. Une petite contribution en échange du magnifique accueil que nous aura réservé le padre et sa « cuisinière ». La vie est calme, il fait beau (enfin !). Le petit bois sèche. Le petit se promène avec son lapin sur sa tête puis sur son skate-board. Malgré les torsions répétées, l’animal est d’une docilité !

Un petit coup de ménage dans la cuisine est hop, la maison-gîte est prête à accueillir 2 nouveaux clients (payants), québécois – yes, on va s’marrer avec leur accent ! – tout à l’heure. Une demi-heure / trois quarts d’heure de running et hop nous sommes prêts pour notre première course dans une dizaine de 10 jours. Non c’est une blague. On ne va pas avancer d’un caramel sur le plat. Par contre, en montée il est possible qu’on ne soit pas trop « charrette ». A ver. Le plus important, comme toujours, sera de prendre du plaisir sur des sentiers et dans des décors qu’on connait bien et qu’on a hâte de retrouver, chacun un peu chez soi. Et pis, le fait de se replonger dans la compétition, face à des amis parfois, des mecs qui ont les crocs, des flèches, des fusées, etc., ne nous fera pas de mal.

Il est 21h12. Une belle heure je trouve. Hormis que ce soit les deux même chiffres, inversés, qui encadrent le « h », je ne saurais pas bien expliquer pourquoi à vrai dire. C’est juste qu’on a encore très bien mangé grâce à « Yoli » et à ses deux commis de cuisine qui n’ont pas.. commis de grosses boulettes. En autant 3 jours, on a autant cuisiné qu’en 1 an de colloc’ avec Steven. C’est dire qu’on partait de loin. Il n’empêche, au cours de ce voyage, on aura pioché plein d’idées pour cuisiner des plats un peu plus élaborés que le mythique « riton ». C’est décidé, en rentrant, on se met aux fourneaux ! A force de manger du pain blanc, on a le bidon qui grossit. Gras comme des cochons les types. C’est pas des conneries ! Hormis ces petits ballonnements dus également aux dépassements de la « vitesse » autorisée de 5 fruits et légumes par jour, on pète la forme !

On se replonge dans nos BDs. L’urgence de vivre. Demain matin, réveil à 6h pour participer à la préparation du petit déjeuner pour le couple de canadien avant de partir pour notre ultime défi : le refuge du Chimborazo (4 800m d’alt.) en tandem. 38 kms et 1600m de D+. Pendant qu’eux « lô » iront à la mine de glace à cheval. Vu la taille du Mr, il risque d’avoir les pieds qui touchent par terre. Steven en avait fait la savoureuse expérience il y a un an et demi. Enfin, y verront bien les (couillus l’) caribous du Grand Nord. Carpe andiem.

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Mer. 17/5 : « Mes amibes, mes amours, mes emmerdes… » - « Cours pour ta vie » - Cours toujours, on ne sait jamais. Cours pour la vie des autres. Deux jeunes canadiens, québécois exactement, passés par l’école où travaille « Chantôl », partis depuis peu pour parcourir 7000 kms environ en relais, le tout en 7 mois. Une traversée musclée du Canada d’est en ouest. Balèze les mecs. Belle initiative, à suivre.

Son mari, non pas René mais Roger, est tellement drôle quand il s’adresse au chien de Pierrick : « tu as vu le beau bâton ? Il est beau le bâton, hein qu’il est beau.. ? Euh.. Roger, t’approche pas trop quand même, c’est un molosse le truc. S’il te saute dessus, il va te faire danser le bambuco, tu vas pas comprendre ce qu’il t’arrive ! Un être sensible le Roger, qui aime donner de son temps pour les enfants. Ce qu’il fait avec Sairi. Puis, ce sera à notre tour de jouer avec le gosse et sa boîte de fruits et légumes en plastique. Chez nous, un môme tout seul jouerait 5-10 minutes à la dînette, pas plus. Sairi non. Il est vraiment différent, n’a pas un mauvais fond finalement. Il est même plutôt généreux – il insista même pour aider sa mère à faire à manger tout à l’heure. Il n’a juste pas appris les « bonnes » manières et lorsqu’on est pas accoutumé, comme nous, on prend une claque. Lui non, il n’en prend jamais. Le geste de la (panpan) fessée, ça sert à rien de le menacer avec, il ne connait pas.

Le repas de ce soir fût une nouvelle fois fastueux : une soupe avec notamment de la tomate suivie d’un gratin de pommes de terre – feuilles d’épinard et une tarte à la rhubarbe en dessert. Le tout arrosé d’un jus de maracuya et de tomates d’arbre. Un délice. Avec Roger, nous faisons ensuite la vaisselle. Il essuie les « chaudrons » (= casseroles en français de l’hexagone). Avec sa compagne, il dessine un décor de sierra équatorienne composé d’un volcan (le Tugunrahua, la femme du « Chimbo » ?) crachant des volutes de fumée, avec 2 chevaux pâturant et ce, tel que commandité par Sairi dont c’était le devoir pour demain.

A part ça, nous avons été ce matin jusqu’à l’entrée du parc du Chimborazo à l’occasion de notre dernière sortie en tandem avec Steven. La der’ de « Bike Andes Peaks ». Nous avons fini, comme il se doit, sur une ondée, à la limite des giboulés de printemps. On a appris qu’il y avait des loups sur ce territoire. Raison de plus – s’il en fallait – pour revenir au plus vite dans le coin.

A part ça, nous avons officiellement remis notre tandem à Ahuana lors d’une petite mais fort sympathique cérémonie en présence du padre, des dirigeants et des volontaires français de l’association. Une bière dans une main et un verre de jus de quinoa dans l’autre, nous avons écouté le discours de remerciement du président avant de sortir devant le restaurant de Palacio Real pour faire immortaliser le moment. C’est à eux qu’il faut dire merci. Et au père Pierrick bien sûr, initiateur et encore aujourd’hui un rouage essentiel de ce travail de valorisation communautaire de longue haleine. Grâce à lui, les indigènes de la province se sentent fiers de leur culture et sont plus solidaires entre eux. Nous sommes heureux d’avoir apporté notre petite pierre à cet édifice de taille. Une anecdote que le padre nous a rapportée sur l’une des communautés avec laquelle il est en lien : un jour, cette dernière n’ayant pas été remboursée d’un prêt d’argent par l’un de ses membres, elle décida de ponctionner la somme due sur le cochon du fautif. Mais, au lieu d’aller vendre la bête et de repartir ensuite l’argent récolté entre les 80 personnes lésées de la comunidad, celles-ci jugèrent plus opportun de partager le porc en 80 morceaux, égaux si possible. Vous imaginez le bordel. La raison invoquée ? Personne n’avait le temps de descendre au marché pour s’occuper de la vente du cochon.

Un père père. A-t-il fait un impair ? Un père qui a une bonne paire de cuy pour faire la fête, capable d’user de termes pas très catholiques « c’est un fils de pute c’ui-là ». On en perd son latin quand on arrive ici. On un peu déboussolé et ça peut laisser perplexe, c’est vrai. Mais, pas besoin de pérorer des heures là-dessus. C’est si clair. Quand on en repart, tout est si limpide. Ce père-là est en avance c’est tout. C’est un homme de Dieu, homme d’Eglise, de foi mais également un humain comme les autres.

On tire un trait sur « Bike Andes Peaks ». On ouvre une nouvelle porte. On ne sait pas bien ce qu’il y aura derrière. De nouvelles aventures ? Si Dieu le veut, certainement. Quand ? A coup sûr, pas tout de suite. D’abord, un bon job, une relation amoureuse (ou plusieurs) réussie(s) et une maison. Se soigner les amibes. Eviter les emmerdes. A partir de là, on pourra envisager les contours d’un nouveau projet sportif à l’étranger. Avec des montagnes quelques part, des gens extraordinaires à rencontrer et de nouvelles histoires à raconter, à nos enfants et petit-enfants. Carpe andiem.

 

Jeu. 18/5 : « Quito double » - On vient de dire au revoir au padrecito (= petit père) en le « checkant ». Gimme 5 padre ! C’est définitivement un personnage Pierrick. Plus qu’un simple personnage, c’est une personne en âge de se rebeller contre certaines règles quelque peu rigides de l’Eglise catholique et de s’élever au-dessus de ce que l’on peut considérer comme des « abbé-rations ». Après tout ce qu’il a fait pour les paroisses où il est passé, pour l’humanité..

Il est parti sans coup férir comme un pet dans l’air pollué de Riobamba, après nous avoir déposés au terminal central de la ville. Quand et où le reverra-t-on ? Ça, Dieu seul le sait. Gracias e que Dio te paga padrecito !

J’aurais aimé mieux saluer les canadiens ainsi que « Yoli » ce matin. Je pensais les apercevoir ce matin, avant de partir pour aller voir Liliane. Mauvais timing. Que pena. C’est la première fois depuis notre arrivée qu’on voit aussi bien le « Chimbo », le jour de notre départ. C’est un beau pied de nez (enneigé) qu’il nous fait-là le coquin. Il nous tire sa langue pleine de glace. On repense déjà à ces héros les hieleros à la limite du mythe, et à toutes ses légendes à la croisée du réel.

Depuis le bus, j’admire pour la dernière fois les Aiguilles de Whymper. Seule la mort pourrait nous empêcher de revenir visiter cette montagne. Et encore.

Le temps s’effiloche. On n’en a plus trop la notion. On n’est de nouveau dans une phase réflexive, la fin d’une retraite sportivo-spirituelle dorée, malgré le ciel gris. Le bus qui nous emmena à Quito a pris 3h30 environ comme prévu. La température affichée sur la borne lumineuse est de 21,7°C. Ensuite, il a fallu négocier le prix du taxi et Steven a été une nouvelle fois très habile. Il a eu du pif le bougre. On s’en est sorti pour 10 dollars. Pas mal. De toute façon, on ne pouvait se permettre de mettre plus sur la table. Le chauffeur navigue entre Equateur, Espagne et France, pour le boulot. Fan du Real Madrid, il obtiendra la nationalité espagnole en 2018. Il dit à Steven, en parlant de la France : « si tu fais 3 enfants, l’Etat il te paye la totalité de ta maison. Tu ne savais pas ça !? ». C’est du moins ce que ces copains qui résident en Europe lui ont dit.

Après-midi reposante, sous la chaude pluie de l’automne amérindien. En effet, suite à de fortes chaleurs, l’orage s’est déclenché aux alentours de 15h. Nous désirions aller faire une petite séance « d’escaliers » mais il fallait garder les baskets au sec pour le lendemain. Donc on a pantouflé.

Lila, la domestique de Carole et Beto, nous offre le repas du midi et du soir. Des économies substantielles pour pouvoir rester – à peu près – dans nos frais. Un régal de poisson surtout. Sans parler des bananes « frites » fourrées au fromage.

Avant d’aller a cenar, nous jouons un moment au 1000 Bornes avec Pénélope, la stagiaire française d’Aventur Ecuador. Puis, on pose le cerveau sur la table de chevet et on regarde « Qu’est-ce qu’on a bien pu faire au bon Dieu » avec Steven. Pas loin parfois d’être un navrant navet mais si on le prend avec légèreté, ça passe très bien.

On s’endort avec l’idée que la fin des fins – comme le dit souvent un certain Emmanuel M. – est toute proche. Le retour imminent. Le début d’une nouvelle ère aussi. Une ère révolutionnaire ? Une ère conditionnée ? Une ère pure et une ère libre.

Que celles et ceux qui ont subi des déconvenues dernièrement se rassurent. Le vent finit par tourner, la tempête cesse et un radieux soleil transperce enfin les feuilles suintantes des arbres du jardin. Tu te lèves en même que la nature se réveille, ragaillardi(e). Le colibri se met à chantonner. Tu sens des particules d’azote et d’oxygène te caresser le front. Tu te dérides, respires à plein poumon, libères ta cage thoracique, plusieurs fois. Tu t’étires les bras, le dos. Tu inspires à nouveau. Tu expires tes peurs, tes angoisses et tes récent « échecs », mates tes manquements et tes torts, et apprivoises ton destin parfois capricieux. C’est quitte ou double. La lumière du levant sur la montagne d’en face est pleine de promesses.. Carpe andiem.

 

Ven. 19/5 : « Sauve qui p(l)eut » - Ca y est, nous y sommes, dans le centre historique de la capitale équatorienne, pas loin de la place du Théâtre. Nous n’irons pas assister à une pièce ce soir. On n’a plus une pièce dans notre banane. Juste de quoi manger pendant 2 jours et prendre le bus dimanche matin pour nous rendre à l’aéroport. Ça ne fait pas de nous des gens malheureux, bien au contraire. C’est sûr qu’il faudra plus d’un bout de pain et d’une tasse de café par personne pour nous caler un coin les deux prochaines matinées à venir. On complétera ce repas frugal par un grand bol de flocons d’avoine et de morceaux de bananes. Y a plein de choses économiques voire gratuites à faire ce weekend. Demain, même si le temps annoncé n’est pas au beau fixe, on tentera d’aller faire un tour du côté des Pichinchas. Depuis l’hôtel, il y a 2000m de D+ à « grimpouiller » sur une distance relativement courte. De quoi nous occuper un moment !

Ce matin, c’était plutôt cool la vue depuis le haut de l’Ilalo, le volcan qui domine les quartiers sud-est de la ville, là où nous squattâmes durant quasi une semaine au total. Un beau calvaire, c’est le cas de le dire, un peu glissant par endroit (on sait pourquoi). On aperçut même le Cotopaxi et les Illinizas assez distinctement, avant que les nuages ne commencent à recouvrir le sommet de ces deux monts. Perchés à 3100m, on est bien à lézarder au pied de la dernière croix – métallique, d’une douzaine de mètres de haut – du chemin. J’ai été un peu surpris de voir que les 2 barres céréalières que j’avais laissées quelques minutes auparavant sur le pied en béton de la croix ont disparu le temps que j’aille un peu plus loin pour profiter du panorama de l’autre côté de la bosse. C’est un père et son fils que je venais de croiser, courant eux-aussi, qui ont profité de ce p’tit ravito improvisé. Ils ont bien fait. Nous, on en avait pas plus besoin que ça. On avait surtout une bonne soif.

En retournant chez Carole et Beto, on fait une dernière lessive à la main. On finit de préparer, la remorque pour Steven, le sac de rando pour moi. On profite ensuite d’un ultime bon repas préparé par la coquette Lila. Avec Steven, on dispute une partie de 1000 bornes à deux jeux chacun. Faut le faire. C’est pathétique, mais ça nous permet de « tuer » une vingtaine de minutes en attendant de prendre le bus. Mon acolyte a réservé dans un hôtel bon marché, bien placé. On dit adieu aux deux « louloutes » quadripèdes qui essayent de profiter de chaque occasion pour sortir de la résidence. Vigilants, nous ne leur laissons aucune chance ce coup-ci. Au départ, Pénélope nous avait conseillé le quartier où nous allons. Puis, en en discutant avec Lila, celle-ci s’est rendu compte qu’il s’agissait en fait d’un quartier un peu craignos, avec pas mal de prostituées – ce que nous avons pu vérifier en arrivant – et de gens potentiellement malveillants. Du coup, on va éviter de sortir jusqu’à 2h du mat’. On va aller faire quelques emplettes puis rester gentiment dans notre chambre de 5m2 pour regarder « Quais des Orfèvres » tient, depuis le temps qu’on veut le voir. C’est le dernier weekend de rattrapage cinématographique, alors on en profite. Après, on retourne aux « affaires courantes ». Carpe andiem.

 

Sam. 20/5 : « Nus et culottés » - On a lancé ce projet nu et culotté. Grâce à X-Bionic et à d’autres partenaires, on n’est pas parti nus. On rentre cul nu – beaucoup d’affaires ayant subi l’usure du temps et des éléments – avec des caleçons bien troués. Ça va faire bizarre de les jeter. Comme les baskets. C’était culotté au départ, parfois pendant. On n’aura pas pris de grosses déculottées, juste quelques claques météorologiques et sanitaires. Le sort nous n’aura pas réservé une fin en boulet de canon avec un bouquet de sommets de plus de 5000. Mais on s’en sort bien dans l’ensemble. On sera quand même souvent passé entre les gouttes, à la minute près. Surtout, on aura fait la connaissance d’innombrables très belles personnes, délirantes, inspirantes et/ou bienfaisantes.

Triste sort donc que de n’avoir pu explorer plus en hauteur certains sites montagneux. Au fond, c’eut été une gageure de tenter plus à fond ces ascensions, c’eut été tenter le diable même. C’eut été une ineptie. Donc pas tant de regrets. Il a fallu se plier aux décisions d’El Nino. Peut-être a-t-il prévenu une bavure de notre part, un accident.. On aurait pu subir un incident en tandem. Ça n’a pas été le cas. L’un de nous aurait pu rester cloué un mois au lit, inapte à la pratique de l’andinisme. On a été préservé également sur ce point.

Aujourd’hui, on a pu monter en haut du téléphérique qui mène aux Pichinchas. Depuis l’hôtel, ça faisait une belle tirée : environ 1300m de D+. De là-haut, nous pouvions contempler toute l’étendue de la métropole équatorienne. Plus on prenait de l’altitude, plus on voyait des gratte-ciels – et non des arc-en-ciels comme je le dis tout d’abord à Steven - supplémentaires surgir au nord, et plus la ville s’agrandissait dans la vallée au sud. Pas banal non plus le fait de marcher dans le paramo, au milieu de riches pâturages qui déboulent sur le cœur historique. Voir deux vaches brouter au bord de la route en pleine banlieue, de nouveau à quelques minutes de l’hypercentre, c’est pas courant non plus. A part ça, on a failli se faire mordre les mollets à plusieurs reprises, à la montée comme à la descente. Ça nous aurait fait une belle jambe tient ! Juste avant de retourner au pays. De plus, on s’est pris un petit coup de « brumisateur » pour regagner l’hôtel. Hormis le Cayambe et l’Antisana toujours pris dans la nasse, le panorama sur le sommet du Pichincha le plus proche était valable, ce dernier ressemblant comme deux gouttes d’eau au Corazon (visité 10 jours plus tôt).

L’après-midi, nous pantouflâmes un moment sur Internet, nous enregistrâmes pour notre vol et finîmes la soirée sur un nouveau film que le padre nous a passé.

Dernière nuit en Equateur, en Amérique du Sud et dans les Andes. Ça fait beaucoup de « dernières » et d’« ultimes » ces derniers temps. Cette fois c’est réellement en train de se passer. Finie cette vie de bohémiens et de boulimiques de montagne où nous fûmes pachas puis parias, alternant entre galères pas possibles et confort total. Cinq mois et demi qui se sont écoulés comme un éclair s’abat sur la pointe d’un volcan. Cinq mois et demi qu’on aura vu passer malgré tout, quand nous étions le cul sur notre selle, au milieu de la sierra ou quand nous attendions la bonne fenêtre pour effectuer une tentative d’ascension au sommet. Au sommet de quoi ? A « sommet » fait souvent écho le terme « assommé ». Assommé par l’effort pour se hisser à de telles altitudes. Assommé ensuite par le contrecoup. L’andinisme ou le cyclotourisme dans les Andes, pour des européens comme nous, c’est épuisant, éreintant. Jouissif mais éreintant. Alors, nous voulons – une dernière fois – tirer un grand coup de panama à tous ceux qui nous ont précédés, qui nous ont ouvert et tracé la voie et qui nous ont permis d’entrer à jamais dans la Famille des voyageurs à vélo. Pas sûr que l’on reparte de sitôt. En revanche, après ça, ta vie n’est plus la même. Elle prend forcément une autre tournure. Ton prisme philosophique a évolué. Il s’est agrandit. Au sommet de notre existence ? Certainement pas. Nous sommes toujours au pied de celle-ci. Nous attaquons à présent une montée escarpée. Il ne faut jamais l’oublier mais « quand tu es arrivé en haut de la montagne, continue de monter. » Carpe andiem.

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